La Couronne de Cuivre

Il soupira. Narrer les événements de cette funeste nuit et, ce faisant, les revivre... Voilà qui n'était pas une perspective des plus réjouissantes. Il devait pourtant le faire, sous peine de voir naître en eux une suspicion bien justifiée...
Alors, il raconta. Sans enjolivures, sans effets de style. Il se contenta de décrire la réalité, le plus précisément possible : comment il avait faussé compagnie aux mercenaires lorsqu'Emeraude avait détalé, les menaces de Brune, son approche du campement, la manière dont les lieux étaient configurés, dont les hommes étaient placés... Ses hésitations, aussi, ses plans esquissés alors qu'on malmenait Victor. Il parla des mauvais traitements qu'on lui avait infligés : les coups, le dépeçage du malheureux Hans, les paroles assassines... Ce qui l'avait forcé à intervenir, finalement.
Il évoqua l'assaut, les sorts auxquels il avait eu recours, l'élémentaire de feu envoyé sous 'abri, le nuage de fumée dans lequel il avait fallu plonger... L'affrontement avec le bandit, l'effondrement de la tente, la fuite, enfin, jusqu'à ce temple en ruine dans lequel on l'avait découvert.
Quand il se tut, l'elfe observa avec attention ses interlocuteurs. Le récit lui avait coûté, avait fait renaître une partie de sa colère et de son angoisse, bien qu'il ait réussi à les museler, à n'en rien laisser paraître ou presque.
Au moins, ils ne pourraient pas l'accuser d'avoir cherché à cacher quoi que ce soit.

Ses interlocuteurs demeurèrent silencieux pendant quelques secondes, puis Hugo se leva.
" Allons voir le môme. Solène doit être là, à présent. Pour le reste..."
Il dévisagea Willhem, lequel haussa les épaules.
" Vous pouvez disposer." fit l'officier. " En l'absence d'informations supplémentaires, nous ne pouvons pas faire grand chose. Si vous vouliez... nous en faire part..."
" Vous pouvez rester au fort jusqu'à votre départ. Ce sera toujours un endroit où on ne viendra pas vous chercher." intervint Emeraude.

-J'aimerais vous en dire plus... fit l'elfe. Mais je crois sincèrement qu'il ne vaut mieux pas. Je n'ai aucun moyen de savoir si mon ennemi est citoyen d'Ithilion : il y a fort à parier, en revanche, qu'il réside dans cette cité. Et malgré les choses qui s'y passent... Luménis, vu sa situation, n'a pas besoin d'incidents diplomatiques avec elle. Surtout si la cause est liée à des affaires privées...
Il songeait au bagne. A ceux qui à souffraient dans des conditions que n'aurait pu tolérer la capitale d'Hélonna. A Lars qui s'y trouvait toujours, à moins qu'il ne soit déjà mort...
Il soupira. Sourit tristement.
-Je vous remercie pour votre aide, en tout cas. Vraiment. J'ai une dette envers vous, et... J'espère pouvoir la rembourser un jour. Celle-ci et toutes les autres. Je ne suis pas sorti de l'auberge si je dois aider tous ceux qui m'ont porté secours durant mon périple, mais si je suis un jour en état de le faire... Cela voudra dire que tout ceci aura eu une fin heureuse.

" C'est vous qui voyez." dit Willhem en prenant le parchemin qu'avait noirci le secrétaire pour le relire.
Hugo et Emeraude avaient déjà rejoint la porte, attendant que Taliesin leur emboîte le pas. Ils se glissèrent ensuite dans le couloir, montèrent une première volée d'escaliers, une seconde, et pénétrèrent dans la première pièce sur le palier.
" Je n'ai jamais compris pourquoi on avait fichu cette infirmerie tout en haut, c'est d'un pratique." grommela le rôdeur.
" Pour s'endurcir, Hugo. On voit que tu n'es pas de Rohan."
" Mouais. Justification à la noix."
La pièce était divisée en quelques alcôves, séparées par des draps clairs. Certaines des sections étaient fermées, d'autres ouvertes et vides. Un homme à la mine patibulaire alignait des instruments chirurgicaux sur une tablette en sifflotant.
" Ne vous inquiétez pas, ce n'est pas lui le clerc." souffla Emeraude à Taliesin.
Victor reposait dans un lit, près de la fenêtre, et une vieille femme en aube rouge vif était penchée sur lui. Debout à côté d'elle se trouvait une grande fille basanée, les yeux noirs, les bras croisés, en aube brune. Toutes deux levèrent les yeux à leur approche.

Le barde s'approcha, sourit aux deux femmes, puis les salua poliment. Avec une paire de clercs - vu la tenue de la seconde, elle devait également être membre de cette profession - il ne doutait pas que Victor serait sous peu remis sur pied, sans séquelles de son accident. Il ne put cependant s'empêcher de poser la question....
-Comment va-t-il ? s'enquit l'elfe en observant le petit garçon, sans oser, encore, se pencher sur lui.

La prêtresse en robe rouge lui sourit doucement.
" Il est en tout cas hors de danger, pour l'instant." murmura-t-elle à mi-voix, soucieuse de ne pas déranger les quelques patients qui occupaient l'infirmerie. " La brûlure était mauvaise, mais c'est l'ingestion de fumée qui est désormais potentiellement dangereuse. Il est possible qu'il soit désorienté en se réveillant, qu'il ait peut-être même des problèmes de mémoire... Nous verrons."
La novice en aube brune regardait Taliesin avec suspicion, comme si elle n'avait jamais vu d'elfe auparavant.
" Vous devez aussi savoir que vu son jeune âge, il ne serait pas idéal que toute la guérison soit réalisée par des énergies surnaturelles. Mais il pourrait conserver quelques cicatrices."

Taliesin resta à dévisager la prêtresse, pris au dépourvu, désorienté. Il avait cru, naïvement, que tout serait réglé...
La fumée. Le feu. Sa faute, tout cela. Son intervention s'était révélée plus désastreuse que tous les agissements des mercenaires.
Mais qu'aurait-il pu faire d'autre ? Les laisser le torturer en attendant une ouverture ? Et si elle était venue, par quels moyens aurait-il pu procéder ? S'il avait recouru aux ténèbres, il aurait couru le risque d'être affecté ; s'il n'avait pas convoqué l'élémentaire, il se serait retrouvé seul face à toute la troupe...
Sa faute, tout de même.
Pas entièrement, non. Il n'avait pas jeté l'enfant sous l'abri en feu...
Il soupira, se passa une main sur le visage. Tenta de se reprendre. Victor était vivant, c'était le plus important, non ?
-Pour les brûlures, vous êtes seule juge... murmura-t-il. Les cicatrices... Je ne sais pas leur ampleur, mais si cela devait vraiment poser problème, j'imagine qu'il serait possible d'y remédier plus tard. Quant au reste...
Il grimaça.
-Quant au reste, et bien... S'il devait avoir des problèmes de mémoire, ou... J'aurais recours à vos conseils. Je n'ai jamais été confronté à cela, je serai assez démuni...
Comme toujours.

La prêtresse hocha la tête, pensive.
" S'il a l'esprit troublé, c'est surtout vous qui devrez l'aider à reprendre pied. Moi je ne peux qu'agir sur la forme. Pas sur le fond."
Elle sourit.
" Mais il est jeune. Il récupérera, immanquablement."
La prêtresse parut embarrassée une seconde, ses yeux allèrent de Taliesin à Emeraude, qui se trouvait juste derrière lui, puis revinrent à l'elfe.
" Le temple..." commença-t-elle. " Je ne sais pas si vous pouvez..."
" Nous nous arrangerons ensuite, Solène. Ne vous en faites pas."
" Merci." fit la Lathandrite, manifestement soulagée." Maintenant, si vous voulez bien sortir..."

Le barde grimaça. Il aurait aimé rester près de l'enfant, comprenait, en même temps, que les clercs puissent vouloir officier en toute tranquillité et que la présence de visiteurs n'était pas l'idéal dans une si petite alcôve.. Il finit donc par acquiescer, puis sortit.
Une fois au dehors, il se tourna vers Emeraude.
-J'imagine que non, mais... Auriez vous retrouvé nos bagages ? Nous ne roulions pas sur l'or, mais il y aurait sans doute eu de quoi dédommager le temple...

Emeraude sourit.
" A priori, ce qui se trouvait dans le coche, y est toujours. Je vais envoyer chercher vos affaires, si vous voulez. Nous pouvons vous loger au fort pendant que vous restez à Rohan. C'est le plus prudent si vous avez des chasseurs de primes à vos trousses. Nous vous dénicherons un transport sûr pour retourner vers Luménis, et vous devriez penser à vous trouver un déguisement."
Elle sourit.
" Mais restez ici. Victor aura besoin de voir quelqu'un de familier lorsqu'il se réveillera. Je reviens bientôt."
Attrapant le bras d'Hugo, elle fit mine de gagner la sortie.
" Je veux goûter ce vin." grommela le rôdeur à mi-voix.
" Plus tard, vieille bourrique." lui répondit la vieille femme.
Et ils quittèrent tous les deux l'infirmerie.

Le barde, à nouveau seul, s'efforça de demeurer immobile. S'il s'était laissé aller, il aurait fait les cent pas, mais il ne voulait gêner personne, ne voulait pas faire de bruit... Il resta donc les bras ballants, le regard dans le vague, devant le drap qui fermait l'alcôve de Victor. Il songeait à ce qu'avait dit la prêtresse à son sujet : cicatrices, désorientation, perte de mémoire... Elle n'avait rien affirmé, évidemment. Toutefois, vu sa tournure d'esprit, il ne pouvait s'empêcher d'envisager le pire... Même le fait de ne peut-être pas avoir perdu toutes leurs affaires n'avait pas réussi à le tirer de sa morosité.
Dans tous les cas, il ne tarderait pas à être fixé. A moins, bien sûr, qu'il n'y ait de nouvelles complications, que le gamin ne se réveille pas...

A travers le voile qui fermait l'alcôve, Taliesin pouvait deviner le rythme lancinant des incantations de la prêtresse, ainsi que quelques éclairs lumineux. Puis la novice se glissa sous le tissu et lui fit signe de venir.
Solène était assise sur le bord du lit et elle se leva lorsque Taliesin les rejoignit.
" Venez, prenez place." dit-elle à Taliesin en lui tendant la main intacte du petit garçon.
Il avait la peau du visage, de l'épaule et du torse parcheminée, large plaque de tissu cicatriciel, blafard, comme ridée. Mais il était en train de papillonner des yeux, doucement.

Le barde ne put réprimer une nouvelle grimace en découvrant le sinistre spectacle, les stigmates de brûlure que n'avaient pu faire disparaître les sorts de la prêtresse. Non, même en envisageant le pire, il ne s'était pas attendu à ce que "quelques cicatrices" se traduisent par de tels ravages.
Il ressentit un élan de culpabilité, colère contre lui-même, mais s'efforça de les nier. Victor était vivant, c'était tout ce qui comptait...
Il prit une profonde inspiration, se composa un visage serein, puis s'assit sur le lit, la main du petit garçon serrée dans la sienne.

La prêtresse posa une main sur l'épaule de Taliesin, la serra doucement, puis sortit et le barde se retrouva seul avec l'enfant. Victor referma les yeux, puis les rouvrit. Son regard erra un instant sur les parois de tissu de sa chambrette, puis dérivèrent jusqu'à l'elfe. Il le dévisagea une seconde sans rien dire, une deuxième... plissa les paupières, esquissa un semblant de sourire.
" On est où ?" demanda-t-il d'une voix rauque.

Le barde lui rendit son sourire. Au moins, Victor semblait se souvenir de lui, ce qui était un point encourageant...
-A Rohan, dans un fort, répondit-il doucement. Mais je ne sais pas comment ça s'appelle exactement : c'est la première fois que j'y mets les pieds.
Il le dévisagea un instant, s'efforçant, toujours, de conserver une mine sereine.
-Comment te sens-tu ?

Victor laissa lentement son regard courir autour de lui. Détaillant les voiles qui le séparaient des autres alcôves, puis baissant le regard sur son lit, les couvertures, puis ses mains. Ce qu'il vit sembla le surprendre, mais il réagit sans éclat, fronçant tout au plus les sourcils.
" Je me sens mou." dit-il finalement, puis il esquissa un nouveau sourire, un peu tordu par la peau parcheminée de son visage. " On a fait un accident de coche ? Pourquoi je suis ici ?"

-Pas exactement... dit l'elfe en tentant de dissimuler son embarras. Quelle... Quelle est la dernière chose dont tu te souviens ?
Si l'amnésie du petit garçon se résumait au terrible épisode avec les mercenaires, ce serait un moindre mal. Ce pourrait même être une bonne chose, en un sens : il aurait oublié les coups, les mots...
Mais le pire, ce que tu lui as fait, il ne pourra jamais l'oublier... Il le portera avec lui en permanence. songea-t-il sans pouvoir s'en empêcher.

Victor plissa le front, sous l'effet d'une intense réflexion, puis haussa épaules et sourcils.
" Il me semble qu'on allait vers Edhoras." commença-t-il. " Ah non, on était arrivés. Je crois qu'il pleuvait. On ne pouvait pas repartir... Attends... Le cocher était parti, non ? C'est ça ? Avec une fille. Le cocher était parti avec la fille de l'aubergiste, je crois. A moins..."
Il scrutait Taliesin comme pour trouver des indices sur son visage.
" Ce n'est pas ça. Un cheval était malade. Voilà."
Son regard s'éclaira.
" Il y avait un cheval malade et le coche ne pouvait pas repartir, alors on a changé de coche. Je pense. Je crois que c'est ça."

Taliesin acquiesça.
-Oui, c'est ça... répondit-il.
Il hésita. Mais à quoi bon lui cacher la vérité ? Victor voyait bien qu'il se trouvait dans une infirmerie, qu'il était tout juste convalescent...
Il pouvait toujours se montrer évasif, cependant.
-Et nous avons été attaqués par des mercenaires. Mais nous sommes en sécurité, à présent. Et nous avons gagné Rohan, comme nous le voulions.
Mais dans quel état...

Victor sourit et acquiesça.
" J'ai un peu soif." fit-il finalement. " Et je crois que je voudrais dormir."
Il dévisagea l'elfe.
" Pourquoi ils nous cherchaient, les hommes de Morféa ? Ils voulaient nous ramener en prison ? Je croyais que monsieur Artwin leur avait dit qu'on était morts, pour pas qu'ils nous ennuient ? Et où est Galathée ? Elle m'avait promis qu'elle me montrerait le cheval du général Maelwedd, tu sais ? Je parie qu'elle se cache à cause de ça. Et pourquoi on est à Rohan ? Je pensais qu'on allait à Eredhun."
Il gloussa une seconde.
" Mais je vais dormir."

Taliesin grimaça... Se reprit aussitôt pour afficher un sourire calme. Jouer la comédie... Tellement facile, quand on avait l'habitude de le faire constamment.
-D'accord. Je vais demander à ce qu'on te mette un verre d'eau à côté de toi, pour quand tu te réveilleras.
Il hésita, puis se pencha et l'embrassa sur le front.
-Repose-toi bien, bonhomme.

Victor se pelotonna dans ses couvertures, poussa un bref soupir, et ferma les yeux. Solène rentra à nouveau, attrapa Taliesin par le bras, et l'entraîna vers l'extérieur.
" Vous ne devez pas vous inquiéter de sa désorientation. C'est normal qu'il soit confus. Les choses vont se remettre en place petit à petit... Il sort du coma, son esprit s'est perdu en lui-même pendant plusieurs jours, a mélangé rêves, réalité, fantasmes... Mais il va reprendre pied. Il ne se souviendra probablement jamais des derniers événements, cependant."

Le barde opina du chef.
-Oui oui, je comprends bien la situation... Et je ne me fais pas de souci particulier à ce niveau : je lui expliquerai les choses en douceur, le laisserai prendre son temps... Je me suis permis de lui dire d'emblée que nous avions été attaqués, cependant. Ce n'est pas comme s'il n'avait pas pu se rendre compte que quelque chose clochait.

" Bien sûr." fit la prêtresse. " Quant aux séquelles physiques... Je vois bien qu'elles vous ont décontenancé, mais... Vous devez comprendre que l'énergie divine est potentiellement dévastatrice, sur un organisme aussi jeune. Si j'en use pour effacer toute trace de ce qui lui est arrivé, il est possible que son esprit soit affecté par le pouvoir de Lathandre... Ce qui... pourrait en faire une sorte d'illuminé. C'est difficile à expliquer, mais disons qu'il reste toujours un résidu divin après ce genre d'intervention et sur un être fragilisé, il y a le risque que le pouvoir prenne le pas sur l'élan naturel de vie. Vous devriez attendre quelques temps avant de le soigner à nouveau, en quelque sorte. Qu'il soit remis."
Elle secoua la tête.
" C'est du charabia, mais faites-moi confiance."

-Je vous fais entière confiance, là n'est pas la question. C'est déjà un miracle qu'il soit en vie...
Un illuminé... Avec son côté berserk, le mélange pourrait vraiment être détonnant...
Il soupira, secoua la tête.
-Mais oui, j'imaginais naïvement qu'il s'en tirerait sans traces. Sans autant de traces, du moins. Je ne sais pas comment il va le prendre : ce n'est pas exactement anodin...
Tu crains surtout d'avoir cela sous les yeux en permanence. Ce rappel de tes erreurs, de ce que tu lui as infligé...
Il grimaça, s'arracha à nouveau un sourire. Transition qui était en passe de lui devenir familière.
-Enfin, si vous dites qu'il sera éventuellement possible d'y remédier plus tard... Et même si ça ne l'était pas : je ne veux pas lui faire courir plus de risques qu'il n'en a déjà couru. Et, je le redis, je me fie entièrement à votre jugement.

La prêtresse lui prit la main et la serra doucement.
" Vous verrez, les enfants s'adaptent. Il n'est pas défiguré. Quand il sera habillé, seules sa joue et ma main seront apparentes. Laissez le temps à son corps de reprendre des forces et surtout à son esprit de retrouver son équilibre. Dans un mois ou deux, vous pourrez à nouveau le guérir..."
Elle sourit.
" Une autre possibilité est de trouver un clerc confirmé, plus expérimenté que moi, qui parviendrait à le soigner en jugulant la vague d'énergie divine. C'est une technique qui n'est pas donnée à tous et certains refuseront de l'appliquer, les risques sont grands et nous savons, éternellement, qu'il est toujours meilleur de guérir naturellement que par des coups de pouce d'en haut, qui devraient se limiter au feu de l'action sur le champ de bataille ou à des situations où la vie est en danger... Votre garçon était très gravement blessé. Pensez-y. Ce qu'il en reste désormais n'est qu'une broutille qui finira par disparaître."

Taliesin acquiesça, à nouveau. Il se rendait bien compte qu'il avait du mal à penser sereinement, mais sans doute était-ce là chose normale, vu la situation, vu la personne concernée...
-Avez vous une idée du temps qu'il faudra avant que nous puissions reprendre la route ? s'enquit-il, se concentrant, comme toujours lorsqu'il était troublé, sur des éléments concrets, sur un pragmatisme un peu froid.

Elle haussa les sourcils.
" Vous pourriez partir demain, si vous le désirez. Mais si j'étais vous, je lui laisserais une veille pour se poser. Il pourrait ne pas comprendre où vous allez et pourquoi. On ne sait jamais comment vont réagir les personnes en proie à la confusion. Laissez-lui le temps, c'est mon conseil."
Elle plissa les yeux.
" Allez, une demi-veille devrait suffire." ajouta-t-elle, finalement, comme si elle devinait ce qui trottait dans l'esprit du barde.
Emeraude venait de réapparaître dans l'embrasure de la porte, mais elle n'intervint pas, demeurant en retrait.

-Rassurez-vous... fit l'elfe, souriant. Je ne songeais pas à partir dès demain et, encore une fois, je compte bien lui laisser tout le temps nécessaire à son rétablissement. Je posais simplement la question de manière à savoir à quoi m'attendre et à ne pas précipiter les choses, justement.
Il jeta un regard à Emeraude, puis refit face à la prêtresse.
-Merci beaucoup pour votre aide et vos conseils, en tout cas.

La prêtresse s'inclina puis quitta l'infirmerie, sa novice taciturne sur les talons.
" Il est déjà tard." intervint alors Emeraude. " Voulez-vous venir manger quelque chose avant d'aller dormir ? Vous devez être affamé. Nous avons porté vos affaires dans une petite chambre d'officier, à l'étage. Bon, elle est en général occupée, mais son propriétaire est en mission pour l'hiver. J'espère que ça vous ira."

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Rohan

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