La Couronne de Cuivre

L'un des deux gardes inscrivit les noms sur le registre qu'il tenait à la main, tandis que l'autre consultait une liste de noms sur un parchemin.
" Messire... Kasumi Hendulaurë ? Votre nom figure sur la liste des personnes que nous devons intercepter à la frontière... Votre compagne, en revanche, n'y figure pas. Il s'agit d'une demande du commandant de la Garde Ailée... j'imagine que vous devez savoir pourquoi ?"
Sylvia avait blêmi, et lorgnait Kasumi d'un oeil inquiet.

Même si le demi-elfe s’attendait plus ou moins à ce que le commandant ait pris des mesures à son encontre, se l’entendre dire aussi brutalement avait de quoi glacer. N’aurait-il pas mieux valu dans ces conditions - et quitte à risquer d’aggraver son cas – mentir sur son identité. Non, il n’avait pas voulu prendre un aussi gros risque en sachant que les demi-elfes n’étaient pas si nombreux à vouloir entrer à Everaska et que la résidence de sa famille était sans doute surveillée plus ou moins discrètement. Donner de nouvelles raisons au commandant de l’arrêter n’était pas à proprement parler une idée lumineuse… Conscient que les gardes et surtout Sylvia attendaient sa réponse, il répliqua d’un ton inquiet :

- Qu’entendez-vous par m’intercepter à la frontière ? Est-ce que l’accès m’est refusé ou suis-je en état d’arrestation ?

Si le commandant de la Garde Ailée n’avait pas jugé bon de signaler ses motifs aux gardes-frontières, mieux valait s’en dispenser pour le moment.

" Et bien, d'après le document que j'ai sous les yeux... Vous devez être retenus ici jusqu'à ce que le commandant Uriol soit mis au courant de votre arrivée et envoie un garde jusqu'ici. Il n'est pas précisé ce qu'il adviendra de vous après. Ils ne parlent pas de vous jeter en prison, mais ils ne disent pas non plus le contraire..."
Le garde leva les yeux de son parchemin.
" Je suis désolé, mais vous allez devoir attendre pour cela que nous soyons relevés. Dans trois heures encore. L'un de nous ira trouver le commandant en redescendant. Nous devons rester tous les deux présents ici, vous comprenez, sauf en cas d'urgence... et ça n'est pas une urgence."

Trois heures sans compter le temps qu'il faudrait pour effectuer l'aller-retour et le temps que le commandant voudrait bien attendre encore avant de dépêcher un garde pour le chercher... Kasumi dut faire appel à toutes sa patience et ses ressources de diplomatie avant de répondre d'un ton posé :

- Très bien. Mais est-ce que votre document stipule que je suis recherché par la garde ou simplement que vous avez pour ordre de m'intercepter à la frontière ? Si tel est le cas, je me dois de vous faire remarquer que je n'ai pas franchi cette fameuse frontière et que je ne compte pas le faire dans l'immédiat...

" Encore heureux ! le document stipule que vous ne devez pas franchir la frontière avant d'avoir obtenu l'accord de la Garde Ailée. On doit vous intercepter à la frontière, et c'est justement ce que nous sommes en train de faire.
- N'essayez donc pas de jouer au plus malin, et suivez-nous dans la guérite...
- Attendez, intervint Sylvia. Je pourrais peut-être vous faire gagner du temps en portant moi-même le message en ville ? Enfin, si tu es d'accord, Kasumi..."

Kasumi ignora un instant les elfes le temps de répondre à Sylvia d'un ton inquiet en lui prenant la main :

- Nous avons commis une erreur en revenant ici. Peut-être ferions-nous mieux de rebrousser chemin mais je ne veux pas qu'on m'accuse de fuir mes responsabilités. Est-ce que tu peux prévenir mon père de ce qui se passe ?

Il se tourna ensuite vers les gardes mais sans donner de signe de vouloir obtempérer :

- Je préfère rester dehors ou aussi loin dans la direction de l'Anauroch que vous le jugerez nécessaire. Je ne tiens pas à vous causer d'ennuis.

" Je vais y aller, oui , répondit aussitôt Sylvia.
- Nos ordres sont de vous intercepter à la frontière, répéta le garde, froidement. De nous assurer de votre personne jusqu'à l'arrivée du garde. Ne nous obligez pas à le faire par la force...
- Si vous n'avez rien à vous reprocher, je ne vois pas ce que vous craignez.
- Voyons, puisqu'il cherche à se défiler, c'est forcément qu'il a quelque chose à se reprocher, répliqua le premier garde en tirant son épée au clair.
- Kasumi ! s'exclama Sylvia d'un ton angoissé. Tu... tu es sûr que ça va aller ?"

Kasumi s'efforça de répondre d'une voix rassurante même s'il ne ressentait pas la quiétude qu'il s'efforçait de transmettre :

- Ne t'en fais pas : ça va aller ! Sois prudente sur le chemin avec la neige.

Puis, alors que les gardes s'impatientaient, il leur fit face sans faire de signe hostile mais sans se presser inutilement ni quitter des yeux l'elfe qui avait dégainé son arme :

- Puisque vous insistez et que vous le demandez si gentiment, j'accepte votre hospitalité. Vous avez du thé j'espère ? Avec un peu de miel...

" On devrait trouver ça, répondit contre toute attente le second garde. Nous n'avons pas pour habitude de laisser nos... "invités"... mourir de froid."
Sylvia lui jeta un dernier regard inquiet, puis, en partie rassurée par la tournure que prenait les événements, se mit en chemin d'un pas rapide, laissant Kasumi seul en compagnie des deux gardes.
On le fit entrer dans la guérite : une petite pièce avec sièges et table basse, éclairée par deux petites fenêtres permettant de guetter les voyageurs de quelque direction qu'ils viennent. Au font, une porte munie de barreaux donnait sur une petite cellule au sol de terre battue, avec une paillasse propre, qui ne semblait pas être utilisée souvent.
" Entrez là-dedans. Vu votre attitude, ce sera sans doute mieux pour tout le monde..."

Kasumi ne chercha pas à protester et s'assit en tailleur sur la couche après avoir posé son ceinturon dans un coin de la cellule. Celle-ci était correctement entretenue, surtout pour un poste frontière isolé comme celui-ci et le demi-elfe ne pouvait qu'espérer qu'il en serait de même pour la prison everaskane où il avait toutes les chances de croupir un certain temps dans un avenir proche.

Au bout d'un quart d'heure, on lui apporta un bol de thé chaud, puis le garde s'en fut sans un mot. Et l'attente commença. Il entendait ses geôliers bavarder à mi-voix à côté, apparemment détendus, sans guère se soucier de leur prisonnier. Everaska était à quelques heures de marche, et il fallait ensuite le temps que Sylvia prévienne sa famille, qu'ils voient le commandant Uriol, qu'ils envoient quelqu'un annoncer ici la décision... la journée promettait d'être longue.

Vers midi, on lui apporta du pain et de la viande séchée, et une nouvelle tasse de thé pour le réchauffer. Une heure plus tard, il entendit la relève arriver. Deux soldats, qui s'entretinrent un moment avec les précédents. Un inconnu vint vérifier sa présence, jauger peut-être du regard à qui il avait affaire. Il prit néanmoins la parole après quelques instants.
" Nous avons croisé une humaine, à une heure de la ville. Sans doute votre compagne. Elle semblait plutôt pressée. A l'heure qu'il est, elle doit être arrivée, et votre cas devrait bientôt être éclairci..."
Il n'y avait nulle hostilité dans le ton, qui lui parut au contraire presque bienveillant -pour autant que le ton d'un gardien de prison puisse l'être. Un rien paternaliste peut-être...

La journée était effectivement des plus longues et des plus monotones, bien loin de ce qu'il s'était imaginé en revenant à Everaska. C'en était presque à regretter le désert et ses interminables heures de silence et de dunes invariables.

Les nouvelles apportées par le garde lui mirent tout de même un peu de baume au cœur, surtout le fait que Sylvia était sans doute parvenue à bon port en sécurité à présent. Il remercia poliment le garde mais ne chercha pas à poursuivre cette conversation et s'enferra à nouveau dans le mutisme.

Il n'eût pas à attendre très longtemps, cette fois-ci. Une heure ou deux peut-être... Les gardes étaient la plupart du temps cantonnés à l'intérieur. Ils ne sortirent qu'à une occasion, pour contrôler des voyageurs, des gens sans histoires apparemment puisqu'ils revinrent presque aussitôt dans la guérite. Puis l'un d'eux sortit, seul, et resta sur le seuil de la porte, saluant quelqu'un à voix haute. Le nouvel arrivant passa à son tour le seuil de la guérite et lança un salut à la cantonnade.
" Je viens pour votre prisonnier... l'entendit annoncer Kasumi. Puis-je le voir ?"
Il s'approcha de la cellule et Kasumi reconnut le garde ailé qui avait apporté Rubis au rendez-vous, plus de deux veilles auparavant. Il l'invita à s'asseoir sur l'un des sièges de la guérite, sous l'oeil intrigué des autres gardes.
" Alors... qu'avez-vous fait de Rubis ?" demanda-t-il sans s'encombrer de fioritures.

Il était tentant d'utiliser l'une des histoires qu'il avait eu des heures pour inventer et peaufiner. Prétendre par exemple que Rubis avait été capturé ou perdu dans le désert pour éviter toute recherche était la plus crédible de son point de vue. Cependant, il n'avait pas envie de se montrer malhonnête et de laisser à penser à ceux qui l'avait aidé, le soigneur notamment, que l'aigle avait connu un destin funeste. Il répondit donc sans détour, regardant le garde dans les yeux et avec aplomb :

- Je n'en ai rien fait, au contraire : je l'ai laissé reprendre sa liberté. Je le lui devais bien pour l'aide qu'il m'a apportée.

Le garde poussa un profond soupir.
" C'est bien ce que je craignais, marmonna-t-il. Cette fichue druidesse a eu une bien mauvaise influence sur vous... Ou peut-être est-ce via votre grand-mère, je n'en sais rien. Mais bon sang, vous savez combien ça coûte, d'élever et de nourrir pendant des années un aigle de ce genre ? Vous imaginez qu'on fait ça pour les laisser filer dans la nature ensuite ?"

Le rôdeur répliqua d'un ton désolé mais déterminé à faire valoir son point de vue :

- Il me semble que Rubis ne vous était plus d'aucune utilité sinon j'y aurais réfléchi à deux fois. Et cette décision est la mienne : je ne me défausserai sur personne de l'avoir prise. Rubis a eu le choix et a préféré trouvé son chemin plutôt que retourner dans sa cage. Et ainsi il ne vous coûtera plus rien en entretien...

Bon, cet argument était peut-être un peu cynique mais c'était aussi la pure vérité.

Le garde croisa les bras.
" Et qui êtes-vous donc pour juger de son utilité ? Certes, il ne participait plus aux rondes quotidiennes, mais il faisait partie des réservistes. En cas d'alerte, de menace sur Everaska, de conflit ou de guerre, toutes les forces sont mobilisées !"
Il secoua la tête.
" Vous imaginez, si tout le monde se met à agir comme vous ? Si tous les aigles de la volerie sont libérés, comme ça, sous prétexte qu'ils ne volent plus tous les jours ? Ils nous sont indispensables en cas de crise !"
Les deux autres gardes assistaient à la scène, et l'interlocuteur de la garde ailée réalisa combien ils étaient interloqués. Se tournant vers eux, il précisa, sèchement :
" Bien entendu, rien de tout cela ne doit sortir d'ici. Je ne veux pas qu'on sache que la garde a perdu un aigle !"
Ils acquiescèrent de concert.
" Quant à vous... Ce qui est fait est fait, mais sachez que nous allons rechercher cet aigle. Et que si nous le retrouvons pas, ce sera à vous de répondre de sa disparition. Pour l'heure vous êtes libre, mais vous êtes convoqué après-demain, à onze heures, à la commanderie. Je vous conseille très fortement d'être ponctuel..."

Ces arguments étaient valables bien entendu et Kasumi ne pouvait s'empêcher de se sentir un peu penaud mais comme l'avait dit le cavalier, ce qui était fait était fait. De plus, il ne regrettait pas vraiment son geste : Rubis méritait réellement sa liberté, qu'elle que soient les circonstances. Le rôdeur espérait surtout qu'Eärundra avait eu raison et que ni Rubis ni Opale ne puissent être retrouvé là où ils avaient élu domicile. Pour chasser ces doutes, il répliqua d'un ton calme tout en se levant :

- Est-ce que vous allez me raccompagner ? Je n'ai pas l'intention de m'enfuir mais vous avez certainement reçu des ordres me concernant.

Le garde secoua la tête.
" Non. Je vous l'ai dit, vous êtes libre... sous réserve que vous vous présentiez aux autorités après-demain. Et de toute façon, je suis venu avec ma monture, et un aigle ne peut pas transporter deux personnes. A moins bien sûr que vous ne vouliez qu'il vous prenne dans ses serres..."
Il eût un sourire mi-figue, mi-raisin.
" Mais je survolerai le secteur et je vérifierai que vous prenez bien la route qui conduit en ville. Parce qu'en attendant qu'une décision soit prise après-demain, vous devez vous engager à ne pas quitter le territoire sans autorisation. "

Voilà qui était prometteur et qui avait toutes les chances de gâcher la petite-fête organisée par son frère... Décidément, revenir à Everaska était une erreur sur toute la ligne. Le demi-elfe récupéra ses affaires et répondit, maussade :

- Pour ce que ça vaut, je m'y engage.

Vu le temps qu'il avait perdu dans cette prison, il était peu probable qu'il parvienne à la ville avant la tombée de la nuit aussi pressa-t-il le pas sans se donner la peine d'attendre que le cavalier ne se mette en route.

Il quitta enfin sa cellule au milieu de l'après-midi. En marchant d'un bon pas, il serait à Everaska un peu après la tombée de la nuit. La neige tombait toujours, et devint pluie plus bas, fine et glaciale. Rien de bien propice à lui remonter le moral.

Mais dans ce tableau bien terne, il y eut tout de même une éclaircie : avant d'être arrivé à mi-chemin de la cité, il eut la joie de reconnaître une silhouette à la chevelure rousse et aux yeux verts, montée sur un magnifique étalon bai, et suivie de près par Espoir, qu'il avait monté plusieurs fois depuis son arrivée ici. Les deux bêtes avançaient au trop, et Sylvia leur fit piquer un petit galop en l'apercevant. Elle avait un sourire lumineux aux lèvres, et le regard toujours autant débordant de tendresse.
" Ah, je savais bien que je te trouverais en route !"

Le rôdeur était trempé comme une soupe malgré son manteau et il ruminait ses inquiétudes depuis des heures mais un seul aperçu de Sylvia lui rendit le sourire : avec elle à ses côtés, ses soucis lui paraissaient soudain triviaux et secondaires. Il salua Espoir avant de se hisser souplement sur son dos puis il mena habilement sa monture auprès de celle de la rôdeuse pour lui voler un baiser.

- Et tu ne pouvais pas mieux tomber ! Rentrons, tu veux bien ?

La rôdeuse lui rendit son baiser, aussi fougueuse qu'à son habitude, et lui sourit avec douceur avant de lui répondre :
" C'est pas de refus ! On va attraper la mort à rester sous cette pluie glaciale... Et tu vas voir, j'ai progressé en équitation, on peut sans souci prendre le galop jusque chez toi ! On y sera dans une heure je pense..."
La route, large et pavée, permettait d'avancer rapidement et confortablement, et il leur fallut effectivement guère plus d'une heure pour rejoindre le domaine familial. L'horizon ouest, toujours chargé, se marbrait de couleurs rouges et violacées, et une bonne odeur de soupe émanait de la cuisine, se faisant sentir jusque dans la cour où ils démontèrent. Le palefrenier les attendait, et prit en charge les montures tandis qu'ils se mettaient enfin à l'abri.
ce fut Elvilith qui les accueillit, levant les yeux au ciel devant leur état.
" Contente de te revoir, Kasumi... Mais avant que je vous laisse entrer dans les pièces, disons, civilisées de la maison, vous avez besoin d'un bon bain chaud et de vous changer ! Tes affaires ont dû prendre l'eau, mais tu trouveras des vêtements secs dans ta chambre..."

Kasumi salua sa grand-mère avec chaleur, heureux de revoir un visage elfe amical après les dernières péripéties de la journée. Mais il ne tarda pas à adresser un regard de connivence à Sylvia et à déclarer innocemment :

- Oui, nous avons tous les deux besoin d'un bon bain chaud. Mais comment allons-nous déterminer qui ira en premier ? Je suis tout prêt à te céder ma place même si je suis trempé comme une soupe...

La grand-mère, qui était encore à portée d'oreille, leva les yeux au ciel mais ne fit aucun commentaire, et quitta le hall d'entrée pour les laisser en tête à tête, en leur précisant qu'elle se chargeait de leur allumer le feu dans la salle d'eau.
" Cruel dilemme, commenta la rôdeuse. Alors... puisque tu es le plus mouillé de nous deux, et que je déteste être embrassée par un homme trempé et glacé, tu vas me faire le plaisir de te plonger vite fait dans l'eau chaude. Parce que, vois-tu... je ne pourrai pas t'embrasser avant que tu aies repris une température acceptable... Après, en revanche, quand tu mitonneras dans un bon bain chaud... ça sera déjà beaucoup plus attrayant !"

Les yeux de Kasumi s'illuminèrent tandis qu'il souriait sans retenue.

- Dans ce cas je file me baigner sans attendre !

Il fallut tout de même attendre que la pièce d'eau soit apprêtée et que le bain prenne une bonne température mais sa patience fut récompensée : se plonger dans une eau bien chaude après toutes les épreuves qu'il avait endurées, le froid de l'altitude et des cols, la chaleur extrême du désert, l'impossibilité de se laver convenablement durant tout le périple. L'effet bienfaisant du bain lui fit aussitôt oublier les problèmes qu'il lui restait à affronter et il ferma les yeux de bien-être, à la limite de la somnolence.

Un bruit ténu le poussa à rouvrir les yeux, après un temps indéfini... pour se trouver face à Sylvia, à quelques centimètres de son visage, juste au moment où ses lèvres se posaient sur les siennes. La rôdeuse, les yeux pétillants de malice -et pas seulement de malice-, était entrée à son tour sans faire de bruit. Et elle était entièrement nue, et apparemment bien décidé à le rejoindre dans la baignoire pourtant trop petite. Bah, l'eau déborderait... était-ce un problème après tout ? En tout cas, elle ne semblait pas s'en soucier le moins du monde...

C'était bien loin d'être la première réflexion qui traversa l'esprit du demi-elfe à cet instant : il aida la rôdeuse à rentrer dans la baignoire sans encombre puis la laissa s'installer confortablement sans jamais la quitter des yeux. Il n'avait pas l'intention de perdre la moindre miette de ce magnifique spectacle et poussa un soupir d'extase :

- Me suis-je endormi dans mon bain ? Si c'est le cas, c'est le plus beau des rêves...

Tiré de sa torpeur, il ne la laissa pas répondre et déjà ses lèvres se posaient à nouveau sur les siennes, passionnées et gourmandes.

La seule position possible pour Sylvia, compte tenu de l'étroitesse de la baignoire, fut de s'installer à califourchon sur lui, ce qui ne sembla pas la gêner le moins du monde, bien au contraire... Elle semblait s'amuser de l'émoi qu'elle suscitait chez lui, et décidée à en jouer jusqu'à le rendre, probablement, fou de désir. Ce qui du reste ne tarda guère, vu la passion de leurs baisers, le jeu de leurs caresses de plus en plus osées, de plus en plus intimes. Ils perdirent tous les deux le contrôle de leur souffle, de leurs mains, de leurs corps, et se laissèrent entraîner dans une étreinte aussi brève que brûlante, jusqu'à ce que l'apaisement vienne enfin.
Sylvia resta un long moment à demi allongée sur lui, les yeux fermés. L'eau refroidissait, mais la chaleur de leurs deux corps lovés l'un contre l'autre leur suffisait.

Comblé, apaisé et détendu, Kasumi avait enserré sa compagne dans ses bras et caressait tendrement la peau de son dos, ne se souciant guère de l'eau qui deviendrait bientôt froide ou que le monde extérieur ne finisse par s'inquiéter du temps anormalement long qu'il avait passé dans la salle de bain. Au bout d'un long moment, il se pencha légèrement pour lui souffler au creux de l'oreille :

- Tu me rends heureux, Sylvia.

Après quoi il en profita pour lui embrasser la tempe puis la joue et enfin les lèvres en un chaste baiser.

La Couronne de Cuivre

[Everaska] Quête: Racines