La Couronne de Cuivre

Eärundra leva les yeux au ciel.
" Tout dépend de ce que tu appelles "rafraîchir"... Si tu connais déjà l'essentiel, ça peut s'envisager, mais sinon... Le sylvestre est une langue bien trop complexe pour que tu puisses l'apprendre en quelques jours. Il faut des mois et des mois d'immersion totale dans un peuple qui la parle au quotidien, pour commencer à la maîtriser assez pour la comprendre et se faire comprendre."
Elle sourit.
" Enfin, à moins d'être druide. C'est une profession qui offre quelques avantages dans ce domaine... Mais bref... Dis-moi donc ce que tu sais déjà en sylvestre, et je verrai ce que je peux pour toi !"

Le demi-elfe sembla se tasser un peu sur lui-même face à l'elfe pourtant menue et répliqua timidement en s'intéressant un peu plus encore à la galette qu'il picorait :

- Hum, ce n'est peut-être pas une bonne idée en fait... Je ne connais que quelques expressions en fait. Mais je vais chercher autre chose pendant que je m'entraîne un peu : il faut que je me réhabitue à certaines choses. Au poids des épées notamment.

" Hum... si ça te tente, je veux bien t'entraîner au combat... Si tu acceptes que je le fasse avec mon bâton. Et ne me regarde pas comme ça ! Bien sûr, je suis moins bonne combattante que toi, mais moi au moins j'ai la maîtrise de mes gestes et de ma force, choses que tu n'as plus en ce moment. Donc ce serait presque un combat équilibré..."
Elle sourit.
" Allez, pour une fois que j'ai une petite chance de te battre... Laisse-moi tenter ma chance ! Et puis ça sera plus motivant, pour toi, que de faire juste des moulinets tout seul avec ton arme... même s'il faut sans doute que tu en fasses, dans un premier temps, pour mieux ressentir ta force ! "

Kasumi laissa cette fois entrevoir une lueur de défi - voire un certain amusement - à cette idée. Il réfléchit néanmoins longuement avant de décider que c'était encore la meilleure chose à faire :

- Entendu ! J'ai besoin d'une heure pour m'échauffer et appréhender mes... limites. Ensuite nous pourrons nous entraîner un peu ensemble, même si j'ai pu constater que tu comptes largement plus sur ta dextérité que sur ta force pour te battre. D'ailleurs, c'est en partie mon cas aussi. Mais ne devrait-on pas fixer une sorte d'enjeu pour rendre la chose plus intéressante ?

La druidesse réfléchit un moment -intensément, semblait-il.
" Un enjeu... Et bien... Si je gagne je raconte à Sylvia qu'on a partagé mon hamac pour la nuit !"
Elle sourit, les yeux brillants de malice.
" Non, ça ne te convient pas ?, questionna-t-elle d'un ton parfaitement innocent. Ou je peux aussi réclamer... un baiser ? Rhooo, ne fais pas cette tête, je plaisante! Bon, ben je ne sais pas trop alors... Celui qui perd est de corvée de cuisine et de vaisselle pendant les trois jours ? Ou alors tu as une meilleure idée peut-être ?"

Bien que sachant que la druidesse était assez espiègle pour l'asticoter, le rôdeur était tombé dans le panneau, blêmissant à la première "proposition" pour mieux rougir à la seconde. Il toussa dans son poing avant de répondre d'un ton plutôt neutre :

- Va pour la corvée de cuisine alors ! Mais ne t'étonne pas si je te laisse gagner au final.

Il lui dédia cette fois un sourire un peu plus franc que les précédents puis il expédia le reste de son petit déjeuner.

- Cela ne te dérange pas de débarrasser pour cette fois le temps que je fasse mes premiers exercices ?

La question était purement rhétorique et il ne tarda pas à se mettre à l'œuvre, reproduisant des gestes simples que lui avaient enseigné Hef des années auparavant. Malgré l'abri tout relatif dont il bénéficiait au fond de la grotte, la chaleur du désert ne tarda cependant pas à le mettre en nage et il sacrifia sa tunique avant qu'elle ne soit trop humide puis reprit les exercices avec application, s'étonnant qu'il ne lui soit pas aussi naturels que d'ordinaire : il était obligé de compenser à chaque instant, à chaque mouvement la différence entre les souvenirs de son corps, ses automatismes et ses sensations réelles. C'était des plus déstabilisant.

Eärundra observait le rôdeur, l'air de rien, tout en faisant la vaisselle avec quelques poignées de sable pour économiser l'eau. Elle semblait profiter de la situation pour jauger ses gestes, sa technique. histoire, sans doute, d'avoir de réelles chances de le vaincre.
Elle finit par prendre son bâton, faisant quelques mouvements d'échauffement. L'arme, parfaitement rectiligne et un peu plus longue que la moyenne, semblait étonnamment légère, et elle la maniait avec une dextérité impressionnante.
" Alors, es-tu prêt à te prendre la raclée de ta vie ? Non, je plaisante, rassure-toi... Mais je compte bien te donner un peu de fil à retordre."

Le rôdeur lui adressa un sourire de défi et se mit aussitôt en garde, ses épées relevées pour contrer une charge. La grotte leur fournissait tout juste assez d'espace pour être libres de leurs mouvements mais ils devraient sans doute se contenter d'attaques et de retraites frontales. Le demi-elfe s'inclina en un salut qui pouvait passer pour rituel et se fendit à son tour d'une remarque :

- A toi l'honneur Eärundra ! Mais tâche de me ménager : tu devras réparer tout ce que tu abimeras !

La druidesse rit joyeusement.
" Ah, ça... on verra ! A ta place je n'en serais pas si sûr ! Ou peut-être... que je demanderai un dédommagement en retour ?," ajouta-t-elle avec un clin d'oeil suggestif.
Et profitant de la relative déconcentration du rôdeur, elle frappa brutalement de son bâton, visant ses jambes, en un arc de cercle si rapide qu'il faillit bien échouer à l'esquiver et se trouva un instant déséquilibré... instant dont elle profita pour frapper à nouveau. Le combat s'annonçait plutôt équilibré. Voire ardu...

Kasumi avait eu plusieurs fois l'occasion de voir la druidesse en action aussi s'était-il attendu à son style rapide et changeant mais il faillit bien être surpris qu'elle commence aussi vivement leur passe d'arme. Il n'eut d'autre choix que de reculer pas à pas pour éviter les moulinets de bâtons le temps de comprendre leur rythme et de pouvoir interposer ses armes pour dévier une partie des coups. Son intention était de forcer à chaque fois Eärundra à reculer pour se donner la liberté de battre en retraite quand elle se faisait trop pressante. Après tout, c'était une épreuve de maîtrise et d'endurance plus que de force brute et il avait surtout l'intention de reprendre ses marques. Le combat était toutefois bien trop équilibré et intense pour qu'ils échangent le moindre mot. Un coup mal anticipé l'atteignit douloureusement à l'avant-bras mais il serra les dents pour ne pas lâcher son épée et il profita même d'un instant de flottement pour porter une attaque en traitre en avançant brusquement sa jambe pour bousculer le pied d'appui de son adversaire.

Eärundra avait pour elle une grande souplesse, un bon sens de l'équilibre et une dextérité impressionnantes, qualités dont le rôdeur était lui aussi pourvu. Il la dominait cependant par la force de ses coups, malgré la perte qu'il avait subie. mais elle disposait d'une alloge plus importante. L'un dans l'autre, le combat était parfaitement équilibré, et si, à tout de rôle, ils parvenaient à mettre quelques instants leur adversaire en difficulté, voire à l'atteindre légèrement, celui-ci se reprenait très vite.
Mais au fil des passes, ce fut le rôdeur qui se révéla le plus endurant des deux. La druidesse fit une ou deux petites erreurs, prouvant qu'elle se déconcentrait peu à peu, erreurs dont son adversaire tira rapidement profit. Elle finit par écoper d'une entaille sévère à l'avant-bras -qui faillit bien être tranché net, aussi devait-elle s'estimer heureuse-, propre à la handicaper pour la suite du combat. Bref... elle commençait à avoir le dessous, quand un cri perçant de Rubis se fit entendre.

Kasumi n'avait pas maîtrisé son dernier coup, signe qu'il n'avait pas encore pleinement conscience de ses limites et cela faillit leur coûter très cher. Il avait voulu contrôler son attaque mais - faute de force - son bras s'était bien trop relâché. Il avait aussitôt levé ses épées pour mettre fin au combat sans toutefois s'exposer à une riposte quand le cri de Rubis l'alerta et qu'il se précipita vers la sortie de la grotte :

- Désolé ! Soigne-toi et suis-moi !

Il s'en voulut de se montrer si injonctif mais le temps pressait... Trop de dangers pouvaient menacer l'aigle dans cette région incroyablement hostile.

Il entendit la druidesse incanter, tandis qu'il se précipitait au-dehors.
Rubis était en bordure de la cuvette artificielle, la tête tournée vers l'autre extrémité de la cuvette. Face à lui, se découpant sur le bleu éblouissant du ciel, se trouvait une sorte de scorpion géant. L'animal semblait hésiter sur la conduite à suivre, lorgnant l'aigle géant. Mais lorsque son attention fut attirée par l'apparition du rôdeur, il ne tergiversa pas davantage et dévala la pente dans sa direction.

Kasumi n'hésita pas non plus un seul instant pour se précipiter vers le danger qui menaçait Rubis. Au sol et dans cette cuvette, l'aigle aurait bien du mal à se défendre efficacement et encore moins à éviter les coups du scorpion. Lui-même - de par sa taille bien moindre - avait bien plus de chances en engageant l'abomination au contact. Il avait aussi l'assurance qu'Eärundra la talonnait de près. Son bâton serait inutile cependant aussi lui cria-t-il de prendre son arc tout en courant vers son adversaire pour tenter de porter un coup puissant à sa pince la plus proche. L'exosquelette de l'animal allait sans doute limiter l'efficacité de ses attaques mais le demi-elfe savait bien que le principal danger dont il devait se garder était son dard. S'il excitait suffisamment le monstre, il pouvait le forcer à exposer sa queue plus vulnérable. L'avantage était qu'il était parfaitement échauffé, l'inconvénient qu'il ne disposait probablement que de quelques minutes avant de fatiguer sévèrement.

Il entendit la druidesse se mettre à incanter derrière lui, et compris qu'elle avait choisi d'utiliser un sortilège plutôt que son arc. Le scorpion, quant à lui, n'en avait cure. Se sentant attaqué, il fonça droit sur le rôdeur, et l'épée de Kasumi frappa violemment sa pince, le déstabilisant quelque peu et le forçant à reculer un instant avant de repartir à l'attaque.
Epée contre pince, le combat était un peu étrange. Rubis, non loin, ouvrait et fermait ses ailes, indécis... et brutalement, voyant les deux belligérants se rapprocher insensiblement de lui, il prit son envol. Ce qui, de fait, laissait plus de place aux combattants.
Au même moment, la queue du scorpion fouetta l'air, manquant de peu le rôdeur qui put esquiver mais, pris au dépourvu, n'eût pas le temps de frapper de son épée en retour.
Une demi-seconde plus tard, un éclair surgit du ciel sans nuage touchait l'animal, lui arrachant un étrange crissement qui devait être un cri de douleur. Il fila en arrière, puis, croyant l'orage passé, attaqua à nouveau. Pressé d'en finir, et rendu imprudent par la douleur, il frappait désormais avec son dard.

Kasumi était partagé entre l'idée d'attaquer et celle de se défendre pour donner le temps à la druidesse de blesser le scorpion de ses sorts bien plus efficaces que des épées dans cette circonstance. Pressé par les attaques de plus en plus intenses, il n'eut de toutes façons bientôt plus vraiment le choix que d'esquiver et de placer le tranchant de ses épées sur la trajectoire supposée de la queue du monstre, le laissant en quelque sorte se blesser lui même. Malgré quelques succès, il dut déployer tout son sens de l'équilibre et de l'anticipation pour ne pas être jeté au sol par la violence des impacts. S'il venait à glisser, il en était fini de lui face à une créature de cette taille...

Le scorpion se blessa une fois, puis une autre, au tranchant de la lame. puis il hurla de douleur sous l'effet d'un autre éclair, et sursauta si subitement que son dard passa à quelques centimètres de l'endroit où Kasumi l'attendait, et lui effleura le bras. Il sentit une brûlure, devina que son bras enflait, vit des étoiles dans son champ de vision, mais déjà, juste derrière lui, Eärundra incantait. Il eût la sensation qu'on versait de la glace sur sa blessure et se sentit instantanément mieux. Juste à temps pour esquiver à nouveau le dard, et blesser l'animal, cette fois-ci grièvement.
Un denier éclair frappa le scorpion... un coup d'épée, encore... et celui-ci détala enfin, paniqué, escaladant à toute vitesse les parois de la cuvette.
" Je crois... qu'on devrait le poursuivre et l'achever..."

Kasumi était impressionné par la vitesse de réaction de la druidesse et se demanda fugitivement comment il avait fait - tant d'années - pour se passer de compagnons d'armes aussi efficaces. S'était-il affaibli plus que ce que les asabis lui avaient fait subir ? Ou se montrait-il plus prudent avant ? Ou alors s'exposait-il davantage en ayant l'assurance de pouvoir compter sur Eärundra et les autres. Ce n'était toutefois pas le moment de se poser ce genre de questions d'autant qu'il était parfaitement d'accord avec la druidesse : laisser cet ennemi blessé panser ses plaies pour les surprendre plus tard - ou pire - rameuter des congénères sur leur position était bien trop risqué. Il entama donc l'ascension de la pente tout en jetant un œil vers le ciel pour repérer la position de Rubis.

Rubis n'était pas très loin, observant la scène d'un air circonspect. Kasumi le vit piquer brutalement vers un objectif inconnu. Le scorpion, lui, s'enfuyait aussi vite que le lui permettaient ses blessures. Mais il était grièvement touché, perdait du sang -un liquide plus ou moins incolore-, et le rôdeur gagnait du terrain. L'animal finit par se retourner, comprenant qu'il ne pourrait fuir et que sa seule option était de vaincre son adversaire.
" Je te le laisse, je m'occupe de Rubis", lança la druidesse.
Il devina qu'elle bifurquait dans son dos, le laissant face au monstre. Celui-ci était affaibli par ses blessures et se mouvait avec moins de rapidité, moins d'efficacité. Mais son dard demeurait mortellement dangereux.

Dès que Kasumi comprit que le scorpion n’avait plus l’intention de fuir en l’éloignant de l’abri tout relatif de Huasasth, il ralentit pour s’approcher avec davantage de circonspection. Le demi-elfe avait l’intention d’appliquer la même stratégie que précédemment en laissant attaquer son adversaire attaquer le premier pour le laisser s’épuiser avant de placer des contre-attaques en visant principalement sa queue. Il ne pouvait cependant pas prendre le risque que le combat s’éternise, exposé comme il l’était au regard des mages de Pénombre comme au soleil brûlant : il n’avait pas pu remettre sa tunique et l’insolation n’allait pas tarder s’il n’y prenait garde, surtout couvert de sueur comme il l’était.

Le monstre était, heureusement, passablement épuisé, aussi le combat s'éternisa-t-il guère. Le rôdeur eût quelques belles frayeurs, la queue du scorpion le frôlant à une ou deux reprises, mais il était désormais le plus leste et le plus rapide des deux, et il put esquiver à la dernière seconde.
Il finit par abattre son épée sur la queue, une fois, puis une autre, et réussi finalement à la trancher à demi, provoquant instantanément un jaillissement de sang. Le scorpion géant s'affala sur lui-même, et Kasumi put l'achever; tranchant cette fois-ci la tête -ou ce qui en faisait office.
Il ne lui restait plus qu'à regagner l'ombre de l'abri de sable. Mais il compris rapidement que celui-ci était désert. les traces de pas de la druidesse, clairement visible dans le sable, s'éloignaient à travers les dunes. Apparemment, elle avançait à grandes enjambées, peut-être même en courant.

Kasumi se demanda aussitôt ce qui retenait la druidesse puisque le combat avait bien dû durer quelques minutes. Mais Eärundra n’aurait certainement pas manqué de l’appeler à l’aide ou eu moins de se signaler si elle avait détecté un autre péril proche. Il jugea donc plus prudent de regagner temporairement l’ombre de l’abri pour y renfiler sa tunique et se couvrir la tête avant de ressortir aussi rapidement que possible et de se mettre en quête de la druidesse en suivant ses traces. Dans ce décor somme toute plutôt plat, il espérait parvenir à la repérer rapidement et aviser de la situation : Rubis avait-il pris peur ou repéré une proie justifiant qu’il se soit éloigné ?

Le rôdeur dut marcher une bonne dizaine de minutes, en contournant quelques dunes, avant d'apercevoir Rubis qui volait selon une trajectoire circulaire autour d'un point situé un peu plus loin sur la trajectoire. En approchant davantage, il comprit immédiatement ce qui captivait son attention : un combat parfaitement déséquilibré entre la druidesse et une sorte de monstre, ressemblant vaguement à un renard avec de grandes oreilles, mais plus haut qu'un homme. La bête harcelait la druidesse, l'empêchant certainement de se concentrer suffisamment pour lancer un sort. Et si elle esquivait plutôt bien ses attaques, maintenant l'animal à distance à l'aide de son bâton, il était évident qu'elle s'épuisait et ne tiendrait pas plus de quelques minutes.

Kasumi n'hésita pas un instant pour se précipiter vers le combat en cours, prenant à peine le temps de vérifier qu'aucun autre obstacle ne se dressait sur sa trajectoire. Il hésita à manifester sa présence pour encourager Eärundra et se garda finalement de le faire de peur de la déconcentrer. Sans arc, il devait atteindre le plus vite possible le renard et ne pas crier lui permettrait - outre économiser son souffle - d'avoir une chance de surprendre l'adversaire de la druidesse.

L'espèce de renard à larges oreilles, concentré sur l'elfe souple et légère qui esquivait ses attaques, ne s'aperçut pas qu'un deuxième adversaire s'approchait silencieusement. Il lui tournait à demi le dos, et ne devina sa présence qu'au dernier instant, peut-être grâce à son odorat, ou à l'expression de soulagement qui se peignit un bref instant sur le visage de la druidesse. Celle-ci faillit bien payer de sa vie sa légère déconcentration : la mâchoire de l'animal se referma sur son bras, l'obligeant à lâcher son bâton. Mais, sentant la présence de Kasumi, il lâcha sa proie pour bondir de coté. Le rôdeur avait déjà levé son épée, et celle-ci, si elle ne parvint pas à tuer l'animal, le blessa grièvement au flanc. Le monstre se retourna aussitôt vers lui, délaissant la druidesse. Vu la quantité de sang qui s'écoulait de sa blessure, le rôdeur n'aurait pas de mal à en venir à bout. Il lui fallait cependant éviter d'être grièvement blessé dans l'opération.

Kasumi n'était pas parfaitement concentré comme il aurait dû l'être : d'une part, un entraînement et un court combat ne suffisait pas à réapprendre des années d'automatisme de coordination et d'autre part il s'inquiétait pour la druidesse qui avait reçu une blessure certainement très sévère : il ne pouvait d'autant pas se permettre de faire durer ce combat que l'accumulation commençait à le peser et que la lutte pouvait attirer tout ce qui rôdait à proximité. Le point positif était que son adversaire ne bénéficiait cette fois ci ni de la protection d'une carapace ni d'un dard au poison immédiatement mortel. Tous ces éléments incitèrent le rôdeur à ne pas adopter le même style défensif qu'il avait usé face au scorpion et - dans une moindre mesure - face à Eärundra. Il porta des attaques lestes et rapides en direction de ses jambes pour tenter de le blesser à nouveau en restreignant ses mouvements et peut-être en l'amenant à présenter sa gorge.

L'animal n'était ni très leste, ni très rapide. Il avait une mâchoire impressionnante, certes, mais ses mouvements étaient prévisibles et le rôdeur put sans mal esquiver ses attaques. Lui, en revanche, esquiva très mal celles du demi-elfe. Une première blessure à la cuisse antérieure droite lui fit perdre une part de sa mobilité, permettant à Kasumi d'atteindre une autre patte, le faisant s'effondrer au sol. Le tuer ne fut qu'un jeu d'enfant.
Il put enfin se tourner vers Eärundra, qui gisait au sol, peinant visiblement à rester consciente. Elle était pâle et comprimait de son mieux sa blessure, mais le sang coulait encore.

Kasumi lâcha ses armes et s'agenouilla aux côtés d'Eärundra dès qu'il eut évalué la gravité de sa blessure. Il était assez ironique que la seule qui possédait le pouvoir de se soigner n'était autre qu'elle même. Encore une preuve de la nécessité de maîtriser ce genre de capacités qui lui étaient malheureusement inaccessibles. La druidesse ne semblait en tous cas pas en état de se concentrer suffisamment pour incanter aussi il ne restait au rôdeur qu'une possibilité : comprimer la blessure à la place de l'elfe dans l'espoir de juguler l'hémorragie. Il posa rapidement l'une de ses mains pour faire pression comme Eärundra le lui avait autrefois montré. II n'avait malheureusement plus de potion disponible pour hâter le processus cette fois. Son intervention suffirait-elle malgré tout ? Pourrait-il ensuite déplacer Eärundra jusqu'à l'abri sans aggraver son cas ?

Eärundra le laissa placer sa main à la place de la sienne. Sous sa poigne plus ferme, le sang s'arrêta instantanément de couler. Bien sûr, l'hémorragie reprenait dès qu'il faisait mine de relâcher la pression, aussi dut-il rester immobile de longues minutes à comprimer la blessure.
La druidesse respirait avec difficulté et peinait à garder les yeux ouverts. Elle finit par les fermer brièvement, mais ne perdit pas conscience. Le temps paraissait comme suspendu.
" J'ai soif", finit-elle par articuler faiblement.
Kasumi, relâchant lentement la pression de sa main, constata que l'hémorragie était enfin jugulée.

Il y avait un certainement motif de fierté à avoir réussi là où il aurait probablement échoué quelques semaines plus tôt mais l’état grave de la druidesse ne permettait pas de se laisser aller à ce genre de considérations. Il attendit donc d’être bien certain que l’hémorragie ne risquait pas de reprendre d’elle-même avant de retirer ses mains – poisseuses de sang - du bras blessé.

Il n’avait pas sa gourde et il répugnait à abandonner l’elfe ainsi exposée pour aller lui chercher de l’eau aussi décida-t-il qu’il valait mieux la transporter avec lui sur la courte distance. Dans l’ombre de la grotte, elle pourrait s’abreuver tout son saoul et il pourrait aussi nettoyer et bander sa blessure avec son matériel.

Alors, avec douceur, il passa ses bras sous les jambes et les épaules de la druidesse et la souleva sans difficulté malgré sa faiblesse récente. L’asabi n’avait pas menti : même avec ce qu’il avait dû sacrifier, il restait plus fort que la plupart des demi-elfes et Eärundra était en outre un poids plume.

- Nous allons rentrer alors reste avec moi, déclara-t-il enfin d’un ton rassurant. Ce ne serait pour le moment que la grotte de Ta’sslan mais il songeait aussi à leur prochain retour à Everaska.

La Couronne de Cuivre

[Désert d'Anauroch] Quête : Racines