La Couronne de Cuivre

Il vint. Et la magicienne et le rôdeur n'eurent même pas à attendre longtemps : moins d'une heure plus tard, il faisait son apparition, se glissant, vif, par la porte à peine entrebâillée. Il avait l'air fatigué, mais son attitude était emprunte de nonchalance, et c'est avec un sourire tranquille qu'il s'assit à table, tirant déjà sa pipe de la poche de son manteau.
-Content de vous revoir entiers, fit-il en exhalant un premier rond de fumée bleuetée. J'espère que votre nuit a été bonne, et vos recherches fructueuses..
Il attendrait d'avoir entendu l'exposé de leurs découvertes - s'il en avaient fait - avant de présenter celles qui avaient émaillé sa soirée à la Bienveillance. Pas par défiance, ni par volonté de leur cacher quoi que ce soit. Juste pour voir si, d'aventure, Kasumi et Arya disposaient d'éléments propres à confirmer ses hypothèses naissantes.

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur se réjouit de l’arrivée du barde. Non seulement il ne leur avait pas fait défaut mais en plus, il semblait de bonne humeur. Comme ses deux acolytes, il semblait n’avoir guère dormi de la nuit mais il s’en tirait un peu moins bien qu’Arya pour le masquer.

- Content de vous voir en bonne forme, Taliesin. Pour ma part, la nuit a été quelque peu courte même si je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. Mon passage au Fort ne m’a guère appris hormis le fait que la seconde main d’Euryale a été récupérée par Messire Longuehune à la Capitainerie hier en fin d’après-midi. J’espère que votre charme vous a valu la découverte d’éléments plus probants.

Ce fut avec un sourire radieux qu’Arya vit entrer le Barde. Malgré la fatigue qui marquait ses traits, l’attitude de Taliesin lui sembla trop paisible, à l’opposé de celle de la veille, et éveilla chez elle quelques questions. Etait-ce de bonne augure, son congénère aurait-il décidé de faire fis de ses ressentiments ou avait-il appris quelques secrets lui permettant d’évincer d’un coup de balai ceux qui l’avaient contraint de participer à cette mission ce qui réjouissaient son âme. Mais, elle garda son interrogation pour elle et répondit avec un grand sourire bien que le regard qu’elle posa sur Taliesin reflétait une grande interrogation.
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Pour ma part, rien de nouveau non plus. J’ai dialogué avec Dame Dithazir et je peux dire que nous pouvons lui faire confiance. Et selon elle, nous pouvons faire confiance à Marcus, ce qui nous sera d’une grande aide pour savoir tout ce qui touche de près à Albérich. A part cela, j’ai préparé quelques potions, mais nous parlerons de magie plus tard. Son visage marqua l’impatience qui l’étreignait de savoir si le Barde avait quelque chose de nouveau à leur apporter. Et toi ? As-tu pu parler aux novices ?<o></o>

Taliesin acquiesça.
-Oui... Ils étaient très nerveux, angoissés, fatigués. Il faut dire qu'on encourage les prémonitions, dans leur culte, et que l'une d'entre elle à apparemment vu qu'Euryale était morte. Cela ne m'étonne pas une seconde, vu les craintes qu'affichaient déjà les prêtresses que j'ai interrogées au temple... Enfin bref : il n'y a malheureusement plus de doutes à avoir sur le trépas d'Euryale. Mais ce n'est pas le plus inquiétant.
Il observa les deux autres puis poursuivit, tranquille.
-Il y a un problème avec la fête de la Lune.D'abord, à la base, elle n'a rien à voir avec Séluné. La déesse laisse chacun libre de l'adorer à sa manière, où et quand il le veut. Elle n'oblige pas tout le monde à s'arrêter pour la célébrer en un moment particulier... C'est donc par facilité qu'on a lié cette année la fête de la Lune à Séluné. Et il s'avère que la date est plutôt mal choisie, puisque la nuit fixée est une nuit... sans lune.
Il sourit à demi.
-Ah, et comme par hasard, l'un des novices m'a questionné sur Shar, la Déesse Sombre, la dame de l'Egarement, jumelle et énemie mortelle de Séluné; Il avait entendu des rumeurs selon lesquels le passage obligé pour s'élever dans la hiérarchie du culte de Shar était de sacrifier des Sélunites.

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur ne put masquer son excitation. La théorie de Taliesin jetait un éclairage précieux sur les évènements des derniers jours. Le demi-elfe croisa le regard d’Arya, cherchant confirmation à ses propres pensées avant de s’exprimer :

- Ne nous emballons pas mais je pense que vous tenez une piste très sérieuse Taliesin. S’il s’agit bien d’un culte lié à Shar, cela explique la disparition de la prêtresse et la façon dont elle a été traitée. Les implications sont encore plus effrayantes si l’on considère que la Fête de la Lune pourrait être un canular. Cela signifierait que les autorités ont été trompées ou qu’elles ne nous ont pas tout révéler. Darren émettait des réserves sur les dangers d’exposer ainsi les dignitaires. Quelqu’un de haut placé a du être à l’origine de cette organisation pour le moins inhabituelle. Je pense qu’il me faut interroger Marcus à ce sujet. Il nous faut savoir qui a fixé la date et qui a proposé d’inviter les Sélunites. Evidemment, nous devons garder à l’esprit que Shar étant l’ennemie atavique de Séluné, cette piste est forcément mise en valeur par ses prêtres. Nous pourrions nous tromper.

Le calme de Taliesin aurait pu laisser présager des nouvelles ni bonnes ni mauvaises, mais à la fin de ses dires Arya reçu la nouvelle comme si l’on venait de lui porter un coup de poing, certes elle s’attendait à ce que leur ennemi soit des plus puissants, mais matérialiser cette puissance était autre chose de bien plus redoutable.

Sans nous emballer, je pense que c'est le premier indice qui colle avec ce que nous savons. Le meurtre d’Euryale serait l’œuvre d’un prêtre pour entrer dans l’ordre des Sombres Justicars ! Et Albérich sera sacrifié par les clercs de Shar le jour de la fête de la lune pour célèbrer l’Ascension des Ténèbres ! Tout ce que nous savons va dans le sens que cette possibilité soit réalité. Elle parla plus pour elle-même que pour ses compagnons, Ils semblent agir comme s’ils ne pouvaient qu’arriver à leur but, avoir tout calculé et que rien ne peut contre-carrer leurs desseins. Face à eux, nous ne sommes peut-être que des grains de sable, mais nous sommes capables d’enrayer le mécanisme bien huilé de leur machiavélisme. Elle regarda le barde au fond des yeux, mais dans sa voix il n'y avait aucune colère, aucun reproche, juste de l'interrogation. Comment peux-tu sourire et être aussi calme !<o></o>
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Il haussa les épaules.
-Parce que, somme toute, je m'attendais à quelque chose du genre. Je me suis réveillé en songeant que j'avais juste une audition à donné. A midi, je me retrouvais à enquêter sur la disparition d'un conseiller. Me coucher en étant sur les traces d'une secte démoniaque semblait donc la suite logique. La prochaine étape, normalement,c 'est une révolution, une guerre civile ou l afin du monde. Je suis donc en terrain connu, et parfaitement à l'aise.
Il sourit de plus belle et croisa les bras derrière la tête.
-Mais pour en revenir à notre sujet... La raison officielle pour laquelle on a lié Séluné à cette fête de la Lune était une volonté de rapprochement entre son culte et celui de Lathandre. Les deux divinités sont liées à la lumière, et la première n'a pas de temple à Luménis. Cette raison peut avoir réellement présidé à cette opération, et les adeptes de Shar s'être insidieusement greffés au projet. Ils peuvent aussi l'avoir complètement lancé pour servir leurs plans... Dans tous les cas, comme le disait Kasumi, il faudra interroger Marcu, ce que je ne peux pas le faire, compte tenu de nos... relations. Par contre, après être passé à la Forge, je pourrais aller me documenter sur Shar, à la bibliothèque. J'ai une bonne raison de m'y rendre : je suis censé établir le programme musical du banquet de la fête de la Lune et toruver des chants locaux...

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi fut décontenancé et un peu déçu par le cynisme affiché par le barde. Cependant, pour éviter toute tension entre les deux elfes, il choisit de taire ses sentiments et de se concentrer sur l’organisation de l’enquête :

- Pendant que vous vous rendrez à la bibliothèque et qu’Arya tentera d’en apprendre davantage de la part d’Elsa, je me rendrais auprès de Marcus. J’ai mes entrées au Sanctuaire et je connais Marcus. Je pense que ma présence n’y paraîtra pas insolite.

Le rôdeur espérait que son ton ne paraisse pas injonctif à ses deux camarades mais il n’était plus temps de discuter.

- J’en profiterai pour interroger l’intendant à propos d’une page manquante au journal du conseiller. J’espère que ce programme vous convient.

Arya redoutait aussi le pire, mais que leur probables adversaires furent les adeptes de Shar lui enlevait tout envie de sourire. Pourtant, elle devait reconnaître qu'à part la vue fataliste funeste, Taliesin avait déjà réfléchit à ce qu’il devait faire au vu des nouvelles ce qui laissait à penser qu’il espérait malgré tout qu’ils leur restaient une chance de réussir. Elle fit un sourire un peu forcé en portant son regard sur Kasumi et Taliesin tout en se réjouissant que le rôdeur ait avancé la conversation pour éluder le sujet du point de vue du barde bien que dans une telle situation, jamais elle ne mettrait en péril une entente indispensable pour une divergeance de point de vue.
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C’est une excellente idée que d’aller à la Bibliothèque, j’espère qu'ainsi nous aurons suffisamment de données sur les Sharites pour nous permettre de percevoir un peu mieux leurs plans. Je pense d'ailleurs que nous ne devrions pas trop tarder. L'heure est encore matinale certes, mais que ce soit la forge, aller voir Marcus ou les services secrets, nous pouvons nous y rendre maintenant. Je sens que le temps nous est compté et que notre journée est bien loin d'être terminée. Je reviendrai ici dès que j'aurai interrogé Elsa, si je ne pouvais rester selon ce que j'aurai appris, je vous laisserai un mot de ce qui pourrait être important et là où je me suis rendue.

-Parfait ! fit Taliesin en se levant. J'agirai de même... Je vous souhaite une excellente matinée, et des démarches couronnées de succès !
Il leur adressa un signe de la main, sourit une seconde, puis se faufila à l'extérieur. Tout cela lui paraissait dément, injuste, révoltant : mais plutôt que se morfondre et de se ronger les sangs, une nuit d'insomnie l'avait convaincu de prendre le parti d'en rire. C'était une façon comme une autre de faire face, non ? Et il sentait que ses lectures à la bibliothèque seraient très drôles. Très macabrement drôles.

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi leva un sourcil après la sortie brutale du barde mais réunit ses affaires pour le suivre. Sans se tourner vers la magicienne, il s’exprima autant pour elle que pour lui-même :

- On dirait qu’il est bien décidé à résoudre cette affaire ! Je me demande comment vous faite pour être frais comme des roses de si bon matin. Je vais au Sanctuaire et rentrerait ici après comme toi. Bonne chance.

Le rôdeur avait choisi d’emporter ses épées bien qu’il soit obligé de les laisser à l’entrée du temple. Mieux valait se montrer prudent surtout si une secte puissante était instigatrice des enlèvements et des meurtres. Le demi-elfe n’avait pas vraiment envie d’être le prochain cadavre que retrouveraient les enquêteurs.

Comme à son habitude, il emprunta les chemins de traverse pour gagner le bâtiment du culte de Lathandre.

Arya refusa de laisser montrer la colère qu'elle sentit naître au fond de son âme aux paroles trop empreintes de cynismes du barde et elle se força à sourire à Kasumi alors qu'il partait. Elle monta prendre de quoi se couvrir et quelques affaires. Elle rangea les chaises autour de la table pour se donner le temps de penser positivement. Elle prit soin de fermer soigneusement à clef la porte de la maison, avant de se diriger vers les égouts pour rejoindre le quartier général des services secrets tout en tentant de retrouver son calme et sa sérénité.
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Lorsque Taliesin atteignit la petite maison dans l’impasse, il constata avec surprise qu’il avait été devancé. Cependant, lorsqu’il ouvrit la porte, la voix qu’il entendit n’était ni celle de Kasumi, ni celle d’Arya. Quelqu’un fredonnait. Il était cependant trop tard pour faire marche arrière, d’autant que l’intrus leva la tête et regarda droit dans la direction de l’elfe. C’était un humain encore jeune, blond et les épaules larges, vêtu d’une tunique blanche. Il polissait la surface d’un bouclier ovale à l’aide d’un chiffon, et il sourit au barde en lui faisant signe d’approcher.
« Enfin quelqu’un ! » s’exclama-t-il avec entrain. « Je commençais à trouver le temps long ! »

Taliesin jeta un regard soupçonneux à l'inconnu. On ne ressortait pas indemne de plusieurs heures de lecture emplies de complots, d'imposteurs, de mensonges et de trahisons. Pour tout dire, il était rentré de la bibliothèque encore plus soupçonneux qu'en y arrivant, si une telle chose était possible.
Il ne comptait donc pas accorder d'emblée sa confiance à cet homme qui devait être le clerc promis par Marcus. Il avait des dehors sympathiques, mais Taliesin était particulièrement bien placé pour savoir qu'une mine avenante pouvait cacher de bien sombres choses.
-A qui ais-je l'honneur ? demanda-t-il d'un ton poli mais sans chaleur.

Le jeune homme ne se départit pas de sa bonne humeur.
« Je suis Belenn, le fanatique qu’on vous a collé pour l’aventure ! » fit-il avec le sourire. « Et vous devez être Taliesin, l’elfe qu’on accuse de mille maux et qui rumine en silence. »
Il énonça cela comme un fait plus qu’un jugement, sans intention particulière dans les prunelles.
« Mais venez-vous asseoir. J’ai préparé du thé et vous m’avez l’air de quelqu’un qui a peu, ou mal dormi, et qui pourrait profiter d’un petit stimulant. D’autant qu’il fait plus que froid dehors, et mes articulations me disent qu’il va pleuvoir avant midi. »

Taliesin sourit. Le clerc n'avait pas la langue dans sa poche, et ça lui plaisait. Ce n'était pas une raison, toutefois, pour baisser sa garde.
-Je me demande quand Luménis se décidera à importer du café... fit-il en s'asseyant. C'est quand même bien, le café, en matière de remontants... Mais du thé fera l'affaire, pour l'heure.
Il observa Belenn un instant.
-Je suis effectivement Taliesin. Pour les accusations, vous avez raison, mais pas pour les récriminations en silence. Vous verrez que je les fait aussi à voix haute... Hum... Ne le prenez pas mal, mais les temps étant ce qu'ils snt... Avez-vous une preuve que c'est bien le Temple qui vous envoie ?

« Le café me reste sur l’estomac, je dois dire. Le thé est plus léger, je préfère. » fit le clerc avec le sourire. « Quant à la rumination, c’est mauvais pour la digestion. Seules les vaches la maîtrisent vraiment efficacement. »
Il déposa un bol de thé devant l’elfe puis le dévisagea, amusé.
« Une preuve de qui je suis. En avez-vous une de qui vous êtes ? Vous voulez parler d’un parchemin du temple, disant « Ce sire Belenn, tache de naissance en forme d’étoile sur l’épaule gauche, petits cheveux blonds pas trop mal coiffés, six pieds pour 180 livres, est bien mandaté par moi, Marcus du sanctuaire, pour réaliser petites bénédictions sur la tête des valeureux aventuriers que les autorités ont envoyés sur les traces du conseiller Megrall » ? »
Il eut une grimace.
« Avouez que ce serait maladroit de la part de Marcus de me fourguer pareil document. Cela le mouillerait de manière dramatique si on venait à mettre la main dessus. Mais Marcus est un peu maladroit. »
Il fouina dans sa besace et en extirpa un parchemin qu’il tendit à Taliesin, lequel annonçait à demi-mots que le porteur de la missive avait à faire à l’Impasse des Dauphins, en mission secrète pour le compte des autorités, sans qu’il soit pour autant fait mention d’Albérich.

Taliesin rendit le parchemin au clerc. C'était un début de preuve mais, si l'occasion s'en présentait, il tenterait d'obtenir une confirmation. On n'était jamais trop prudent.
-Vous n'avez pas de chance de tomber en premier sur moi, messire. Franchement pas de chance ! fit-il d'un ton léger. Non seulement mes ruminations font de moi l'incarnation elfique de la gente bovine, mais il semblerait que je ne sois pas dans l'état d'esprit que l'on attendrait généralement de valeureux aventuriers... Cependant, comme mes camarades de jeu sont de sortie, pour l'heure,,il est malheureusement probable que vous deviez cous contenter un certain temps de ma compagnie.

« Je m’en contenterai volontiers. » fit-il. « D’autant que vous êtes certainement à même de me résumer l’état de vos recherches. A priori, je ne suis pas un enquêteur hors pair, j’imagine que Marcus compte sur moi pour veiller sur vos petites têtes et vous faire un sermon de temps en temps. Je devrais m’en tirer. Je supporterai même vos soupirs, vos gros yeux et votre humour déplacé. Je suis doué pour l’humour déplacé, vous verrez. Et j’ai toujours eu la manière avec le bétail. Comme votre femme. Peut-être la remplacerais-je quelque peu, un ersatz bien sûr, et je ne parle pas des moments d’intimité, je ne suis pas intéressé ! Mais je suis certain que je sais gérer les humeurs noires presque aussi bien qu’elle. »

Le sourire de Taliesin disparut aussitôt, et ses doigts se crispèrent légèrement sur son bol. Il n'aimait pas du tout la manière dont Galathée était soudain apparue au milieu de leur conversation badine.
-Ainsi, on vous a fait un petit topo sur ma vie privée ? Je me demande qui a pu s'en charger, et l'intention qu'il y a derrière. D'abord, il y a une erreur fondamentale : je ne suis pas marié. Ensuite... Est-ce une façon pour vos mandataires de me mettre sous le nez les conséquences possibles d'une défection ou d'un manque d'implication ?

Le clerc parut surpris de la réaction du barde et leva les mains en signe d’apaisement.
« Excusez-moi, je ne voulais pas me montrer indiscret » dit-il. « Je ne pensais que votre relation avec cette jeune femme fut secrète, en tout cas, elle ne cache pas le fait de partager votre vie… Et n’ouvrez pas ces yeux ronds, je l’ai rencontrée au fort, parce que j’y possède un cheval vieillissant qui a besoin de soins fréquents et qu’elle s’en est occupée, fort bien d’ailleurs, il y a deux jours. J’espère que vous n’êtes pas de cette sorte qui pousse des hurlements dès que sa belle approche un autre mâle, parce que dans ce cas, elle travaille à un fort mauvais endroit… Mais je me le tiendrai pour dit et n’aborderai plus son existence, ou votre relation, puisque c’est chose interdite. Et mes commanditaires n’ont absolument rien à voir là-dedans ! »

Taliesin se détendit imperceptiblement.
-Alors, comme ça, elle m'a menti, souffla-t-il avec une grimace. Elle prétendait travailler dans un couvent de nonnes lathandrites... Me voici donc bien berné, et il va falloir que je l'enferme à la maison, désormais.
Il sourit à nouveau.
-Il n'y a rien de secret là-dedans, et ce n'est pas n,on plus un sujet tabou. Mais l'affaire dans laquelle nous sommes embarqués est dangereuse, et étant le seul à avoir une famille, parmi les personnes impliquées, il est normal que je m'inquiète pour elle. Mais pardonnez ma réaction : je suis un peu sur les nerfs.

« Vous êtes tout excusé, c’est réaction bien naturelle. Mais vous ne devriez pas vous inquiéter pour cette jeune femme. Elle m’a eu l’air capable de se défendre, au moins aussi bien que vous et moi. Mais je comprends que vous soyez tendu. Vous avez plus à perdre qu’un individu a priori solitaire comme moi. Même si j’en connais au moins deux qui ne seraient pas très contentes de me voir retourner à la poussière… » lança-t-il avec un sourire guilleret. « Mais nous saurons nous organiser en fonction. Il n’est pas dit qu’il y aura du sang, le nôtre du moins. Et s’il doit y en avoir, nous nous débrouillerons pour que ne saignent que ceux dont la mort ne compte pas vraiment. »

Le sourire du barde se tinta de tristesse.
-Allons. Vous comme moi savons qu'on ne décide pas de ce genre de choses, et que la mort frappe selon son bon vouloir. Mais laissons là ce sujet : en débattre ne sert à rien. Pour revenir à des choses essentielles... Je ne peux pas dire que l'enquête avance beaucoup. Nous avons la quasi certitude que les morceaux de corps retrouvés un peu partout en ville appartiennent à dame Euryale, et qu'elle était encore vivante lorsqu'on lui a infligé ce traîtement. Ensuite, nous avons un témoin de la scène de l'enlèvement, que dame Du Verden doit être en train d'interroger. Le reste, pour l'heure, n'est que supputations que nous tentons de vérifier. Notamment sur cette fête de la Lune, à laquelle on a arbitrairement lié Séluné, et qui tombe de surcroît une nuit sans Lune.

« Shar. » fit le clerc, les bras croisés, le regard soudain plus sombre. « Elle sème son fiel, maudite, et pervertit les fêtes humaines les plus lumineuses. Je pense que les autorités ont eu raison de vouloir marquer le coup, même si c’était une nuit de ténèbres. La lumière que nous aurions générée aurait justement repoussé l’obscurité. C’était important. Et nécessaire. Nous ne devons pas laisser la nuit s’imposer dans les cœurs. Notre lumière chantera la Lune, c’était ça le message… Et le conseiller, et Euryale, le savaient très bien. En cela, ils se sont peut-être mis en danger, mais c’était pour la bonne cause. Plier devant l'adversité n'est jamais une bonne attitude, même si elle est plus prudente. »

Taliesin acquiesça vaguement.
-Si, comme vous le pensez, les Sharite n'ont pas guidé le projet dès ces premiers frémissements, c'est déjà un bon point. Nous nous interrogions à ce sujet... Mais il n'en reste pas moins qu'ils sont entrés en jeu, désormais. Et que nous n'avons pas le moindre début de piste pour les localiser. Sauf si notre témoin se décide enfin à dire tout ce qu'il sait... J'espère que dame Du Varden aura réussi à être persuasive.

« Des Sharites ? » fit alors le clerc. « Je parlais métaphoriquement… »
Il dévisagea Taliesin et hocha lentement la tête.
« S’il y a des Sharites en ville, ils ont dû arriver récemment. Ces gens ne savent pas rester immobiles, et je ne pense pas qu’ils aient participé à l’avènement de Morféa… Evidemment, Luménis est une passoire depuis qu’on en a ouvert les portes pour renflouer la population. »
Il secoua la tête.
« Même en épluchant les registres, nous aurons de la peine à retrouver leur trace. Non, à mon avis, nous ne pouvons que les guetter… Est-ce que vous êtes retournés sur les lieux de l’agression ? On pourrait aussi songer à prendre des renseignements dans les milieux interlopes de la cité... Le mal fraie souvent avec le mal... »

-Je n'ai aucune certitude quant à la présence de Sharites. Simplement, un de mes contacts m'a posé des questions à leur sujet. Ajouté au fait que la cérémonie dont il est question tombait une nuit sans lune, il y avait de quoi nourrir des soupçons... Pour ce qui est des lieux de l'enlèvement, nous n'y avons pas mis les pieds : les services secrets nous ont dit qu'ils l'avaient passé au peigne fin, qu'il n'y avait rien, que les intempéries avaient effacé ce qu'il y aurait pu avoir... Pour les milieux interlopes... Je me doutais qu'il faudrait finir par aller s'y plonger.
Tout cela promettait de longues heures de joie et de bonheur à frayer avec les voleurs, les assassins et autres belles âmes. Mais la sienne, d'âme, ne détonnerait pas franchement dans le paysage, après tout.

Pour revenir du quartier des services secrets, Arya avait fait un détour par le parc, elle avait besoin de puiser dans la nature de quoi se ressourcer. Caressant le tronc de plusieurs arbres centenaires pour à chaque fois laisser pénétrer en elle la force de la nature, ses pas s’étaient faits plus lents se laissant bercer par les feuilles aux couleurs chaudes qui accompagnaient chacun d’eux avec un crissement chantant. Mais, elle ne pouvait trop tarder et c’est à regret qu’elle quitta cette espace qui lui rappelait plus que jamais qu’elle avait besoin de la nature. Se retournant une dernière fois, elle s’imagina sa maison au milieu des arbres serrés avant de se diriger vers leur repaire dans lequel elle espérait trouver au moins l’un de ses équipiers. <o>

</o> Lorsqu’elle ouvrit la porte, les paroles de Taliesin vinrent à elle, coupant court à tous les rêves qui étaient venus peupler son esprit mais ce n’est que lorsqu’elle aperçu qu’il n’était pas avec Kasumi, mais un inconnu qu’elle s’arrêta net, le regard méfiant.<o>

</o> Nous avons de la visite ?<o></o>

Taliesin hocha la tête.
-Ce sémillant jeune homme se nomme Belenn et semble bien être le clerc promis par Marcus, dit-il avec un sourire en coin. Du moins, il le prétend et possède un document qui le prétend éussi, je m'en suis assuré. Nous étions en train de parler de notre grande amie Shar et d'évoquer les pistes qu'il nous restait à suivre... Mais peut-être nous apportez-vous du nouveau... Notre damoiselle s'est-elle décidée à jouer franc jeu ?

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