La Couronne de Cuivre

Tilmandil haussa les épaules, et grimaça.
- Il y a de longs mois que je ne l'ai pas vu, moi non plus. Et il était d'humeur morose, les derniers temps. Il se sentait diminué, et le fait de ne pas trouver de remède, d'être impuissant à combattre le mal... cela le minait. Il était devenu irascible, il ne supportait plus vraiment qui que ce soit. c'est aussi pour ça que je suis parti. Je me suis dit que toi, peut-être, il aurait envie de te voir après toutes ses années. Mais...
Il soupira.
- Il est d'un caractère fier. Peut-être qu'il supportera mal que tu le voies ainsi affaibli. Je suis certain qu'il sera content de te revoir, mais j'imagine qu'il aura honte, en même temps, de ce qu'il est devenu... Enfin, c'est comme ça que je le ressens. Je peux me tromper....

Kasumi n'était toujours pas rassuré et il attendit de s'éloigner encore quelques minutes en ressassant ses pensées avant de rompre le silence :

- Voilà, je pense que nous ne risquons plus rien à faire un feu par ici. Mais pour en revenir à ce dont nous discutions, je dois t'avouer que je suis très anxieux : je ne sais pas comment père m'aurait accueilli même s'il n'était pas malade. Après la mort de ma mère et mon retour du désert, je suis parti en lui disant à peine par où je comptais aller ensuite. Et on ne peut pas dire que j'ai été prodigue de nouvelles ensuite. Je dois avouer que j'ai un peu honte. Qu'il n'y a pas que Sylvia que j'ai peur d'avoir blessé en partant ainsi pour chasser mes propres démons. Je crois qu'elle m'a pardonné mais notre père sera-t-il si clément ?

- Bah... c'est ton père, quand même ! Oh, je suis sûr qu'il t'en a voulu, au début. Il ne m'en a jamais parlé mais grand-mère y a fait allusion quelquefois. Il était vexé, je crois, que tu ne lui aies pas fait confiance, il s'est senti trahi je crois. il s'imaginait qu'après la mort de ta mère, tu allais te rapprocher de lui, et c'est le contraire qui s'est produit... Lorsque je l'ai connu, il ne parlait jamais de toi, comme s'il t'avait définitivement chassé de sa vie, de ses pensées.
Tilmandil se mit à ramasser quelques bouts de branches sèches, les rassemblant en un tas.
- Mais petit à petit, le temps a fait son oeuvre. Il lui est arrivé de faire des allusions à ta mère, puis à toi, par hasard au détour d'une conversation. Il semblait lui-même surpris de se mettre à en parler. Et il me semble qu'il n'y avait plus de rancoeur, plutôt... des regrets. Une vague inquiétude même.
Il sourit.
- Non, sincèrement, je pense que tu n'as pas à craindre son accueil. Il reste sûrement un peu de rancune, oui, mais il me semble qu'il avait aussi vraiment envie de savoir ce que tu était devenu, les rares fois où on a fini par en parler.

Kasumi osa cette fois un sourire timide, toujours un peu honteux de son attitude mais toutefois rasséréné par les paroles de Tilmandil. Ainsi son père avait peut-être fini par lui pardonner mais il ne pourrait s'en assurer que lorsqu'ils se retrouveraient face à face. Et il y aurait beaucoup d'autres paramètres en jeu alors. A commencer par la situation et les perspectives restant à l'elfe à ce moment-là.

Le rôdeur commença à disposer le bois réuni par Tilmandil pour allumer le feu destiné à cuire les lièvres déjà apprêtés avant de répondre d'un ton plus serein et plus enthousiaste :

- Merci, petit frère ! Ce que tu m'as dit m'a rassuré et j'espère renouer les liens que j'ai trop distendus. Tu m'as déjà donné une vision bien différente d'Everaska que celle de mes souvenirs. A moins que ces années m'aient tout simplement changé. En tous cas Sylvia semblait le penser et elle fait partie des personnes m'ayant le mieux connu avant mon départ.

Il n'avait pas pu s'empêcher de sourire en évoquant sa compagne comme d'agréables sensations accompagnaient le simple fait d'en parler.

Le barde eut un sourire en coin, les yeux pétillant de malice, mais il ne dit rien, trop occupé à alimenter le feu naissant.
- Si elle dit que tu as changé, c'est sûrement vrai ! Moi, je ne peux pas juger, je ne t'ai pas connu avant. Mais il me semble que tu as au moins changé depuis ton départ de Luménis...
Réalisant, au moment où il prononçait la phrase, que l'allusion serait peut-être mal perçue, il se mordit les lèvres et chercha aussitôt à changer de sujet.
- Mais dis-moi, toi qui es un homme des bois... Pourquoi est-ce qu'il ne faut pas faire de feu dans un bosquet sacré ? Et à quoi tu reconnais que ça en est un ?

Ce fut au tour du regard du rôdeur de pétiller de malice mais il se contenta - dans un premier temps - de répondre à la question exposée par le barde :

- J'ai senti que la forêt était plus vivante, peut-être davantage consciente d'elle-même et des êtres vivants qui la parcourent. C'est une sensation de partage, comme si je prenais conscience de la vie autour de moi. Un peu comme quand tu parcoures une foule et que tu entends les murmures de chaque passant. Je ne sais pas trop comment l'expliquer en fait. Alors, comme faire un feu pourrait déplaire à cette conscience et qu'elle a les moyens de communiquer avec nous autres servants de la nature, nous avons tous perçu qu'il ne fallait pas le faire. Il n'y avait pas de menace, juste l'exposition d'une règle de bon savoir-vivre en quelque sorte.

Le rôdeur s'était fait pensif mais il revint sans prévenir au sujet qu'avait préféré éviter Tilmandil, un ton enjoué signalant qu'il ne comptait pas prendre ombrage de ce que le barde pourrait dire cette fois-ci :

- Et en quoi trouves-tu que j'ai changé depuis Luménis ?

Le barde ne se défila pas, et répondit avec bonne humeur.
- Et bien... Il me semble que tu as appris à profiter des plaisirs et du bonheur que la vie t'offre au jour le jour... Non, sans rire, les premières fois où on a discuté ensemble, tu m'as fait songer à un paladin plus qu'à un rôdeur. Que des interdits, des obligations, des nécessités, des devoirs. Pas de notion de plaisir ou d'envie. Beurk... Donc je suis soulagé de voir que tu sais non seulement écouter les messages que la nature t'envoie, mais aussi les messages que ton coeur et ton corps t'envoient, sans les nier ou leur interdire d'exister, si je puis dire... Je te préfère comme ça !
Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il n'avait pas éludé la question et que sa réponse était parfaitement franche.

Le rôdeur lui retourna une expression parfaitement amusée et taquine tout en embrochant le premier lièvre dans le but de le mettre à rôtir :

- Ah bon ? Et moi qui rêvait secrètement de présenter ma candidature à la commanderie lors de notre retour à Luménis ! Ecouter ses sentiments n'est pas permis ? Quelle déception ! Tu crois que je devrais renoncer à la chevalerie ? Que Sylvia ne serait pas d'accord d'être la compagne d'un paladin ? Je devrais peut-être lui en toucher un mot... En lui disant que l'idée vient de toi !

Tilmandil rit.
- Elle ne croira jamais que c'est mon idée, et encore moins que tu as pu d'une manière quelconque te laisser influencer par moi ! Et non, je l'imagine mal accepter d'épouser un paladin... Mais en même temps, elle est tellement sous ton charme qu'elle accepterait sûrement n'importe quoi venant de toi ! Ah, l'amour...
Il observa d'un air songeur le lièvre qui cuisait.
- As-tu réalisé que tu allais devoir la présenter à notre père bien plus vite que tu ne l'aurais fait de toi-même ? Ça t'oblige presque à... officialiser les choses en quelque sorte. Ça ne t'angoisse pas ? Moi je crois que je ne pourrais pas présenter une fille avec laquelle je suis depuis seulement quelque jour, j'aurais trop peur qu'on nous marie d'office... je veux garder ma liberté !

L'humeur songeuse de son demi-frère était quelque peu communicative et sa question le surprit, l'obligeant à réfléchir quelques instants avant de trouver quoi répondre. Et quand il le fit, il choisit l'angle de la plaisanterie :

- Avant que cela n'arrive, petit-frère, il faudra trouver la fille qui acceptera de rester plus de quelques jours avec toi ! Heureusement que Dame Cinia peut te téléporter partout sur Toril et que tu peux compter sur ton paladin de demi-frère pour t'assister dans cette quête sacrée !

Il jeta un regard amusé au barde mais son ton se refit sérieux alors qu'il reprenait :

- Nous n'en avons pas discuté avec Sylvia, tu imagines bien. Mais je ne ressens aucune angoisse, non. Sylvia et notre père se connaissent déjà plus ou moins alors, techniquement, je n'aurais pas à la lui présenter ! Et puis, nous nous connaissons depuis bien plus que quelques jours nous nous aimions sans oser nous l'avouer...

Pris d'un doute, il ajouta d'une voix un peu moins assurée tout de même :

- Mais ce n'est tout de même pas elle qui t'a demandé de me parler de mariage, tout de même ?

Le barde éclata de rire.
- Non, bien sûr ! On n'est tout de même pas assez intimes pour ça ! Mais je suis certain qu'elle espère que tu ne vas pas la laisser moisir dans cette magnifique et immense forêt et que tu l'emmèneras avec toi quand tu repartiras. Et je suis sûr, également, que c'est dans tes intentions... Non ? Il le faut, histoire que je puisse écrire la suite de ma chanson !
Il fit mine de donner un coup de main, tournant la viande qui cuisait sans réaliser que ce n'était pas encore le moment de le faire.
- Et puis, je te taquinais, ne t'en fais pas pour papa : il a eu au moins trois femmes dans sa vie, dont une... erreur... si j'ai bien compris. Je parle de ma mère. Ce n'est donc pas le genre d'homme à te marier d'office à la première venue !

Le regard du rôdeur pétilla une nouvelle fois et un sourire naquit sur ses lèvres mais s'effaça quand le barde redevint plus sérieux, abordant la question de sa mère. Kasumi sentait qu'il n'osait pas vraiment aborder le sujet directement mais qu'il en avait peut-être besoin. Il répondit donc d'un ton grave :

- Comment ça une erreur ? C'est dur à concevoir quand leur union a donné naissance au plus formidable barde elfe de tout Toril ! Tu veux bien m'en parler ? Et après je te questionnerai sur cette chanson...

Tilmandil rit.
- Pour la chanson, tu peux toujours rêver ! Un barde ne dévoile jamais ses secrets ! Et pour ma mère...
Son regard se fit rêveur, un peu mélancolique même.
- C'était juste une erreur de jeunesse, si j'ai bien compris. Une petite amourette sans lendemain, qui n'aurait pas dû aboutir à cela. Ma naissance a été... un accident, en fait. Juste avant, notre père partait pour ses premières missions diplomatiques, durant des mois et des mois. Il n'a jamais vécu avec ma mère, ils ont rompu par lettre interposée, il n'y avait plus rien entre eux. Maman avait trouvé quelqu'un d'autre, avec qui ça n'a pas duré non plus. Papa était trop pris par son travail pour s'engager à côté. Il a envoyé de l'argent, régulièrement, peut-être parce qu'il se sentait coupable. Mais il n'est jamais venu nous voir... Ma mère s'est débrouillée, c'est une excellente couturière, on n'a manqué de rien. Enfin, moi, j'ai manqué d'un père... Je lui ai un peu fait payer lorsqu'il est reparu dans nos vies un peu plus de cent ans plus tard... mais j'étais content de le trouver enfin, donc finalement on a réussi à recoller les morceaux.

Kasumi posa une main sur l'épaule de son frère et lui adressa un sourire timide.

- Je suis content que vous ayez fait la paix. Et surtout que tu aies fini par apprendre mon existence. Sans cela, je n'aurais pas eu le plaisir de connaître l'hospitalité de la prison du Pont des Trois Sires ! Et j'ai d'autres raisons de me réjouir de t'avoir rencontré et suivi sur les terres de mon enfance. Evidemment, je m'en veux pour Astrée... Mais ce qui s'est passé me prouve que ça n'aurait certainement pas marché entre nous deux... Enfin, je ne sais pas. Mais je ne regrette pas, je tenais à ce que tu le saches. Et maintenant je vais demander à Sylvia de m'aider à te torture pour obtenir cette chanson : elle a bien réussi la dernière fois !

- Aucun risque que vous y parveniez, ni l'un ni l'autre, cette fois-ci ! Vous n'avez plus de moyen de pression, d'objet de chantage... Donc oublie tout de suite !
Il sourit.
- Et je pense que ça aurait pu marcher, avec Astrée, vous aviez l'air bien ensemble... Mais entre deux amours, il te faut bien choisir lequel est le plus fort, puisque la morale ne te permet pas d'aimer les deux en même temps paraît-il. A part peut-être chez les sunites, me diras-tu. Je devrais peut-être changer de divinité moi...
Il rit joyeusement.
Le feu crépitait doucement, la viande cuisait et embaumait l'atmosphère de la petite clairière. L'endroit était paisible, et le rôdeur percevait l'influence du bosquet, même ici. Et peut-être que le barde lui-même percevait la quiétude de l'endroit, puisqu'il finit par devenir silencieux.

Le rôdeur appréciait ce moment de calme et de sérénité mais finit tout de même par rompre le silence alors que la cuisson approchait de son terme :

- Tu sais qu'il y a un grand temple de Sunie à Luménis ? Evidemment que tu le sais... Je parie que tu l'as même visité, contrairement à moi. Peut-être y trouverions-nous cette perle rare qui saurait te retenir ? C'est tout de même dommage que tu n'aies pas laissé sa chance à notre petite druidesse maintenant que tu te découvres des affinités avec les bois et la faune ! Oh... A moins que votre complot d'hier pour que nous allions faire la vaisselle était destiné à vous laisser un petit moment d'intimité.

- Absolument pas, qu'est-ce que tu vas imaginer ! Je suis allergique aux fauves... et Eärundra en est presque un à sa manière. Et je la soupçonne de n'avoir absolument aucune affinité avec les bardes, elle non plus. Non, je suis désolé de te décevoir, mais il n'y aura pas de deuxième couple durant notre expédition !

La cuisson était terminée, et il était temps pour eux de rejoindre Sylvia et Eärundra. A nouveau, Kasumi sentit qu'il pénétrait dans un domaine sacré, sous l'oeil d'une puissance bienveillante. Les arbres ici paraissaient tellement plus beaux, plus anciens aussi. Et les animaux semblaient curieusement paisibles, comme s'ils n'avaient jamais vu d'être humains et n'avaient aucune crainte à en avoir. Un couple de lièvres les observait sans faire mine de s'enfuir, et les oiseaux n'interrompaient pas leurs chants sur leur passage. Sur leur droite, ils entendaient le murmure discret d'une source.

Le rôdeur avait éclaté de rire à la réponse de Tilmandil et déclaré d'un ton parfaitement innocent qu'Eärundra serait réellement très déçue quand il lui annoncerait que son frère ne pouvait pas donner suite à leur idylle pour une obscure raison médicale.

Mais dès qu'il furent de retour au cœur de la forêt, la sérénité des lieux l'incita à reprendre une partie de son sérieux :

- Profite bien des lièvres de ce soir, petit frère parce que je crois que ce seront les derniers avant que nous quittions le bosquet. Je commence à avoir faim en tous cas bien que je sois un peu angoissé de ce que les deux filles auront fomenté en notre absence pour me punir d'avoir privilégié ta compagnie.

Mais les filles n'avaient rien fomenté d'inquiétant. Elle avaient sagement monté les tentes, et Sylvia les attendait, paisiblement allongée sur l'herbe douce. Eärundra, comme à l'ordinaire, avait disparu avec Léo.
- Elle voulait explorer mieux ce bosquet sacré, expliqua Sylvia. Elle a dit, aussi, qu'il n'y aura pas besoin de monter la garde cette nuit, que nous serions en sécurité ici. Qu'elle sentirait, même en dormant, si quoi que ce soit d'anormal se passait. Et peut-être que nous aussi...
- Et... Tu crois qu'elle sera vexés si on commence à manger sans elle ? Parce que ça va refroidir sinon...
- Fais voir ce que vous avez préparé ? Miam, ça a l'air délicieux ! J'ai faim !

Kasumi posa les lièvres sur une pierre plate avant de s'asseoir juste à côté de la rôdeuse, s'émerveillant du confort qui leur était offert. Il poussa un soupir d'aise en passant ses mains sur les cheveux de Sylvia et adressa un clin d'œil discret à Tilmandil avant de répondre :

- Mmmh, c'est la meilleure place ! Et c'est une bonne nouvelle pour l'absence de tour de garde : on pourra rattraper un peu de sommeil en retard. Et tu ne connais pas la meilleure nouvelle : Tilmandil craignait que tu lui en veuilles pour m'avoir accaparé pendant la cuisson des lièvres alors il a promis de concocter une chanson en notre honneur pour se faire pardonner !

- Bonne idée, sourit Sylvia.
Tilmandil lui lança un bref regard noir, mais ne démentit pas, bien au contraire. Il se contenta de nuancer l'affirmation du rôdeur.
- Tout à fait. Il a juste omis de dire que je me contenterai de la concocter, cette chanson. Je n'ai jamais dit que je la chanterai...
Ce qui lui valut bien sûr de hauts cris de la rôdeuse, mais il se montra inflexible : il chantait ce qu'il voulait, quand il voulait, et n'acceptait nul chantage et nulle pression. Non mais ! Il fit mine de se concentrer exclusivement sur la dégustation des lièvres.

Eärundra arriva sur ces entrefaites, aussi silencieuse qu'un chat, comme à son habitude. Elle s'assit près de Kasumi et se servit, sans protester qu'ils ne l'aient pas attendue. Elle semblait parfaitement paisible, et, étrangement, plus âgée, plus sage. Un effet des lieux sans doute.
- Kasumi... Demain matin, je crois qu'il faudrait que vous vous rendiez un peu plus à l'ouest d'ici, au coeur du bosquet. Allez-y seul, et laissez-vous guider par le bruit de la source...
- Mais pourquoi...?
La druidesse leva une main pour l'interrompre.
- Il n'y a rien de dangereux ! Vous pourrez y aller ensuite à votre tour, si vous le souhaitez. Mais seule également.
- Et moi ?
- Je ne le pense pas utile puisque vous ne sentez pas ce qui imprègne ces lieux. Mais vous le pourrez, si vous voulez...

Le rôdeur était intrigué mais il avait immédiatement senti qu'Eärundra refuserait d'en révéler davantage et qu'il écouterait sa suggestion même sans informations supplémentaires. Non seulement elle avait éveillé sa curiosité mais il sentait à son ton que cette visite était importante. Il posa sa main sur celle de Sylvia avant de se tourner vers la druidesse :

- Très bien, je suivrai votre conseil. C'est étrange ce que l'on ressent ici : je n'avais éprouvé des sensations similaires que près des autels de Mielikki jusqu'ici. J'ai pu en trouver un ou deux par hasard en Helonna mais l'impression n'était pas aussi puissante qu'ici.

Eärundra hocha la tête.
- La magie divine imprègne fortement ces lieux, en effet. Elle est très puissante ici. Sans doute parce que c'est une forêt extrêmement ancienne... Et aussi parce qu'il y a plusieurs dieux différents auxquels a été consacré ce bosquet au fil du temps. Mielikki en fait partie, je pense, c'est pour cela que vous le ressentez si fortement.
Elle sourit.
- Mais si vous êtes pressés de comprendre, vous pouvez y aller dès cette nuit... Cela dit, je vous conseille plutôt de profiter d'une bonne nuit de sommeil.

Kasumi retourna son sourire à la druidesse avant de se tourner vers sa compagne tout en répondant :

- Non, je crois que j'attendrais demain matin pour m'y rendre et d'abord profiter d'une bonne nuit.

Evidemment, il avait oublié de mentionner qu'il comptait dormir. Mais son ton neutre et la pénombre ne devait pas permettre à Sylvia de savoir si c'était ou non une omission pleine de sens. Les lièvres n'avaient pas fait long feu et il était probable que tous souhaitent à nouveau se coucher tôt avant d'aborder le cœur du bosquet dès le lendemain. Elryndel était si proche désormais mais le fait que Kasumi n'en ressente aucunement la présence était-il mauvais signe ? Il lui tardait toutefois de résoudre ce mystère.

Personne ne tenait à prolonger inutilement la veillée et chacun se retira dans sa tente. Eärundra disparut quelque part dans les arbres, dormant sans doute quelque part sur une branche. Tilmandil leur lança un regard narquois avant de leur souhaiter une bonne nuit et de se glisser sous sa tente. Et Sylvia, à son tour, l'entraîna par le bras en direction de leur tente, avec un sourire plein de promesse. Pour une fois, ils n'avaient nulle obligation de monter la garde et la soirée leur appartenait. Il leur fallait toutefois rester un minimum discret : la tente de Tilmandil était proche.

Quand ils furent à l'abri tout relatif de leur tente, Kasumi se tint devant sa compagne, un sourire rêveur aux lèvres et chuchota d'une voix suave :

- J'espère que tu n'as pas trop froid à cause de l'absence de feu ce soir... Mais si c'est le cas, j'aurais une ou deux idées à te soumettre, si tu veux les entendre. C'est que je suis toujours prêt à rendre service, tu sais ?

Sylvia sourit, une lueur malicieuse dans les yeux.
- Justement... Je comptais justement te dire que je meurs de froid, littéralement. Je crois que je suis devenue particulièrement frileuse depuis quelques jours. Je n'arrive pas à dormir sans... un bon chauffage humain contre moi. enfin, demi-elfique plutôt. Regarde, j'en ai la chair de poule....
Sans prévenir, elle ôta sa tunique, une lueur provocatrice dans le regard, et s'approcha doucement de lui, les yeux dans ses yeux.
- Mais je suis sûre que tu as des tonnes d'idées pour y remédier, mon amour..., conclut-elle en l'embrassant tendrement.

Le rôdeur ne cacha pas à masquer le plaisir qu'il éprouvait à la contempler ainsi dévêtue, laissant son regard la parcourir avant de revenir à la lueur prometteuse de ses yeux magnifiques. Il tendit une main pour la poser sur un bras, pour lui toucher la peau comme s'il prenait au sérieux les paroles de la jeune femme. Il fit preuve d'une belle maîtrise en répondant d'un ton doux :

- Je vois en effet que tu as froid mon amour et pourtant ta peau est si chaude...

Il laissa remonter sa main jusqu'à son épaule puis parcourir sa gorge avant de la retirer pour ajouter :

- Je pense que je devrais commencer par te confier tous mes vêtements... tu en feras ce que tu voudras.

Et de commencer à se déshabiller à son tour avec une lenteur calculée. Quand il lui tendit sa tunique et ses chausses en se tenant complètement nu devant elle, il chercha à la taquiner encore, ne lui laissant pas le loisir de s'emparer de ses effets :

- Evidemment, si cela ne suffit pas à te réchauffer, je pourrais... t'embrasser peut-être...

Encore une fois il s'exécuta immédiatement mais, après avoir trouvé ses lèvres et s'y être attardé avec tendresse, il poursuivit en l'embrassant dans le cou, puis se baissa pour l'embrasser plus bas, encore et encore, murmurant encore d'une voix rauque :

- ...t'embrasser absolument partout en fait, c'est le plus efficace !

Les frissons de la rôdeuse n'étaient certainement pas dûs au froid, et le petit bruit de gorge étranglé qui accueillit ses baisers les plus intimes n'avait rien d'un claquement de dents... Elle avait glissé les mains dans ses cheveux qu'elle empoignait sans même se rendre compte de la force qu'elle y mettait, s'efforçant
de ne pas extérioriser trop bruyamment son émoi. Elle sentit ses jambes fléchir et elle s'allongea, les yeux fous de désir et de plaisir, incapable de résister plus longtemps au besoin de l'attirer contre elle, en elle.

hrp je te laisse résumer la nuit ?

Kasumi était ravi de l'émoi qu'il avait conscience de provoquer par chacun de ses gestes aimants. Et il ne se lassait pas d'en dispenser alors que le regard, les soupirs et les caresses de son amante lui en réclamaient d'autres et qu'elle répondait avec passion à ses initiatives douces ou osées. Il s'était placé sur elle, lui délivrant une partie de sa chaleur mais, avant de se laisser glisser dans l'étreinte que tous deux réclamaient avec force, il porta sa bouche près de son oreille pour lui exprimer des mots d'amour d'une voix un peu entrecoupée par le désir:

- Dieux ce que je t'aime, ma beauté. J'aime chaque instant à tes côtés. J'aime te toucher, être près de toi et entendre ton rire, ta voix, surprendre tes regards, tes sourires... Partager tes nuits, te faire l'amour.

Et il ne manqua pas de prouver sa sincérité une nouvelle fois, oubliant pendant un long moment les soucis qui le taraudaient. Oubliant le bosquet, la présence de Tilmandil pas si loin, oubliant le lendemain pour se consacrer tout entier à l'instant présent, au plaisir de partager, de ressentir; d'aimer, pour se vouer à l'extase.

Puis, apaisés tous les deux, ils s'enlacèrent avant que Kasumi ne tire la couverture sur leurs deux corps nus et qu'ils ne ferment enfin les yeux, en même temps.

La Couronne de Cuivre

[Haute-Forêt] Quête : Racines