La Couronne de Cuivre

Non, ils n’en étaient pas encore là… Et il n’était pas non plus prêt à assumer la responsabilité de pertes de vies humaines. Pour autant, il n’était pas certain de vouloir s’associer à un massacre en règle de la meute si les précautions qu’il avait prises s’avéraient insuffisantes. En réalité, il se sentait impuissant à gérer cette situation qui le dépassait : sa formation de rôdeur lui avait appris à connaître les spécificités des animaux, leurs habitudes, leurs forces et leurs faiblesses.

Mais rien ne l’avait préparé à communiquer avec eux ou à infléchir leurs comportements. Il aurait peut-être dû se l’avouer et le signaler à Bertrand mais cela précipiterait la battue et le massacre qui allait de pair avec. Alors, dépité mais tâchant de ne pas trop le montrer, il répondit d’un ton renfrogné :

- Non, nous n’en sommes pas là et espérons que ce ne sera jamais le cas.

Son ton laissait clairement entendre qu’il souhaitait mettre fin à la conversation et se remettre au travail sans plus tarder. Au moins, tant qu’il ne ménageait pas ses efforts avait-il l’impression d’infléchir un peu la situation.

Bertrand n'avait rien à ajouter, et ne semblait pas vouloir poursuivre inutilement la discussion, lui non plus. Il se leva et raccompagna Kasumi jusqu'à la sortie, le saluant d'une solide poignée de main en lui souhaitant bonne chance dans son expédition.
Martha, comme promis, lui avait préparé son casse-croûte du jour, avec l'aide de Sylvia -ce qui expliquait sans doute la présence incongrue de fraises mélangées à un reste de viande froide de gibier. Le temps était au beau fixe, et il avait du temps devant lui : la discussion avec le chef de la communauté n'avait pas été très longue.

Le demi-elfe remercia chaleureusement ses deux « nourricières », sincèrement touché que Sylvia ait participé à la préparation de son en-cas : c’était une petite attention mais elle lui avait rendu le sourire, malgré ses idées un brin exotique sur ce qui était bon pour lui.

En quittant le village pour gagner les bois, Kasumi n’avait pas l’intention de retourner voir les loups – en tous cas pas le matin si Première Neige ne lui signalait rien d’inquiétant – mais plutôt de retourner là où il avait perdu la trace de l’ancien bosquet : son intention était de reprendre les recherches en suivant les indications confiées par l’ancienne prêtresse, quitte à passer la journée à repérer où se trouvait le ruisseau qui était censé le mettre sur la voie.

Il prit donc la direction de l'est, puis du nord-est lorsqu'il arriva à la hauteur de la petite éminence rocheuse, traversant une forêt paisible et accueillante, protégée de la chaleur des rayons estivaux par les feuillages. Il faisait moins frais que d'habitude, plus moite : au-dehors, la chaleur devait être éprouvante.
Il atteignit la zone où se trouvaient les arbres ancestraux, puis le ruisseau qu'il longea en direction du nord, jusqu'à l'entrelacs de buis et de chênes verts abritant la résurgence qu'il avait nettoyée quelques jours plus tôt.
Hélas, une mauvaise surprise l'y attendait. Il en eût l'intuition un peu avant d'arriver, sentant une souillure, sensation vague et fugitive comme une fragrance d'ans l'air. Puis une odeur, bien réelle, celle-ci : celle de la charogne. La résurgence qu'il avait tant travaillé à nettoyer était à nouveau recouverte d'un monceau de cadavres en décomposition. Une dizaine de corps sans vie d'animaux dont le sang rougissait l'eau du ruisseau, jetés là volontairement, certains -pas tous- tués par des flèches ou des lames.

Le rôdeur sentit une bouffée de colère s’emparer de lui à l’idée qu’il aurait tout à recommencer à cause de ces cultistes impies qui agissaient dans son ombre. Mais il s’efforça de maîtrise ce sentiment car ce n’était pas le moment de faire n’importe quoi et de se mettre en danger. En souillant la résurgence, ses ennemis avaient peut-être effectué leur première erreur et il était temps d’essayer de l’exploiter : à en juger par le sang, les carcasses étaient encore fraîches et donc récentes.

Peut-être pourrait-il cette fois remonter la piste de ceux qu’il traquait, décidé à être le chasseur et non plus la proie. Mais avant toute chose – échaudé par ses mauvaises surprises précédentes – le demi-elfe chercha à grimper discrètement dans un arbre et à inspecter les environs à l’aide de tous ses sens pour essayer de percevoir une éventuelle menace à l’affût. Ce n’est que lorsqu’il serait convaincu qu’il n’y en avait pas qu’il s’approcherait du lieu souillé à la recherche d’une piste à suivre.

Cette fois-ci, la chance était avec lui. Il eut beau inspecter les environs avec soin, il ne détecta pas la moindre trace d'un quelconque prédateur. Hormis celles du pire de tous : l'homme. Car cette fois-ci, la personne qui avait souillé les lieux n'avait pas pris la peine de dissimuler ses traces. Plusieurs empreintes se croisaient, s'entrecroisaient, et Kasumi reconnût deux types d'empreintes différentes -ou peut-être trois. Les inconnus avaient traîné des corps en provenance de diverses directions, dans un va et viens difficile à démêler. Mais à force d'examiner les lieux, il sembla au rodeur qu'ils s'étaient éloigné en direction de la petite éminence rocheuse, au sud de là où il se trouvait.

C'est donc dans cette direction qu'il choisit de poursuivre ses investigations : il aurait sans doute été plus prudent de retourner au village prévenir Bertrand et solliciter de l'aide mais le rôdeur avait peur de perdre cette unique piste et que ses adversaires en profitent pour se fondre à nouveau dans les ombres. Sa progression n'en fut que plus prudente tant il craignait que ses adversaires puissent se faire aussi discrets que lui et le surprendre sur leur propre terrain.

Les traces étaient nettes, récentes, faciles à suivre : même si elles disparaissaient parfois lorsque le sol devenait plus caillouteux, elles réapparaissaient toujours à proximité. Il semblait évident que les inconnus n'avaient rien fait pour les dissimuler, et cette certitude encourageait d'autant plus le rôdeur à rester sur ses gardes, guettant des signes de présence. Mais il semblait n'y avoir personne aux alentours.
La piste obliqua un peu vers l'est, comme pour contourner l'éminence rocheuse au sommet de laquelle se trouvait le cercle de pierre levée. Peut-être simplement parce que son ascension par ce côté-ci était malaisée. Les inconnus -ils étaient deux apparemment- avaient jusque-là coupé à travers bois, ce qui rendait leur piste d'autant plus facile à suivre. Mais une fois arrivés au pied de l'éminence, leur piste rejoignit un sentier qui la contournait, rendant la progression de Kasumi plus aisée. Les traces étaient moins visibles sur ce sol plus dur, mais elles demeuraient suffisamment nombreuses pour qu'il n'ait aucun doute sur la piste à suivre.

Puis, à nouveau, il dut quitter le sentier, mettant le cap droit sur la colline. Il avait quitté depuis un moment déjà la zone où se trouvaient les arbres ancestraux, et la végétation ici était plus dense, plus épineuse, davantage propice aux embuscades peut-être. Mais tout semblait parfaitement tranquille.
Et soudain, le sol se déroba sous ses pieds. Malgré ses réflexes, il ne put se raccrocher à quoi que ce soit et chuta lourdement sur le sol, deux ou trois mètres plus bas. Il se trouvait au fond d'un trou...

Par la déesse ! Se pouvait-il qu'il se soit laissé prendre dans un piège aussi grossier ? Il aurait pourtant dû se méfier davantage : la piste avait été bien trop facile à suivre pour qu'il ait pu s'agir d'une tentative pour le capturer... Une tentative couronnée de succès grâce à son imprévoyance car il ne disposait d'aucun moyen de prévenir Sylvia et Première Neige était sans doute trop éloignée elle aussi.

Non, il était fait comme un rat mais il ne se laisserait pas pour autant abattre sans combattre, songeant à la confiance que Celd avait placé en lui, à Sylvia et à leur enfant à naître : il ne pouvait pas céder à la panique pour toutes ces perspectives. Il prépara donc son arc au cas où un de ses ennemis se montrerait par l'embrasure au-dessus de sa tête puis se mit à inspecter sa prison de terre, ses parois, son sol, dans le but de trouver un moyen d'en sortir.

La terre étouffait les bruits, et ceux-ci lui parvenaient assourdis. Il devinait les pépiements d'oiseaux, très loin, le souffle du vent qui s'était levé, encore plus loin. Tout semblait normal, calme, paisible. Rien ne traduisait l'approche d'un être humain. Il savait cependant que ses ennemis pouvaient se montrer furtifs, aussi devait-il rester sur ses gardes.
L'examen des parois ne lui livra aucun indice : elles étaient trop abruptes pour être escaladées facilement, et les rares prises qu'il apercevait s'effritaient sous sa poigne. Mais, alors qu'il terminait son inspection en testant, par acquis de conscience, tous les appuis qu'il pouvait trouvé, l'un d'eux ,en cédant, laissa la place à un trou dans le mur. Un trou dont il ne sentait pas le fond. Il semblait y avoir là une galerie, partant en direction du monticule. Une galerie qui ressemblait plutôt à un terrier vu son étroitesse. S'il voulait l'emprunter, il devrait ramper.

C'était dangereux car il ne pouvait absolument pas supposer que la paroi de cette galerie était stable, que sa taille était suffisante ou même qu'elle menait quelque part mais le rôdeur n'avait pas vraiment le choix. Heureusement en tous cas qu'il ne souffrait pas de claustrophobie et qu'il avait déjà pratiqué des boyaux encore plus étroits que celui-ci par le passé...

Mais il n'en avait pas oublié toute prudence : avant de s'engager pleinement dans le goulot, il chercha à déterminer si les parois tenaient un tant soit peu le choc en passant sa main sur chaque bord. Il regarda aussi le plus loin qu'il pouvait pour vérifier s'il y voyait la trace d'une issue ou d'un obstacle.

Il n'y voyait pas grand-chose. La lumière qui parvenait au fond du trou était faible, et la galerie lui apparaissait comme un trou noir, à l'obscurité totale. Mais les parois semblaient solides, pour autant qu'il puisse en juger. Bien sûr, rien ne prouvait que ce serait le cas plus loin. Mais la terre était dure, argileuse, la galerie était régulière. Elle semblait relativement ancienne. Simplement... l'obscurité, une fois qu'il s'y engagea et que son corps fit écran à la lumière, était totale. A tâtons, il découvrit, au bout de quelques mètres à peine, un embranchement : un mur devant lui, du vide à droite et à gauche. La bonne nouvelle était que ce vide-là paraissait plus vaste, peut-être qu'il ne serait pas obligé de ramper. Mais il serait difficile de poursuivre longtemps l'exploration sans un peu de lumière...

Kasumi chercha à tâtons dans ses poches pour y trouver un briquet à amadou. Malgré le risque le fumée n'envahisse le petit espace, il avait besoin d'un peu de lumière et la petite flamme pourrait sans doute le guider en lui révélant le sens des courants d'air, même les plus légers. Il lui fallait trouver une sortie praticable jusqu'à la surface et peut-être aussi comprendre l'usage de ces galeries apparemment artificielles.

Le briquet à amadou ne produisait que quelques maigres étincelles, et Kasumi ne pourrait espérer une vraie flamme qu'en décidant d'enflammer un peu de textile imbibé d'huile. Mais les étincelles suffirent pour réaliser qu'il venait de rejoindre une autre galerie, un peu plus vaste : il pourrait s'y déplacer à quatre pattes, parfois même simplement courbé en deux. Il y avait en outre un courant d'air nettement perceptible, provenant de la gauche -approximativement le sud-est.
Mais il semblait y avoir d'autres embranchements plus loin, à moins qu'il ne s'agisse que d'irrégularités dans les parois. Les étincelles étaient bien trop faibles pour qu'il puisse trancher. Il lui fallait se fabriquer une torche, ou compter sur l'enchantement de son épée...

Le demi-elfe se morigéna de n'avoir pas immédiatement pensé à Etincelles mais il corrigea bien vite cette erreur. Avec cette importante source de lumière, il allait pouvoir explorer les galeries praticables à son aise pour découvrir leur fonction et peut être des indices sur ceux qu'il poursuivait. Il comptait se consacrer à cette tâche avant de regagner la surface dans l'espoir d'obtenir un avantage à exploiter face aux cultistes.

Il put s'avancer, courbé en deux, dans la galerie de gauche, pour découvrir un autre embranchement, à quelques dizaines de mètres. La galerie se poursuivait face à lui, mais une autre partait à droite, et une troisième à gauche, montant légèrement. Sur la droite, là où la galerie était la plus large, il devinait un autre embranchement un peu plus loin. Il semblait y avoir un véritable réseau souterrain sous la petite éminence. Mais le courant d'air, quant à lui, paraissait venir de la gauche, ce qui correspondait à la périphérie de la colline.
Il en était là de ses explorations quand il crut deviner la présence de Première Neige, quelque part à la surface de sa conscience. Elle ne devait pas être si loin qu'il le croyait : peut-être était-elle en chasse ou en exploration avec ses congénères.

Le contact n'intervenait pas forcément au meilleur moment mais il chercha néanmoins à le maintenir pour que la louve lui transmette ce qu'elle était en train de faire et éventuellement où elle se trouvait : il ne voulait pas lui demander de venir à son secours mais il espérait simplement que les loups n'avaient pas en tête de s'approcher du village alors qu'il n'avait aucun moyen de prévenir Bertrand et les bûcherons.

A travers les sensations un peu floues que lui transmis sa louve, il comprit -ou crut comprendre- que les loups effectuaient une reconnaissance dans le secteur, se dirigeant vers la colline. Ils ne semblaient pas aller vers le village, en tout cas dans l'immédiat, et n'étaient pas en chasse -pas encore ? En réalité, Première Neige ne faisait que suivre le mouvement initié par le chef de meute sans vraiment chercher à le comprendre, mais elle ne ressentait pas l'excitation de la chasse, elle était juste concentrée, vigilante. Et Kasumi crut deviner une vague inquiétude à son sujet : que faisait-il, où était-il ? Il comprit, en tout cas, qu'elle se tenait prête à le rejoindre dès qu'il le souhaiterait, et pouvait être là en quelques dizaines de minutes tout au plus.
Tournant le dos pour un moment au courant d'air, par curiosité, il s'enfonça sous la colline, pour trouver un second embranchement, puis un troisième non loin. Le sol par ici était un véritable gruyère, et il devait être tout à fait possible de s'y perdre. Le courant d'air, derrière lui vers le sud-est, devenait déjà plus ténu.

Kasumi tenta de la rassurer par leur lien tout en lui communiquant sa position supposée - sur l'éminence rocheuse - mais décida de continuer à s'enfoncer dans le dédale. Et pour ne pas risquer de se perdre, il laissa une marque sur le mur indiquant la direction d'où il avait senti le courant d'air. Ainsi il pourrait certainement retrouver son chemin sans peine tant qu'il pouvait compter sur la lumière de son épée.

Poursuivant son exploration un peu au hasard, de couloir trop bas en larges galeries, d'embranchement en embranchement, Kasumi finit par retrouver un courant d'air important, venant d'en face de lui -peut-être de l'autre côté de la colline ? Il ne trouva, en revanche, rien de particulier dans les galeries, si ce n'est les traces de rongeurs ou de petits animaux qui avaient pu y vivre. Il dérangea même une colonie de chauve-souris.
Puis, à force de marcher, se rapprochant peu à peu de l'issue d'où provenait le nouveau courant d'air, il finit par trouver quelques marches taillées dans la pierre. Celles-ci menaient à ce qui ressemblait à un nouveau dédale de couloirs, en tout point semblable au premier mais juste au-dessus. Il ne sentait, en revanche, plus le moindre courant d'air à ce niveau-ci.
Première Neige, quant à elle, se rapprochait peu à peu, toujours en compagnie des loups.

Kasumi n'avait toujours pas su déterminer depuis quand ces galeries existaient, si certaines étaient encore utilisées et surtout quel était leur usage. II n'avait aucune idée de l'heure et il ne voulait pas que les loups n'approchent trop près de l'éminence alors que ses ennemis y étaient peut-être à l'affût.

Pour toutes ces raisons, il décida de remonter le courant d'air pour chercher une issue vers la sortie : il serait toujours temps de revenir ensuite explorer le deuxième niveau s'il était encore tôt et s'il ne détectait aucune menace.

Suivre le courant d'air n'était pas très compliqué. Il ne croisa personne, et ne vit aucune trace suggérant que ces galeries puissent avoir été utilisées récemment par autre chose que des animaux. Ce qui ne signifiait pas qu'elles étaient abandonnées pour autant : le sol, dur et sec, rocheux par endroit, ne gardait pas la marque des empreintes de pas.
Il finit par apercevoir, au détour d'une bifurcation, de la lumière. Il dut se courber, la galerie devenant de plus en plus étroite, pour en trouver la source. Mais hélas, la lumière provenait simplement d'un trou semblable à celui dans lequel il était tombé. Près de trois mètres de profondeur, de la terre glaise en guise de paroi, et pas de prise solide à laquelle s'agripper. Un légère brise soufflait, apportant les senteurs de la forêt, s'engouffrant dans les galeries. Mais il devait se rendre à l'évidence : il ne pourrait pas sortir par ici sans aide.

Les loups ne pourraient pas l'aider à moins éventuellement qu'il n'envoie Première Neige prévenir le village mais il ne voulait pas prendre ce risque avant d'avoir épuisé ses autres possibilités ou que la nuit n'approche. Il retourna sous terre pour retrouver l'escalier menant au niveau suivant, espérant y découvrir une issue qui soit praticable cette fois. Peut-être apprendrait-il aussi d'autres choses par la même occasion...

L'escalier montant au niveau supérieur était grossièrement taillé dans la roche. Les marches étaient irrégulières, parfois trop étroites. Et elles menaient à des galeries tout à fait semblables à celles qu'il venait de quitter, si on exceptait le fait qu'il n'y ait aucun souffle d'air perceptible.
La lumière de son épée lui permit de découvrir qu'ici, la plupart des parois étaient rocheuses. Les tunnels avaient visiblement été taillés de main d'homme, et semblaient relativement anciens : les arêtes rocheuses avaient été émoussées par le temps. Mais ils ne contenaient rien de remarquable.
En marquant régulièrement son passage sur le mur pour ne pas se perdre, il constata rapidement que la galerie principale, dans laquelle il avait débouché, était circulaire. Il revint à son point de départ après avoir croisé six bifurcations. En obliquant à l'une de celles-ci, en direction du centre du cercle, il aboutit dans une sorte de salle circulaire de taille modeste, entièrement taillée dans le roc. Elle était complètement vide à l'exception de deux tapis faits de peaux d'ours. Mais sur sa gauche se trouvait un autre escalier, dont les marches semblaient ne conduire nulle part. Ou peut-être était-il simplement fermé par une trappe.

Comme il s'agissait des premiers objets qu'il trouvait dans le complexe, Kasumi prit le temps d'examiner les deux tapis pour tenter de déterminer s'ils étaient récents ou d'antiques vestiges de l'époque du Bosquet. Ensuite, ces vérifications faites, il irait regarder de plus près l'escalier et plus précisément là où il semblait s'arrêter : peut-être parviendrait-il à déterminer s'il trouvait une trappe de bois.

Les tapis n'étaient pas récents : les poils de la toison étaient usés, déformés, couchés en tout sens, signe qu'on s'en était servi de siège ou de couchage peut-être. Mais il était difficile de savoir si cela avait eu lieu dans la veille qui précédait ou plusieurs années auparavant. Ils ne devaient toutefois pas être très anciens, sans quoi ils auraient probablement été attaqués par des mites.
L'escalier, quant à lui, menait bien à une trappe de bois, ancienne mais d'allure solide et particulièrement épaisse. Elle résista à tous les efforts de Kasumi pour l'ouvrir. Soit elle était solidement verrouillée, soit il y avait un poids trop important dessus : peut-être de la terre et des roches éboulées, après tout.

Le demi-elfe n'avait pas abandonné facilement car il prenait conscience qu'il avait peut-être découvert le lieu de villégiature des la secte qui avait probablement détruit le Bosquet par le passé.

Ce n'était encore qu'une hypothèse mais elle lui paraissait pourtant crédible et il poussa la réflexion jusqu'à songer que les deux tapis pouvait encore servir aux propriétaires des empreintes qu'il avait suivies plus tôt dans la journée. Pour autant, il se voyait mal attendre sur place dans l'espoir de confirmer cette hypothèse... Il reprit donc ses recherches d'une nouvelle issue en redescendant au niveau inférieur : il y avait un des deux courants d'air qu'il n'avait pas encore suivi si sa mémoire était bonne.

Il eut quelques difficultés à retrouver le second courant d'air. Les marques qu'il avait laissées commençaient à être nombreuses. Mais il avait une bonne mémoire et il put finalement revenir sur ses pas, retrouvant l'étroite galerie par laquelle il était arrivé et qui menait au puits sans issue dans lequel il était tombé. L'issue, il s'en souvenait, était vers la gauche puis encore à gauche...
Et il se trouva à nouveau dans un puits creusé dans l'argile, n'offrant guère de prises pour espérer en sortir. Mais il était moins profond que les autres, et surtout, il y avait un tronc de frêne d’apparence solide qui poussait en biais, juste au-dessus de lui, au sommet de la paroi du puits. Il ne pouvait pas l'atteindre, évidemment, il lui aurait fallu une corde, mais le tronc n'était pas très loin de ses mains tendues. Il devait pouvoir se bricoler un ersatz de corde avec ses affaires...

Le rôdeur ne tergiversa pas longuement avant de se défaire de sa tunique puis, après une hésitation un peu plus longue, de ses chausses. En les roulant très serré et en faisant un nœud, il put se confectionner une corde assez serrée et robuste pour supporter son poids. Du moins l'espérait-il... Il tenterait ensuite de l'arrimer par-dessus le tronc pour parvenir à l'atteindre et à s'y hisser.

Il lança ses vêtements noués par-dessus le jeune tronc, en récupéra l'extrémité et se laissa pendre pour vérifier la solidité de l'ensemble : oui, ses vêtements supporteraient son poids. Du moins s'il faisait vite et ne jouait pas à se balancer.
Il pouvait prendre appui avec ses pieds sur la paroi tout en se hissant à la force des bras, et il grimpa ainsi, centimètre par centimètre, provoquant à chaque effort un bruit de déchirure un peu inquiétant. Mais le tissu tint bon, et Kasumi parvint à sortir la tête hors du trou et à prendre appui sur le bord. Il fut accueilli par un coup de langue sur le visage, qu'il n'anticipa qu'à la dernière seconde en sentant le contact amical de sa louve dans son esprit. Première Neige était là, à la fois inquiète et soulagée de le voir.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Peyregorde