La Couronne de Cuivre

Au moment où Chandara ouvrait la porte, Elie ouvrit la bouteille et en prit une quantité dans sa bouche. Le monstre bondit en avant. Cette fois, le déguisement d'humanité était tombé, dévoilant une créature toute en griffes et crocs d'où émanait une puanteur épouvantable. Il tendit les mains vers les jeunes femmes.

Ce fut ce moment que choisit Elie pour cracher le liquide sur sa torche. En quelques secondes, le liquide s'embrasa, projetant un immense halo de feu. La face du monstre s'embrasa en un clin d'oeil.

"A vous de jouer maintenant"

Quête : la maison des morts

La paladine effectua un roulé-boulé peu gracieux pour stopper sa course et se retourner face à son adversaire. Elle eut un aperçu de l’aspect odieux de la créature lorsqu’elle se releva avec conviction en dégainant d’un mouvement fluide son épée. Si elle était moins familière avec cette arme qu’avec son habituel marteau, son entraînement et sa volonté guidèrent la lame dans un violent coup de bas en haut qui visait la poitrine de la bête. Elle mit toute sa force d’âme dans le mouvement et en appela à son dieu pour l’appuyer. Chandara espérait distraire la créature de sa compagne en la blessant durement.

Quête : la maison des morts

La paladine était gagnée par des émotions contradictoires qu’elle s’efforça de maîtriser. La vue de la créature provoquer à la fois la tristesse de la compassion pour sa souffrance mais aussi une pointe de soulagement pour la mort d’un monstre criminel et profondément mauvais. Elle n’avait pas prévu que la maison d’Elie soit sacrifiée en devenant son tombeau et elle maudit la maladresse qui avait coûté son toit à sa compagne alors que l’hiver approchait. Elle essuya soigneusement sa lame avant de la remettre au fourreau alors que la créature cessait de se débattre. D’une voix fêlée, elle interrogea Elie :

- Je suis désolée pour ta maison. Que comptes-tu faire maintenant ? J’ai de l’or qui te permettrait de reconstruire un abri mais l’hiver est proche. Veux-tu m’accompagner à Linceul et y attendre le printemps ?

Elie serra dans ses mains sa fiole et sa torche. Tout ce qui lui restait. Elle sourit néanmoins.

"De toute façon, à partir d'aujourd'hui, je ne comptais pas moisir ici. J'ai certains compte à régler avec Linceul, moi aussi. Je vais t'accompagner. Pour la suite, je ne sais pas. Tu sais, il est très possible que nous ne revenions pas ..."

Quête : la maison des morts

Chandara eut un sourire sans joie. Elle était contente d’être accompagnée d’une amie dans son voyage vers Linceul. D’un autre côté, les paroles d’Elie la rendaient triste : la jeune femme semblait ne plus nourrir grand espoir en l’avenir. Qu’à cela ne tienne, Chandara avait décidé de l’aider :

- Je suis chargé de protéger une famille qui vient de s’installer là-bas. L’Ordre craint que ces gens soient en danger de mort. Mais je veux t’aider aussi, s’il s’agit d’une juste vengeance bien sûr…

La paladine laissa sa question à demi posée pour préparer son cheval :

- Tu peux monter en croupe derrière moi si tu veux.

Elie se laissa aider pour monter sur le cheval.

"Une juste vengeance, dit elle une fois en selle, je crois que je suis bien au-delà. Il faut que le cercle s'achève, d'une manière ou d'une autre. Par leur mort, je mettrais un terme à leurs sacrifices, par ma mort, ils mettront un point final à l'histoire de ma famille. Et je pourrai aller rejoindre les miens. Ma petite Lilly ..."

Ses mots se perdirent dans l'obscurité de la route. Quelques heures plus tard, les portes de Linceul furent en vue ..

Quête : la maison des morts

Les deux femmes progressèrent silencieusement, toute velléité de communiquer étouffée par la nuit froide et la vigilance nécessaire en ces bois sinistres. Les paroles d’Elie pesaient aussi sur l’humeur de Chandara qui n’avait pas le cœur à briser la monotonie de leur marche silencieuse. Elle fut presque soulagée en voyant enfin le signe de la fin du voyage se dessiner à l’horizon. En réalité, se l’avouerait-elle plus tard, il ne faisait que commencer…

Chandara se décida enfin à briser le charme :

- Sais-tu où aller maintenant ? C’est la première fois que je viens ici.

Elie ne répondit pas tout de suite. Juste le temps d'écouter. Et tout autour, le silence. Un silence dans l'expectative qui ne disait rien de bon. La ville retenait son souffle comme un an auparavant, et cette fois, elle savait pourquoi.

"La seule entrée possible est par le portail. Les habitants de Linceul ne feront aucune difficulté pour nous laisser entrer. Par contre, nous aurons toutes les peines du monde à sortir"

Quête : la maison des morts

La paladine hésita à franchir le pas. L’atmosphère oppressante des lieux incitait chaque fibre de son corps à fuir et à s’en retourner dans la belle, l’illuminée, la lointaine Manost. Elle rechignait en remettant en cause les raisons qui lui avaient fait entreprendre pareil voyage. Il aurait été si facile de rebrousser chemin, de regagner la sécurité des hauts remparts, la gaieté de la salle commune de Titœil… Mais au fond d’elle, une part d’elle se maudissait pour ces réflexions, une part d’elle ne pourrait jamais s’accorder à ce renoncement. Elle ne pourrait jamais plus vivre sans cette lueur accusatrice si elle quittait Linceul avant même d’avoir cherché à en affronter les périls.

D’un pas en avant, elle sella son destin…

Mouvement II - Linceul

Suivie d'Elie, Chandara fit ses premiers pas dans Linceul. Il y avait plusieurs personnes dans les rues. Contrairement à Manost où les gens se seraient contentés de les observer durant quelques secondes puis reprendre aussi vite leur chemin, les gens de Linceul formèrent une sorte de haie mouvante à mesure qu'elles avançaient. Personne ne parlait mais chacun les scrutait avec attention.

"Maintenant que nous sommes là, les réjouissances ne vont pas tarder à commencer"

Quête : la maison des morts

Chandara regarda les badauds avec méfiance. Elle ne trouvait à leur contact aucun soulagement d’avoir quitté la forêt et ses dangers. Bien loin d’atténuer son malaise par une présence humaine, son entrée dans le village de Linceul l’inciter à se méfier davantage. Elle avait été bien loin d’imaginer accueil plus froid. Ces gens semblaient dénués de la moindre émotion qui caractérisait d’habitude les citadins. C’est comme s’il manquait de vie. La paladine frissonna mais ne quitta pas les habitants des yeux.

- Nous devrions commencer par chercher où habitent les gens qui m’attendent. Qu’en penses-tu ?

A défaut de voir, Elie sentait les regards autour d'elle. Elle les entendait, dansant d'un pied sur l'autre tout en se tenant le plus loin possible de son bâton. Pour le moment ... Bientôt, ils passeraient à l'attaque, selon leur rituel ancestral. Pour le moment, ils laissaient leur filet se refermer sur les victimes, et s'amusaient de voir l'effroi se peindre sur leurs visages à mesure qu'elles comprenaient. Et le jeu avait déjà commencé. Maintenant, elles n'avaient plus le choix.

Un jeune garçon au visage avenant se dirigea à grands pas dans leur direction. Il tenait à la main un bouquet de chrysanthèmes qu'il offrit à la paladine avant de parler.

"Ces quelques fleurs madame, si vous me permettez de vous accompagner à la réception"

Quête : la maison des morts

La paladine jeta un regard peu amène au fringant jeune homme. Son air sympathique l’effrayait par comparaison à la mine renfrogné des habitants de Linceul qui ne les quittait toujours pas des yeux. Le choix des fleurs était pour le moins douteux, sans doute lié à quelque tradition pittoresque de la région.

- Je n’ai guère l’habitude d’accepter les fleurs d’un étranger. Je n’ai pas été invitée à votre réception et je ne voudrais guère vous déranger. Mon ami et moi cherchons simplement un lieu où nous reposer pour la nuit. D’autant que nous sommes attendues.

La jeune femme tira sur la bride de sa monture pour la mettre au pas et se mit en marche, tête haute, sans attendre la réplique de l’inconnu.

Mais Chandara ne put pas avancer d'un pouce. La masse des citadins de Linceul s'était massée devant son cheval. Si elle tentait de passer au travers, le nombre ne manquerait pas de la désarçonner avant qu'elle ait pu arriver à destination.

Le garçon sourit avant de préciser.

"Il me semble que vous n'ayez pas le choix"

Quête : la maison des morts

La paladine jeta un regard froid au jeune garçon. Un regard qui lui ôta l’envie de sourire alors que sa main se portait ostensiblement vers son épée. Le geste n’était pas tout à fait menaçant mais ce voulait intimidant. La jeune femme savait bien qu’elle ne pouvait se permettre de se tailler une route sanglante à travers la cohue aussi intimidante soit elle.

- Je veux bien vous suivre mais si vous pensez avoir affaire à des proies faciles, vous serez le premier à comprendre votre erreur. Quelle est cette « réception » où nous sommes censés nous rendre ?

"La réception, très chère se trouve dans la plus grande maison de la ville"

Le garçon retrouva son sourire.

"Mais je ne comprends pas ce qui vous fait croire que nous vous prenons pour une proie. Il s'agit d'une fête, pas d'une partie de chasse. Mais vous êtes nouvelle venue dans notre petite ville, il est donc normal que nous puissions vous accueillir à votre juste mesure. De plus, vous me semblez être une paladine. Vous ne devez donc avoir peur de rien, non ?"