La Couronne de Cuivre

" Oh, pour ça je ne me fais pas de souci, elle brûle d'envie de partir à l'aventure avec toi. Ah, par contre, la vie aventureuse n'est pas forcément idéale pour fonder une famille. il y aura tôt ou tard un choix à faire. mais n'attend pas trop, à ce sujet. Les humaines vieillissent plus vite que les demi-elfes, et il ne lui reste plus tant d'années que ça pour fonder une famille... Et encore faut-il que vous vous supportiez sur la durée ! Parce que là, c'est tout récent, vous êtes tout feu tout flamme. Mais peut-être que dans quelques mois vous serez déjà las l'un de l'autre... donc tu as raison, il ne faut pas faire des plans trop vite...

Kasumi croqua gaiement dans une tartine avant de se surprendre lui-même par sa réponse :

- Ou alors il vaut mieux ne pas faire de plans du tout : vivre et voir ce que nous réserve la vie !

Il se mit à rire franchement avant d'ajouter d'un ton taquin :

- Non mais voilà que vous m'avez contaminé, Tilmandil et toi !

Il finit sa tartine avec appétit avant d'ajouter un peu plus sérieusement :

- Mais nous aurions tort de vouloir précipiter les choses en prenant pour prétexte que nous avons perdu des années. Il me restera encore une chose importante à régler puis nous pourrons envisager notre avenir si c'est toujours dans les intentions de Sylvia.

" Ah... et quelle est cette chose si importante à régler ?"
La druidesse souriait, curieuse.
" Tu parles juste du marché avec les asabis ou tu as autre chose d'important en tête ? "
Elle ajouta, avec un clin d'oeil :
" Promis, je ne dirai pas à Sylvia qu'elle passe après autre chose... quelle qu'elle soit !"

Kasumi lui dédia un sourire un peu contraint mais ne chercha pas à dissimuler ce qu'il avait en tête :

- Je ne pensais pas à ces maudits asabis : ils ne vont pas me gâcher l'existence. Non, je songeais juste à la compagne que j'ai abandonnée... Je lui dois des explications, c'est un minimum. Après je serai libre de m'engager comme je l'entends mais ce ne serait pas honorable que de la laisser attendre sans nouvelle. Je veux qu'elle soit au moins aussi libre que moi, elle le mérite. Tu dois trouver que c'est encore mon côté paladin qui parle, n'est-ce pas ?

La druidesse secoua la tête.
" Non, non... C'est honnête de ta part, et ça prouve que tu n'es pas un lâche : tu pourrais te contenter d'un courrier, sinon... mais des explications en face, c'est mieux ! Je suis sûre qu'elle appréciera que tu aies au le courage de venir lui dire. Et peut-être que vous ne vous séparerez pas trop fâchés..."
Elle sourit.
" Et puis tu m'avais parlé d'un autre genre de compagne... une louve, il me semble..."

Le rôdeur retrouva aussitôt un sourire plus franc à la mention de Première Neige.

- Oui c'est vrai ! Heureusement que les loups ont un caractère indépendant aussi parfois ! En tous cas, j'espère bien la retrouver elle aussi si elle veut encore partager un bout de route avec moi. Première Neige est une louve des neiges, je ne sais pas si je te l'ai déjà dit. Et j'espère qu'elle fera bon ménage avec le faucon de Sylvia !

" Hum... Disons qu'ils n'auront pas les mêmes préférences climatiques... mais ils aimeront tous les deux la montagne. J'espère pour vous que vous n'aviez pas l'intention d'aller vous installer dans un désert ou un marécage !"
La druidesse sourit.
"En tout cas, si vous aviez commencé à tisser un lien, il doit encore être là. Ce genre de chose ne disparaît pas comme ça. Elle doit sentir que tu es très loin, et attendre... et angoisser un peu, peut-être. Elle sera heureuse de te retrouver. Et sûrement jalouse de Sylvia..."

- Jalouse de Sylvia ?

La remarque un peu incrédule lui avait échappé mais il se reprit bien vite en en plaisantant :

- Non, je ne crois pas : Première Neige n'a jamais considéré mon ancienne compagne comme une rivale de mon affection. Enfin, je ne m'en suis peut-être pas rendu compte... Il faut dire que je suis assez mauvais juge du caractère des femmes en général.

Ses yeux brillèrent d'amusement avant qu'il n'ajoute d'un ton taquin :

- Pour toi, j'imagine que le problème est tout autre : il y a certainement beaucoup d'hommes pour s'intéresser à toi mais je ne pense pas qu'il y en aura tant que ça assez courageux pour tenter de rivaliser avec Léo !

La druidesse haussa les épaules.
" De toute façon, Léo sait qu'il a toujours une place à part dans mon coeur... peut-être même la première, en y réfléchissant. En tout cas, aucun homme ne peut rivaliser avec lui ! Mes familiers précédents ont tous partagé ma vie plus longtemps que quiconque, en fait. il en sera de même pour lui."
Elle eût un petit rire.
" Et voilà, tu vas croire que je suis du genre volage... pas vraiment, pourtant, mais quand on a quelques centaines d'années à vivre, autant privilégier la variété des expériences ! Je ne suis pas femme à passer toute ma vie auprès du même homme ! Mais pour les humains ou les demi-elfes dont la vie est si courte, peut-être que ça n'est tout simplement pas envisageable..."

Kasumi était étonné de pouvoir aborder pareils sujets avec Eärundra sans ressentir le moindre malaise. Il aurait certainement cherché à mettre cours à ce genre de conversations seulement quelques jours plus tôt mais il devait reconnaître que l'approche et la vision des choses de la druidesse l'encourageaient à prendre du recul.

- Je ne sais pas si c'est tellement lié à notre race ou notre espérance de vie. Partiellement sans doute. Mais c'est aussi affaire de culture et de choix personnels : il y a bien des humains qui aiment à multiplier les conquêtes plus ou moins durables. Mais je ne crois pas que ce soit un mode de vie qui me conviendrait. J'en suis arrivé à un point où j'ai envie de fonder une famille quelque part, où j'ai besoin de savoir que je compte pour quelqu'un et que cette personne sera là à mon retour si je suis amené à quitter notre foyer pendant quelques semaines. Mais tu trouves peut-être cela tout aussi invraisemblable et même un peu égoïste, non ?

" Non, pas forcément !"
Elle s'assit en tailleur.
" Ecoute... personnellement, j'ai déjà eu deux compagnons, disons, stables, qui ont chacun partagé ma vie durant... hum... disons plus de dix ans. Ils étaient là quand je revenais d'aventure, et vice-versa, c'est le genre de chose dont chacun a besoin, c'est normal. Mais au bout de quelques dizaines d'années, voire moins, les sentiments s'usent et on se lasse, on s'éloigne, on évolue aussi, pas forcément dans le même sens... et on finit par aimer quelqu'un d'autre, ou au moins par réaliser qu'il n'y a plus de sentiment amoureux. Donc on change de vie, à la recherche d'autre chose qui nous corresponde mieux."
Souriante, elle ajouta.
" Sans compter la question de la différence d'espérance de vie ! Mon second amant était un humain, au bout de vingt ans il avait vieilli, moi non... Il en sera de même pour toi : lorsque Sylvia sera âgée, tu seras encore dans la force de l'âge. Tes enfants vieilliront peut-être avant toi. Ce sont des différences auxquelles on ne peut rien, mais qui ne sont pas anodines..."

Ce dernier sujet était un peu moins joyeux à aborder : tout en étant éperdument amoureux de Sylvia, il savait inconsciemment qu'elle vieillirait beaucoup plus vite que lui, que le temps leur était compté. Il ne savait pas encore s'il aurait envie de passer à autre chose quand l'âge ou la mort les séparerait mais ce dont il était certain, c'était qu'il avait d'autant plus envie de profiter des belles années qu'il leur restait. Son regard s'était à nouveau un peu égaré avec ses pensées mais il finit par répondre avec entrain :

- On verra ce qu'il en est dans quelques décennies oui. D'ici là, j'ai bien l'intention de vivre chaque moment et de voir où ça nous mène. Je suis cependant certain de ne pas m'ennuyer très vite avec Sylvia : elle a un tempérament des plus intéressants !

" Vivre en profitant de chaque instant est la meilleure attitude, à mon sens, pour trouver le bonheur ! Et je te souhaite d'en trouver autant que tu le mérites..."
Eärundra s'était relevée, et s'approchait de l'entrée de la grotte, dubitative.
" je ne sais pas toi, mais ça me pèse d'être coincée là... et ça pèse encore davantage à Rubis je pense. On devrait peut-être envisager de s'éloigner ? A dos d'aigle, je veux dire. A tour de rôle... On peut se trouver une prétexte quelconque, chasser par exemple. Je sais bien que ça nous expose aux regards mais... tourner en rond toute la journée, ça va être long !"

Kasumi prit le temps d'y réfléchir mais il devait bien s'avouer à lui-même que, même si la perspective de discuter toute la journée avec la druidesse n'était pas désagréable en soi, ils allaient rapidement épuiser les sujets de conversation et tourner en rond.

- Limitons les déplacements à une demi heure maximum juste pour que Rubis se détende un peu dans un premier temps. Et il vaut mieux rester près du sol aussi. Mais sinon je te rejoins : on va vite étouffer dans un espace aussi confiné !
Heureusement qu'Opale doit revenir dès demain soir ! Tu veux faire le premier tour ? Moi il faut que je me dérouille aussi un peu avant je crois. Et comme ça j'aurai moins de scrupule à me balader tout nu dans la grotte !

L'air qu'il avait tenté d'afficher était on ne peut plus sérieux mais il partit rapidement dans un fou rire.

La druidesse rit elle aussi de bon coeur, mais ne se fit pas prier pour prendre le premier tour de vol. Peu après, elle s'élevait dans les airs, en direction du nord pour s'éloigner de la mer.
Elle revint nettement plus tard que la demi-heure prévue, alors que Kasumi commençait à s'inquiéter. Peut-être avait-elle tout simplement perdu la notion du temps...
" On a repéré un troupeau de gazelles, au nord-est. Dans cette direction, exactement, fit-elle, sans lui laisser le temps de la réprimander, en lui indiquant l'endroit d'où elle venait. Tu veux en profiter pour le faire chasser ? Ou bien je peux y retourner... Mais tu veux sans doute faire un tour avant de toute façon !"

Kasumi gardait un souvenir assez détestable de sa dernière expérience de chasse et n’était pas tout à fait près à renouveler l’expérience « pour s’amuser ». En revanche, l’enthousiasme manifesté par Eärundra montrait qu’elle en avait envie et c’était certainement le cas aussi de Rubis. Il répliqua d’un ton sincère et sans arrière-pensées :

- Non, je t’en prie : je te laisse l’honneur de nous rapporter à manger ! Tu as l’air de beaucoup t’amuser alors je ne voudrais pas te priver de ce plaisir. Je ferai sans doute un tour un peu plus tard.

Lui-même se rendait compte qu’il n’avait pas tant envie que cela de s’exposer aux regards des mages ou au soleil : la relative fraîcheur de la grotte l’expliquait en partie. L’intuition qu’il valait mieux se cacher dans cette région hostile fit le reste. Il n’en serait donc pas forcément de même vers la fin d’après-midi.

La druidesse acquiesça avec le sourire, et fut d'un bond de retour en selle. Quelques minutes plus tard, elle s'envolait à nouveau.
Mais cette fois-ci, l'absence d'Eärundra se prolongea bien au-delà du raisonnable. Le soleil monta à l'horizon, atteignant son zénith. Il n'y avait pas un souffle d'air et le sable au-dehors, brûlant, dissuadait Kasumi de s'aventurer en-dehors de la grotte. Mais la druidesse ne revenait pas... Et l'après-midi avançait, doucement. Sans la moindre nouvelle.

Kasumi ne s'était tout d'abord pas inquiété outre mesure étant donné la nature aventureuse de la druidesse. Il avait pensé qu'elle avait dû repérer un autre troupeau ou décidé de simplement laissé Rubis libre de voler le temps qui lui était nécessaire. Cependant, à mesure que le temps passait, l'hypothèse qu'il soit arrivé quelque-chose à l'aigle et à sa cavalière était devenue péniblement plus crédible. Il avait longtemps hésité sur la conduite à tenir : se précipiter au dehors sans avoir de trace à suivre avait peu de sens et la druidesse pouvait revenir à tout moment. Toutefois, l'inquiétude avait peu à peu pris le pas sur la prudence et, au moment de réunir de quoi tenir le coup plusieurs heures dans le désert, il se morigéna d'avoir laissé Eärundra prendre tous les risques. Il avait baissé sa garde en pensant lui faire plaisir et il n'en mesurait qu'à peine les conséquences à présent.

Il fourra rapidement dans son sac la flûte de Tilmandil ainsi qu'un peu de nourriture et une couverture puis se protégea la tête et récupéra son arme avant de finalement se précipiter dehors. S'il ne découvrait rien en scrutant les alentours, il commencerait ses recherches vers le nord-est où était censée se diriger la druidesse. Le temps pressait cruellement aussi hâta-t-il le pas.

En quittant son abri, il eût tout de suite la sensation que quelque chose clochait. Il lui fallut quelques instants pour trouver la source de cette sensation. La chaleur suffocante qui l'assaillait ne l'aidait guère à réfléchir sereinement. Pourtant... il y avait quelque chose.
Il finit par comprendre d'où lui venait cette impression. Le désert, d'ordinaire totalement silencieux, bruissait légèrement. Ça n'était pas le vent. Quelque chose d'autre. Comme... le frôlement que feraient des bêtes en rampant, en glissant sur le sable. Des serpents, peut-être ? Et ça venait d'au-dessus de lui. Du sol sablonneux recouvrant l'abri. Il finit même par percevoir un léger mouvement, quelques grains de sable qui se détachaient et tombaient, puis d'autres. il y avait quelque chose là au-dessus... Quelque chose qu'il ne pouvait pas voir pour le moment -et qui ne pouvait pas non plus le voir, probablement.

Malgré la chaleur suffocante, le rôdeur ressentit tout de même un frisson lui parcourir l'échine, une intuition qui ne le trompait généralement pas qu'un grand danger était tout proche. Etait-ce la chose qui retenait Eärundra ? Qui l'avait peut-être surpris elle et Rubis ? Kasumi ne pouvait pas prendre le risque d'attendre plus longtemps car son amie était peut-être en grand danger. Sur un terrain normal, il aurait tenté de surprendre ce qui se tapissait en ayant recours à ses pouvoirs mais il n'y avait quasiment aucune végétation à exploiter dans le cas présent. Alors, il encocha une flèche sur son arc le plus silencieusement possible avant de s'éloigner pas à pas, dos à la petite pente permettant de sortir de l'abri. Il ferait ainsi face à ce qui se cachait au-dessus, quoique ce fut...

Il devina, plus qu'il ne vit, qu'il y avait une bête de grande taille au-dessus. un bruit ressemblant au sifflement d'un serpent. Du sable qui tombait, encore. Plus que quelques pas et il le verrait... mais serait probablement vu également.
Puis, subitement, un rongeur glissa entre ses jambes, se précipitant vers l'abri caché... et se transforma. En Eärundra, qui, posant un doigt sur ses lèvres, lui fit signe de la rejoindre silencieusement à l'abri.

La tension qui s'était emparée du rôdeur ne se relâcha que très partiellement : il était extrêmement soulagé de savoir Eärundra saine et sauve mais il ne savait rien du sort de Rubis. Probablement la druidesse avait-elle dû le laisser plus loin à moins qu'il n'ait été surpris par la chose qui se trouvait à quelques pas de l'abri. Une chose qui représentait assurément une menace létale et qu'il valait mieux ne pas provoquer indûment. Pas avant d'en savoir plus et d'avoir réfléchi plus sérieusement à un plan d'attaque efficace.

Kasumi refit donc le chemin en sens inverse avec la plus grande prudence, sans cesser de tenir prête une flèche au cas où le serpent - ou quoique ce fut - se décide à attaquer.

Eärundra l'entraîna tout au fond de la grotte artificielle, lui fit signe de s'asseoir, et s'approcha de son oreille pour murmurer, le plus bas possible.
" Il y a toute une armée de serpents géants et autre vermine qui patrouillent là-haut. On dirait qu'ils cherchent quelque chose. Nous, sans doute. Je n'ai pas osé revenir avec Rubis, ça aurait été trop dangereux, ils nous auraient attaqués aussitôt. Je lui ai créé une cachette, à une heure de vol d'ici, dans un secteur qui semble tranquille. c'est pour ça que je suis si en retard, j'ai dû revenir à pied... Et je ne sais pas ce qu'on va faire... En tout cas, il ne faut pas le moindre bruit, ils nous entendraient..."

Comme la druidesse pouvait s'y attendre, ses révélations firent grimacer le rôdeur. La situation n'était effectivement pas brillante : Rubis, leur seul moyen de fuir était isolé et allait probablement manquer de nourriture et d'eau avant quelques heures. Sans leur présence pour le rassurer, il pourrait en plus s'exposer en commettant des imprudences...

Quant à leur situation à eux, elle était encore plus précaire : si l'abri ne présentait qu'une issue plutôt défendable, c'était à double tranchant : ils ne pourraient pas espérer surprendre les vermines en tentant une sortie. Et si un seul de ses serpents s'engageait dans la déclivité ou était capable de creuser le sol friable, ils seraient sans aucun doute rapidement submergés.

A bien y réfléchir, il ne semblait pas y avoir d'autre solution ayant la moindre chance de réussite que d'attendre. Peut-être la nuit ferait-elle rebrousser chemin aux serpents ou les affaibliraient suffisamment pour qu'entreprendre une sortie ne soit pas complètement suicidaire. Mais cela revenait aussi à espérer qu'ils ne soient pas découverts d'ici là et aussi de laisser Rubis livré à lui même tout ce temps.

Le demi-elfe se pencha et écrivit de son doigt sur le sol sablonneux :

[color=#9900000]-Rubis peut-il attendre la nuit ?[/color]

La druidesse répondit par le même moyen.
" Il a une chèvre à manger, et de l'eau. Je lui ai dit de nous attendre... mais je ne sais pas au bout de combien de temps il va s'inquiéter."
Elle réfléchit un instant et ajouta.
" Je peux le rejoindre en deux ou trois heures en me transformant. Mais je voudrais éviter de te laisser seul ici..."

Kasumi prit le temps de réfléchir à cette proposition mais il finit par hocher négativement la tête avant d'effacer les mots d'Eärundra pour inscrire à son tour :

C'est trop risqué pour toi comme pour moi. Penses-tu qu'ils partiront à la nuit ?

Reculer pour mieux sauter. Et même si les serpent étaient incommodés par le froid, s'en iraient-ils pour autant ? Et que ce passerait-il dans l'intervalle. Jusqu'ici, à chaque fois qu'il avait voulu appliquer une stratégie prudente, elle ne s'était pas avérée payante.

" Les serpents n'aiment pas le froid, répondit par écrit la druidesse. Soit ils partiront, soit ils se terreront dans le sable et dormiront. Je pourrai faire une reconnaissance en me transformant pour qu'on choisisse un itinéraire où ils ne nous entendront pas marcher."
Elle réprima un soupir, puis reprit, à voix basse cette fois-ci.
" Il ne faut pas qu'ils nous découvrent d'ici là. Il ne faut pas être visibles de l'entrée... Peut-être trouver une cachette dans tout ce fatras, là-bas, ou s'enterrer en ne laissant juste un espace pour respirer. Ils ne sentiront pas notre odeur, mais ils perçoivent les vibrations assez proches d'eux."

La réponse de la druidesse confirmait ses propres impressions et il était en partie soulagé qu'elle partage son avis. En partie seulement car cela ne résolvait pas les problèmes qui l'inquiétaient : la réaction de Rubis et leur possible sinon probable découverte par les serpents. L'idée de s'enterrer pour tenter de se camoufler à eux ne lui plaisait guère car ils perdraient certainement un temps vital à se remettre en position de combattre si un serpent se glissait malgré tout jusqu'à eux. Il tourna donc son regard vers leurs affaires et celles de Ta'sslan. Peut-être pourraient-il former une espèce de barricade au moins visuelles en déplaçant les objets les moins lourds pour éviter de faire du bruit ?

Eärundra suivit son regard, et hésita.
" On peut assez facilement se dissimuler là-dedans... Mais s'ils découvrent la caverne, ils vont vouloir y entrer, l'explorer. Et ils vont fatalement nous découvrir... Ils sont nombreux, on ne fera pas le poids. Il faudrait... une cachette qui n'en ait pas l'air. Peut-être derrière une couverture contre la paroi... Il faudrait, en fait, pouvoir dissimuler l'entrée de la grotte... Misère, il faudrait être mage ou barde."
Elle réfléchit un instant.
" Attends... J'ai aussi des sorts qui peuvent nous aider... Je peux faire ébouler l'entrée de la grotte par exemple, si on se crée une sorte d'abri avec ces objets on aura une bulle d'air... ou, non, j'ai mieux, je peux nous emmener tous les deux dans les entrailles de la terre... enfin, à quelques mètres sous le sol, dans une bulle d'air. On y sera indétectable. Mais seulement pendant une heure et demi, donc il faut bien choisir notre moment... je dispose aussi d'un sort tempête de neige qui ne devrait pas plaire aux serpents, mais il faudrait qu'ils soient tous groupés dans la zone d'effet... cela peut quand même servir quand on fuira, s'ils nous repèrent."

Kasumi prit le temps de réfléchir à ces nouveaux éléments avant de répondre toujours sur le mode de l'écriture. Inutile de préciser qu'il ne disposait pas des mêmes moyens que la druidesse :

- Faisons tout ça : dissimulons nous derrière une fausse paroi formé d'une couverture. Tu nous emmèneras ailleurs si un serpent pénètre dans la grotte. Et ton sort de tempête couvrira notre retraite. Espérons que ce sera ce soir et qu'il ne nous arrivera rien d'ici là.

Il répugnait à laisser Rubis exposé mais il n'avait pas le choix. Et il était probable qu'ils doivent - en prime - abandonner encore une partie de leur matériel s'ils devaient quitter précipitamment l'abri. Dans cette éventualité, le rôdeur commença à ranger leurs effets les plus nécessaires et quelques vivres dans deux sacs pendant que la druidesse s'occupait de leur camouflage.

La Couronne de Cuivre

[Désert d'Anauroch] Quête : Racines