La Couronne de Cuivre

« Tybert ! Je m’appelle Tybert ! » lui lança le jeune prêtre en se redressant, une grimace sur les traits. « Espèce de sauvage ! Si j’étais un vrai prêtre, je vous transformerais en grenouille, pour la peine ! Maudite ! C’est vous qui regardiez n’importe où. »
A cet instant, un clerc en aube jaune fit son apparition, et lui jeta un regard décontenancé.
« Est-ce que tout va bien, ici ? » demanda ce dernier, soupçonneux.

Myrhela analysa rapidement le nouveau protagoniste, et remarque tout de suite qu'elle avait affaire à quelqu'un d'important.
"Bonjour monsieur, il ne se passe rien de très grave, j'étais juste en train de me dire que la prochaine fois j'irais dans un autre temple dédié à Lathandre même s'il est moins splendide que celui-ci, vu comme certaines personnes se croient au-dessus des autres juste parce qu'elles travaillent ici. Je ne nomme personne en particulier bien sur.." , fit-elle en lançant un regard dénonciateur vers ce Tybert.

« Je n’ai rien fait ! C’est elle qui m’a poussé par terre et elle ne s’est même pas excusée ! Alors que c’est elle qui regardait ailleurs ! J’aurais pu me faire très mal, mais voilà, mademoiselle refuse de reconnaître sa maladresse ! » grogna-t-il.
Puis, sans attendre, il se replia dans le temple, grommelant dans son absence de barbe.
Le second clerc haussa les sourcils théâtralement. Manifestement, il avait du mal à contenir son hilarité.

Myrhela était bien heureuse d'être tombée sur un clerc qui avait l'air bien sympatique, et surtout d'avoir remis à sa place le novice. Même si elle ne venait pas de se faire un ami, vu ce qu'elle en avait déduit il n'avait pas beaucoup d'influence en ville. "Je vais faire mes escuses, mais pas à lui, plutot à vous pour avoir rompu le calme reposant du temple, dit-elle avec son sourir retrouvé. A qui ai-je affaire d'ailleur?"

« Je me nomme Roderick, je suis Semeur de l’aube. » fit-il sans se départir de son sourire. « Et vos excuses sont acceptées. Cependant, vous ne devriez pas en vouloir à Tybert. Il m’a eu l’air de boiter avec conviction. La douleur crée souvent la colère, même chez l’être le plus posé. Mais j’ose espéré que cette petite rencontre… frontale, ne vous détournera pas de Lathandre. C’est le Dieu des secondes chances, des nouvelles tentatives… Il ne jurerait pas du futur de vos relations avec ce novice. »

"Des secondes chances dites-vous... hum.. je crois que je laisserais peut-etre un de ces jours une seconde chance à Tybert de faire ma connaissance plus amplement, fit-elle avec bonheur humeur, car je crois bien que je reviendrais prier ce dieu qui m'a donné un nouveau depart dans ma vie dans cette cité." Myrhela salua le clerc, remarquant que les regards des gens du temple étaient encore tournés vers elle: elle ne souhaitait pas que ces gens se souviennent trop d'elle longtemps, alors elle decida qu'il était préférable de ne pas trop trainer ici. Son dossier de naturalisation avait surement déja été examiné, elle allait donc y retourner jsute après avoir quitter le sanctuaire.

Arrivant tout droit du repaire que leur avait assigné les autorités, Taliesin se présenta à l'entrée du temple. Il ne connaissait personne, ici, en dehors de Marcus, et ce fut tout naturellement de lui qu'il se mit en chasse. Le clerc ne serait probablement pas ravi de le voir débarquer, mais face à l'urgence, il ne rechignerait sans doute pas trop pour lui présenter les Sélunites.
Tout au long du trajet, il avait tenté de faire le vide dans son esprit, de repousser colère, rancoeur et mélancolie pour laisser place à un semblant de calme. Il en aurait grand besoin pour mener les entretiens, surtout si les prêtres rechignaient à leur répondre. Il redoutait ses réactions, ses emportements. Il ne partageait pas l'implication de Kasumi et d'Arya. Tout ce qu'il voulait, c'était en terminer au plus vite. Et il ne savait pas de quelle manière il prendrait les premiers obstacles qu'il devrait affronter.

Marcus ne parut effectivement pas transbordé de joie à l’idée que ce fut Taliesin qu’on eut chargé de rallier le temple. Il ne dit cependant rien, muselant tout commentaire, et le conduisit jusqu’à une petite salle dans l’aile Sud du temple. A l’intérieur se trouvaient deux femmes en grande conversation, humaines l’une et l’autre, vêtues de robes noires et argentées. Lorsque l’elfe entra, elles se tournèrent vers lui, à la fois surprises et suspicieuses, et Marcus s’effaça.

Taliesin s'avança et s'inclina. Il ne savait pas vraiment comment introduire le sujet de sa visite, et préféra rester aussi proche de la vérité que possible.
-Mesdames, je vous prie de bien vouloir excuser cette interruption... Je me nomme Taliesin, et je suis barde de mon état. Le Conseiller Albérich m'a chargé d'œuvrer, de concert avec messire Marcus, à l'organisation du banquet qui aura lieu pour la Fête de la Lune. J'auais donc aimé m'entretenir un moment avec vous, si vous êtes d'accord, bien sûr. Mais si l'instant vous paraît peu opportun, je peux bien évidemment repasser à une heure ou une date qui vous conviendra mieux.
Il avait parlé d'une voix calme, posée, emprunte d'une certaine humilité. Lorsqu'on ne connaissait pas son interlocuteur, mieux valait jouer les timides respectueux. Il serait toujours temps d'aviser ensuite...

Les deux femmes se dévisagèrent, puis la plus âgée haussa les épaules et lui fit signe de s’asseoir. Elle atteignait doucement le crépuscule de sa vie, les cheveux gris, soyeux, noué en un chignon compliqué sur la nuque, et le regard pâle au milieu d’un visage ridé. Elle aurait eu l’air amicale s’il n’y avait eu cette tension dans ses traits, au coin de ses yeux, sur son front parcheminé. La seconde était beaucoup plus jeune, blonde et filiforme, la peau rougeaude, les gestes nerveux.
« Je dois dire que nous aimerions beaucoup nous entretenir avec le conseiller, nous aussi. Curieusement, il est insaisissable. » grommela la plus âgée.
« Avez-vous des nouvelles d’eux ? Les avez-vous vus ? » s’exclama la plus jeune avec empressement.

Taliesin leur adressa un sourire rassurant.
-Je les ai vus pour la dernière fois il y a trois nuits, lorsque Albérich... le conseiller Mégrall, pardon, et dame Euryale sont venus à la taverne de la Bienveillance où je travaille actuellement... Nous devions nous revoir hier soir, pour discuter du banquet, mais les devoirs du conseillers l'ont visiblement appelé de manière imprévue hors les murs. Il a tout juste eu le temps de me grifonner un mot pour me dire qu'il ne pourait pas venir et que je devais continuer d'organiser tout cela avec messire Marcus.

« Hors les murs ? » s’étonna la plus jeune. « Et Dame Euryale l’aurait accompagné ? Sans nous avertir ? »
La plus âgée croisa les bras et dévisagea le barde sans sourire, puis elle secoua la tête et posa une main fragile sur son front.
« En quoi pouvons-nous vous être utiles ? » fit-elle finalement, coupant court aux inquiétudes de sa cadette. « J’imagine que nos goûts musicaux ne sont pas exactement votre souci principal. »

L'elfe sourit de nouveau.
-Et bien, pourtant, vos goûts musicaux m'importent bel et bien ! Vous êtes les invitées d'honneur de ces festivités, et il est normal que nous vous consultions...
Il tira de sa poche le rouleau de partitions qu'il avait amené à la fausse audition. Son premier réflexe, en quittant l'assemblée, avait été de les réduire en charpie. Il se félicitait à présent de ne pas l'avoir fait.
-Ainsi, j'aimerais vous soumettre le programme, savoir si vous voudriez que des chants en lien avec Séluné y soient inclus... Je ne suis pas très familier avec votre culte, et je devais m'entretenir avec dame Euryale à ce propos. Mais comme elle a suivi le conseiller Albérich...

« Seront-ils rentrés après-demain ? » fit la vieille femme, ironique. « Ou bien allons-nous devoir suppléer à deux grands prêtres en même temps ? »
Elle secoua la tête.
« Mais soit, vous n’y êtes pour rien. »
« La fête n’aura jamais lieu, pas sans Dame Euryale. » souffla la plus jeune des deux prêtresses.
« La Fête de la Lune comprendra déjà de nombreux chants religieux liés à Séluné. Je pense que le programme profane ne doit pas en rajouter, au risque d’endormir les convives. C’est déjà un grand honneur que nous font les prêtres lathandrites en nous accueillant au cœur de leur sanctuaire en cette occasion bénie… » continua la plus âgée. « Mais je ne sais pas ce que vous cherchez… Séluné est la dame de la lune, il est donc logique que cette fête soit la sienne. Séluné est la déesse de l’acceptation et de la tolérance. Elle sourit aux marins, aux femmes, mais aussi aux loups-garous de bonne volonté. Nous prônons l’égalité et la compréhension, et nous sommes aussi diverses que les phases de la lune. Nos temples sont des chapelles minuscules ou d’opulents édifices. Séluné est calme, ouverte, elle prend les gens tels qu’ils sont, pour autant qu’ils n’aillent pas nourrir de noirs desseins sous le couvert de la nuit. »

Taliesin acquiesça doucement.
-C'est ce qu'il me semblait... Et je n'ai donc pas trop mal agi en incluant quelques ballades prenant pour cadre la nuit, le clair de lune...
Il tira un parchemin du petit tas qu'il tenait en main, l'observa avec un sourire en coin avant de le tendre à la prêtresse la plus âgée.
-Celle-ci, notamment. "Le chant de Lazare et Cécile", de la célèbre barde-rôdeuse Hannah la Sylvestre. Il narre les rencontres nocturnes de deux tourtereaux... et leur fuite sous le regard bienveillant et complice de la Lune... Je ne savais pas, en la choisissant, qu'elle serait bientôt si en lien avec la réalité...

La prêtresse fronça les sourcils et parcourut rapidement le document que lui tendait le barde, avant de darder sur lui un regard furieux.
« Oseriez-vous insinuer que Dame Euryale et le conseiller auraient filé profiter de leurs amours loin de la ville ? » fit-elle d’un ton sec. « Je ne sais pas ce que vous ont dit les autorités, mais voilà une histoire des plus risibles. Sont-ce les sornettes que l’on raconte dans les tavernes ? »
Avant que Taliesin n’ait pu répondre, elle continua, empourprée.
« Dame Euryale n’est pas femme à se laisser emporter par une amourette de passage. Comme la lune, elle est changeante, amoureuse aujourd’hui, indifférente demain. Comme la lune, elle rayonne pour plus d’un. Ce qui la lie au conseiller… Sans vouloir lui manquer de respect… Ce sont des ébats temporaires. Saisir les occasions. N’est-ce pas ce que Lathandre professe ? Euryale le sait très bien. Si vous croyez qu’elle est le genre à tout abandonner pour le sourire d’un homme ! Ah, vous ne la connaissez pas. »
Elle secoua la tête.
« Et votre grand prêtre manque certainement de ce qu’il faut pour oser prendre ce type d’initiative, si vous voyez ce que je veux dire. » lâcha-t-elle finalement, jetant un regard incisif à l’entrejambe du barde.

Rien que pour contrarier l'hostile Marcus, Taliesin eut envie d'abonder dans son sens. Mais il se contint et, au lieu d'un sourire railleur, c'est une moue chagrine qu'il arbora.
-Je vous prie de m'excuser, madame, je n'ai jamais voulu insinuer que dame Euryale ou le conseiller Albérich aient quitté la ville pour une raison aussi frivole. Je connais peu dame Euryale, pour ne l'avoir croisée que quelques fois... Mais, par contre, je connais bien Albérich. Il y a plus en lui qu'on ne pourrait le croire de prime abord. Il est courageux, n'en doutez pas. Je le sais pour avoir partagé un temps sa geôle, sous la dictature morféenne. Et c'est un homme qui a à coeur ses responsabilités. Jamais il ne serait parti de Luménis et n'aurait manqué la fête si d'impérieuses raisons d'état ne l'y avaient contraint.

La Sélunite croisa les bras.
« Ne me racontez pas n’importe quoi, maître barde. Je sais très bien que vous n’avez aucune idée d’où sont passés Euryale et Albérich. Il ne faudrait pas me prendre pour une imbécile parce que j’ai quelques cheveux blancs ! » grommela-t-elle. « Vous voulez savoir si je pense qu’Euryale pourrait être derrière sa propre disparition, je vous ai répondu ! Jamais elle n’aurait déguerpi pour des raisons sentimentales. »
Elle se tut, comme frappée par une évidence.
« Vous ne pensez quand même pas qu’elle aurait pu vouloir du mal à Albérich ?! » s’insurgea-t-elle alors, sur le point de se mettre debout.
Mais sa collègue lui prit le bras et la rassit doucement.
« Calmez-vous, Dame Diane. » murmura-t-elle. « Je ne pense pas que c’est ce qu’il voulait suggérer. »

Taliesin leva les mains.
-Telle n'a jamais été mon intention, en effet... Je ne me permettrais certainement pas un tel jugement. D'autant que ce jugement serait ridicule. Qui pourrait vouloir du mal à Albérich ? Il est la bonté incarnée. Et la prudence même, de surcroît, sous ses dehors insouciants.
Il hocha la tête.
-Je suis désolé que vous ayez pris mes paroles ainsi. Ce n'était qu'une innocente conversation... A la base, je ne suis là que pour l'organisation de la cérémonie. Sans doute ais-je outrepassé mes droits en me laissant aller à discourir... Je vous prie de m'en excuser.

« Vous êtes naïf si vous pensez que le monde n’est composé que de personnes de bonne volonté. » siffla la vieille femme. « Votre conseiller est la bonté incarnée, soit ! Ça ne le met que plus en danger. Luménis est une cible pour ce qu’elle représente, vous devriez le savoir. En revendiquant son statut, elle provoque les forces maléfiques de ceux qui aspirent au chaos. Et fragile comme elle est… Lathandre ne s’en est pas beaucoup soucié récemment… »
La plus jeune des deux sélunites eut un pauvre sourire.
« Je pense que nous allons en rester là. » intervint-elle. « Maître barde, si vous croisez les autorités, pouvez-vous leur dire que nous attendons des nouvelles ? De vraies nouvelles. Précises. Malgré vos belles paroles, nous ne pouvons calmer nos inquiétudes. Dame Euryale nous est très chère et nous… nous avons le sentiment que quelque chose de sombre s’étend actuellement sur l’avenir. »

Taliesin esquissa une grimace.
-Et bien, vous allez finir par m'inquiéter moi aussi, avec de si sombres paroles... Je comprends mieux votre inquiétude, mais si je puis me permettre un conseil, ne vous laissez pas trop ronger par celle-ci. Luménis est plus forte qu'on ne pourrait le penser, et le mal moins omniprésent qu'il n'aimerait à le faire croire.
Il replia ses partitions et les glissa sous son bras.
-En tout cas, mille mercis d'avoir pris le temps de me recevoir, mesdames... Je ne manquerai pas de transmettre votre message aux autorités. Et j'espère que nous aurons l'opportunité de nous croiser à nouveau !
Il s'inclina, sourit et s'apprêta à quitter la pièce.

« Que Lathandre veille sur vous, et vous protège des maléfices de Shar. » fit la jeune prêtresse en s’inclinant.
Son homologue semblait beaucoup plus fatiguée, et elle ne leva même pas les yeux lorsqu’il sortit. Dans le couloir, Taliesin trouva Marcus, qui l’attendait, les bras croisés. Le clerc le dévisagea sans aménité, les traits froncés.
« J’ai lu une partie des notes du conseiller. » annonça-t-il sans ambages. « Tout Marpenoth en tout cas. Voici le résumé. »
Il fourra un parchemin dans les mains de l’elfe, puis s’éloigna sans rien ajouter.

Taliesin hésita un instant à le suivre pour lui demander si, d'aventure, il n'y aurait pas moyen de fouiller la chambre de dame Euryale. Mais il renonça : il n'allait pas faire du zèle. Et puis, même si sa discussion avec les prêtresses de Séluné n'avait pas apporté grand chose, elle l'incilnait néanmoins à penser que cette piste n'était pas la bonne.
Une visite presque pour rien, n'empêche. Et qui l'avait obligé à déployer des trésors de comédie et à raconter absolument n'importe quoi.
Bah, il avait toujours récupéré les éléments issus du journal d'Albérich...
Il fourra le parchemin dans sa poche et se dirigea vers la sortie du Sanctuaire. Un passage par leur repère, et il pourrit rentrer à la maison.

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi arriva en vue du Sanctuaire peu après le rituel de l’Aube. L’air frais matinal lui permit de se réveiller tout à fait bien qu’il se sente un peu en manque d’énergie. Il n’aurait pas du se laisser entraîner dans une discussion nocturne avec l’elfe insomniaque. Il espérait ne pas devoir batailler pour trouver l’intendant Marcus et surtout que sa présence passerait inaperçue.

En pénétrant dans le Temple comme un simple fidèle, il fut prit d’une envie subite de visiter les jardins. Peut être Garance s’y trouverait-elle et il se rappelait ne pas avoir su répondre à son appel. Elle saurait certainement où se trouvait Marcus et cela justifiait de chercher à lui parler. C’est ce à quoi s’efforçait à se convaincre le rôdeur en tous cas.

Garance se trouvait près de l’entrée du temple, affairée dans un parterre de plantes vivaces qu’elle taillait avec énergie. Elle se redressa lorsque Kasumi s’approcha, et son regard s’assombrit lorsqu’elle le reconnut. Elle l’accueillit néanmoins d’un sourire doux, assorti d’une légère grimace.
« Bien le bonjour en ces lieux, maître rôdeur. » fit-elle.

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi se sentit soulagé de reconnaître la silhouette connue de Garance et s’approcha doucement d’elle. Lorsque la prêtresse l’eut reconnu, il lui rendit un sourire contrit.

- Bonjour Garance. Comment vous portez vous ? Je suis désolé de n’être pas venu à votre appel. Je n’ai pas su convaincre les gardes que je ne constituais pas un danger pour vous et le reste du sanctuaire.

Ces dernières paroles étaient prononcées sur un ton mutin qui ne manqua pas d’échapper à la jardinière.

« Ce n’est pas de votre faute. Je n’avais pas le droit de vous parler et… j’aurais dû être plus explicite dans mon message, vous expliquer qu’on ne vous laisserait pas passer aisément… A présent, vous savez pourquoi je voulais vous parler, mais je vois sur votre visage que les nouvelles ne sont pas bonnes. »
Elle soupira, secoua la tête, et jeta un regard sur son jardin. Le givre avait recouvert les feuilles brunies et la terre brillait de mille cristaux. Seuls quelques ifs, un buisson de houx, un sapin conique, formaient encore des taches de vert.

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi contempla le jardin recouvert par les premiers signes annonciateurs de l’hiver. La lutte de Garance contre les éléments implacables pour préserver ce qui pouvait encore l’être forçait l’admiration et en disait long sur sa ténacité. Le rôdeur fuyait son regard, il ne savait pas ce qu’il était en droit de révéler à Garance et s’efforça de ne pas trop le montrer :

- Vous souhaitiez donc m’entretenir de la disparition d’Albérich. Malheureusement, je ne suis pas en droit de partager ce que nous avons appris avec vous. Ce n’est pas que je ne vous fasse pas confiance mais je ne souhaite pas vous mettre en danger. Dans ces condition, je n’en ai guère le droit mais pourriez-vous partager avec moi ce que vous savez ou votre opinion. Puis-je simplement vous enjoindre à la prudence ?

Le rôdeur se sentait soudain maladroit en la présence de la jeune femme.

Garance croisa les bras et sourit à son jardin, sans regarder le rôdeur.
« Savoir que les choses ont été prises en main est tout ce qu’il me fallait, nous avons déjà perdu tant de temps. Savoir que vous faites partie de ceux qui s’en chargent me remplit aussi d’espoir. D’un espoir ténu, je dois vous l’avouer, mais d’un espoir tout de même. Et je ne sais rien. Rien de plus que ce que savent les gens ici. Qu’Albérich a disparu et qu’il n’aurait jamais décidé de disparaître. » murmura-t-elle.
Elle le dévisagea ensuite, les yeux brillants, et ouvrit la bouche. A cet instant, un jeune homme déboula du temple, se rua sur Kasumi et l’empoigna par le pourpoint. Le rôdeur eut le temps de reconnaître le visage couvert de taches de rousseur de Tybert, le secrétaire du conseiller, avant d’être apostrophé avec véhémence.
« Je viens avec vous ! » s’exclama-t-il. « Vous ne pouvez pas me laisser derrière ! Je dois venir ! »

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur fut agréablement surpris de la confiance placée en lui par la jeune femme. A travers son regard, il perçut sa douleur d’être tenue dans l’ignorance des faits entourant la disparition du conseiller. Alors qu’il allait lui adresser quelques mots d’apaisement, il fut totalement pris au dépourvu par l’apparition théâtrale d’un occupant du temple. Alors que le regard du rôdeur se portait sir son agresseur, il lui sembla reconnaitre une tête connue. Il l’avait déjà croisé alors qu’il rendait visite à Albérich. Il se dégagea avec douceur pour éloigner le fou furieux de lui :

- Tybert, c’est bien ça ? Calmez-vous ! Qu’est-ce qui vous prend à la fin ?

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