La Couronne de Cuivre

Amélie eut un éclat de rire ravi mais quelque peu inquiet toutefois. Voler était bien sûr excitant mais totalement inédit, du moins pour elle. Elle s'écarta quelque peu de Marvin et se demanda ce qu'elle allait bien pouvoir faire ainsi affranchie des lois de l'apesanteur. En s'aidant de ses bras, elle alla jusqu'au plafond et se retourna, la tête à l'envers. Là, elle fit mine de s'asseoir. Les cheveux dans les yeux, elle retenait cependant sa jupe.

"J'ai toujours rêvé de faire ça.", souffla-t-elle ravie.

Puis elle redescendit et serra son ami dans ses bras.

"Mais je suis beaucoup mieux ici, avec toi."

Marvin n’avait rien manqué de ces évolutions aériennes en arborant une expression aussi ravie qu’amusée. Quand elle redescendit au sol à la vitesse d’une plume, il l’accueillit bien évidemment dans ses bras et répliqua sur le ton de l’humour :

- Pour le moment, c’est un sort très pratique pour faire les poussières au plafond ou changer les bougies des lustres mais je travaille à l’améliorer avec quelques collègues. Notamment pour augmenter la durée de l’effet. Cela dit, une minute sans pouvoir te serrer dans mes bras est bien long déjà !

Amélie serra Marvin dans ses bras avant de lui demander.

"Cela t'embête-t-il si nous passons chez mes parents ? J'aimerais bien les voir un peu et utiliser leur atelier. J'ai une petite idée de cadeau pour tes parents. ça ne prendra pas très longtemps."

Le jeune-homme lui adressa aussitôt un sourire lumineux avant de répondre avec gravité :

- J’en serais très honorée et je suis certain que mes parents seront contents de recevoir ton cadeau. Je pensais partir pour chez eux demain matin : cela nous laisse toute la journée pour passer du temps en ville.

Amélie hocha la tête, les yeux brillants, signe que cette perspective lui faisait on ne peut plus plaisir.

"Mes parents ne savent pas que je suis revenue. On pourrait peut-être leur faire une surprise, tu ne trouves pas ?"

Son petit sourire espiègle trahissait qu'elle avait quelques petites idées en tête.

Marvin aurait certainement dû se sentir nerveux à l’idée de rencontrer les parents de sa compagne mais il se sentait surtout porté par l’enthousiasme de cette dernière. Il ne voulait en aucun cas lui gâcher son plaisir et rencontrer sa famille serait une première étape agréable avant qu’elle ne lui rende la pareille.

- Je suis partant bien sûr ! A quelle genre de surprise est-ce que tu penses ?

Amélie eut un petit sourire.

"Une rose de verre soufflé. C'est moins classique qu'une fleur et ça donne un bon aperçu de mon métier. C'est un des premiers travaux que j'ai réalisé. Normalement, ce sera rapide. Qu'en pense-tu ?"

Le visage de Marvin s'illumina à cette idée et il répondit avec énormément enthousiasme :

- Je suis certain que ma mère adorera ! Tu vas te la mettre dans la poche en un clin d'œil, c'est sûr ! Je suis en tous cas impatient de voir ça.

Sans préciser s'il évoquait la rose ou la réaction de sa mère à l'égard de sa compagne.

Amélie ne le savait pas non plus mais espérait secrètement les deux. La perspective de travailler de nouveau et cela pour la mère de son amie la ravissait. Elle serra de nouveau Marvin dans ses bras.

"Tout cela, c'est grâce à toi. Et je suis enfin de retour, tu te rends compte ?"

Jusqu'à présent, elle ne s'était pas rendue compte à quel point sa ville lui avait manqué.

Le jeune-homme l’embrassa tendrement sur le front avant de répondre d’un ton affectueux :

- Tes parents doivent beaucoup te manquer aussi. Et j’imagine qu’ils seront très contents de te revoir aussi !

HRP : si tu veux bien, je te laisse mener les deux tourtereaux sur place et mettre en place le décor avec les parents d’Amélie.

Marvin avait admiré comme il se doit les œuvres exposées dans les vitrines de cette rue mais il semblait maintenant un peu nerveux à l'idée de revoir les parents de sa compagne. Non pas qu'ils étaient intimidants mais ils posaient parfois des questions embarrassantes. Et qui le faisaient rougir par dessus le marché !

Mais il n'était plus temps de reculer : Amélie reconnut la voix de son père provenant de l'atelier : "Entrez, c'est ouvert," lança-t-il comme il le faisait souvent en pensant recevoir quelque client.

Se déplaçant à pas de loups et calquant sa démarche sur celle d’Amélie, Marvin revint à sa hauteur pour lui tenir la main et lui montrait qu’il était là pour elle en ce moment si chargé en émotions. C’est donc main dans la main qu’ils pénétrèrent dans l’atelier tenu par le père de la jeune-femme.

Celui-ci leur tournait le dos et était penché sur un travail en cours, inspectant un vitrail en cours de restauration à l’aide d’une loupe. Sans se retourner, il lança aimablement par-dessus son épaule :

- Entrez, je suis à vous dans une minute !

Selon le ton, il pensait encore certainement avoir affaire à de simples clients.

Serrant fort la main de Marvin dans la sienne, Amélie laissa les larmes affluer librement. Mais elle demeura coîte, attendant que son père se retourne de lui-même. Contrairement à sa mère, il n'avait plus la force ni le courage nécessaires pour les grands voyages. Il lui avait énormèment manqué. Maintenant, tremblante à quelques pas de lui, elle attendait le moment où elle pourrait se jeter dans ses bras.

Au bout d'un moment, ne parvenant plus à tenir son objectif, elle avala sa salive et prononça doucement les deux syllabes, se délectant de leur musique.

"Papa .."

Mais personne ne la jugea dans cette pièce où elle n'avait que des personnes qui l'aimaient telle qu'elle était. Marvin se tint un peu à l'écart, souriant et conscient que ce moment n'appartenait qu'à sa compagne et à son père. Ce dernier semblait lui aussi ému aux larmes. Ce fut tout de même lui qui rompit le silence de sa voix bonhomme mais sans relâcher son étreinte :

- Quel bon vent vous amène, les enfants ?

Il avait naturellement inclus Marvin dans sa question mais le jeune-homme préféra laisser Amélie répondre.

Amélie parvint à se calmer assez pour lui répondre.

"Marvin et moi sommes invités par sa mère au domaine de Clairecombe. Mais avant, je voulais vous voir toi et maman et pourquoi pas confectionner une rose en verre pour lui offrir. Ce ne sera pas très long. Enfin ... si tu veux bien que j'utilise ton matériel."

Ellle eut un grand sourire bonhomme qu'il lui connaissait si bien.

- Bien sûr mais à deux conditions non négociables, répondit gaiement son père avant de tendre une main pour saluer Marvin. Il laissa volontairement flotter le doute avant d’expliciter ses demandes :

- Tout d’abord, que vous preniez le temps de déjeuner : maman a fait un excellent ragout et a même préparé une bonne tarte aux pommes.

Cette perspective semblait réjouir son père et nul doute que les petits plats auraient encore plus de saveur avec cette visite inattendue.

- Mais avant tout, je veux que tu me sèches ces larmes sinon ta mère va m’accuser d’en être la cause et je risque d’être privé de la tarte !

Amélie sécha ses larmes avec un grand sourire.

"Si en plus tu me prends par les sentiments ..."

Elle se tourna vers Marvin et lui demanda.

"ça ne te gêne pas trop ? Je sais que ce n'était pas prévu ..."

Elle se doutait déjà de la réponse.

Et la réponse du jeune-homme ne fut en effet pas du tout surprenante : il n’était absolument pas du genre à priver Amélie du plaisir de passer un peu de temps avec sa famille surtout quand le but premier de ce voyage était de la présenter à la sienne.

- Bien sûr que non, ça ne me gêne pas du tout ! Bien au contraire, même !

Son père ne résista pas à l’envie de montrer son travail aux deux jeunes gens, fier comme toujours de ses réalisations et surtout désireux de les partager. Il s’agissait là d’un vitrail figurant un groupe de quatre personnes à cheval. Il y avait nettement un mage en robe, une prêtresse de Tymora arborant le symbole de sa divinité, un guerrier en armure lourde et un archer. Les détails et le jeu des couleurs vives – tant pour les cavaliers que pour leur monture – étaient absolument époustouflants.

- C’est une commande pour la loge des aventuriers. C’est peut-être un peu classique mais le client est roi et j’ai inclus quelques détails de mon cru !

Amélie contempla fascinée le travail de son père, allant jusqu'à évaluer la finesse du verre entre le pouce et son index. Pas d'aspérités, pas de défauts, toujours cet assortiment de couleur. Une fois encore, il tutoyait la perfection. Et elle en était fière. Elle sentit une nouvelle fois les larmes affluer. Cette fois, elle ne fit aucun effort pour les retenir. Elle sourit cependant.

"C'est vraiment magnifique."

Son père ne cacha pas son plaisir à recevoir ce compliment qui valait toutes les consécrations de la part de ses pairs. Sa fille avait un goût très sûr et, au-delà de ça, son avis comptait beaucoup plus que tous les autres.

Marvin s’était approché lui aussi et se tenait à distance respectable, comme s’il craignait d’abîmer la magnifique fresque. Il fut néanmoins le premier à remarquer un détail en arrière-plan :

- Est-ce que c’est bien Amélie que vous avez représentée avec ce luth et ce capuchon bleu ?

Amélie n’eut pas besoin de voir le sourire et le signe de tête de son père pour reconnaître la nuance si particulière qui était sa marque de fabrique.

Celui-ci était visiblement très touché par cette marque de gratitude et il rompit à contrecœur leur étreinte au bout d’un moment :

- Tu vas me faire rougir si tu continues ! Mais je suis ravi que le vitrail te plaise : il doit être installé la semaine prochaine et j’ai hâte de voir comme il aura fière allure !

Il y avait une question muette derrière cette remarque : Amélie viendrait-elle le voir en rentrant du domaine de la famille son compagnon ?

Amélie saisit d'emblée la question sous jacente. Elle demanda.

"Je suis sure qu'il sera magnifique. Où est-ce qu'il doit être installé ? Comme ça, je pourrai aller devant et dire que c'est mon papa qui l'a réalisé à qui voudra bien m'entendre."

Elle eut un petit rire mais les deux hommes savaient qu'elle en était parfaitement capable.

Marvin et le père d’Amélie s’échangèrent un regard à ce moment et partirent tous les deux d’un fou rire irrépressible. Les larmes aux yeux, ils eurent bien de la peine à recouvrer leur sérieux mais le mentor d’Amélie fut le premier à craindre de l’avoir vexée et il s’empressa de répondre à sa question :

- Le nouveau siège de la loge des aventuriers est sur la place du festival. Et mon vitrail sera exposée sur sa devanture donc tu devrais rapidement le reconnaître.

Mais Amélie ne se vexa pas. Au contraire, elle finit par rire avec eux en se demandant toutefois ce qu'elle avait dit de si drôle. Puis elle ajouta.

"Alors j'irai le voir. Au fait, j'ai commencé à m'entraîner un peu sur le mien même si à Manost, ce n'est pas très facile mais j'ai un peu progressé. Au fait, tu savais que Léonard vivait à Manost, maintenant ? Je l'ai retrouvé là-bas."

Son père et son compagnon échangèrent encore quelques sourires complices et il était probable que la réaction de la jeune femme soit la cause de leur hilarité mais plus probable encore qu’aucun n’accepterait de lui dire pourquoi.

Son père semblait heureux et soulagé que sa fille puisse au moins compter sur un ami proche dans cette grande ville froide et lointaine et le lui fit savoir avant de l’interroger avec curiosité et même excitation :

- Tu sais déjà ce que tu comptes faire ? Tu aurais des esquisses ?