La Couronne de Cuivre

Sylvia avait écouté avec le regard brillant d'admiration, hésitant peut-être à le croire pour ce qui était de la demi-douzaine. On voyait à quel point elle rêvait de vivre semblables aventures. Et sa dernière phrase lui fit hausser les épaules, amusée.
- Bah, c'est normal, son histoire s'arrêtait au moment où vous êtes revenus... Ça aurait été hors sujet de se venter de ses frasques nocturnes ! Et puis, après tout, il a bien le droit de coucher avec qui il veut... Surtout si elle est très belle ! Il n'a pas d'attache, lui...
Elle sourit.
- Toi, en revanche... Es-tu certain de vouloir en avoir ? Vraiment, vraiment, vraiment certain ?

Il l’enlaça à nouveau avant de répondre d’un ton à mi-chemin entre l’amusement et la passion. Il préférait taire les engagements plus ou moins incertains que le barde avait contractés car cela ne concernait que lui :

- J’en suis certain. Et pourquoi le regretterais-je surtout qu’elle est très très très belle.

Puis, il ajouta dans un murmure au creux de son oreille :

- Et moi ? Aurai-je ta permission pour faire l’amour à qui je veux ? A la seule que je veux en fait… T’ai-je précisé qu’elle était très belle ?

La rôdeuse rit. Et rougit fortement sous le compliment.
- Mais arrête avec tes compliments ou je vais finir par te croire ! Et j'accepte... uniquement si ce traitement de faveur m'est réservé à moi à l'exclusion de toute autre ! Je ne te partage pas !
Et elle se mit à l'embrasser, doucement, passionnément...
- Mais il faudra attendre ce soir je crois... les autres vont revenir...
Et elle l'embrassa à nouveau avec fougue.

Kasumi avait failli répliquer mais la rôdeuse lui avait à nouveau fait oublier sa repartie par la douceur absolue de ses baisers. Il eut d’ailleurs bien du mal à s’en détacher et avait la voix un peu rauque quand Sylvia le laissa souffler enfin quelques secondes :

- Mmmhh, si te faire des compliments continue de te donner ce si joli teint que j’adore et que tu me récompenses de si doux baisers, je ne vois pas pourquoi je m’arrêterais ! Mais tu as raison : il ne s’agirait pas de choquer nos amis elfes et - pire encore – de fournir une nouvelle occasion à Tilmandil de souligner que nous échappons aux corvées matinales. Et une dernière chose : tu ne perds rien pour attendre et c’est un engagement !

- J'espère bien, murmura-t-elle en l'enlaçant pour l'embrasser à nouveau, toujours aussi passionnément, décidée visiblement à le rendre fou de désir... tout en lui interdisant de l'assouvir. Cruel supplice.
Un craquement de branchages annonça le retour d'Eärundra et de Tilmandil, et elle s'écarta de lui. Ils étaient chargés de fruits pour le petit déjeuner. Le barde se contenta de les saluer, s'efforçant de se comporter comme si de rien n'était, estimant sans doute avoir déjà tenté de s'expliquer la veille. Et la druidesse se chargea de préparer le petit déjeuner, dans une atmosphère que le silence gêné de Tilmandil gâchait quelque peu...

Le rôdeur avait le regard un peu vague quand les elfes apparurent. Heureusement, ils s’étaient annoncé pour ne pas les surprendre, Sylvia et lui, il n’était pas dupe. Tandis que la druidesse préparait le repas, Kasumi lui adressa un sourire un peu gêné puis choisit de commencer à démonter les tentes, plus pour échapper à sa gêne envers Tilmandil que par réelle urgence. Si le barde attendait qu’il fasse le premier pas, il attendrait probablement longtemps encore !

Tilmandil ne fit pas le premier pas, soit qu'il estimait l'avoir fait la veille au soir en venant lui parler, soit qu'il préférât laisser passer du temps pour que la rancoeur de Ksumi retombe. Il resta silencieux, perdu dans ses pensées, tandis qu'ils levaient le camp et reprenaient la piste. Celle-ci était toujours aussi nettement tracée, et les bois alentours toujours aussi denses. Trop denses pour y craindre la présence de gros prédateurs. Néanmoins, les rôdeurs passèrent devant à la suite de Léo, et Eärundra ferma la marche. Comme la veille. Mais dans une atmosphère plus lourde, plus silencieuse.
Ils virent un peu plus loin les traces d'un campement, le troisième depuis qu'ils avaient abordé cette partie du périple. Leurs prédécesseurs n'avaient pas avancé bien vite. A se demander pourquoi ils ne s'étaient pas téléportés plus près de leur objectif.
Le temps tourna rapidement à la pluie, et ils ne purent que bénir la densité de végétation : il leur suffit de marcher un peu à couvert pour être complètement à l'abri, même si cela les ralentissait quelque peu. La pause de midi se déroula dans un silence relatif, à quelque pas de la piste trop arrosée, et ils reprirent la route, Tilmandil toujours anormalement silencieux.

Ce n’était pas la première fois qu’il se faisait cette réflexion aussi se promit-il d’aborder la question avec les deux elfes : la magie était-elle perturbée, si près du bosquet ? Une raison qui aurait expliqué le choix de ne pas se téléporter plus près de leur objectif. Et qui leur aurait fait gagner plusieurs jours de trajet.

Mais pour l’heure, le rôdeur estima qu’il y avait plus urgent qu’assouvir sa curiosité. Tilmandil était resté complètement silencieux et, si la rancœur puis le besoin de lui faire passer l’envie de commettre des indiscrétions avait guidé l’attitude du demi-elfe jusqu’ici, il ne fallait pas laisser cette situation perdurer. Elle les mettait en danger en plus de plomber le moral de tout le groupe, lui le premier. Après avoir fait un signe à Sylvia, il ralentit l’allure pour laisser l’elfe revenir à sa hauteur. Comme il ne savait pas trop comment aborder la conversation, il choisit de le faire comme à chaque fois qu’il était gêné, par une tentative d’humour :

- Tu sais, on s’attend à ce qu’un rôdeur reste taciturne et silencieux : cela fait partie du personnage. Mais le silence d’un barde, c’est beaucoup plus inquiétant. Ce n’est tout de même pas cette pluie qui te rend malade quand même ?

Tilmandil haussa les épaules.
- La pluie, oui, sans doute, répondit-il d'un ton amer.
Il se tut un instant, puis finit par ajouter :
- L'inquiétude sur ce qui nous attend plus loin aussi... Et puis, je sais que tu m'en veux pour hier, et... je ne voulais pas me fâcher avec toi, tu sais.

Kasumi prit quelques instants pour formuler sa réponse, tout en continuant de marcher aux côtés du barde en laissant Sylvia gagner un peu plus de terrain. Lui non plus n’avait pas voulu se fâcher mais leurs trop grandes différences de conception amenaient immanquablement ces tensions. Mais ces conceptions faisaient partie intégrante de leur mode de vie et ils allaient devoir apprendre à composer avec. Il parlait bas pour éviter d’être entendu des autres.

- Je m’inquiète pour ce qui nous attend moi aussi : je crois que je ne saurai pas quoi dire ou faire quand nous aurons retrouvé notre père. Et je t’en ai voulu pour hier oui. Parce que tu te mêles de ce qui ne te regarde pas. Comme tous les bardes j’imagine. Et encore plus comme les grands-frères. Je ne suis pas doué pour les relations familiales. Mais j’avais surtout peur que ton initiative puisse blesser Sylvia. Et ça a été le cas mais c’est mon attitude qui l’a blessée. Pas la tienne. Et je crois que ça m’a obligé à m’interroger, à voir les choses en face, à les rendre plus claires, pour moi. Alors, je suis prêt à te pardonner ton manque de tact si tu es prêt à me pardonner ma réaction un rien excessive. Mais je dois tout de suite te dire que tu as raté une belle occasion de recevoir ton cadeau maintenant que tu n’as plus aucune histoire embarrassante à raconter à mon sujet !

Il adressa un sourire timide au barde et son ton s’était fait plus léger, signe qu’il entendait plaisanter pour adoucir ses propos.

Le barde saisit la balle au bond et se précipita dans la brèche, répondant d'un ton taquin.
- Hum... dans ce cas il va me falloir trouver un autre moyen d'obtenir ce cadeau... j'ai quelques idées à ce sujet, ça tombe bien..., conclut-il d'un ton mystérieux. Mais rien de bien original...
Sans s'attarder davantage sur le sujet, il redevint grave un instant :
- Et je ne vois pas pourquoi je devrais t'en vouloir de ta réaction. Tu as bien le droit de te vexer quand tu veux pour tous les motifs que tu veux... Après, je verrai comment je peux mettre ça en chanson... Pas évident, on risquerait de trop te reconnaître... Et ça gâcherait ton image de beau rôdeur ténébreux...
Son ton était redevenu parfaitement taquin.

Kasumi se laissa aller à rire : décidément, ce barde était incorrigible ! Mais il devait reconnaître que cela faisait partie de son charme. Et qu’il ne parvenait plus à lui vouloir, sans doute pour la même raison. Il décida donc d’entrer dans son jeu bien qu’il craigne un peu de le regretter plus tard :

- Je ne vois pas en quoi je devrais me sentir menacé puisque telle n’est pas ma réputation ! Une réputation qui serait d’ailleurs parfaitement injustifiée : je peux être taciturne, loyal à la limite du rigide, sans aucun sens de l’humour aussi, mais jamais, jamais, on ne pourrait me qualifier de ténébreux ! En plus, un rôdeur qui passe la moitié de son temps en ville… Non, franchement, cela casse le mythe des hommes des bois. Et c’était quoi le troisième qualificatif encore plus ridicule que les deux autres ? Tu vois ? Je n’arrive même pas à m’en souvenir !

- Oh, le troisième, c'est celui qui correspond le mieux à la perception qu'a Sylvia je pense ! répliqua Tilmandil sans se démonter. Mais puisque tu l'as oublié, je ne le répéterai pas, je ne voudrais pas courir le risque que tes chevilles enflent trop...
Il avait parlé un peu plus fort, et Kasumi devina que Sylvia dressait l'oreille en entendant son nom. La rôdeuse ralentit son rythme pour se laisser rejoindre. Elle se tourna vers Kasumi en souriant. Un sourire un peu fatigué, mais radieux tout de même.
Eärundra, quant à elle, était trop loin derrière pour les avoir entendu, à moins qu'elle n'ait l'ouie particulièrement fine. La pluie tombait toujours dru, les obligeant à rester un peu à l'abri des arbres, et à ralentir leur rythme. Mais au moins la piste était-elle facile à suivre.

Kasumi avait retourné son sourire à la jeune femme puis n’avait pas hésité à la prendre à témoin tout en lui adressant un clin d’œil complice :

- Ah, ma Sylvia ! Enfin une personne sensée à la vision objective contrairement à celle de mon barde de frère qui ne fait que colporter de folles rumeurs… Est-ce que tu aurais une idée de pourquoi les compagnons de mon père n’ont pas attendu un ou deux jours de plus pour s’enfoncer plus avant dans la forêt avant de l’y téléporter ?

Le barde leva les yeux au ciel lorsqu'on insinua qu'il n'était pas objectif, mais ne dit rien. Sylvia sourit, amusée, mais la question de Kasumi l'obligea à reprendre son sérieux.
- Ils ont dit qu'il n'était pas possible de se téléporter plus près du bosquet sacré. Peut-être que toute la zone est protégée. J'ai cru comprendre qu'il était dangereux d'user de magie par là-bas...
- De magie profane, exclusivement précisa Eärundra qui s'était approchée à son tour en les voyant se réunir. La magie druidique n'est pas touchée, puisqu'elle imbibe au contraire les lieux. Mais effectivement, Cewyn m'a expliqué qu'on ne pouvait pas se téléporter à proximité du bosquet, et que l'usage de la magie était assez aléatoire dans le secteur. Ce qui rendait leur groupe particulièrement vulnérable en cas d'attaque de gros prédateur par exemple...
- Ce qui veut dire... que j'ai intérêt à éviter de lancer des sorts dans les environs ?
- Oh, vous pouvez essayer. Mais leurs effets peuvent être atténués, ou déformés.

Kasumi esquissa une grimace quand la rôdeuse et la druidesse confirmèrent ses soupçons. Si leur groupe était relativement paré pour ne pas être désavantagé par le terrain, autant la grande vulnérabilité du groupe de son père ne manquait pas l’inquiéter. En tous cas, cette nouvelle n’allait pas contribuer non plus à mettre Tilmandil en confiance.

- Il faudra de toute façon que nous soyons tous extrêmement prudents : nous ne serons pas forcément les bienvenus. Les sirènes elles-mêmes semblaient craindre les lieux que nous nous apprêtons à explorer. La diplomatie sera peut-être un atout bien plus utile que des sorts alors je compte sur toi, Tilmandil. Et si nous devions négocier avec des dryades, je te promets de te laisser mener les débats !

Puis, il reprit plus sérieusement :

- Mais il est plus probable que nous ayons affaire avec un chêne vénérable nommé Celd. Voilà qui te ferait une belle histoire à raconter, non ?

- Un chêne vénérable ? Qui porte un nom ?
- Oui, c'est l'histoire que nous ont contée les sirènes...
Les yeux du barde se mirent à briller.
- Effectivement, c'est prometteur...
- Un sylvanien peut-être ?
La druidesse haussa les épaules, un sourire mystérieux aux lèvres.
- Nous verrons bien... mais remettons-nous en route, il nous reste au moins une journée et demie de marche je pense.

hrp : tu peux résumer jusqu'au soir, ou juste remettre en route, ou poursuivre le bavardage, au choix...

La réaction étonnée et ravie de ses compagnons élargit le sourire du rôdeur mais il était effectivement temps de se remettre en route surtout que la pluie continuait à les ralentir. Juste avant de partir, il reprit néanmoins sa position aux côtés de Sylvia, profita de leur relatif isolement pour murmurer d’un ton espiègle :

- Mieux vaut nous dépêcher si nous voulons avoir le temps de chasser un peu avant la nuit. Tous les deux. Si cela se trouve, nous pourrons à nouveau… plumer un canard. Avec de la chance !

Et comme pour renforcer ses propos, il accéléra le pas après un clin d’œil mutin.

Sylvia rosit légèrement, ce qui heureusement ne pouvait pas se voir de dos... seul Kasumi put sourire de la belle couleur pivoine que prit sa carnation.

La route se poursuivit sans que rien n'entrave leur progression. Léo ouvrait fièrement la marche, et il lui arriva une fois ou deux de bondir brutalement, ayant aperçu un gibier à portée. Il parvint à surprendre un lièvre trop peu méfiant et s'en fit un festin, trop vite avalé.
La pluie cessa peu avant le soir. Ils arrivèrent peu après dans une zone qui avait été plus largement dégagée et qui avait servi de lieu de campement, le troisième qu'ils rencontraient aujourd'hui. Cela leur permettrait d'être plus à l'aise pour monter leur campement. Il ne leur restait plus qu'à se répartir les tâches et à s'installer.

Kasumi chercha le regard de Sylvia pour lui adresser un clin d’œil. Il se tourna ensuite vers les deux elfes :

- Je vous propose de nous répartir les tâches comme hier : Sylvia et moi allons essayer de chasser quelque-chose pendant que vous vous occuperez du campement et de la récolte de bois. Enfin, si cela vous convient à tous et que Tilmandil promette de ne pas fouiller dans mes affaires. Je le saurais immédiatement et ma vengeance serait terrible !

Tilmandil promit, bien sûr, bien qu'on ne puisse être certain de sa totale sincérité étant donné son air éternellement malicieux. Eärundra commença à déplier les tentes, lui donnant des directives précises, et Kasumi put noter qu'il avait bien progressé sur ces aspects techniques. Mais Sylvia l'attendait, avec impatience, aussi ne s'attarda-t-il pas à observer les exploits de son demi-frère.
Les deux rôdeurs s'éloignèrent un peu le long du chemin bien tracé. Une fois hors de vue des autres, Sylvia prit la main de son compagnon, sans un mot, savourant simplement le plaisir d'être auprès de lui. Puis ils s'écartèrent du chemin, plongeant dans la végétation touffue. Les ronces étaient nombreuses et il était difficile de progresser de front, au grand désespoir de Sylvia qui dut lâcher la main de Kasumi. Ils entendaient le murmure d'une source, non loin ; sans doute un point d'eau d'où ils pourraient, comme la veille, guetter quelque petit gibier.

Kasumi n’avait pas du tout été convaincu par la promesse de son demi-frère mais il avait vite relégué ses doutes et haussé les épaules en voyant Sylvia qui l’attendait déjà sans dissimuler son impatience. Il eut la confirmation qu’elle souhaitait elle aussi se retrouver seule avec lui quand elle lui saisit la main. C’est donc avec un sourire radieux qu’il avait entamé sa partie de chasse mais il était quelque peu distrait toutefois. Heureusement, il semblait que la chance dusse leur sourire à nouveau et il entraîna immédiatement sa compagne dans la direction d’où provenait le son de l’eau : leur meilleure chance d’attraper une proie rapidement. Il fallait se concentrer, ne pas penser à autre chose. Et puis, s’ils étaient suffisamment efficaces, peut-être leur resterait-il un peu de temps, après tout.

Ils furent efficace... ou peut-être était-ce la chance qui leur souriait particulièrement. La végétation dense était idéale pour une embuscade, et après une petite demi-heure de guet, ils eurent la chance de voir débouler un jeune chevreuil, qui ne résista guère à leurs flèches croisées. Il s'écroula au sol, et Sylvia l'acheva rapidement d'un coup de couteau bien placé. Il ne leur restait plus qu'à ramener leur prise au campement... ou à profiter un peu de jour qui restait. Le soleil était enfin apparu, illuminant le ciel de ses derniers rayons, et la végétation automnale était splendide.

Mais, aussi enchanteurs soient les lieux, Kasumi n’avait d’yeux que pour la rôdeuse qui se tenait à proximité du chevreuil. Le soleil avait remplacé les nuages et illuminait sa chevelure de reflets renforçant encore leur teinte cuivrée, la mettant au diapason de la nature automnale des environs. Et même le ciel crépusculaire semblait vouloir se mettre en accord avec la vision magnifique qu’il avait sous les yeux. Son regard était un peu trouble quand il se rapprocha d’elle lentement, sans un mot comme si le moindre son pouvait perturber la perfection de l’instant. Il avança une main pour la poser délicatement sur sa joue puis la glisser derrière sa nuque. Il acheva de se noyer dans son regard vert sans se soucier de respirer avant de poser ses lèvres sur celles de son amante, presque timidement, comme si c’était la première fois, comme s’il la découvrait à nouveau. Et il n’avait plus besoin de mots pour exprimer combien il la trouvait belle, attirante, exquise. Ses yeux, ses lèvres et ses caresses devaient l’exprimer à eux seuls, plus éloquents que le plus beau des poèmes.

Sylvia ne prononça pas un mot, elle non plus. Leurs mains, leurs corps, savaient exprimer mieux que des mots ce qu'ils ressentaient, ce qu'ils voulaient. Et les battements de leurs cœurs répondaient à leurs souffles qui s'accéléraient, à la même cadence, faisant briller leurs yeux et embrasant leur esprit.
Il y avait un espace d'herbe verte et douce, bien dégagé, juste à côté du point d'eau, et leur présence avait fait fuir tous les animaux à la ronde. Aussi nul ne vint les déranger tandis que Sylvia s'allongeait, l'attirant à lui, l'embrassant à nouveau, reculant autant qu'elle le pouvait le moment de l'étreinte, puis s'y plongeant de toute sa fougue.

Le soleil s'était couché depuis un petit moment lorsqu'ils reprirent finalement la route du campement. Nul doute que tout était déjà prêt, y compris le feu, peut-être même le repas...

Kasumi avait pris le temps de se débarbouiller à la source et de soigneusement peigner les cheveux de Sylvia pour les débarrasser de l’herbe qui s’y était immiscé. Ils étaient ensuite resté nus quelques instants encore, tendrement enlacés, profitant de l’état de félicité où les avait laissé leur nouvelle étreinte.

Il lui avait adressé de nouveaux sourires, de nouveaux baisers au moment de se rhabiller pour reprendre le chemin de leur campement. Puis il s’était emparé du daim et l’avait hissé sur ses épaules sans tenir compte de ses protestations. Elle aurait assez à faire à se frayer un chemin dans le noir sans s’encombrer d’une charge lourde. Avait-il cherché à l’impressionner ? Peut-être un tout petit peu…

- Voyons si Tilmandil a trouvé son trésor ! Comme moi j'ai trouvé le mien.

Nul ne fit aucun commentaire à leur retour. A peine un regard entendu. Eärundra avait profité de leur longue absence pour se laver les cheveux, elle aussi, très probablement dans un autre cours d'eau puisqu'ils ne l'avaient pas vue, et ils flottaient à présent librement sur ses épaules. Aussi drus et longs que ceux de Sylvia. Mais nettement moins flamboyant tout de même.
Le repas était prêt : le daim serait pour le lendemain. Tilmandil se chargea du service, puisqu'Eärundra avait cuisiné, et on leur fit clairement comprendre que c'était à eux de faire la vaisselle puisqu'ils avaient échappé aux autres corvées. La druidesse leur indiqua un autre point d'eau, tout proche, et aucun d'eux ne se proposa pour les accompagner, bien sûr... Un coup monté ? Cela dit, ils semblaient avoir tous deux oublié que Sylvia n'y voyait pas grand-chose dans l'obscurité profonde de la forêt. Difficile dans ces conditions de faire la moindre vaisselle. Mais la rôdeuse, étonnamment, "oublia" de leur faire remarquer leur oubli.

Ce fut donc Kasumi qui se chargea sans regrets ni récriminations de l’essentiel du travail, s’acquittant de la tâche avec l’habileté acquise par l’habitude. Ce faisant, il ne manqua pas de taquiner sa compagne en prenant bien garde à ne pas être entendu des elfes :

- J’espère que tu ne vas pas prendre l’habitude de tout me laisser faire une fois que le jour baisse ! D’autant que j’ai pu constater que tu savais très bien te repérer dans le noir en fait ! Bon, c’est vrai que je suis un peu moins fragile qu’une assiette. Tiens, je vais te montrer !

Il se releva alors pour se placer juste derrière elle et se pencha pour lui saisir les mains, les guidant sur les derniers couverts sales qu’il avait laissés de côté. L’expérience n’était pas très concluante du point de vue de l’efficacité et il avait surtout réussi à copieusement les éclabousser tous les deux mais il ne put s’empêcher d’en rire :

- Bon, finalement, tu as gagné : je la ferai moi-même notre vaisselle. Je serai à ton service ! Pour toutes les tâches que tu souhaiteras me confier !

La rôdeuse rit doucement.
- Tout ça n'était donc qu'un prétexte pour que je sois trempée et que je sois obligée de me déshabiller ? Ne nie pas, je commence à te connaître ! Et que veux-tu dire par... toutes les tâches ? Un massage par exemple, ça pourrait être dans tes cordes ? Hum...
Elle l'embrassa avec douceur. Mais il constata qu'elle frissonnait dans sa tunique mouillée.
- Le problème c'est que même si je me déshabille pour avoir moins, froid, il faudra que je me rhabille avant de revenir près des autres... Alors je crois qu'il va falloir attendre d'être à l'abri des regards...

Le rôdeur entra dans son jeu et répliqua d’un ton amusé et parfaitement innocent :

- Bien entendu que j’ai fait exprès : tu me connais trop bien, je suis transparent ! Et je ne peux pas te promettre de ne pas recommencer si l’occasion se représente. Cela dit, la prochaine fois, je penserai à apporter des rechanges. Pour cette fois, nous ferions bien de retourner amener la vaisselle avant que tu ne prennes froid. Puis nous pourrons nous mettre à l’abri des regards. Et pour les massages… Je dois dire que je ne masse certainement pas aussi divinement bien que toi alors il va me falloir pratiquer très très souvent. Aussi souvent que tu le voudras en fait.

La Couronne de Cuivre

[Haute-Forêt] Quête : Racines