La Couronne de Cuivre

[Quête] La mort dans l'âme

Quand Bellatrix lui avait fait signe de s'approcher, l'homme s'était docilement penché vers elle, prêt à écouter ce qu'elle avait à lui confier discrètement. Bien mal lui en avait pris ! Il avait sursauté quand elle s'était mise à hurler et se frottait maintenant douloureusement l'oreille qu'il avait un peu fragile.

Quelle folle ! Elle manquait de la plus élémentaire discrétion alors qu'on l'avait justement recommandée pour cela... Mais baste, on lui avait dit de la recruter et les ordres sont les ordres n'est-ce pas ? Tous les clients s'étaient d'ailleurs désintéressés de la situation, replongeant leur nez dans leur chope ou leurs cartes. Restait ce jeune empoté debout au milieu de la salle qui les fixait avec des yeux ronds comme des billes. Pas assez fin pour être un ennemi mais suffisamment curieux pour aller fourrer son nez dans leurs affaires. Il allait devoir reprendre les choses en main.

Il lança à Vel Cheran :

" Approchez-vous donc jeune homme si notre discussion vous intéresse. "

Puis à Bellatrix, dans un murmure :

" Voilà que je dois déjà rattraper vos bêtises, vous avez attiré l'attention de quelqu'un. Je préfère qu'il vienne avec nous, c'est plus prudent. Après nous irons rejoindre la demeure de ma maîtresse. "

Pas mécontent d'avoir trouvé un ange gardien à cette drôle de femme, il attendit la réaction de Vel Cheran qui s'avançait vers eux.

Avisant que le barde les fixait, lui et sa bruyante interlocutrice, le petit homme l'avait invité à se joindre à eux. Vel'Cheran hésita, peu enthousiaste à la vue de l'excentrique femme aussi pâle qu'un cadavre. Mais, après tout, le tavernier l'avait prévenu : les personnes susceptibles de lui proposer un travail étaient des illuminés. Ainsi, les deux personnes face à lui entraient parfaitement dans la définition. Le jeune homme s'approcha donc de la table, circonspect. Il lui fallait de toutes manières remplir sa bourse après avoir perdu, en deux voyages en mer, toutes ses pièces d'or. Aussi décida donc d'obéir à son interlocuteur.

Excusez mon manque de politesse, mais je n'ai pas pu m'empêcher de vous remarquer. Je me présente : Vel'Cheran, barde versé dans l'art du combat. J'ai servi pendant une année entière dans l'armée d'une lointaine cité en guerre : je viens en effet d'assez loin, par delà de la Mer des Epées, et je connais assez peu les moeurs de ce continent. Aussi j'espère que vous excuserez mes manières peut-être peu en accord avec les coutumes locales.

Vel'Cheran se surprit lui-même : il n'était habituellement jamais aussi locace que depuis qu'il avait posé le pied sur le navire de la Porte de Baldur. Etait-ce la guerre qui l'avait changé à ce point ? Ou bien le fait de tout recommencer de zéro ? En tout cas, il craignait d'en être presque devenu bavard. Et cela ne lui ressemblait pas.

Il s'efforça cependant de conserver un visage aimable afin de cacher son trouble. Il avait du mal à cerner la femme, mais elle ne semblait pas vraiment être une experte en combat à l'arme blanche. Aussi, sa présence pourrait bien être la bienvenue.

Auriez-vous, par le plus grand des hasards, besoin de mes services ?

Quête : la mort dans l'âme

Bellatrix avait regardé l'homme attentivement, les yeux écarquillés. Tout à coup, elle se redressa, l'index en l'air.

"Hep, hep. Pourquoi les mélandiens ne se servent-ils jamais de ce doigt là ?"

Elle fit semblant de laisser à Vel Cheran le temps de répondre avant de s'écrier.

"Mais parce que c'est le mien pardi !"

Avant d'éclater d'un grand rire sonore. Puis, d'un air mi-figue mi raisin, elle se retourna vers l'ancien soldat.

"Ce garçon a l'air très intelligent. Vous devriez l'engager. Je suis sure qu'il danse très bien la danse du sabre"

[Quête] La mort dans l'âme

" Parfait, répondit l'homme. Je vais vous conduire auprès de votre employeuse même si elle me délègue la conduite des opérations. Je vous préviens, c'est une famille éprouvée que vous allez rencontrer donc... attention à vos manières ! "

Il quitta alors la taverne et se dirigea ensuite vers le centre de Manost suivi du barde et de la jeune femme.

La tenancière de la Taie Dorée dévisagea les deux arrivantes avec circonspection, les sourcils froncés. Elle appela même un de ses videurs et lui jeta quelques mots à l'oreille sans les quitter des yeux. L'homme hocha la tête avant de retourner à sa place. Puis la tenancière, toujours aussi aimable se rendit elle-même à leur table.

"Et que puis-je pour vous mes petiotes, vous me semblez bien perdues ?", demanda-t-elle d'un ton qui se voulait aimable.

Elza bouillonna intérieurement, mais n'en laissa rien paraître. Elle avait survécu. Sa rancœur n'allait pas tout gâcher.

Elle entreprit donc de se donner mauvais genre, affectant le caractère autain d'une personne habituée depuis toujours à se sentir supérieure aux autres. Avec en plus un soupçon d'incertitude laissant envisager qu'elle était nettement moins sûre d'elle que ce qu'elle voulait faire croire.

"Pour l'instant, commençons par la boisson." Elle tourna vers Althéa un regard complice. "Que prends-tu ?"

"Attendez, ça ne va pas se passer comme ça. Nous n'acceptons pas de jeunes mineurs dans notre établissement. Je vais devoir vous faire passer dans l'arrière salle"

La tavernière leur avait adressé un sourire qui n'avait rien de charmant. Autour des deux jeunes femmes, la salle s'était figée. Certains hommes commençaient à se pousser des coudes en échangeant des propos à voix basse. Vraiment rien de très engageant. Une serveuse passant à coté d'elles leur fit non de la tête, l'air effrayé. Non, vraiment pas engageant du tout ...

Oh... Complications en perspectives. Cette arrière-salle ne présageait rien de bon. Quoique... cela pourrait s'avérer une excellente occasion de régler ses comptes en lui permettant de tuer discrètement et proprement celle qui le méritait. Mais pour l'instant, il vallait mieux tenter de régler les choses à l'amiable. Elles n'étaient pas là pour ça... Le point positif était que le maquillage donnait des résultats encore meilleurs que ce qu'Elza avait envisagé. Il fallait qu'elle notre de renouveler ses stocks lorsqu'elle en aurait l'occasion.

Pour l'instant, choisit la seule réaction qu'elle estimait cohérente avec le rôle qu'elle tenait, c'est-à-dire qu'elle se leva d'un air aussi indigné qu'hautain. "Permettez, nous sommes majeures, toutes les deux!"

"Mais qu'est ce qu'elle se renfrogne la petite. Elle se renfrognerait pas si elle était dans son bon droit. Et voila qu'elle mignardise. Mais ça ne va pas se passer comme ça avec moi. Alors, soit vous faites ce que je dis, soit vous dégagez"

Althéa se leva et prit doucement Elza par le bras.

"Je crois qu'il vaut mieux qu'on s'en aille"

Quelle logique... Dans d'autres circonstances, Elza aurait éclaté de rire en entendant raisonnement aussi bancal. Il fallait que les choses tournent mal, évidemment. Le choix s'avérait difficile: son maquillage était efficace, mais pas au point d'effacer la mémoire de la tenancière, et revenir plus tard sous une autre identité ne serait pas évident. Quitter les lieux maintenant, c'était perdre ce qui serait peut-être leur seule occasion de retrouver leur cible. Rester, en revanche, c'était s'exposer à quelques désagréments. Mais après tout ? S'il fallait brûler l'auberge pour atteindre celui qu'elles poursuivait, cela ne lui déplaisait pas outre mesure. Pouvait-elle pour autant se permettre de risquer la vie de sa nouvelle amie pour sa vengeance ?
Le plus simple était peut-être de tenter l'apaisement. Elle se rassit calement.

"Tout ce que nous voulons, c'est de la boisson, et peut-être une chambre pour la nuit. Nous sommes toutes les deux majeures et j'ai de quoi payer. Mais si vous ne voulez pas de notre argent..."

Elle fit mine de se préparer à partir.

"Et moi, ce que je veux, c'est voir la couleur de mon argent. D'accord pour le lit et le couvert ... Mais aussi, j'aurais besoin d'une modeste contribution pour mon silence. Hé oui, vous croyez que je ne vous ai pas repérées avec vos airs de saintes-nitouches ? Toutes seules et si jeunes loin de chez vous ... Vous avez sûrement quelque chose à vous reprocher non ?"

Et elle darda Elza d'un regard carnassier.

"Ou quelque chose à reprocher aux autres..."

Elza avait parlé comme pour elle-même. Le contact semblait établit, s'agissait maintenant de tenir convenablement le rôle. Exhiber "trop tôt" de l'or devant une personne parfaitement capable de rançonner et de détrousser était probablement une mauvaise idée, mais son personnage n'était pas censée le savoir.
Elle détacha de sa ceinture une petite bourse qu'elle tendit à la tenancière avec le dédain pour l'argent qu'on ceux qui en ont eu trop pour apprendre la valeur des choses. Le tissus contenait une petite fortune en diamants... du moins, c'est ce qu'il semblait. Elza doutait quelque peu qu'ils soient véritables, mais si c'était le cas, c'était des faux très bien réalisés: Aucun des rapides examens auxquels elle avait eu l'occasion de se livrer depuis qu'elle les avait dérobé n'avait confirmé cette impression, et la tenancière n'aurait certainement pas l'occasion (ni même l'idée) de procéder à beaucoup plus approfondit avant que les deux demoiselles aient quitté les lieux.
Il y avait là de quoi financer un séjour beaucoup plus long que ce qu'elles semblaient demander, ce qui n'empêcha pas la jeune femme de sembler vouloir dissimuler un léger manque d'assurance lorsqu'elle demanda

"J'image que cela vous convient ?"

"Mais c'est qu'elle s'amuse à jouer au plus fin avec moi, la petite oie"

La tenancière de la Taie Dorée avait foudroyé Elza d'un oeil noir, ce qui ne l'avait pas empêchée d'empocher deux diamants.

"Je crois que ça ira pour cette fois. Du moins jusqu'à ce que je change d'avis. On peut dire que c'est votre jour de chance les filles ..."

Et elle repartit aussi vite qu'elle était venue. La ruse d'Elza avait réussi. Mais quand elle se tourna vers Althéa pour lui en faire part, elle ne trouva qu'une place vacante que sa compagne d'infortune avait occupée quelques secondes plus tôt.

"..."

Elza se retint juste à temps de prononcer son nom. Elle venait seulement de réaliser qu'elles n'avaient pas le moins du monde réfléchi aux noms qu'elles pourraient donner à leurs personnages. Celui de son amie -le vrai- risquait d'éveiller les soupçons.

Elle se leva alors sans rien dire, cherchant du regard autour d'elle si Althéa se trouvait toujours dans la salle, ou si un indice permettait de déterminer où elle était partie.

Et c'était à croire qu'Elza avait de la chance, car au détour d'un couloir, elle tomba sur Althéa. La jeune femme se tenait immobile devant une porte close. A croire qu'elle l'attendait, même si son regard vide montrait qu'elle n'était pas elle même.

Quel plan préparait encore le mage ? Elza avait encore une mince chance de le contrecarrer. Encore fallait il qu'elle trouve les mots justes ...

Hrp : dans un des posts, tu trouveras la réponse ..

Le souvenir de ce que le mage avait annoncé lors de son pseudo-spectacle au Loyal revient soudainement à la mémoire d'Elza. Il avait dit... serait-ce possible que cela marche de nouveau ?
L'elfe s'approcha doucement de son amie, sur ses gardes. Ao savait ce qui pouvait se passer... Parvenue à une distance raisonnable, elle prononça doucement, à mi-voix

"Navet ?"

Althéa s'était arrêtée net. De vague, son regard s'était fait étonné puis franchement surpris. Elle avait regardé autour d'elle, puis Elza.

"Tu peux m'expliquer ce que nous faisons là ? C'est ma faute n'est-ce pas ?"

Ouf.

Sitôt Althéa revenue à elle, Elza l'attira à l'écart... Si la porte venait à s'ouvrir...

"J'aurais tendance à dire que c'est de la sienne... Mais d'où que vienne la faute, il est temps d'y mettre un terme. Tu as une idée de la raison pour laquelle il t'a fait planter devant cette porte ?"

Elza jeta un œil dans le couloir d'où elles venaient, pour voir si quelque chose avait changé. "Tout ça pour des chaussettes..."

"Qu'est-ce que... ?"

Elza dévisagea son amie. Si le mage avait reprit son contrôle, il lui aurait certainement fait faire quelque chose, alors pourquoi restait-elle là, ainsi ? Elle failli pronnoncer le mot de retour lorsque qu'elle réalisa... Elle était parvenue à lui faire reprendre ses esprits en pronnonçant ce mot. Et puis, elle avait pronnoncé l'autre...

"Attends... Est-ce que c'est moi qui ai le contrôle, là ?"

Voilà qui changerait totalement la donne. Peut-être pas si handicapants que ça, le coup de l'enchantement. Ça valait le coup d'essayer.

"Lêve un bras."

Tiens donc. C'était si facile, finalement...

Un vague sentiment de puissance absolue envahi Elza. Une impression d'ailleurs légèrement familière. Un certain nombre de mauvaises idées apparurent furtivement dans un petit coin de son esprit. La situation aurait pu être exploitée de tant de manières...
Mais Althéa était Althéa. L'Elfe balaya impittoyablement et méthodiquement ces idées qu'elle n'avait ni le droit, ni l'envie de mettre en pratique. Elle repoussa aussi farouchement sa soif de pouvoir. Elle n'était pas l'autre.
Et ses propres démons n'étaient de toutes façons même pas le soucis du moment. Il était temps de résoudre les problèmes, pas d'en créer de nouveaux. Voilà qu'elle savait parfaitement comment s'occuper de celui-ci.

Elle fixa son amie dans les yeux, et son visage s'éclaira d'un sourire mutin. Il fallait un nouveau mot. Et elle savait précisément lequel.
[Je ne crois pas qu'il ait été pronnoncé pendant la partie "jouée" au Loyal, mais on va dire qu'Althéa l'aura dit à Elza en discutant pendant leur déguisement en jeunes fuyardes...]

"Écoute-moi bien, Althéa: quand je prononcerais le nom de ta fille, tu vas reprendre tes esprits, et plus rien de ce que ce mage, moi ou n'importe qui d'autre pourra dire n'aura ce genre d'effets sur toi. Plus personne ne pourra t'hypnothiser et tu ne répondra plus qu'à ta propre volonté. Tu m'as bien comprise ? C'est un ordre."

Elle recula d'un demi-pas, et observa. Il n'y avait qu'un seul moyen de vérifier si cela allait fonctionner. "Leodacya."

De vague, le regard d'Althéa redevint habité. Elle se tourna vers Elza, consciente qu'il venait de se passer quelque chose sans qu'elle sache précisément le nommer. Mais le jeune femme resta imperturbable. Elle chercha encore une réponse dans ses yeux mais sans succès. Et puis, demander des explications maintenant ne les mènerait à rien. Un mage les attendait, à l'abri des murs de sa chambre.

"Quel est le plan maintenant ?"

"Eh bien, je suppose qu'il m'attend... Et puisqu'il a eu la bonté de m'indiquer où se trouvait sa porte..."

Elza vérifia rapidement le contenu de ses poches. Quoi que désire réellement –elle ne pouvait s'empêcher de continuer à n'être pas vraiment convaincu par l'histoire de la robe–, des surprises allaient lui être garanties. La plus grande d'entre elles serait peut-être d'ailleurs la perte de son jouet.

"Tu ne devrais plus rien avoir à craindre de ses chaussettes, ma belle... mais on est pas obligé de l'en prévenir tout de suite"

Elle conclu d'un clin d'œil et s'avança d'un pas résolu vers la chambre. Il était temps d'en finir.

Elza était à peine entrée qu'une petite voix en provenance du fond de la pièce s'était fait entendre.

"Oui, qu'est ce que c'est donc ? C'est toi Nicolas ?"

Une petite vieille dame, assise sur son lit la regardait d'un air implorant.

"Mais, vous n'êtes pas Nicolas. Que venez-vous donc faire ici ?"

Oh. Mince. Pourquoi cette porte, si ce n'était pas la bonne ?
À moins bien sûr que le Nicolas en question ne soit... Il avait donné un autre nom, mais sait-on jamais ?

"Je suis désolée, j'ai dû me tromper de chambre..."

Elza commença à faire mine de battre en retraite vers la porte, sans toutefois tourner le dos à la vieille dame.

"Est-ce que vous auriez besoin de quelque chose ?"