La Couronne de Cuivre

La drow eut une petite grimace.
" Je ne crois pas que je vais pouvoir le mettre moi-même. Regardez ailleurs, les garçons !"
Raevan se détourna poliment et Mathieu l'imita, un peu moins vif, tandis que Lae soulevait sa robe déchiquetée. Elle avait de gigantesques lacérations sur les épaules et le dos, qui saignaient encore abondamment. Elle aurait certainement besoin de vêtements de rechange.
" Je ne regarderai plus jamais la lune de la même manière... Pour nous autres, drows de la surface, elle est censée représenter l'espoir et l'acceptation de ce que nous sommes... Je n'avais jamais été face à son côté sombre... Même si je suppose que cette lune n'est pas la nôtre... Ce ne sera pas facile de la contempler encore sans un frisson d'appréhension."

" La lune de chez nous ne ressemble pas à celle-ci, répondit doucement Astrée . Elle est... plus petite, moins proche, totalement inoffensive. Tu finiras par l'apprécier à nouveau..."
Elle appliqua le baume avec des gestes doux, songeant que les blessures devaient être terriblement douloureuses.
" Je peux te passer mon pull, si tu veux, le temps de trouver mieux. J'ai une tunique dessous, et ma veste d'hiver, ça me suffira... Ou j'ai aussi une jolie robe de soirée, si tu préfères..."

" Non merci pour la robe. Mais je suis sûre que... oh..."
Au loin, entre les arbres, le ciel s'éclaircissait.
" Est-ce qu'ils n'ont pas dit qu'ils partiraient à l'aube ? On va les rater... Je veux bien ton pull, oui, mais il faut qu'on file."

" Oui, il ne faut pas qu'on traîne. Mais... on ne sait pas de quel côté on doit aller, et notre chien guide a disparu..."
Elle se tut pour ôter son pull de laine. Elle le tendit à Lae et se blottit à nouveau, avec soulagement, dans la chaleur intacte de son manteau. Il faisait un froid de canard dans ce secteur de Féérie.
" Je propose qu'on parte à l'opposé de la colline de la karina... Et il faut espérer qu'on sortira de ces bois pas trop loin de l'endroit où on y a pénétré. De toute façon, il faut bien quitter cette maudite forêt... Donc en route !," lança-t-elle d'une vois plus forte.
Vu les circonstances, il ne fallait pas compter sur Raevan pour prendre la direction des opérations. Et Mathieu était en état de choc, tant à cause de sa mésaventure qu'à cause de l'état de Raevan. C'était donc à elle de les guider, avec l'aide sans doute de Lae... en espérant arriver quelque part. Sachant que s'ils arrivaient trop tard au campement, trouver Kaljivahu deviendrait encore plus urgent.
Mais dans l'immédiat, elle n'oubliait pas la présence probable d'une guenaude : ils devaient rester vigilants.

Ils marchèrent donc, Astrée devant, Lae auprès de Raevan, Mathieu derrière. La nuit cédait rapidement la place au jour, la brume se levait, la forêt qui avait paru si figée la veille gagnait en couleurs, en vie, comme si elle se métamorphosait après un long hiver. La rectitude étrange des arbres se modifiait, leurs racines affleuraient dans l'humus, des mousses colorées tapissaient les troncs, des oiseaux gazouillaient dans les hauteurs. Aucune trace des ruines, cependant, ni du passage de l'armée des feys.
Puis, soudain, Astrée aperçut quelque chose qui arrivait en courant. C'était Fumio, galopant ventre à terre. Il était suivi par trois créatures lancées de plus grande taille qui se révélèrent être un cheval noir, une licorne immaculée et un cerf bondissant. Ils s'arrêtèrent lorsqu'ils arrivèrent à leur hauteur. Fumio agita la queue avec énergie puis clignota, apparaissait et disparaissant à toute vitesse, une sorte de reflet de son excitation.
" Brave chien, dit Lae en s'agenouillant pour le chatouiller. Il nous a trouvé des montures !"

" Bravo Fumio ! Merci !"
Astrée passa ses bras autour du cou du grand chien pour le serrer contre elle un bref instant, entre deux clignotements. Des montures étaient plus que bienvenues dans les circonstances présentes. Ils allaient enfin pouvoir rentrer, et sans s'épuiser... Et avec un peu de chance, le chien pourrait les guider jusqu'aux ruines ou même jusqu'au campement.
Il n'y avait cependant que trois montures, et ils étaient quatre. Soit Fumio estimait que le cheval pouvait porter deux personnes -ils n'étaient pas très lourds, les uns et les autres, les elfes en particulier-, soit il savait qu'elle avait déjà un cheval : c'était peu probable mais rien ne l'étonnait dans ce monde magique.

Elle se demanda si elle devait sortir la pierre de Dimitri et appeler Recha. Ce n'était peut-être pas indispensable, et elle craignait que quelqu'un puisse reconnaître le cheval. Il ne la lui aurait sans doute pas confiée si tel était le cas, mais elle préférait être trop prudente que pas assez.
Mais d'un autre côté...
" Je n'imaginais pas... qu'on puisse monter sur une licorne....," fit-elle d'un ton hésitant.
Elle s'approcha timidement de la créature féérique, impressionnée.
" Est-ce que vous voulez bien nous aider ?"

La licorne fit un écart quand Astrée s'en approcha.
" Ce n'est manifestement pas à toi qu'elle est destinée..." dit Lae en s'approchant à son tour de la fière créature.
Mais la licorne s'en défia tout autant.
" Bon... Je vais essayer le cerf... Ça fait elfique... ou alors le cheval parce qu'il est noir ? Y'a sûrement une symbolique bien tordue là-derrière..."
Mathieu avait grimacé.
" Manquait plus que ça pour clôturer ma nuit..." dit-il à mi-voix.
Raevan, de son côté, attendait qu'on lui dise quoi faire.

Astrée sourit à Mathieu, se souvenant que le jeune homme détestait monter à cheval. Mais il fallait d'abord comprendre ce qu'on attendait d'eux. Elle se tourna vers Raevan.
" Raevan... Allez voir si la licorne accepte de vous prendre sur son dos... Après tout, les elfes sont proches des créatures féériques, donc j'imagine qu'elle est ici plus pour vous que pour nous. Pour le reste..."
Elle haussa les épaules.
" Peut-être que le cerf est pour moi puisque je suis druide... donc proche des animaux sauvages. Cela ne fait pas très drow, il me semble... Et donc, le cheval serait peut-être... pour vous deux, Lae et Mathieu ?
Elle s'approcha du cerf, à pas lents, tendant une main amicale en regrettant de n'avoir rien à lui donner à manger.

" Moi et Mathieu sur le même cheval ? s'exclama Lae en secouant la tête. Bon, d'accord..."
Astrée avait pu poser la main sur l'encolure du cerf, qui se laissa caresser en secouant la tête. Fumio courait tout autour d'eux, dans son excitation joyeuse. Raevan, avec un petit haussement d'épaules, alla vers la Licorne qui le laissa approcher. Lae s'était déjà hissée sur le dos du cheval noir. Mathieu n'avait pas l'air de vouloir choisir sa monture. Astrée parvint à enfourcher le cerf. Il piaffa un peu sous son poids mais se stabilisa rapidement. La licorne s'inclina pour que Raevan puisse monter en selle à son tour. Il n'avait pas l'air très rassuré.
" Allez, viens..." dit Lae en approchant son cheval de Mathieu.
Ce dernier soupira et prit la main que lui tendait la drow. Dès qu'il fut assis derrière elle, Fumio détala entre les arbres et les trois créatures le suivirent, à pleine vitesse dans la forêt en éveil.

Astrée se sentit un peu coupable de n'avoir pas proposé à Mathieu le cheval de Dimitri : Lae et lui ne semblaient pas enchantés de faire équipe. D'un autre côté, vu les maigres talents équestres du jeune homme, il était peut-être préférable qu'il monte en croupe derrière la drow...

Mais elle n'eut pas le loisir de s'interroger longtemps à ce sujet. Fumio s'élançait à toute vitesse à travers les bois, et elle ne put que s'accrocher in-extremis à sa monture, serrant les cuisses et se penchant en avant pour garder son assiette. Ses compagnons, eux, avaient certainement moins de mal à se maintenir en selle : le cheval avait une crinière à laquelle s'accrocher, et la licorne une démarche sûrement plus souple...
Elle leur jeta sous de même des coups d’œils réguliers, craignant que l'un d'eux ne fasse une mauvaise chute.

Mathieu était cramponné à Lae, les yeux fermés, manifestement vert de trouille, tandis que la drow paraissait s'amuser follement. Devant eux, la licorne et Raevan galopaient beaucoup plus souplement, l'elfe semblait à peine toucher sa monture, comme s'ils avaient été dans une réalité légèrement parallèle, présents mais pourtant ailleurs. Le cerf bondissait souplement, un rythme un peu moins confortable que celui des galops alentours, mais Astrée avait l'habitude des montures fougueuses aux allures imprévisibles, aussi s'y adapta-t-elle.
Personne ne chuta et en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, ils arrivèrent aux abords du campement... ou plutôt de ce qu'il en restait. Tous les chapiteaux avaient disparu, en ce compris celui du dispensaire, mais il restait encore de nombreuses créatures qui terminaient de rassembler du matériel et de se saluer. Quand les cavaliers arrivèrent, on ne leur prêta guère attention, comme si pareil équipage avait été une banalité. Ce qui était peut-être le cas, en réalité.

Le regard d'Astrée s'était porté immédiatement sur le dispensaire, ou plutôt sur l'endroit où il se trouvait. Elle eut un serrement au coeur en voyant qu'il avait disparu. Elle comptait tellement sur Maitre Catus pour l'aider à guérir Raevan de son amnésie... Mais peut-être était-il encore là, quelque part ?

Elle mit pied à terre aussitôt, et tapota doucement le dos du cerf pour le remercier.
" Merci... et merci, Fumio", ajouta-t-elle en sylvestre à l'adresse du grand chien.
Il leur avait rendu un fier service en leur fournissant des montures.

Elle aida Mathieu à mettre pied à terre. Raevan et Lae étaient capables de se débrouiller seuls.
" On va essayer de retrouver Maitre Catus, le soigneur du dispensaire... Et voir si Kalju est toujours là où je l'ai laissé, aussi."

Astrée n'eut pas à chercher longtemps. Maître Catus était en train de terminer de charger son matériel dans un chariot minuscule, tiré par une unique chèvre d'un blanc immaculé. En la voyant approcher, il sourit.
" Vous voilà de retour. Et avec le jeune humain. J'en suis soulagé. Votre ami de pierre n'a pas bougé, pour autant que je sache. L'aube n'a pas eu l'air de lui donner envie de se relever."

Astrée lui rendit son sourire, profondément soulagée de le voir.
" Il faudra plus que le soleil pour le guérir, hélas, fit-elle avec une légère grimace. Mais... on a un autre souci sur les bras. Et je suis rudement soulagée de vous trouver. Mon ami Mathieu... il a eu affaire à une créature dangereuse, la karina... Et on a dû se battre... Et Raevan a été touché par un sortilège. Peut-être la foudre, ou autre chose, on n'est sûrs de rien. "
Elle désigna l'elfe du menton.
" Il a fait une chute... Il a été comme mort, mais on l'a ranimé. Et maintenant... il est amnésique. Est-ce que vous pouvez quelque chose pour l'aider à retrouver la mémoire ?"

" Laissez-moi regarder..." dit le satyre avec une grimace.
Il s'approcha de Raevan, lequel lui adressa un sourire un peu vide.
" La karina est un gros morceau... Vous avez de la chance d'en avoir réchappé..."
Il proposa à Raevan de s'asseoir en lui désignant l'arrière du chariot, ce que fit l'elfe.
" Vous savez comment vous vous appelez ?
— Oui.
— Où vous êtes né ?
— Aussi. Je n'ai pas l'impression d'avoir oublié grand chose, vous savez... Juste Féérie... et apparemment je connais ces deux humains.
— De la drow, vous vous souvenez ?
— Oui. Laelfynn. Elle est montée à la surface il y a trois ans avec son frère. Nos services les ont pris en charge..."
Lae fit un pas en avant mais Catus leva une main pour l'arrêter, et se tourna vers Astrée.
" Vous lui avez lancé un sort de soins, n'est-ce pas ? Un sort qui vous a un peu échappé ?"

Astrée acquiesça avec une grimace.
" Oui... Il était dans un état inquiétant, inconscient,... Et j'ai eu du mal à canaliser le sortilège, on aurait dit que la magie cherchait à m'échapper. Mais il me semble que j'y étais arrivée... Et ça l'a ranimé, en tout cas."
La question du satyre sous-entendait-elle que ce sortilège mal maitrisé pouvait avoir causé des dégâts ? Cette simple possibilité lui donnait un terrible sentiment de culpabilité.

" Votre magie puise dans la nature et la nature est sauvage, Séléna... Elle déteste être canalisée : vous êtes druidesse, vous savez qu'elle prend toujours le dessus, quels que soient les obstacles, tôt ou tard..."
Il pinça les lèvres.
" Vous avez sauvé votre ami, assurément. Vous l'avez guéri de toutes ses blessures... mais votre sortilège était trop puissant et il a cherché à guérir encore. Or, quelle est la maladie la plus terrible qui frappe vos corps matériels ? L'âge. Vous l'avez rajeuni de plusieurs années.
— De neuf ans." murmura Laelfynn, stupéfaite.
Catus dévisagea la drow en pinçant les lèvres.
" Il a oublié tout ce que son corps n'a pas vécu."

" Oh non..."
Astrée avait pâli. Elle eut la sensation que le monde autour d'elle se mettait à tourner, et dut s'accrocher à la charrette pour ne pas s'effondrer.
C'était de sa faute si Raevan était ainsi.
Elle songea que Mathieu allait terriblement lui en vouloir, et à raison : elle-même sentait le remord lui vriller le coeur.
"Il n'y a rien... qu'on puisse faire ?" demanda-t-elle d'une voix blanche.

Catus parut songeur.
" Certainement pas le soigner encore."
Il soupira.
" Je suppose qu'il y a une solution mais elle n'est pas garantie... et elle risque de vous détourner de votre route.
— On peut faire un détour, intervint Mathieu.
— Vous pouvez aussi lui raconter, simplement...
— Non. Je veux dire... Ces neuf ans... C'est son identité... Regardez-le ! On dirait une sorte de... de reflet raté."
Raevan parut un peu surpris mais pas franchement vexé.
" Je pense que ça va s'atténuer... C'est parce qu'il émerge."

" Sans doute... Mais ce n'est pas certain qu'il n'y ait que ça..."
Et surtout, Astrée comprenait ce que ressentait Mathieu. Il était extrêmement important, pour lui, que Raevan retrouve le souvenir de leur vécu commun, de leur attachement mutuel.
" S'il y a un moyen de l'aider à recouvrer la mémoire, on fera le détour qui sera nécessaire. Enfin... Si Lae...lfynn n'y voit pas d'inconvénient ?"
Elle ne pouvait tout de même pas prendre la décision en leur nom à tous.

" Non, je pense que... il n'arrivera jamais à reprendre pied dans un monde qui a avancé neuf ans sans lui... Toute sa vie... c'est ce qu'il sait. S'il ne sait plus rien... Mathieu a raison, il perd sa raison d'être. On ne peut pas faire l'économie d'essayer de lui rendre ce temps perdu."
Catus acquiesça.
" Dans ce cas... Il existe un être fée qu'on appelle le Conteur. Ce n'est pas le plus fiable d'entre nous, ni forcément le plus sympathique, mais il n'est pas impossible qu'il puisse... retisser le passé de votre ami, même si celui-ci n'en a plus aucun souvenir. Mais cela impliquera peut-être de vous séparer... Si Raevan...
— Je m'appelle Kerun, pas Raevan. Qui est ce Raevan ? intervint l'elfe.
— Ah misère, souffla Mathieu.
— Si Kerun, donc, veut vieillir de neuf ans, ce n'est pas votre cas."

HRP : Ah... il me semblait bien qu'il ressemblait à ton Kerun préféré

Tu as bien fait de le réutiliser !

Pour un agent secret, oublier qu'il devait s'en tenir à un faux nom était une erreur particulièrement inquiétante, et Astrée le fixa avec une grimace éloquente. Certes, qu'il ait laissé échapper son vrai nom ici n'était pas très grave : elle avait confiance en Catus. Mais il leur faudrait certainement être plus attentifs à l'avenir ,et l'avertir qu'il devait se montrer prudent.
Et Lae avait tout à fait raison : d'un point de vue pragmatique, s'il avait oublié tout ce qu'il avait appris au cours des dernières années, c'était une catastrophe dans son milieu professionnel.
" Comment est-ce possible de retisser un passé dont il ne se souvient pas ? Cela me dépasse, avoua-t-elle. Mais si vous dites que c'est possible, alors on va le tenter. Par contre... vous dites que cet être fée n'est pas fiable... Vous pensez tout de même qu'on peut lui confier notre ami, le laisser là-bas, et qu'il ne risquera rien ?"

HRP : fais pas semblant que tu n'avais pas deviné depuis... 1500 posts

Misère de misère... que je suis prévisible

" Je n'en sais rien, honnêtement, dit Catus. Je pense que tout ça doit faire l'objet d'une négociation... et il faut être prudent, pour négocier avec un fey comme le Conteur. C'est un embobineur de première qualité...
— Ça ne me fait pas peur." dit Mathieu.
Le regard du satyre s'écarquilla légèrement, de surprise, fixé sur quelque chose situé juste derrière eux. Ils se retournèrent pour apercevoir un jeune fey en armure, qui tomba sur un genou juste devant eux.
" Dame Séléna, vous m'avez sauvé la vie. Mon épée est vôtre. Commandez-moi, j'obéirai.
— Magnifique." dit Lae à mi-voix, un brin ironique.

HRP : en réalité, non, je n'avais pas deviné (je ne cherche pas à tout deviner, contrairement à ce que tu imagines

). Je connais Kerun essentiellement via Parallèles, et j'ai trouvé que Raevan, dans ses réactions, lui ressemblait beaucoup. Et je me suis dit que tu avais pu t'inspirer fortement de Kerun pour créer Raevan... mais sans pousser plus loin le raisonnement. Après, sachant que c'est un de tes héros préférés, je ne suis pas surprise que ce soit lui, et vraiment tu as bien fait, je l'aime bien

.

Astrée devint instantanément rouge comme une pivoine en reconnaissant le jeune fey qu'elle avait soigné -et qu'elle aurait bien été incapable d'identifier s'il ne s'était pas présenté ainsi : elle se souvenait de ses entrailles bien mieux que de son visage....
" Je... heu... J'ai juste fait... mon boulot..."
Elle se gratta la nuque, mal à l'aise, cherchant ses mots.
" Je veux dire... "
Elle jeta un regard noir à Lae qu'elle devinait moqueuse. Elle fit un pas en direction du jeune chevalier, essayant de trouver quelque chose de sensé et de diplomate à dire. Sa réaction n'était pas si surprenante compte tenu des règles de ce monde.

Elle réussit à sourire, avec douceur.
" C'est vraiment très aimable à vous de proposer vos services. Mais... nous allons poursuivre notre route et je crains que la vôtre ne vous emmène ailleurs. Je vous ai soigné juste parce que c'était mon rôle, je n'attends rien en contrepartie."

" Je ne peux laisser pareille dette impayée, reprit le chevalier fey d'un ton plein de flammes.
— Ecoutez ce que Dame Séléna vous a dit, Aranmil, intervint Catus. Si vous vouez votre épée à tous les guérisseurs qui vous s...
— Elle m'a sauvé la vie !" s'écria le jeune fey en se redressant vivement, le poing sur le coeur.
Astrée vit la mère du jeune homme arriver derrière lui, la mine un peu affolée.
" Vous voilà, mon cher... Tout le monde vous cherche !"

Astrée était partagée entre un début d'hilarité et un certain embarras.
Bien que sa réaction soit excessive, le jeune fey était sincère et elle ne devait pas s'en moquer. Elle sourit à sa mère inquiète, puis reporta son attention sur le jeune chevalier.
" Je crois que vous devriez rentrer auprès des vôtres, fit-elle d'une voix douce. Ils ont besoin de vous avoir auprès d'eux, après avoir eu si peur pour vous. Moi, sincèrement, je n'ai fait que mon travail... et je n'ai pas besoin d'un chevalier à mon service, même si votre proposition me touche beaucoup."
Elle songea que s'il avait eu la bonne idée de lui proposer ses services quelques heures plus tôt, il aurait pu les accompagner à la recherche de Mathieu : une épée supplémentaire aurait pu tout changer. Mais il était trop tard...

Aranmil parut courroucé, presque furieux d'être ainsi éconduit, mais sa mère posa une main consolatrice sur son bras. Elle lui parla ensuite en sylvestre un moment, conversation que Catus écouta d'une oreille pointue. Kerun/Raevan s'était remis debout et s'étirait dans le jour naissant.
" Je vais prier Lathandre, si ça ne vous gêne pas." annonça-t-il avec un sourire tranquille.
Puis il s'éloigna vers la forêt, tandis que Mathieu levait les yeux au ciel.
" Dis-moi qu'il n'était pas vraiment comme ça il y a neuf ans." dit-il à Lae.
La drow haussa les épaules.
" Je ne me souviens plus bien, nous ne nous sommes jamais fréquentés... mais c'était avant tous les événements qui ont frappé Luménis... avant Morféa Nwalk... Je suppose que oui, il était un peu comme ça. Tout le monde, je pense, était moins marqué. Les lendemains étaient beaucoup plus roses."

Astrée l'observa s'éloigner, dubitative.
" En tant qu'elfe, il a pourtant dû vivre bien plus de choses qu'un humain, et doit peut-être davantage relativiser ce genre d'horreur... Mais c'est vrai que cette histoire a été un sale coup, et qu'il est très attaché à Lumenis. Et surtout, j'imagine qu'il dû se retrouver emprisonné..."
Elle frissonna. Les morphéens devaient recourir sans sourciller à toutes formes de torture.
" Il va sûrement regretter de retrouver certains souvenirs... Mais c'est nécessaire."
Elle reporta son attention sur le jeune chevalier, un peu ennuyée de l'avoir visiblement vexé. Ce n'était pas son intention... Et par diplomatie, il fallait sans doute qu'elle lui suggère un autre moyen de payer sa soi-disant dette.

Catus était intervenu dans la conversation, Aranmil semblait un peu moins véhément, sa mère acquiesçait, manifestement satisfaite. Le satyre se tourna ensuite vers Astrée.
" Je pense que nous sommes arrivés à un arrangement. Sire Aranmil va vous escorter soit jusqu'aux cascades, soit jusqu'aux frontières du domaine du Félon, en fonction de votre prochaine étape. J'espère qu'il ne sera pas trop encombrant, mais Dame Sa Mère va lui adjoindre trois de leurs hommes, de manière à ce qu'ils le canalisent un rien. C'est le minimum pour éviter un esclandre. Et ça devrait vous protéger de toute mauvaise rencontre d'ici là, ce qui est au final une bonne chose."

Astrée acquiesça, et sourit au jeune fey avec une reconnaissance sincère.
" Une escorte nous rendrait grand service, en effet. Nous ne connaissons pas votre monde et nous avons perdu notre guide... et nous déjà fait quelques mauvaises rencontres."
Elle se tourna vers sa mère.
" Après, je ne sais pas s'il est nécessaire d'avoir.... autant de monde... Mais vous savez certainement en juger bien mieux que nous."
La raison semblait davantage tenir au caractère du jeune homme qu'à la dangerosité des régions traversée, et elle se demandait à quoi ils devaient s'attendre.

La Couronne de Cuivre

[Féérie] Sur la piste de Kaljivahu...