La Couronne de Cuivre

Arthur parut songeur, le petit sourire toujours au coin des lèvres.
" Hum. Les trois, probablement. Je ne nierai pas que j'aime ma ville... et ses fruits de mer sont délicieux... et c'est très certainement bon pour la santé. Enfin je crois. Je n'y connais rien."
Il sourit plus largement.
" Mais je ne vous imposerai nul coquillage en ce premier jour."
Il se dirigea vers un marchand ambulant, négocia avec lui quelques secondes, puis revint vers la jeune femme avec une petite tourte chaude, emballée dans un morceau d'étoffe.
" Attention, c'est brûlant. La tourte du marin. Un grand classique."

Le paladin semblait avoir gagné en assurance et en aplomb depuis leur dernière rencontre mais peut-être était-ce simplement parce qu'il était maintenant de retour dans un univers qui lui était familier ou que la situation était bien moins tendue et davantage paisible que pendant son séjour dorrandin. Chandara se gardait bien de s'en plaindre en tous cas, bien au contraire même et elle avait suivi son échange avec le marchand de loin. Quand il revint avec son achat, elle huma le fumet qui se dégageait de la spécialité locale avant de répondre le plus sincèrement du monde :

- Si c'est aussi délicieux que cela sent bon, je vais me régaler !

Elle regarda autour d'elle, cherchant un banc libre ou quelque chose qui pourrait en tenir lieu avant d'ajouter gaiement :

- Voulez-vous vous installer quelque part pour déguster cette merveille ?

" Venez par ici... C'est bête, j'aurais dû emporter une couverture, pour que nous puissions nous asseoir dans l'herbe, comme tout le monde... Mais on trouvera sûrement un banc libre un peu plus loin par là... Voilà..."
Il s'était engagé sur la pelouse, contournant un massif multicolore qui, Chandara le réalisa en le dépassant, dessinait en réalité la silhouette d'un poisson bondissant dans une mer de verdure. Il y en avait plusieurs sur le gazon, et il était probable qu'ils dessinaient tout un banc de joyeux harengs colorés. Arthur, lui, avançait vers un banc de pierre grise, installé au creux d'une haie de verdure arrondie, formant comme une alcôve. Derrière le banc se trouvait un petit bassin en forme de croissant de lune, où nageaient quelques véritables poissons rouges, parmi les nénuphars.

Chandara le suivait avec circonspection, complètement abasourdie qu'elle était par les décorations toutes plus étonnantes et artistiques les unes que les autres. Elle n'avait jamais rien vu qui puisse ressembler à ces œuvres réalisées à partir de matériaux naturels qui plus était. Les yeux rêveurs, elle se précipita enfin vers Arthur qui l'attendait pour prendre place sur un banc idéalement placé pour leur assurer un peu d'intimité sans les isoler des merveilles que le parc avait à offrir aux regards.

- C'est tout bonnement incroyable. Comment les jardiniers parviennent-ils à donner cette impression : on dirait presque que ces poissons vont plonger et nous éclabousser. Je sais, ça parait ridicule mais je n'ai encore jamais vu leurs pareils. Vous avez eu infiniment raison de m'amener ici !

Elle passait peut-être pour une rustre venu d'un pays gris et terne mais la jeune-femme était tant émerveillée qu'elle ne s'en souciait guère. Elle prit place sur le banc avec un lueur brillante dans le regard, curieuse de tout ce qui se trouvait dans son champ de vision.

" C'est Luménis, c'est la cité des Arts... Pendant la dictature beaucoup de choses ont été interdites, voire détruites... Ensuite, il y a eu un renouveau. Les artistes ont repris leurs pinceaux, leur burin, leur plume, leur instrument... Les jardiniers du parc en ont fait de même, à leur manière. Choisir la disposition des bulbes, au moment où on les plante... Cela demande du doigté mais ça ne coûte rien... un peu de temps et d'imagination."
Il sourit.
" Tout cela m'est un peu étranger, je ne suis pas un esthète... Mais c'est sûr que c'est joli."

Que de telles merveilles puissent être détruites - même si elle avait conscience que certaines étaient volontairement éphémères - avait de quoi révolter. Même si la dictature avait apporté son lot d'injustices et d'exactions bien plus terribles, elle ne parvenait à pas à comprendre qu'on puisse s'en prendre ainsi à une œuvre d'art dans laquelle un ou plusieurs esthètes avaient mis leur talent, leur imagination et leur temps. Sans doute parce que ces merveilles redonnaient de l'espoir aux gens...

- Cela fait quelques heures à peine que je suis arrivée mais j'ai l'impression que je pourrais passer mille ans sans me lasser de découvrir les beautés de votre cité. J'espère bien que vous me montrerai d'autres preuves de l'esprit ingénieux et de l'âme d'artiste de vos compatriotes. A commencer par cette "tourte du marin", c'est bien ça ? Comment la partageons-nous ?

" Oh, mais elle est pour vous. J'ai déjà mangé, en cuisine, à la commanderie. Quand je suis aux fourneaux... et bien... Je n'arrive pas à m'empêcher de goûter. Du coup, quand vient l'heure du repas et bien... je n'ai plus faim. En général, je grignote juste un morceau de pain et ça me suffit."
Il haussa les épaules.
" Et puis ce sera moins sale que vous la mangiez seule. Quand vous n'avez plus faim, je terminerai ce qu'il reste. Mais si vous avez grand faim, ne vous privez pas. Comme je vous l'ai dit, je n'ai pas vraiment faim."

Chandara parut surprise et ne put s'empêcher de se demander si ce manque d'appétit ne cachait pas autre chose. Arthur avait certainement l'habitude de manger au réfectoire de la commanderie puisqu'il ne sortait pas beaucoup... Elle était tentée de lui laisser le bénéfice du doute et ne remit donc pas sa parole en question mais elle se sentait tout de même un peu gênée qu'il lui paie son repas alors que lui-même allait s'en priver.

Ne lui restait plus qu'à accepter le présent pour ne pas marquer trop visiblement son trouble. Elle avait grand faim et se sentait de faire honneur à la tourte mais elle se promit tout de même de lui en laisser une petite part, quoiqu'il en dise. A la première bouchée, elle constata qu'il ne serait pas si facile de ne pas la dévorer tout entière tant elle paraissait savoureuse à son estomac affamé.

- C'est bon, affirma-t-elle avec enthousiasme entre deux bouchées. Et peut-être plus bourratif que ça en avait l'air. Elle en dévora les trois quarts avec grand plaisir en moins de dix minutes avant de déclarer :

- Je ne pourrai jamais finir tout ça toute seule : vous me feriez plaisir en y goutant !

C'était un mensonge mais il était pour la bonne cause : Arthur ne pourrait pas tenir tout l'après-midi avec ce qu'il avait pris en cuisine, elle en était convaincue. Et elle ne voulait pas se montrer égoïste en ne partageant pas.

" Si vous êtes sûre..." dit-il avec un haussement d'épaules.
Il termina la tourte en quelques bouchées, mais sans avoir l'air affamé. Il s'essuya ensuite les doigts sur l'étoffe que leur avait fournie le vendeur.
" Me raconterez-vous comment vous avez retrouvé mon cheval ? Filu, je veux dire. Je dois dire que... je ne comprends vraiment pas comment une vieille bête comme ça a pu survivre... dans un château rempli de zombies et d'une brume empoisonnée... puis aux Mélandiens... à la guerre... avec la faim qui régnait, on aurait dû le manger... sans compter qu'à son âge vénérable... Je dois dire que je suis assez... stupéfait. Si je ne l'avais pas vu de mes yeux, j'aurais supposé que vous aviez déniché un animal de la même couleur, rien de plus."

Chandara était ravie de répondre à cette question qui confirmait combien avoir retrouvé le cheval était important et inespéré pour Arthur.

- Je ne vous aurais jamais fait un tour pareil ou essayé de vous tromper. A dire vrai, ça a été pour moi une surprise aussi grande que la vôtre de le retrouver à Manost. J'aidais auprès de quelques réfugiés quand j'en ai croisé qui avaient été libérés de l'ancienne forteresse où vous avez été retenu captif. D'après eux, les mélandiens les ont laissé repartir suite à un accord qu'ils auraient conclu. Comme ils avaient de la route à faire, ils leur ont confié quelques chevaux dont ils n'avaient pas besoin. Les réfugiés ont eu faim en route bien sûr mais ils savaient que ce cheval était important, qu'il vous appartenait. Heureusement, leurs réserves leur ont permis de tenir le coup sans devoir le sacrifier. J'ai tout de suite reconnu Filu quand ils me l'ont montré alors j'ai négocié pour le récupérer : je trouvais trop injuste qu'il ne puisse pas rentrer sur ses terres lui aussi. Et je me suis dit que c'était là un signe des dieux. Alors je vous l'ai ramené.

" Je ne sais pas si c'est un signe des dieux, mais c'est un brave cheval, qui a beaucoup donné toute sa vie... Ça aurait été moche qu'il finisse au bout d'une pique à brochette, sur le bord de la route. J'espère cependant que les réfugiés n'ont pas souffert de la faim et que vos... négociations n'ont pas été trop difficiles..."
Il sourit.
" Je ne sais pas ce que le maître des écuries va décider de faire de lui... ce serait un bon moment pour qu'il prenne sa retraite... mais il y a toujours des novices qui doivent apprendre à monter."

Chandara n'entendait pas s'étendre sur le sujet des négociations et de ce que lui avait coûté d'acquérir le cheval : elle avait cru bon de récompenser les réfugiés en faisant en sorte qu'ils puissent acheter de la nourriture et ils avaient été ravis de troquer un vieux cheval devenu inutile pour eux. Non, elle préférait largement mieux s'intéresser à l'avenir de la monture et elle ne manqua pas de demander des précisions au paladin avec un tout petit peu d'inquiétude :

- Que vaudrait-il le mieux pour lui ? J'imagine que ça dépend de ce que vous entendez par retraite...

Tant que cela ne rimait pas avec boucherie ou brochette mais plutôt avec une pâture et un box bien sec pour l'hiver...

- Et est-ce que cela signifie qu'on vous a attribué une autre monture plus jeune ? J'imagine que oui si vous croyiez Filu perdu...

" Filu ne m'a jamais appartenu. C'était un cheval de la commanderie, déjà âgé... Pas vraiment taillé pour la guerre, en fait. C'est une chance pour lui, ce qui lui est arrivé, vu la conclusion... Quand je repense à la violence de la charge... Il n'aurait jamais survécu. Et je m'en serais terriblement voulu... Bon. Je m'en suis voulu tout court, de l'avoir perdu, et je le pensais mort mais... Voilà, il y a un dieu pour les destriers qui ont bien servi. A présent, sans doute l'enverra-t-on dans une de nos implantations au sud, là où les vieux chevaux et les vieux paladins coulent ensemble des jours heureux."
Il sourit.
" Mais on ne m'a pas attribué de nouveau cheval. Je suis consigné en ville, voyez-vous, alors je n'en ai pas l'usage."

Chandara avait écouté la réponse de son compagnon en arborant une mine attendrie, tentant de s'imaginer le lieu qu'il décrivait et qui n'avait pas vraiment d'équivalent en Dorrandin. Elle aurait même pu penser qu'il s'agissait là d'une fable destinée à la tranquilliser mais le sourire d'Arthur incitait à lui apporter toute sa confiance.

Apprendre qu'il était consigné en ville la fit cependant grimacer : visiblement la punition qu'il devait subir était loin d'être anodine et nul doute que cet enfermement devait lui peser. Elle lui prit la main dans les siennes et afficha un sourire désolé :

- Vous devez être content d'avoir retrouvé les vôtres mais j'imagine que cela vous pèse de ne pas pouvoir quitter la ville. Ne vous a-t-on pas autorisé à aller nager près de cette plage que vous aimez tant ? Un tel temps s'y prête à merveille...

Il sourit.
" Je n'y ai même pas songé, à vrai dire... Je n'ai pas le temps de m'ennuyer, à la commanderie. Et Luménis est une grande ville... On ne peut pas vraiment parler d'enfermement ! Mais je n'ai pour ainsi dire pas eu de temps libre avant aujourd'hui et, avant que vous ne me plaigniez... je n'en ai pas ressenti le besoin. Les veilles de traversée ont été oisives et j'avais surtout envie... besoin... d'être avec mes pairs. Courir la campagne n'est pas nécessaire."

Son sourire s'élargit mais elle ne relâcha pas sa main pour autant. Elle en avait d'ailleurs profité pour s'approcher discrètement pour se tenir tout près de lui sur le banc. Ils avaient été séparé pendant des mois alors elle escomptait bien que ce séjour qui commençait merveilleusement bien puisse les rapprocher. Alors autant pour prolonger leur halte que par intérêt bien réel, elle lui répondit d'un ton curieux :

- Ils ont tous l'air si sympathiques, vos pairs ! Je n'ai pas pu m'empêcher de regarder un peu leur entraînement dans la cour, leur technique, leur bonne humeur. Je crains juste un peu d'avoir vexé les novices de garde. Et aussi l'adolescente qui est venu nous porter à boire : j'ai l'impression de leur avoir fait un peu peur sans le vouloir.

Arthur la dévisagea puis grimaça légèrement.
" Vous, faire peur ? Pourquoi diable lui auriez-vous fait peur ? Mais vous m'inquiétez... J'espère que vous n'allez pas terroriser tous mes collègues... Je ne vous trouve pas très effrayante... ou parfois si, beaucoup... mais pas pour des raisons qui devraient toucher les novices... Enfin j'espère... ou pas à ce stade en tout cas... heu."

Chandara s'empressa de le rassurer d'un ton doux et calme :

- Je ne crois pas avoir fait grand chose pour les effrayer mais ils ont semblé interloqué de voir une étrangère dans leurs murs, ça doit être ça...

Son sourire s'élargit subitement et atteint son regard alors qu'elle ajoutait d'un ton tout à fait espiègle :

- Ce n'est vraiment pas mon intention que de vous faire peur, bien au contraire ! Est-ce qu'il y a quelque-chose que je pourrais faire pour vous rassurer, Arthur ?

Il sourit, et son expression se fit mutine, elle aussi.
" Malheureusement, Chandara, je ne crois pas qu'il soit en votre pouvoir de parvenir à me rassurer. Mais vous ne m'inquiétez pas tout le temps. Et puis de toute façon... J'aime bien avoir peur. Et comme ça, je reste aux aguets, bien réveillé, attentif... C'est tout bénéfice. Je me suis reposé deux mois, je suis prêt à vous craindre un certain temps !"

Elle continua à le fixer dans les yeux un instant mais ne put retenir bien longtemps un rire franc et naturel. Puis, elle répondit à son tour d'un ton léger :

- Et dire que je pensais les paladins insensibles à toute forme de frayeur ! Si c'est pour votre bien, je n'ai donc plus aucun scrupule à vous faire peur juste de temps en temps ! En tous cas, vous êtes plein de mansuétude à mon égard et il est plus facile pour moi de me comporter naturellement quand je suis avec vous.

Elle était très proche de lui et elle ponctua sa remarque d'un baiser sur sa joue avant de bondir sur ses pieds et de lui présenter sa main.

- Alors, que comptez-vous me montrer ensuite, noble paladin ?

Il lui fallut une seconde pour reprendre ses esprits, après quoi il se leva à son tour.
" Et bien... cela dépend un peu de vos envies... Je suis impressionné que vous soyez si... tonique après un long voyage. Généralement les gens débarquent du bateau un peu mollassons... mais finalement, vous connaissant, ce n'est pas si surprenant. Nous sommes seulement à l'entrée du parc, ici, donc il y a moyen de se promener un bon moment... Vous avez vu le port, c'est un quartier assez passionnant, très riche et fourmillant, de cultures, d'odeurs, de musiques... Il y a le Temple de Lathandre, mais j'aurais l'impression de prêcher pour ma chapelle alors que vous venez seulement d'arriver... L'Amphithéâtre si vous aimez ce genre de choses... Je dois dire que je préférerais prendre mes renseignements avant d'affronter à nouveau un spectacle... Ou alors l'Assemblée, si vous voulez toucher à la démocratie luménienne... Cela dit, les étrangers ne sont pas admis à toutes les sessions... Ça dépend un peu de la thématique."

Toutes ces propositions étaient captivantes mais, contrairement à ce qu'elle parvenait à afficher jusqu'ici, la traversée l'avait bel et bien atteint physiquement ce qui incitaient à éviter certaines activités. Elle arbora une expression songeuse - et qui n'était pas sans charme - pendant un instant avant de déclarer :

- Vous avez d'excellentes idées et potentiellement j'ai envie de tout voir mais nous aurons le temps lors des prochains jours. Je veux bien que vous preniez le temps de vous renseigner sur le programme de l'amphithéâtre et peut-être aussi sur les jours où je pourrais me rendre à votre assemblée. Quant à votre temple, j'espère bien le voir mais je préfèrerais le voir pour la toute première fois à l'aube, comme il se doit. J'opte donc pour le parc : je parie qu'il est immense, montrez-moi donc d'autres merveilles de vos artistes !

" Je ne suis pas expert, mais il y a une fontaine, quelque part par là..."
Il l'entraîna donc à sa suite, la tenant par la main. Ils traversèrent la pelouse, se glissèrent entre deux poissons de fleurs, et regagnèrent l'allée principale. Il y avait toujours de nombreux promeneurs, et Chandara aperçut les premiers artistes : musiciens, acrobates et apprentis magiciens.
" Les étudiants de l'université de la magie viennent parfois s'entraîner ici dehors... Ils testent leurs illusions, surtout, en vue des examens... et puis il y a des chanteurs d'un peu partout... des bardes... Les gens donnent parfois une petite pièce... ou alors ils cherchent à être repérés par les patrons des tavernes..."

Quel contraste une fois encore avec ce qu'elle connaissait à Manost, surtout depuis la fin de la guerre et ce que d'aucuns osaient appeler en sourdine les mesures de censure imposées par la "Maison de la Bienveillance Culturelle" qui cherchait à contrôler le moindre artiste. Mais elle chassa bien vite cette ombre de son esprit pour se concentrer sur le joyeux chaos des représentations hétéroclite dans le parc. Elle appréciait d'autant plus la balade qu'Arthur semblait gagner en confiance et ne plus hésiter à lui saisir la main pour lui manifester son affection. C'était une sensation grisante et elle se laissait guider sans chercher à l'influencer, profitant sans arrière-pensées des différents spectacles dont certains l'impressionnaient.

- Je suis certain que mon plus jeune frère serait très intéressé par votre Université de la Magie : elle a excellente réputation jusqu'à chez nous. Mais j'imagine qu'il n'est pas facile d'y être admis.

Arthur continuait à l'entraîner vers le coeur du parc où, elle l'aperçut bientôt, se trouvait effectivement une grande fontaine de pierre blanche, où de multiples créatures crachaient des jets d'eau savamment entrecroisés.
" Je ne suis pas expert en la matière, là encore... Ils ont la réputation d'être exigeants mais curieux... On y trouve des étudiants issus d'un peu toutes les classes sociales... Mais je ne sais pas s'il y a des restrictions sur la nationalité... Est-ce que votre frère se destine à la magie ?"

Chandara était une nouvelle fois époustouflée par la beauté de la fontaine et s'en approcha en entraînant Arthur et en arborant un large sourire, fascinée par la sculpture finement ciselée d'une sirène. Elle répondit d'un ton quelque peu distrait mais avec une certaine fierté à la question du jeune-homme :

- Oh, il travaille depuis ses dix-huit ans à l'université de Cojum donc ça fait maintenant un peu plus de trois ans... En tous cas, il serait très certainement intéressé par un échange avec vos mages si une telle chose est envisageable. Enfin, il n'aime pas beaucoup voyager - il est même assez casanier - alors ça risque d'être difficile.

Arthur parut incrédule.
" Votre frère doit être... drôlement doué... pour être déjà mage confirmé à un âge si... jeune... Les magiciens ici étudient au moins cinq, si pas dix ans, avant d'être considérés comme de réels... magiciens, je suppose. C'est une profession dangereuse et exigeante... Vous devez être fière de lui, dans la famille, j'imagine. Qu'il soit si précoce, je veux dire. Evidemment, vous-même n'êtes pas en reste, je suppose... d'avoir déjà tant fait à votre âge..."

Le regard de la jeune-femme se mit à briller et son sourire s'élargit, signe qu'Arthur avait visé juste. Oui, elle était extrêmement fière de son frère et de la voie qu'il s'était choisie.

- Merci à vous : c'est très gentil de dire ça mais je n'ai pas l'impression d'avoir tant fait que cela... Marvin est quelqu'un de très posé, il n'est pas tourné vers l'action et il est très patient : il peut passer des heures voire des jours à préparer la plus petite des expériences alors je ne m'inquiète pas trop pour lui. Mais je me dis parfois que c'est tout de même curieux, quand on y pense, que nous ayons tous les deux choisi des voies aussi différentes et que notre caractère soit aussi opposé. C'est pour ça que l'on doit parler de faux-jumeaux je suppose...

" Ah, ce n'est pas votre petit frère, si c'est votre frère jumeau ! s'exclama Arthur en riant. Mais j'imagine que si vos tempéraments sont si différents... Ce n'est pas étonnant que vous soyez l'aînée, au moins dans la tête. Mais c'est mieux : imaginez deux personnalités identiques... C'est le conflit assuré. Rien de tel que le contraste, pour aplanir les tensions. Pas de compétition entre vous et lui, aussi : mage et paladin, peu de risques que vous tentiez de briller dans les mêmes domaines... J'imagine que vous vous entendez bien."
Il sourit.
" Mais vous êtes précoces tous les deux, alors. Moi, à vingt ans, je me sens encore complètement débutant. Je serai un paladin accompli dans une dizaine d'années, avec un peu de chance ! Le contraire serait présomptueux. Et surnaturel."

Chandara se défendit avec bonne humeur :

- Bien sûr que je suis l'aînée puisque je suis née la première ! Marvin prenait déjà son temps à l'époque alors que moi j'avais déjà hâte de découvrir le vaste monde. Mais malgré nos différences nous nous sommes toujours très bien entendu.

Elle s'assit sur la margelle de la fontaine avant d'ajouter d'un ton doux :

- Vous avez raison je crois : avoir quelqu'un de calme, de doux et de patient est très bon pour tempérer mon caractère un peu trop fougueux. Quelqu'un qui sache prendre son temps pour ne pas se brûler trop vite les ailes. Je crois que c'est une des raisons pour lesquelles je vous apprécie tant.

Elle ponctua sa remarque d'un sourire charmant avant de lui désigner du regard la place à côté d'elle.

La Couronne de Cuivre

[Lieu-dit] Le parc verdoyant de Lumenis