La Couronne de Cuivre

" Malheureusement, il n'en est rien, dit le jeune homme en les posant sur la table. Ce sont des bouchons de fiole et des couvercles de bocaux. Il va d'ailleurs y avoir un grand concours de vitesse et d'adresse organisé dans peu de temps... On me dit à l'étage inférieur que les lots seront nombreux et somptueux !"
Il s'approcha de Lena et regarda la cape.
" Dans mon souvenir, c'est comme un sac jusqu'à la taille, puis c'est fendu à la hanche, pour tenir à cheval. Je me souviens que la toile est repliée sous les fesses, pour protéger la selle des accidents. C'est prévu pour être très long : aucune parcelle du gosse ne doit être visible à l'extérieur. On les en revêt avant de les mettre à cheval : le recruteur attrape le gosse par la taille et le juche sur la bête. Il l'y laisse parfois seul pendant de longues minutes.
— Il a les mains libres ?
— Ah non. Liées dans le dos. Certains sont parfois tellement paniqués, qu'ils font n'importe quoi. On raconte qu'avant qu'on instaure cette pratique, certains recrutés n'arrivaient même pas vivants à la caserne."

Taliesin grimaça. Il avait l'impression - non, c'était une quasi certitude - que Perceval ne se rappelait que progressivement les détails de l'enrôlement. Il le comprenait très bien, là n'était pas le problème, mais il redoutait ce dont il risquait de se souvenir bientôt... Malheureusement, il fallait qu'ils jouent la comédie de manière parfaite... et donc sans rien en omettre.
Restait à découvrir la suite éventuelle sans brusquer le guerrier.
-Je suis certain qu'on va y arriver en limitant au maximum les dégâts. On peut faire semblant d'être pressés, ce qui expliquera qu'on ne fasse pas lanterner les gosses sur les chevaux. On peut aussi se positionner de telle sorte qu'au moment où on liera les mains, leur ancien maître ne voie pas tous nos gestes, et donc qu'il ne remarque pas qu'on ne serre vraiment pas fort...

" Bien sûr, dit le jeune guerrier. De toute façon, les gens parleront peu de ce qui se sera déroulé. Il faut juste qu'ils n'aient pas l'attention attirée par une bizarrerie..."
Il reprit ses caisses.
" Bon... J'imagine qu'on doit attendre Kerun, maintenant. Je vais aller enfoncer mes bouchons et visser mes couvercles. Si quelqu'un s'ennuie, il est le bienvenu."

Ils en eurent relativement vite terminé et Lena proposa à Taliesin de se charger des finitions tandis qu'il gagnait le hangar pour aider Perceval. Trouver celui-ci dans le dédale d'étagères ne fut pas très complexe : il l'entendit siffloter. Il avait ouvert deux caisses remplies de petits bouchons au pied d'un grand meuble pourvu de multiples tiroirs larges et plats. A l'intérieur de ceux-ci se trouvaient des éprouvettes, alignées soigneusement sur une étoffe de velours. Il les rebouchait une par une, avec concentration. Il sourit au barde en le voyant approcher.
" Je viens de penser au fait que beaucoup de mages viennent se fournir en éprouvettes, fioles et autres flacons chez nous... Il n'est pas dans notre habitude... dans nos règles, en fait, d'exposer le Comptoir à nos manigances, mais... peut-être qu'il y aurait moyen d'en tirer quelque chose... Non ?"

Il se fit songeur.
-C'est sûr que le comptoir est un atout. Mais hormis écouter attentivement les conversations, la seule autre solution qui me vient à l'esprit, ce serait d'exposer en boutique un instrument en verre spécifiquement destiné aux parturientes ou aux sages-femmes, pour peu que cela existe et en espérant que cela suscite des commentaires. Toute autre démarche me paraît trop risquée : il ne faut surtout rien changer au fonctionnement habituel, surtout après avoir multiplié les opérations d'envergure...

" Oui, je sais... Nous avons déjà beaucoup de choses sur le feu... Mais je me disais... Peut-être qu'en examinant les registres ? On a quelques Disciples qu'on connait... En regardant ce qu'ils ont commandé... on pourrait être sûr de l'identité des autres... et peut-être qu'on trouverait quelque chose d'intéressant ? C'est sûr que leur fiche de bibliothèque serait plus riche en informations que leur liste de matériel d'alchimie... Mais quand même... Par exemple, chaque potion a sa fiole traditionnelle, de forme et de couleur spécifique... Bon, les achats standards ne sont pas répertoriés, mais les commandes..."
Il fronça les sourcils.
" Je me dis que ça ne coûte rien d'y jeter un oeil. Ce sont des données dont nous disposons..."

Il hocha la tête, lui adressa un sourire plein de gratitude.
-Heureusement que tu es là, Perceval. Personne n'y a pensé, alors que c'est une excellente idée... Comme celle des fiches recensant les livres empruntés par les Disciples, d'ailleurs. Bon, j'imagine qu'ils ont ce qu'il faut dans l’école elle-même, et la Bibliothèque magique doit être tout aussi difficile à infiltrer. Néanmoins, dans l'absolu, c'est une piste prometteuse. Il faudra qu'on en parle à Kerun, au cas où.

Le jeune guerrier sourit au barde.
" Je ne suis pas aussi stupide que j'en ai l'air." dit-il, en décrochant un tiroir d'éprouvettes qu'il posa au sol devant le barde.
Il lui jeta ensuite un regard incertain.
" Je sais que ce n'est pas la tâche la plus passionnante du monde, mais nous devons continuer à faire tourner le commerce... expliqua-t-il avec une grimace. Il faut juste mettre un bouchon sur chaque tube. Il faut qu'il tienne bien. Tous n'ont pas exactement la même taille. Ceux qui sont cassés, il faut les jeter dans le sac qui se trouve là... Il faut aussi essayer, dans la mesure du possible, de ne pas laisser trop de traces de doigts sur le verre... Mais je pense que je frotterai tout ça avant de refermer les tiroirs, donc c'est moins important. Et il y en a malheureusement trois mille. Mais on peut aller jusque là où on tient... puis faire une pause. Tout ne doit pas être bouclé aujourd'hui."

Ils se mirent donc au travail. La tâche demandait une certaine concentration mais pas au point de priver les deux hommes de toute conversation. Perceval semblait cependant plutôt enclin à la chansonnette, ce dont il ne s'acquittait pas trop mal. Il avait une voix de basse plutôt bien posée, et Taliesin et lui parvinrent à se trouver des bribes de répertoire commun, chansons populaires dorrandines que le barde avait apprises lors de son séjour à Manost, notamment. Ils n'étaient pas toujours d'accord sur les paroles, mais cela ne leur posait pas de réel problème.
" Je me demandais... et pardonne-moi si la chose est indiscrète, dit le jeune homme en replaçant un second tiroir d'éprouvettes dans son meuble. Est-ce que tu sais si Galathée sera sur le point d'accoucher ? Je sais qu'on a parlé de sept ou huit mois de grossesse, sans doute, mais... est-ce que la durée des demi-elfes est la même que pour les humains ? J'imagine... j'aurais pensé que les elfes venaient au monde après un temps plus long... Mais je n'y connais rien."

Effectivement, ce n'était pas un sujet dont il aimait parler. Mais il n'avait aucune envie de rabrouer Perceval.
-Tu as raison : pour les elfes, la durée de gestation est plus longue. En revanche, pour les demi-elfes, c'est neuf mois, comme pour les humains. Le bébé ne va donc pas tarder à arriver.
Sauf si Galathée l'a déjà perdu.
Sauf s'ils sont déjà morts tous les deux.
-Je souhaite de tout cœur que l'accouchement ait lieu ici, au milieu de gens bienveillants... reprit-il toutefois, s'arrachant tant bien que mal à ses idées noires. Et puis... Je n'ose songer à ce que les Melandiens font des nourrissons.

" Ils les élèvent, généralement, dit Perceval d'un ton apaisant. Même si le bébé est déjà né, il n'est pas perdu."
Il pinça les lèvres.
" Je sais que la question est délicate mais... c'était pour prévoir. Si nous avons une naissance ici, il faudra qu'on s'organise un peu... Personne dans cette maison n'a jamais mis un enfant au monde et je n'ose pas imaginer Sedanius au moment crucial... même s'il est clerc !"
Il sourit doucement.
" Enfin... Je ne devrais pas dire des choses comme ça. Les femmes mettent des enfants au monde depuis toujours, ce ne sera pas différent. Et je suis certain que Lathandre permettra que tu sois là pour assister à la naissance. C'est le dieu des commencements."

-S'ils s'en sortent tous les deux, et s'ils retrouvent la liberté, j'aurai déjà de quoi remplir toute une vie d'elfe de prières de remerciement... Mais c'est sûr que si je peux être là, je ne m'en plaindrai pas.
Il boucha une nouvelle éprouvette.
-C'est dommage que notre garçon soit à des milliers de lieues d'ici : l'arrivée d'un petit frère ou d'une petite sœur, ça n'est pas rien.
Il sourit.
-D'un autre côté, je suis soulagé de le savoir en sécurité sur Helonna... Et d'ici quelques mois, il pourra largement profiter du bébé. Il devra le bercer chaque fois qu'il se réveillera la nuit, pour permettre à Galathée de dormir.
Il avait failli dire "Pour nous permettre de dormir", mais lui même aurait tout loisir de se reposer, au fond de sa cellule...

Perceval rit de bon coeur.
" Ah, je connais bien ça. J'ai bercé ma petite soeur... et mon petit frère... plus d'une fois. Bon, c'était dans des circonstances moins roses que celles qui vous attendent..."
Son front se barra d'un pli, un moment, puis il regarda le barde avec une grimace.
" Constance... et Gauthier... nous ont raconté ce à quoi tu t'étais engagé. De retourner à Luménis ensuite... avec Kerun... Je veux que tu saches que... si tu voulais... changer d'avis... Nous serions plusieurs à être prêts à... "
Il ne put cependant pas continuer sa phrase, car ils entendirent du raffut dans la salle commune et Sedanius s'encadra dans l'embrasure de la porte.
" Kerun est rentré. Il aimerait que nous nous rassemblions tous au plus tôt. Dès que vous pouvez ménager une pause dans votre travail..."

-On arrive ! lança-t-il.
Puis, dès que le clerc eut disparu, il refit face à Perceval.
-Merci beaucoup pour ce que tu suggères. Cela me touche. Mais... Je dois tenir parole. Certaines personnes ont pris des risques en me laissant continuer mon voyage : je ne veux pas leur faire défaut. Je ne veux pas non plus contraindre les miens à une vie d'exil... Et puis... J'ai besoin que justice soit faite. Je ne pourrai pas vivre avec un nouveau crime sur la sonscience.
Il se fendit d'un sourire douloureux qui finit cependant par s'éclairer quelque peu.
-Mais encore une fois... Merci. Vraiment.
Il jeta un regard aux bouchons, aux éprouvettes.
-Dis-moi quand tu penses qu'on peut y aller. Je me demande ce que Kerun a découvert...
Il se le demandait. Et il s'en inquiétait.

Perceval parut sur le point de dire quelque chose, mais se ravisa.
" Vas-y. Je vais refermer les boîtes, ça prendra un instant. Et je devine que Lena et Sedanius sont déjà en train de lui présenter nos projets... Je n'ai pas particulièrement envie d'être là quand il va dire qu'il n'est absolument pas question que je participe à l'intervention."
Il eut un sourire contraint et se détourna pour ramasser le tiroir en cours et le glisser sur une étagère, en attente de la reprise du travail. Taliesin se dirigea donc vers la salle. Il entendit la conversation qui s'y déroulait avant même d'avoir franchi la porte.
" La prochaine fois, il n'est absolument pas question que je prenne une apparence féminine, je n'avais aucune idée de l'enfer que c'était, disait Kerun.
— Ah ça... Je suis sûre que c'était une expérience intéressante, répondit Lena.
— C'est parce que tu n'en as pas profité..." ajouta langoureusement Meloenn.
L'agent secret s'interrompit lorsque Taliesin franchit la porte : il avait retrouvé son apparence masculine. Arion était assis, tout comme Meloenn, qui paraissait à peine réveillée. Abel avait fermé la boutique et regardait son croquis d'un oeil exercé. Lena terminait de servir le thé. Sedanius était relativement illisible.
" Parfait. Où est la carte ?"

-La dernière fois que je l'ai vue, elle était sur la table..
Il adressa un sourire à l'agent secret, renonça à le taquiner et se choisit la place la plus éloignée possible de Meloenn pour s'y installer.
-Perceval finit de ranger et il arrive, ajouta-t-il.
Bon, Kerun ne semblait pas particulièrement inquiet... C'était déjà ça.

Le jeune homme arriva peu après, tandis que Lena avait à nouveau déroulé la carte sur la table.
" Bon... Oh... Je vois que vous avez éliminé les Hekka, les Sourdebouche et les Tombefol. Beau travail."
Il retourna un sourire satisfait à Lena et Taliesin. Celle-ci sourit, embarrassée, jetant un petit regard à la dérobée en direction du barde. Mais Kerun était déjà penché sur la carte et n'en vit rien.
" Bon. J'ai éliminé les Gardepont... Leur gamine est déjà dans l'année supérieure et a ramené... un gnoll, si j'ai bien compris. Et chez les Massacre de Tordo, comme tu le pensais, Lena, il n'y a pas de disciples. Ils ont un moment accueilli un cousin de la campagne, qui a tenté sa chance, et qui s'est fait tuer en classe.
— On peut savoir comment tu as obtenu ces informations ? demanda Meloenn en battant des cils.
— En donnant de ma personne." répondit l'agent secret avec une grimace.

Il se mordit la lèvre pour ne pas sourire trop ostensiblement. Car vu l'apparence qui avait été celle du Luménien, l'expression dont il venait user pouvait laisser imaginer des situations cocasses...
Mais il y avait un moyen plus efficace encore de museler son hilarité naissante.
-Chez les Tombefol, une petite esclave m'a dit que, dans une autre famille, un Disciple avait ramené un garçonnet. Mais je n'ai pas de nom, malheureusement.
Voilà, c'était fait.
Maintenant, ne plus y repenser.

Le regard de Kerun se fit plus incisif, une seconde, comme s'il avait perçu quelque chose dans le ton ou l'attitude du barde.
" Qui gravite autour des Tombefol ? demanda-t-il.
— Plusieurs des familles restantes, je le crains, dit Lena. Les Fumedense, en tout cas, et les Sumpfknochen...
— Les Louviers, éventuellement." ajouta Meloenn.
Kerun opina du chef.
" Gardons l'information en tête, elle se révélera peut-être utile. Il nous reste huit familles potentielles. Quelles sont nos prochaines étapes ?"
Lena et Perceval regardèrent tous deux en direction du barde, tandis qu'Abel s'éventait avec son croquis de recruteur. Sedanius poussa un bref soupir. Meloenn sourit à Taliesin.
" Un discours ?"

Le barde grimaça, chercha ses mots.
Se lança.
-Kerun... Durant ton absence, nous avons eu une idée... Il s'avère que les Sombregloire, l'une des familles restantes, exploite Hippolyte, l'un des enfants que nous devons sauver. En le libérant, nous ferions d'une pierre deux coups, puisqu'il pourrait sans doute nous fournir de précieuses informations. Seulement, comme l'enver serait trop risqué, comme il nous semble possible que ses maîtres refusent de le vendre s'ils n'y sont pas contraints... Nous avons songé à une couverture sortant un peu de l'ordinaire.
Il adressa à Kerun un sourire qu'il espérait désarmant et se hâta d'enchainer :
-Nous proposons de nous faire passer pour des recruteurs de la Phalange des Ténèbres. Puisque des rumeurs de guerre circulent, puisqu'ils sont par conséquent susceptibles d'être plus actifs que de coutume, d'enrôler rapidement tous les petits Luméniens à portée de main, leur intervention ne susciterait guère d'étonnement. Sans compter que personne n'oserait ni s'opposer à eux, ni même parler de leur visite. Cependant, cela impliquerait d'agir vite, avant que la garde ne soit éventuellement renforcée suite aux troubles dans la cité, avant aussi que la vraie Phalange ne nous précède. De surcroît, c'est une couverture que nous ne pourrons utiliser qu'une fois... Pour ces raisons, nous suggérons d'agir demain matin, à l'aube. Et... D'en profiter pour libérer également le gamin qui travaille chez le charpentier. Il est costaud, il y a donc des chances pour que les véritables recruteurs s'intéressent à lui d'ici peu...
C'était dit. Maintenant, restait à voir comment réagirait l'agent secret...

Au fil de son discours, les yeux de l'agent secret s'étaient peu à peu écarquillés. Quant il en eut terminé, Kerun demeura silencieux un moment, manifestement pris au dépourvu. Il régnait une certaine nervosité autour de la table, comme les personnes dans le secret attendaient la décision du Luménien.
" C'est tentant." dit-il, finalement.
Une grimace colonisa ses traits.
" Tentant mais foutrement risqué. Le Temple de Baine, c'était déjà un gros morceau... Mais la Phalange..."
Un sourire revint sur ses lèvres.
" Je pense que c'est une excellente idée. Mais il va falloir couvrir nos arrières, au moins aussi bien que lors du sauvetage de Deverell."
Il se tourna vers Sedanius, vers Perceval.
" Hum... Perceval, j'espère que tu n'avais pas imaginé descendre sur le terrain."
Le jeune homme s'empourpra et baissa les yeux.

Kerun avait accepté leur plan. C'était une surprise.
Mais il avait écarté le guerrier. Çà, c'était beaucoup plus attendu...
-Perceval pourrait nous aider à rendre cette comédie extrêmement crédible, tenta-t-il malgré tout. Personnellement, je devrais uniquement m'en remettre à mon imagination... et à quelques recruteurs beaucoup plus fréquentables que j'ai pu croiser au fils de mes voyages.

" Sans doute, mais Perceval pourra nous informer de tout le nécessaire. Au pire, nous pouvons faire une simulation. Sedanius peut y aller avec toi... Puisque tu as l'air prêt à le faire. Il connait bien la Phalange, lui aussi."
Le clerc de Tyr paraissait plus détendu que quelques minutes plus tôt. Lena jeta un regard ennuyé vers Perceval, mais ce dernier haussa les épaules avec un sourire contraint. Leur manège ne passa pas inaperçu auprès du Luménien, qui grimaça en croisant les bras.
" Je ne veux pas retourner le couteau dans la plaie, mais vous n'avez quand même pas cru, une seconde, que j'allais accepter que Perceval soit impliqué dans une mission aussi dangereuse, qui nécessite une maîtrise parfaite et de tout instant ? Avec son passif ?"
Lena pinça les lèvre. Kerun se contenta de secouer la tête, manifestement abasourdi.
" Passons. Nous y reviendrons dans un moment. Meloenn, quelles sont les perspectives ?
— Je vais chez les Lamegrise. Je m'attends à y trouver les Vainevie, les Doucechute, les Aigremont et les Fumedense. D'autres familles aussi, mais pas forcément dans cette liste...
— Est-ce que certains ne seront pas là ?
— Les Louviers, c'est sûr.
— Arion, est-ce que tu peux faire une incursion chez les Louviers. Voir ce que tu peux dénicher ? N'importe quelle piste ?
— Ça marche."
Kerun hocha la tête.
" Bon. Il nous reste les Sumpf... qu'est-ce qui m'a fichu des noms pareils ?!
— Je vais tâcher d'en savoir davantage sur eux demain, en allant prendre le thé chez les Sourdebouche. Il faudra que tu viennes avec moi.
— Ça n'a pas marché avec Taliesin ?
— C'est ton tour, c'est tout."
Le Luménien haussa les épaules.
" Tant que Taliesin écope d'un jupon, ça me va." fit-il.

" J'accompagnerai Lena." dit aussitôt le Luménien.
Celle-ci sourit.
" Bon, maintenant revenons à cette histoire de Phalange. Demain dès l'aube, c'est ça ?
— Oui. Nous avons pensé que je pourrais donner l'apparence de deux recruteurs à... à Taliesin et Sedanius, alors. Ils iraient... sans doute d'abord chercher le gosse du charpentier... Gurvan. Puis le gosse des Sombregloire. Nous avons fabriqué le nécessaire...
— Il ne faut pas qu'on voit les recruteurs quitter cet endroit et y revenir, dit Kerun. Il faut aussi que quelqu'un surveille la caserne au cas où une véritable équipe ferait une sortie. Ce sera moi, ça, sans doute. Où comptais-tu faire la substitution ?
— Au monastère ?
— D'accord. Le Havre est sans doute le coin le plus tranquille, effectivement."
Il pinça les lèvres.
" Espérons que cela pourra nous fixer sur les Sombregloire. Nous nous éloignons de notre projet prioritaire, mais ça fera deux gosses de sauvés... Soit."

[color=#FFF66]-Nous ne nous en éloignons pas tant que ça, au final : si Hippolyte sait quelque chose, nous progressons encore dans notre enquête principale. Oh, et la concernant, Perceval a eu d'excellentes idées. Il propose d'examiner les registres du comptoir pour voir si des Disciples n'auraient pas passé des commandes susceptibles de nous renseigner. Il a également mentionné les fiches de bibliothèque... J'imagine que mettre la main dessus tient de l'impossible. Néanmoins, je trouvais intéressant d'évoquer cette piste, ne serait-ce que pour être exhaustif...[/color]

" Les registres ! Comment n'y ai-je pas pensé ! s'exclama Sedanius.
— Je vais les chercher, dit Abel en se levant.
— C'est qu'il y en a dans cette caboche, quand les brumes se lèvent..." railla Arion.
Lena lui décocha un regard dur tandis que Perceval regardait ailleurs.
" Ça suffit, dit Kerun d'une voix ferme. Je conçois que tout le monde soit un peu nerveux, mais je ne tolérerai pas que vous vous voliez dans les plumes pour autant."

Décidément, il ne savait pas à quoi s'en tenir, avec Arion. Pour le coup, sa remarque lui avait fait l'effet d'une taquinerie. Maladroite, compte tenu des circonstances. Mais d'une taquinerie tout de même, qui ne méritait pas, à son sens, une si brusque montée de la tension ambiante...
Mais il se trompait sans doute. Il était nouveau au sein de la Réunion, ne connaissais pas l'état des relations internes...
Il pouvait juste tenter de détendre l'atmosphère.
-Sedanius, je pense que ton idée de répétition était bonne : on doit vraiment être au point pour l'opération de demain. Je dois encore aider Perceval avec les éprouvettes et les bouchons, mais quand on aura bien avancé, et quand tu auras le temps, bien sûr...