La Couronne de Cuivre

Les colons ne se firent pas prier pour intervenir, que ce soit sur ce projet précis ou sur leur situation en général. S'il y eut quelques questions sur des points de détails, quelques menues suggestions, l'essentiel de ceux qui prirent la parole le firent pour exprimer leur satisfaction, leur motivation, leur reconnaissance à l'égard de ceux qui les avaient conduits jusqu'ici et qui les aidaient à débuter leur nouvelle vie. Albérich et le reste du Conseil purent le constater : le moral était au beau fixe, l'entrain intact, l'optimisme de rigueur. Ce qui n'empêchait pas pour autant leurs compagnons de rester conscients des difficultés à venir, du travail qu'il restait à accomplir.
Hubert s'avança ensuite pour parler d'un sujet plus épineux : le sondage des auras de ceux qui avaient, les premiers, accompagné Étienne à Clairétoile. La mesure ne causa nul émoi, nul objection, paraissant au contraire à la fois nécessaire et équitable.
Enfin, l'Assemblée se termina, et chacun repartit vers ses occupations respectives. Ou ses distractions, plutôt. Car si aucune fête n'était prévue, l'ambiance était si joyeuse que peu de monde, sans nul doute, irait se coucher dans l'immédiat.

Albérich se tourna vers ses collègues.
" Et bien... ça s'est plutôt bien déroulé, dit-il avec un sourire. Les gens ont l'air plutôt enchantés. Personne n'a protesté pour les auras. Même le projet de Giovanni a été adopté !
— Un vote à main levée n'était peut-être pas la manière la plus... parfaite de procéder. Enfin... Je n'y connais rien en démocratie, mais... Bref, peu importe. Ce qui est fait est fait, et nous y gagnons certainement à avoir un barde ravi..."

-Vu le travail que représentent l'organisation et le dépouillement d'un vote à bulletin secret, l'Assemblée a très tôt décider de réserver cette technique aux décisions cruciales, comme les élections ou les orientations fondamentales de la Communauté. Pour les sujets secondaires, le vote à main levé a très bien fonctionné jusqu'ici, ceux étant contre un projet n'ayant jamais hésité à le manifester. Sans doute faudra-t-il modifier cela lorsque nous aurons augmenté en nombre, lorsque chacun connaîtra moins l'ensemble des autres... Dans l'immédiat, toutefois, cela marche plutôt bien, non ?

Hubert leva les mains défensivement.
" Sûrement." dit-il.
Il n'était manifestement pas convaincu, mais ce n'était pas le genre de sujet sur lequel il était du genre à polémiquer.
" Bon, à présent que Giovanni a eu gain de cause, nous allons devoir nous soumettre à nos engagements, dit le Luménien.
— A mon avis, il a soutiré ce genre de promesses à cinquante-huit personnes. Nous avons de la marge.
— Peut-être. Bon... nous avions parlé d'aller nous laver. Ça ne me ferait pas de mal, en ce qui me concerne..."
Il se tourna vers Etienne.
" Si tout est réglé... Je te souhaite la bonne nuit.
— Tu sors demain après-midi, cette fois, si c'est possible." ajouta Hubert.

-Écoute, je vais organiser un vote à bulletin secret et je te transmettrai le résultat après le dépouillement, donc... Demain soir ?
Il lui sourit amicalement.
-Non, sérieusement... Pas de souci, Hubert. Demain matin contrats, demain après-midi, exploration.
Il leur souhaita bonne nuit et s'en fut, les laissant gagner des thermes pour l'heure déserts.

Ils s'esquivèrent dans les vestiaires et Albérich arriva, une fois de plus, après Hubert dans l'eau. Le paladin lui sourit tandis qu'il s'installait. Ils mitonnèrent un moment, en silence. Plusieurs fois, le Luménien eut l'impression que le paladin était sur le point de dire quelque chose, mais rien ne franchit la barrière de ses lèvres. Le clerc sortit le premier et conseilla à son ami de ne pas s'endormir, avant de regagner des zones plus fréquentées. Il musarda un moment parmi les colons, à la recherche des Sunites. Il voulait pouvoir féliciter Giovanni avant d'aller dormir.

S'il put sans mal échanger quelques mots avec Thibault et ses amis paladins, tous d'excellente humeur, atteindre Giovanni fut plus ardu, car le barde était entouré de colons venus s'enquérir des détails pratiques de son œuvre. Quand débuteraient les séances ? Fallait-il réfléchir à une posture, à des objets symbolisant rôles et fonctions, ou bien lui laissait-on toute latitude ? Était-il possible de figurer sur la fresque en compagnie de sa famille, de ses amis ? Pouvait-on négocier avec lui pour qu'il améliore la réalité et représente donc ses modèles de façon particulièrement avantageuse ? La dernière question revenait souvent, presque toujours sur le ton de l'humour. Et de manière plus générale, personne ne semblait regretter la décision de l'assemblée.
-Je me demande dans quelle mesure la découverte du trésor a joué en ma faveur... souffla l'artiste quand Albérich put enfin s'entretenir avec lui.

" Peu importe ce qui a, ou pas, joué en ta faveur, dit le Luménien. Les gens ont l'air ravi, tu es ravi, personne ne regrettera l'aventure... C'est tout ce qui compte, non ? Et si certains resquillent finalement... C'est de bonne guerre."
Il sourit.
" Mais c'est une bonne chose que tu aies trouvé le trésor avant, oui... ça te laisse plus de temps pour ton grand oeuvre. Peut-être Sunie a-t-elle voulu te donner ce coup de pouce. Je suis heureux pour toi, en tout cas."

Il eut un sourire mitigé.
-Peut-être est-ce effectivement une intervention de Sunie. Toutefois, j'y vois plutôt lla marque de Tymora qui, en gratifiant une fois encore sa jeune Élue d'une mirifique trouvaille, a clairement indiqué qui devait poursuivre les recherches et qui pouvait s'en retourner dans son atelier.
Il soupira, sourit à nouveau.
-Je consacrerai donc désormais seulement une partie de la journée aux fouilles, ou à d'autres tâches si l'on m'en trouve pour lesquelles je suis plus doué, et une autre partie à la peinture... A ce propos, vu qu'Hubert et toi m'avez jadis fait certaines promesses... Vous êtes en tête de liste.

Apparemment, le lancement du projet ne consolait qu'à moitié le chercheur de trésors malheureux. Albérich décida de ne pas épiloguer : quoi qu'il dise, Giovanni resterait sur son idée.
" Je n'ai pas l'intention de me trouver des excuses, dit le Luménien, tranquille. Mais j'ai un emploi du temps très chargé... Il faudra que nous nous accordions. En soirée, je suppose, ce sera le plus facile, mais la lumière ne te convient peut-être pas... Tiens-moi au courant. Que je fasse un peu d'exercice avant l'heure fatidique."
Il posa une main soucieuse sur son estomac.
" Qu'est-ce que tu as dit à ceux qui te demandaient des retouches ?"

-Que j'étais très attaché au réalisme des représentations, mais qu'il y avait bien des moyens de préserver celui-ci tout en le présentant de manière avantageuse : le but est de ne pas trahir la vérité, certes, mais également que chacun soit fier de l'image qui est donnée de lui, répondit-il, très sérieux, avant d'ajouter, d'un air mutin. Après, il y a aussi une marge pour la négociation...
Difficile de savoir s'il plaisantait ou non.
-Ce qui serait bien, c'est que vous commenciez à réfléchir à votre image, justement. D'abord, dans quel rôle, dans quelle posture, dans quelle situation souhaitez-vous être peints ? J'ai des idées, mais vous êtes libres d'en proposer. Ensuite, voulez-vous être "isolé", sur la fresque, ou près d'autres personnes ? Enfin, préférez-vous poser seul ou à plusieurs ? Certains aiment être en groupe, parce qu'on peut discuter, parce que c'est moins intimidant. D'autres trouvent plus simple de n'être qu'avec moi... Sachant que dans le second cas, il m'est tout à fait possible, ensuite, de réunir les gens sur l’œuvre finale... Bref, tout est envisageable, et vous devez vraiment choisir ce que vous préférez. J'aimerais que cette expérience soit le plus agréable possible pour vous.

" Honnêtement, c'est toi l'artiste. J'imagine que j'ai des activités qui ne choqueront pas trop, si je dois les effectuer nu... Finalement, compulser un document en pourpoint ou sans rien sur le dos, ça ne change pas grand chose. Je n'ai pas de préférence. Je n'ai jamais posé dans le plus simple appareil... Je ne crois pas être pudibond, j'ai eu l'habitude de tout ça au Temple... Ça m'est égal, franchement. Je crois que... c'est un peu toi qui dois avoir l'idée de la composition d'ensemble de ton oeuvre, non ? Tu as l'idée d'un décor ? D'un lieu ?"

-Tout cela est déjà très clair dans mon esprit. En fait, je vois parfaitement la fresque dans son ensemble. Je ne t'en révèlerai rien, évidemment, car je tiens à préserver la surprise. Néanmoins, je peux te dire qu'il y a place pour de petites scènes de tous types. Et à ce niveau, la tenue des figurants ne change absolument rien : comme tu as pu t'en percevoir en observant le décor du palais, les Anciens peignaient les gens nus dans toutes les situations possibles et inimaginables, sans qu'il n'y ait jamais quoi que ce soit de choquant. Sauf, bien sûr, si c'était l'effet voulu, mais je n'en ai pas encore vu d'exemple... Bon, en résumé : j'ai l'idée globale, et chacun a la liberté de songer à ce qu'il aimerait, sachant que je suis là pour ceux qui manquent d'inspiration.
Il jeta un regard à la ronde.
-Pourrais-tu demander à Hubert de réfléchir à tous les aspects que j'évoquais à l'instant ? Et lui dire de ne pas hésiter à venir me trouver s'il a des remarques, des questions ?

" Tu vas pouvoir lui en parler toi-même. Il est juste là, dit le Luménien en désignant le paladin qui semblait errer, incertain, à la périphérie d'un groupe plus fourni. Je ne suis pas certain qu'il soit encore parfaitement convaincu... Mais il sera fidèle à son engagement. Cela dit, si tu préfères, je peux lui en parler. Mais j'ai l'impression que je le mettrai plus mal à l'aise que toi. Il est terriblement pudique."
Il songea à la marque qu'il avait arborée sur l'épaule, quelques mois plus tôt. Il aurait eu, alors, une bonne raison de refuser l'effeuillage.

Giovanni hésita quelques secondes avant d'acquiescer.
-Très bien, je vais aller lui en parler.
Nouveau regard autour de lui.
-Et je vais aller le faire de ce pas, avant d'être alpagué par quelqu'un d'autre et qu'il n'en profite pour se carapater. Comme je compte lancer tout ça d'ici très peu de temps, c'est mieux s'il peut y réfléchir un tantinet...

Le paladin regarda approcher Giovanni avec un sourire embarrassé. Quand il fut à sa hauteur, il lui serra la main.
" Félicitations pour ta réussite. Ton discours était très convainquant. Tu as vu que tu avais tort de t'inquiéter : la communauté a accueilli la perspective de cette fresque avec enthousiasme. J'espère que tu as déjà repéré ton mur."
Albérich était resté en retrait et Hubert le vit retourner vers les Sunites.

-Il y en a quelques-uns d'intéressants, dans la forteresse, mais je me laisse la liberté d'en trouver de meilleurs encore ailleurs dans la ville... Pour le reste, je me demande si la liesse provoquée par la découverte du trésor n'a pas infléchi le destin en ma faveur. J'espère que nos compagnons ne vont pas se réveiller avec une manière de gueule de bois, et je ferai tout mon possible pour qu'ils ne regrettent pas leur choix. Et à ce propos...
Il lui soumit alors les mêmes questions, les mêmes pistes de réflexion qu'à Albérich.

Hubert haussa les épaules, sans se départir de son sourire.
" J'aime autant poser seul, si tu n'y vois pas d'inconvénient. Pour le reste, je suis disponible à partir de midi, généralement. J'essaierai de réfléchir à une pose mais... hum... quelque chose de sobre me suffira amplement. Avec les autres militaires, je suppose. En fonction de ce que tu imaginais pour nous... Bon, c'est évidemment mieux si ce n'est pas trop inconfortable. Même si je sais que tu es rapide."

-Ce ne sera pas inconfortable, ne t'inquiète pas : je n'aime en aucun cas que mes modèles grimacent !
Il lui dédia un sourire apaisant.
-Et sur la fresque elle-même, préfères-tu être relativement seul, toute proportion gardée puisqu'il y aura quand même du monde dans les parages, ou bien au sein d'un groupe ? Parmi ton état-major ? Avec tes écuyers à tes côtés ? En compagnie d'Albérich ?

" J'aimerais autant... pas en compagnie de mes écuyers, en tout cas... l'état-major, ce sera très bien. En train de deviser d'une grande stratégie, quelque chose comme ça..."
Il sourit, un peu embarrassé.
" Peut-être peux-tu poser la question à mes collègues... et je me glisserai dans leur dynamique."

Le barde, sourcils froncés, garda le silence un petit moment, comme s'il gravait dans sa mémoire les souhaits du paladin.
-C'est bien noté. Et ne t'en fais pas : on trouvera un créneau dans les jours qui viennent, ce sera vite expédié, et tu n'auras pas à rougir du résultat.
Il lui tapa amicalement sur l'épaule.
-Bon, je crois que d'autres attendent pour me poser des questions... Si nous ne nous recroisons pas d'ici là, je te souhaite une bonne nuit, Hubert.
Et, sur un salut chaleureux, il s'en fut.

Hubert était soulagé que les choses en soient restées là mais Giovanni avait désormais un objectif précis et d'autres soucis. Le paladin décida de gagner les remparts pour jeter un coup d'oeil à la nuit avant d'aller dormir. Si le ciel était dégagé, sans doute pourrait-il admirer le spectacle des étoiles se reflétant dans le lac, comme le faisaient autrefois les habitants de la cité. Il se sentait un peu déphasé, mais sans angoisse : le programme des jours à venir était tout tracé. Il fallait juste qu'il arrive à gérer ses émotions. L'alternative était d'aller se glisser dans l'ombre d'Albérich et Thibault, mais ce serait pathétique. Malgré la bienveillance du Sunite, il demeurait un intrus débarqué dans une vieille amitié : sa présence musèlerait leurs échanges. C'était ce qu'il voulait, profondément, mais c'était vain et veule. Si quelque chose devait se produire, il ne pourrait pas l'empêcher.
Ensuite, il gagnerait sa chambre en prévision d'une nouvelle aube...

Malheureusement, le ciel était couvert et dispensait non la douce clarté des étoiles, mais la froideur des flocons. Autant pour le beau spectacle, même si, sous son blanc manteau, l'antique cité ne manquait pas d'attraits, loin s'en fallait. Après avoir passé quelques minutes à l'observer, Hubert regagna ses quartiers, où il fut rejoint peu après par Albérich. En effet, Giovanni étant fort occupé, les Sunites avaient décidé de ne pas organiser de nouveau symposium ce soir là. Ce qui n'était pas plus mal pour leurs réserves.
Une nouvelle nuit s'écoula. Une nouvelle aube vint.

Albérich et Hubert se rendirent sur les remparts comme la veille, le paladin manifestement mal réveillé, le clerc débordant d'anticipation. Cette fois, Albérich veilla à prier Lathandre de le gratifier des sortilèges les plus utiles à l'exploration, comme le pouvoir de modeler la pierre ou celui de communiquer à distance. Il demanda aussi des armes spirituelles pour affronter les morts-vivants.
" Nous sortons le matin, alors ? demanda-t-il ensuite à Hubert.
— Oui. Mais je n'étais pas certain que tu serais partant deux jours de suite... Je voulais organiser un roulement entre les clercs.
— Et tu me le dis... après que j'ai prié ?
— C'est grave ?
— Non. Non, je suppose que non. Je repousserai les morts-vivants de mon esprit.
— Désolé mais Gabriel a droit à son tour aussi.
— Je sais. C'est très bien."
Ils gagnèrent la salle à manger.

La bonne humeur de la veille était toujours de mise et les deux amis furent accueillis par des sourirs, par des saluts amicaux. Gabriel, qui avait accueilli avec bonheur la nouvelle qu'il pourrait participer à l'expédition du matin, déjeuna en quatrième vitesse pour aller se préparer sans tarder. Quant à Thiault, il annonça qu'il pallierait sans mal à l'absence du jeune Lathandrite : l'équipe constituée par ce dernier était efficace, annonça-t-il. c'est donc sans problème aucun que, lorsqu'il se fut sustenté, Albérich put prendre la direction de son bureau, tandis qu'Hubert vaquait aux préparatifs de la première phase d'exploration du jour.

Vu l'accord tacite de la communauté, Albérich avait l'intention de commencer la liste précise de tous les enfants, avec leurs activités actuelles pour ceux qui avaient déjà emprunté une voie. Pour les autres, il comptait musarder dans la communauté pour aller directement à la source : auprès de leurs parents et les interroger. Il avait annoncé qu'on pouvait venir le trouver, mais il se souvenait de ce qu'on lui avait dit, qu'il pouvait impressionner et garder malgré lui les gens à distance. Aussi prendrait-il le taureau par les cornes. Cela lui prendrait certainement plus de la moitié de la journée, si pas celle-ci dans son intégralité.

***

Hubert, de son côté, rassembla son équipe. Gabriel et lui-même étaient les seuls lanceurs de sorts divins du groupe, mais ce n'était pas un problème : les maisons étaient globalement vides, et les éclaireurs les préviendraient en cas de pépin. Il espérait qu'Ezéchiel ne rencontrerait pas de difficultés avec la troupe qu'il avait repérée la veille mais il se devait de faire confiance au rôdeur. La présence de Renaud dans leur escouade les aiderait peut-être à faire face, au besoin.

Pour l'un comme pour l'autre, la matinée fut productive, quoique celle d'Hubert s'avérât ennuyeuse, si l'on excepte la splendeur des demeures qu'il visita. Quand vint midi et l'heure du retour, il fut rejoint par Ézéchiel, qui lui annonça avoir éliminé le groupe de morts-vivants, une dizaine de goules qui n'avaient guère opposé de résistance à son escouade.
Lorsqu'ils regagnèrent la forteresse, celle-ci était paisible, exception faite de la cantine où maints convives étaient déjà assemblés. Albérich était du nombre, à la même table que Thibault et Giovanni.

Hubert hésita, puis finit par renoncer à les rejoindre. Il finirait par se débarrasser de sa gêne et retrouver une certaine spontanéité, mais ce n'était pas pour tout de suite. La monotonie de la matinée l'avait passablement fatigué, paradoxalement, et il se promettait un après-midi plus physique, sans doute à s'entraîner. Guillermo était malheureusement de sortie, mais peut-être pourrait-il affronter Lothar. Il devait avoir un tout autre style de combat, plus brutal, et non moins dangereux. Il voulait aussi s'occuper de ses écuyers, peut-être suggérer à Albérich de s'exercer, avec lui ou un autre. Son ami sunite était certainement une fine lame, ou une fine mèche, car l'arme de prédilection de Sunie était le fouet.
Il gagna la table où mangeait Edgar et écouta paisiblement les conversations, sans chercher à les détourner ou à s'y immiscer.

Heureux de le revoir, les officiers et sous-officiers, instructeurs pour l'essentiel, l'intégrèrent néanmoins tout naturellement à leurs conversations. Il put ainsi avoir des nouvelles du quotidien des forces armées, où l'ambiance était bonne et où chacun trouvait son compte.
Quant à son programme, il lui fallut ajouter en premier lieu une étape à laquelle il n'avait pas songé : sonder les auras des hommes qui avaient accompagné Étienne. Aidé par des lanceurs de sorts, il mena l'opération sans mal, et sans rien détecter d'inquiétant. Pour le reste, Lothar se révéla être un adversaire extraordinairement redoutable - pas étonnant qu'on le mette en tête lors des charges de cavalerie -, Albérich participa bon gré mal gré à l'entraînement et Thibault, occupé à aider Gabriel, trouva malgré tout un moment pour se joindre à eux : il n'usa pas de son fouet, peu pratique pour les exercices, mais d'une rapière qu'il maniait plus qu'honorablement.
Finalement, l'heure du repas vint à approcher. Mais les deux amis ne pourraient pas immédiatement manger. En effet, on les informa que Barthélemy était venu s'entretenir avec Étienne sitôt celui-ci rentré de son excursion dans la ville, et que le jeune chevalier avait peu après fait savoir que le Conseil devait se réunir.

Circonspect, Albérich suivit le chevalier vers la salle où ils se réunissaient. Hubert était dans leur sillage, silencieux. Il paraissait fatigué, pour une fois, signe qu'il s'était dépensé pendant l'après-midi. Le Luménien se demandait pourquoi Barthélémy avait tenu à s'entretenir avec Etienne alors que d'autres conseillers se trouvaient à la forteresse et qu'il aurait pu les aviser d'un éventuel problème. Le seul sujet qui lui paraissait réservé au jeune homme était celui des résurrections, et l'idée que cette problématique puisse leur valoir un conseil l'inquiétait grandement.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une cité perdue