La Couronne de Cuivre

L'elfe se leva dès qu'il les vit apparaître, à la fois soulagé que le moment crucial soit arrivé... et terriblement inquiet. Mais les dés étaient jetés : il avait fait son choix, était toujours décidé à ne pas en changer, malgré ses doutes croissants. Il flatta l'encolure de l'ânon, lui murmura quelques paroles rassurantes - sachant pertinemment qu'en faisant cela, c'était surtout lui-même qu'il essayait de réconforter - puis, d'un pas qui se voulait tranquille, il se rapprocha des druides fées.
--Comme vous me l'aviez demandé, j'ai établi la liste des sept... dit-il à l'ours après les avoir tous courtoisement salués. N'ayant pas la chance de vous connaître, ma seule possibilité a été de m'en remettre au hasard, et j'espère que ceux d'entre vous qui ne figurent pas sur cette liste ne m'en tiendront pas grief...
Puis il donna les noms.
Cette fois, il n'y avait plus moyen de revenir en arrière.

Il y eut subitement un brouhaha parmi les animaux, comme certains se réjouissaient et d'autres se plaignaient, mais l'ours grogna brusquement pour y mettre fin et le silence retomba.
" Tu as fait ton choix. Il va désormais falloir l'assumer." dit l'ours. " Es-tu conscient que l'échec ne te ramènera pas seulement vers le présent, mais peut-être plus loin dans l'ombre ? Es-tu prêt à ne plus pouvoir faire marche arrière ?"

L'elfe fut traversé par un doute subit. Et s'il avait fait le mauvais choix ? Pas seulement pour les noms, mais pour toute cette démarche ? N'aurait-il pas dû compter sur les mages de Loth Imarhil ? Les elfes étaient bien plus prévisibles...
Mais le temps pressait. L'esprit de Victor se serait peut-être dissipé, fondu dans sa nouvelle forme avant qu'ils n'atteignent la cité. Et Méli, soit qu'elle ait lu dans ses pensées, soit que cela lui ait semblé la meilleure solution, les avait aidés à gagner le Val...
Il doutait, oui. Mais ne voulait pas reculer. Son principal ennemi, c'était lui-même. Lui-même et ses doutes, ses craintes...
-Je suis prêt à tout pour tenter de ramener l'enfant. dit-il simplement.

Nouveau murmure dans l'assemblée.
" Ainsi soit-il." dit l'ours.
Il demeura immobile alors que les six animaux qui n'avaient pas été retenus s'éloignaient. La corneille s'envola en croassant, le renard le dévisagea longtemps, comme s'il réfléchissait à quelque chose. Taliesin ne vit pas la salamandre, mais quelque chose se faufila jusqu'à la rivière, agitant les herbes hautes. Le lièvre caracola quelques secondes dans l'herbe, saluant l'aube, comme tous ceux de son espèce, puis s'éloigna dans une pointe de vitesse impressionnante, poursuivi par le renard, beaucoup plus lent. Enfin, le blaireau et l'écureuil regagnèrent le bois, le premier d'une démarche tranquille, le second en quelques bonds. Il ne resta plus que les sept créatures que l'elfe avait retenues.
Le silence s'installa, puis le faon se détacha du groupe. Il s'approcha, sur ses pattes graciles, fixant le barde de ses grands yeux humides.
" L'ânon va s'ennuyer, tout seul, pendant que tu t'efforces de le sauver. Il ne faudrait pas qu'il pense que son futur ne dépend que de toi." déclara-t-il d'une voix profonde, indifférente.
L'air se brouilla autour de lui, et il devint un enfant, du même âge de Victor, les cheveux longs voletant autour de son visage, piquetés de fleurs, et le regard triste. Comme la martre, il avait la peau vaguement verdâtre, les oreilles et le nez un peu trop pointus, mais il ne lui était pas clairement apparenté. Il avait les mains dans le dos, et avança jusqu'au barde, avant de lui tendre ce qu'il transportait.
" Tiens. Je vais m'occuper de lui en ton absence."
Il tenait une bride et une selle tissées dans une matière argentée, inconnue, qui diffusait une douce lumière.

Il faillit protester. C'était lui qui devait subir les épreuves, pas Victor...
Mais, évidemment, ce n'était pas Victor qui souffrirait le plus de l'opération. L'elfe avait toujours veillé à le traiter en humain, et voici qu'on voulait qu'il le selle comme une vulgaire monture. Jeu cruel... Mais sans grandes conséquences, au demeurant. Il avait su d'emblée que la journée ne serait pas agréable. S'il se laissait déjà atteindre... Mieux valait ne pas y penser.
-Très bien. Laissez-moi juste un instant, et il est à vous... répondit-il, tranquille, redevable en la circonstance à ses talents de comédien...
Il prit selle et harnais, rejoignit Victor, lui caressa doucement le chanfrein.
-Courage, c'est pour la bonne cause... souffla-t-il, avant de faire ce qu'on attendait de lui.
Puis, sans s'attarder sur le spectacle de l'ânon harnaché, il revint vers les druides-fées.

Le druide faon lui sourit amicalement, puis le dépassa et enfourcha lestement l'ânon. Rassemblant les rênes dans une main, il le guida ensuite devant l'assemblée, sans difficulté apparente. Victor ne broncha pas, obéit aux injonctions de son cavalier et vint se planter entre l'elfe et les bêtes.
" Bonne journée à tous !" s'exclama le faon, puis il claqua deux fois de la langue, et envoya sa monture au triple galop dans la prairie.
Taliesin demeura seul avec les six animaux restants.
" A moi ! A moi ! C'est mon tour, allez ! Allez ! Mon tour ! S'il te plaaaaaaaît !" s'écria alors la martre en sautillant dans les hautes herbes.
" Très bien." fit l'ours.
" Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !"
Le petit carnivore bondit jusqu'à Taliesin et l'escalada sans cérémonie, jusqu'à être perché sur son épaule.
" D'abord, je veux une tartine." déclara-t-il. " Une grosse belle tartine avec du saucisson."
Les cinq animaux restants s'étaient détournés et semblaient retourner à d'autres activités.

Le barde éprouva un soulagement certain en voyant l'ânon s'éloigner. Non pas à cause de la phrase prononcée par le faon - "Il ne faudrait pas qu'il pense que son futur ne dépend que de toi." - laquelle avait plutôt eu le don de le glacer, car elle soulignait la possibilité de l'échec, la probabilité que l'âme de l'enfant s'étiole, se perde, disparaisse à tout jamais. Non, pas à cause de cette phrase. Mais bien parce que l'exercice permettrait à Victor de se changerait les idées : sans valoir la chevauchée à cru de la petite Méli, galoper avec son cavalier l'empêcherait de trop penser à ce qui était en jeu. Et lui épargnerait le spectacle des épreuves qui seraient les siennes.
La première était passée ; il fallait maintenant triompher de la seconde. Taliesin pensa ne pas s'être trop trompé en choisissant la martre. Les choses prenaient le tour qu'il avait imaginé, même si le "d'abord" prononcé par la créature laissait supposer des suites dont il ignorait encore tout.
Il se dirigea vers son sac, farfouilla à l'intérieur. Il n'avait pas le souvenir de posséder du saucisson. Il en trouva pourtant, signe que la martre se rappelait parfaitement de ses possessions. Il se mit donc en devoir de préparer une tartine à son goût, ne lésinant par le moins du monde sur la quantité.
-Tiens... dit-il en la lui tendant. J'espère que ça te conviendra...

La martre dévora de bon appétit, aussi bruyante que la veille, grommelant et rotant comme un vieux bandit, ce qui la faisait éclater de rire. Elle garda cependant son apparence animale, préférant apparemment s'en mettre plein le poil que de tenter de croquer la tartine de manière civilisée. Elle se montra à nouveau d'une vélocité peu commune et redressa sa petite tête pointue vers l'elfe.
" Il parait que tu chantes des chansons, c'est vrai, dis, c'est vrai ? Moi j'aime bien les chansons ! Tu me chantes une chanson ? Mais une chouette chanson ! Elle pourrait s'appelle "Ô martre magnifique", par exemple, ça ça serait chouette. Ou bien " Martre, rien ne te vaut !"... Qu'en dis-tu ? Mais une belle, hein. " Martre radieuse qui nous éblouit" ? Ou bien... " J'aime la Martre Si Subtile" ? Enfin, moi je te dis rien, c'est toi qui chantes. Moi j'écoute ! Allez, allez ! Une chanson pour moi !"

Il observa la créature, un peu décontenancé. Ah, pour sûr, il ne s'était pas attendu à une chose pareille. Enfin, c'était moins pire qu'autre chose, et de loin. Il fallait juste qu'il trouve un air adéquat, qu'il transforme quelque aubade enflammée... Pas évident, avec un esprit inquiet. Surmontable, tout de même. Avec quelques efforts.
Il réfléchit une minute, deux... Puis se racla la gorge et se lança. Il ne fallait sans doute pas l'impatienter...

Toi la martre quand je t'ai entrevue
Immédiatement, j'ai compris, su,
Que personne ne te ressemble
Fière, forte, toute de vivacité
D'intelligence et de beauté
En un seul être mises ensemble...
Te connaître de joie empli mon cœur
Le monde rayonne de bonheur
Autour de toi luit la lumière...
Sûr que pour te voir j'me s'rai battu
J'aurais lutté, même à mains nues,
J'aurais traversé l'univers...

Mais tu es bien là
Altière et haute...
Merci mon père
Merci ma mère
Je peux chanter cela...

Et il continua sur la même lancée, jusqu'au bout de la chanson, y mettant toute la conviction dont il était capable. Espérant que la créature en serait satisfaite...

Au début de la ritournelle, la Martre se mit à se dandiner, d'une patte sur l'autre, complètement à contretemps, mais avec un enthousiasme manifeste. A mi-chant, elle se métamorphosa en l'être que Taliesin avait déjà vu la veille, et se mit à caracoler autour de lui. La complainte s'y prêtait peu, mais la martre avait l'air de s'en soucier comme d'une guigne. Lorsque l'elfe parvint au terme de son oeuvre, la créature s'écroula, hors d'haleine, dans l'herbe et applaudit à tout rompre. Elle se releva ensuite et redevint martre dans le même mouvement, avant d'escalader le genou de Taliesin.
" Tu me l'écris après, dis ? Ah... je sais pas lire, mais comme ça je la garde, et la prochaine fois que quelqu'un passe, je lui demanderai de la chanter encore ! Oui ? Tu me l'écris, hein ! Mais d'abord, tu dois me grattouiller. Je veux que tu me grattouilles. Partout, partout, parce que c'est bon, et ça gratte, toutes les puces et les pollens, ça me gratte... Grattouille ! Allez ! Hop ! Après tu écris, d'abord tu grattouilles !"

Un instant, l'elfe se demanda s'il en aurait jamais terminé avec la martre. Mais ce n'était pas exactement le bon moment pour se montrer réticent, et il se mit en devoir de satisfaire la créature, sans avarice aucune dans ses gestes. Evidemment, au départ, la chose lui parut un peu étrange, mais les contorsions et les exclamations de l'animal finirent par l'amuser, et il dut admettre, bientôt, qu'il s'était pris au jeu. Il n'avait pas fait un trop mauvais choix... Enfin, si le druide fée estimait jamais l'épreuve terminée, ce qui était loin d'être sûr.

Mais la martre sembla se satisfaire de ce dernier témoignage d'amitié et elle s'étala dans l'herbe, radieuse, immobile quelques secondes, poussant un profond soupir de satisfaction... avant de bondir sur ses pattes.
" Viens. On continue !" s'exclama-t-elle avant de s'éloigner en bondissant, vers les animaux qui s'étaient curieusement rassemblés, comme s'ils avaient deviné que l'épreuve touchait à sa fin.
L'ours était assis sur son séant, le hibou sur l'épaule. Le sanglier renâclait à ses côtés, la mésange voletait à côté d'eux. Le hérisson était à peine visible entre les pâquerettes.
Lorsque Taliesin et la martre furent arrivés à proximité, l'ours se redressa.
" Sera-ce le hibou, la mésange ou le hérisson ?" demanda-t-il de sa grosse voix.

Taliesin réfléchit, ennuyé. Et choisit finalement... de ne pas choisir. Le faire pourrait ravir l'heureux élu... et mécontenter les autres. Il ne voulait surtout pas faire d'impair...
-Comme il vous siéra... dit-il avec humilité. Peut-être certains d'entre vous sont-ils plus pressés que les autres, ou ont des choses à faire aujourd'hui qui ne sauraient trop être repoussées. Je m'en remets donc à vous.
Bon, ils pourraient aussi le tancer pour son indécision, mais...

La réponse de Taliesin fit rire le hérisson et grogner le sanglier. Le hibou ouvrit les ailes et battit l'air glacé.
" Viens, alors." dit la mésange en voletant jusqu'à lui.
Elle se posa sur son épaule, légère.
" Entrons dans les bois, je veux te montrer quelque chose."
Elle s'envola à nouveau et l'entraîna entre les arbres. La petite forêt qui envahissait le vallon avait tout du repaire de fées. Les arbres moussus, aux ramures d'un vert lumineux, dressaient des troncs aux formes extravagantes vers le ciel. Le sous-bois était fleuri et herbeux, des champignons poussaient entre les racines tortueuses, et des petites créatures, insectes, oiseaux, lutins peut-être, s'enfuyaient à l'approche de l'elfe. Sons et odeurs participaient de l'atmosphère sereine et éthérée, c'était à ne pas savoir où poser le pied.
Une source jaillissait non loin, sous un couvert d'arbres plus bas, et la mésange se posa sur une branche.
" Doucement... Approche-toi doucement." souffla-t-elle. " Sinon tu vas leur faire peur. "

L'endroit était aussi étrange qu'enchanteur, aussi onirique que mystérieux. En d'autres temps, en d'autres circonstances, Taliesin s'y serait arrêté de son plein gré, y serait demeuré un moment, pour en percer les secrets. Sans guère de craintes. Aujourd'hui, cependant, il ne pouvait s'empêcher de se montrer circonspect, méfiant, bien qu'il n'en laissât rien paraître. Il savait qu'il devrait affronter quelque chose de douloureux, tôt ou tard. Méli l'avait dit. Etait-ce maintenant, était-ce plus tard ? Aucun moyen de le savoir. Il fallait aller de l'avant. Ne pas laisser le doute l'emporter.
Alors, attentif au conseil de la mésange, il fit de son mieux pour avancer sans produire le moindre bruit, en esquissant le moins de mouvements possibles. Ombre parmi les ombres du sous-bois...

Derrière les taillis, Taliesin découvrit les berges d'un ruisselet d'eau pure, couverts d'une mousse vert tendre et de petites fleurs blanches et bleues. Des petits papillons jaunes voletaient au-dessus des corolles, parfois dérangés par le raid bruyant d'une abeille ou les passages saccadés d'une libellule gracile qui venait raser le courant. Jouant dans ce cadre bucolique, quatre chatons hirsutes attirèrent son attention. Leur mère, une chatte sauvage brun sombre, rayée, les surveillait d'un oeil alangui, couchée au pied d'un aulne. Les chatons se chamaillaient avec l'énergie de leur très jeune âge, encore maladroits, hésitants, mais enthousiastes.
" Voici Millefeuilles et ses quatre petits." dit la mésange, gazouillante. " C'est une ancienne résidente du bosquet, encore vive mais déjà vieille. Je pense que cette année, c'est sa dernière portée. Le mâle qui l'a couverte s'appelle Rapide, il habite dans la montagne, passe parfois nous voir. Rarement. Il serait fier de les voir, ces quatre petits-là. Le rouquin, c'est Bourdon. Il est un peu lent mais téméraire. Ses frères et soeurs le suivent partout où il se rend, sous sa protection. Il a déjà mis une patte dans le ruisseau, c'est te dire le courage !"
Elle piailla, comme riant.
" La grise s'appelle Silence. Elle n'a pas poussé de cri en naissant. Sa mère a pensé qu'elle était morte. Mais en fait, elle est muette, simplement. Elle sera redoutable à la chasse, dans quelques mois."
Les chatons pourchassaient désormais un papillon avec acharnement. Celui-ci semblait disposé à participer au simulacre de traque, ne s'éloignant jamais trop d'eux.
" Le plus vif, c'est Fourbe. Il n'a pas vraiment l'esprit de famille, se sert toujours le premier, repère les mamelles les plus prometteuses et les vide en un temps record. Les autres sont trop stupides pour s'en rendre compte, cela dit. Si ça continue, il ne sera pas très populaire. Reste Petite Fleur, la dernière. C'est la préférée de sa maman, qui la câline et la couve. Elle doit voir en elle quelque chose de spécial. A moins que ce ne soit que l'odeur... Les chats sont comme ça."
Les deux mâles se bagarraient désormais et les femelles se roulaient dans la mousse en ronronnant. La lumière tamisée formait presque des rayons de soleil. Puis la chatte se leva, miaule pour rassembler sa petite troupe, et lécha généreusement la tête de chacun de ses petits, qui miaulèrent et vinrent se presser contre elle. Elle se recoucha et ils s'alignèrent pour téter.
" Ils ont juste un mois. Elle a mis bas dans une petite tanière entre deux arbres, un peu plus loin derrière. Maintenant qu'ils sont plus grands, ils peuvent profiter de l'air frais, c'est plus agréable."
La chatte se redressa au grand désarroi des chatons, les repoussa du museau, puis s'écarta et en quelques bonds, elle avait disparu entre les arbres. Repus, les chatons poussèrent des miaulements misérables, puis se rendormirent tranquillement, pelotonnés les uns contre les autres.
" La voilà qui part en chasse." fit la mésange en se perchant sur l'épaule de Taliesin. " Elle va aller se trouver une souris, un lapereau... ou un nid d'oiseau, qui sait. Croquer, voler, dévorer."
Les petites griffes de l'oiseau s'enfoncèrent dans le tissu des vêtements du barde, et il fut surpris de les sentir sur sa peau.
" Mes six oisillons, l'année passée." lâcha-t-elle. " Je veux que tu noies les chatons. Tous les quatre. Laisse-les sur la berge ensuite, crevés, dégoulinants. Qu'elle les voit, ses précieux petits. Vas-y. Et ne t'avise pas de les endormir ou je ne sais quoi. Je veux les voir se débattre sous l'eau. "
Puis la mésange se posa sur l'arbre voisin, silencieuse.

Taliesin serra les dents.
Il devait se montrer froid, déterminé. La nature ne faisait pas de sentiments. L'équilibre, toujours.
Les oisillons lui auraient paru aussi adorables que les chatons. Leur massacre aussi odieux.
Sauf qu'il n'en aurait pas été responsable...
Il concentra ses pensées sur Victor. Sur le Victor d'avant, pas sur l'ânon. Victor et ses yeux clairs, son visage ouvert... Il devait le retrouver tel qu'il était autrefois. Et cela passait par des épreuves... Dont celle-ci ne serait sans doute pas la pire.
Froid, déterminé. Son seul ennemi, c'était lui-même.
A pas de loup, il gagna le bord du ruisseau. Presqu'aussi silencieux que leur mère, ils s'approcha des chatons endormis. Doucement, il se dépouilla de sa tunique. L'étendit sur le sol. Puis, vif, il s'empara des petits animaux, les déposa sur le vêtement qu'il replia aussitôt, en nouant les bords pour en faire une manière de sac. Ils étaient déjà en train de se réveiller, bien sûr, de s'agiter...
Il rejoignit la berge, s'agenouilla. Glissa la main dans le sac pour en tirer le premier chaton. Il ne le regarda pas, prit au contraire grand soin de détourner les yeux. Et, à bout de bras, il le plongea dans l'eau.
Le félin miniature se débattit. Tenta de griffer, de mordre, parcouru de violents soubresauts. L'elfe ne lâcha pas prise, nia le goût de bile qui lui envahissait le fond de la gorge. Le dégoût que lui inspirait cet acte.
Remercia le ciel que Victor n'assiste pas à cela...
Le chaton était presque immobile, désormais.
Tout à fait, à présent.
Il ne retira pas sa main de l'onde. L'y laissa une, deux minutes supplémentaires.
Enfin, il déposa le cadavre flasque sur la terre meuble. Plongea à nouveau la main dans le sac, mécanique...
Trois fois, il réitéra l'opération, serrant les dents, tentant de se faire aussi froid qu'il le pouvait. Trois fois il mit dans l'eau des êtres vivants. Trois fois, il en ressortit des corps trempés, inertes...
Il se releva. Jeta un bref regard aux cadavres alignés.
Il avait fait ce qu'il devait. N'avait pas eu le choix. Et il l'avait dit : il ferait tout pour retrouver l'enfant. Il devait se montrer à la hauteur de sa déclaration... Victor le méritait.
Le cœur au bord des lèvres, il récupéra sa tunique et revint près de l'arbre où était perchée la mésange.
-C'est fait. commenta-t-il inutilement.

La mésange piailla avec animation, de bonheur, indubitablement, puis s'élança vers les petits cadavres et voleta de l'un à l'autre, frénétique. Taliesin se détourna et n'entendit que son chant de victoire. Elle avait probablement envie de rester jusqu'à l'instant où la mère reviendrait, histoire de se délecter de sa mine lorsqu'elle découvrirait le massacre, mais finit par rejoindre Taliesin.
" Dépêchons-nous de retourner au Val." lui souffla-t-elle, avant de s'élancer, à pleine vitesse devant lui, l'obligeant à courir.
Il déboucha hors du bois quelques secondes plus tard, mais l'oiseau avait déjà fait demi-tour, et il se retrouva donc seul, non loin des animaux restants. Ceux-ci le regardèrent approcher sans faire le moindre commentaire.
" Presque la moitié." commenta le hérisson, d'une voix piquante, lorsqu'il fut devant eux.
" Choisis, cette fois." fit l'ours.
Se défiler semblait plus difficile.

L'elfe aurait pourtant aimé se laisser guider. Faire, tel un golem, ce qu'on attendait de lui. Sans penser, sans réfléchir. Il semblait malheureusement que les autres ne l'entendaient pas de cette oreille...
-Hérisson, si vous êtes d'accord... souffla-t-il.
C'était le seul a avoir parlé, en dehors de l'ours. Ce qui ne voulait absolument rien dire. Rien de rien. Mais il ne se sentait pas la force de se perdre en veines tergiversations.
Avancer, froid, mécanique. Seul le résultat comptait.

" Prends-moi dans tes bras." dit le hérisson qui peinait à avancer dans les herbes hautes.
Une fois installé contre le barde, il lui désigna à nouveau le bois. Taliesin le trouva cette fois bien plus calme, moins enchanteur, comme s'il s'était infimement métamorphosé. Il ne reconnut pas les premiers arbres qu'il dépassa. C'étaient des essences différentes, plus jeunes, plus banales. Les insectes qui croisaient au-dessus de l'humus étaient des mouches et des moustiques, parfois un papillon terne. L'atmosphère n'était pas inquiétante, elle était... normale. Comme un morceau de forêt quelconque, dans une région humaine, quelques troncs, des feuilles mortes, le souffle du vent dans les branches.
" Qui es-tu, barde voyageur ? En quelques mots ? Je suis curieux." dit le hérisson.

S'il remarqua la transformation du bois, Taliesin s'efforça de ne pas trop y prêter attention. Il ne put malheureusement s'empêcher de se demander vaguement si la mésange ne l'avait pas rendu féérique seulement pour conférer un caractère encore plus macabre à son épreuve. Après tout, elle lui avait parlé en détail des chatons, et là, son objectif semblait des plus clairs... Mais il chassa la pensée. Ce qui était fait... était fait. Il fallait à présent répondre à la question.
-Qui je suis ? soupira-t-il. Dur à dire. Surtout en quelques mots. D'autant que je ne suis pas certain de le savoir.... Un idéaliste qui a perdu ses illusions, qui sait que ses actes ne changeront rien, sinon en mal. Un monstre démasqué et repentant, hanté par ses crimes. Un convalescent qui aspire au bonheur sans croire réellement qu'il peut l'atteindre... Un homme qui veut retrouver sa compagne et leur enfant, surtout. Je crois que la vérité se cache quelque part là-dedans.
Il avait pris le parti de la plus pure honnêteté. Il ne savait pas si les fées pouvaient lire en lui. Mais ce n'était pas impossible. Alors, mieux valait ne pas chercher à se dissimuler derrière des faux-semblants. Il n'aurait pu garantir qu'il aurait eu le ressort nécessaire, de toute façon. Ni l'envie.

Le hérisson acquiesça de sa petite tête pointue.
" On n'est jamais ce qu'on semble être. On est beaucoup plus, par certains aspects, beaucoup moins, par d'autres. On se déguise et on se faufile. Parfois on pique, parfois on caresse." fit-il. " Continue à avancer. Tu vois la lumière, là-bas ? C'est une clairière. Nous y allons."
Ils dépassèrent encore plusieurs troncs, les pas de Taliesin bruissant dans les feuilles mortes.
" Tu ne vas pas aimer ce que je vais te demander de faire. Mais tu sais ce qu'on dit lorsqu'on se frotte aux hérissons... Mille épreuves, mille requérants, chaque fois, on se méfie de ce qui pique. D'avance, je te demande pardon. "
Ils pénétrèrent dans la clairière d'herbe verte, déserte. Il y faisait bon, tranquille. Les arbres formaient un rideau épais tout autour d'eux. Sur l'un des côtés poussaient des haies de mûriers et de framboisiers sauvages, dont les fruits étaient mûrs.
" Ferme les yeux." commanda le hérisson.
Taliesin sentit, plus qu'il ne vit, l'air se brouiller, la forme du hérisson entre ses bras se métamorphoser, ses piquants rétrécir, s'adoucir, disparaître, son poids se modifier et l'obliger à écarter les mains. Il devina qu'il avait désormais un être, le hérisson, en face de lui et sentit doucement des lèvres chaudes se poser sur les siennes, puis se retirer.
" Ouvre les yeux."
Devant lui, contre lui, entre ses bras entrouverts, se trouvait une jeune femme nue, à l'aspect vaguement animal, comme ses congénères. Elle avait les yeux limpides, les pupilles plus grandes que celles des humains ou des elfes, des cheveux couleur feuille morte qui tombaient, sauvages, sur ses épaules, des seins ronds, lourds, aux aréoles presque noires, un ventre plat s'ouvrant sur une toison bouclée, le corps mince et promettant une douceur duveteuse. Elle dégageait un parfum entêtant mais léger, une odeur charnelle, musquée, qui rien qu'en elle-même évoquait déjà chaleur, effort et abandon.
" Tu sais ce que je vais te demander. As-tu besoin que je le dise ?" demanda-t-elle, d'une voix métamorphosée, très sérieusement, très doucement, aussi.

-Non, ce n'est pas nécessaire... souffla-t-il, la mort dans l'âme.
En d'autres circonstances, en d'autres temps, il aurait bien pris la chose. Avec enthousiasme, même. Il n'avait jamais été du genre chaste ou pudibond, et, tandis qu'il arpentait les routes de Féérune, après le départ de son maître - et même avant -, il s'était plus d'une fois laissé tenter, dans la chambre d'une taverne où il venait d'officier, sur la paille d'une grange ou dans quelque pré ensoleillé. Plus d'une fois il s'était abandonné, sans arrière-pensée, espérant juste, lorsqu'il reprenait la route, que ses amantes auraient pris les précautions nécessaire afin qu'il ne laissât pas, derrière lui, de vivantes traces de ses ébats.
Aujourd'hui, tout avait changé. Il n'était plus le jeune elfe insouciant. Il avait une compagne. Un garçon qui, un jour, peut-être serait son enfant.
Et un enfant bien à toi, lui...
Il repoussa l'idée avec force, presque avec hargne.
Il ne pouvait se dérober sans encourir une catastrophe. Sans condamner Victor à errer à tout jamais sous une forme animale. Sans abandonner Galathée à son cruel destin. Il n'avait pas le choix.
Elle comprendra... essaya-t-il de se convaincre en entreprenant de se dévêtir, tel un automate, cherchant à ignorer l'émotion qui lui nouait la gorge, lui embuait la vue.
Il ne réussit pas à s'en persuader. Finit par essayer de repousser toute forme de réflexion pour ne laisser parler, agir que la partie animal de son être qui, il devait le reconnaître, n'était pas insensible aux appâts certains de la créature.
Depuis combien de temps n'avait-il plus connu de femme ?
Depuis leur enlèvement, tout simplement.
Nouvelle pensée horrible, déstabilisatrice. Nouveau refoulement frénétique.
Il n'avait pas connu femme depuis des semaines. Pouvait sentir ce manque, ce besoin croître alors qu'il se forçait à contempler le corps de la fée, ses formes attrayantes, sa sauvagerie latente, excitante...
Oui, il pouvait sentir le désir naître, croître. Anticiper le plaisir brut qui serait bientôt le sien. Il serait grand. Et plus il serait grand, plus la souffrance qui l'accompagnerait serait déchirante.
C'était là le prix à payer. Il avait choisi, devait assumer. Assumer complètement, afin de satisfaire l'une de celle qui jugerait si, oui on non, on lui rendrait Victor.
Pardon... songea-t-il, prière silencieuse à la rôdeuse absente.
Puis il cessa de penser. Nu, à présent, il s'approcha de la fée, forçant son âme à ne rien envisager d'autre que son corps... Il lui donnerait ce qu'elle voulait. Ne rechignerait pas.
Connaîtrait l'extase et les affres d'une douleur infinie, d'une énième trahison, nouvelle honte qui viendrait grossir le flot tumultueux de ses remords.
-Je suis à toi... murmura-t-il.

Et les sensations vinrent, enivrantes, déstabilisantes, plus viscérales, peut-être, que ce qu’il avait jamais vécu avec une femme elfe ou humaine. Car la fée-hérisson n’avait aucun tabou, aucune mesure, et son énergie semblait inépuisable. L’odeur qu’elle dégageait, la sueur que Taliesin goûta de sa langue sur sa peau, possédaient des vertus troublantes, qui aidèrent le barde à repousser ses dernières réticences, et à participer pleinement à leurs ébats. On eut pu les dire bestiaux, si la fée-hérisson n’avait été, dans sa frénésie, d’une douceur sans limites. Elle glissa la langue et ses doigts graciles dans les recoins les plus intimes de l’elfe, le caressa de ses cheveux, le titilla de ses seins fermes, lui demanda la pareille, jamais brutale, mais sur un ton fiévreux qui ne permettait aucune dérobade. Obéissant au départ, le barde finit par prendre des initiatives imprévues, à devenir de plus en plus audacieux, de plus en plus pressant, au plus grand plaisir de sa partenaire. Il jouit plus d’une fois. Elle grognait son extase en frémissant. Mais ni l’un ni l’autre ne semblait capable de mettre un terme à la danse de leurs corps. Ils s’inondèrent et s’épuisèrent, se frôlèrent et se griffèrent, jusqu’à ce que subitement, alors qu’il la pénétrait debout, l’arc-boutant contre un tronc, elle pousse un hurlement guttural au moment de l’orgasme, le repousse en arrière, l’agrippe par les épaules et le morde dans le cou, vive comme un serpent. Il sentit la douleur le percer de part en part, et comme un nuage, l’ensorcellement se dissipa, le laissant nu et épuisé au milieu de la clairière. Elle se blottit contre sa poitrine, haletante, posa deux doigts sur sa blessure, un peu de sang, quelque chose de très superficiel, en réalité, en dépit de ce qu’il avait ressenti.
« Ne pas se perdre. » souffla-t-elle. « Merci… »
Elle l’embrassa une dernière fois sur la poitrine et soupira d’aise. Mais cette fois, le contact parut visqueux à Taliesin, comme si on avait apposé une limace sur sa peau.
« Elle le saura. Immédiatement. Mais elle te pardonnera. » ajouta la fée-hérisson. « Merci. Je suis désolée. »
Une seconde plus tard, le hérisson avait repris sa forme animale et fuyait dans les feuilles mortes, l’abandonnant derrière lui.

La disparition de l'être fée, son retour subit à une forme animale fit monter la bile aux lèvres du barde. Il fut parcouru d'un brutal haut-le-cœur. s'affaissa contre un arbre, eut peine à reprendre haleine. L'extase avait reflué, n'était déjà plus qu'un vague souvenir, flou et trouble. Et la souffrance le remplaçait, inéluctable, brûlante.
Honte et désarroi. Peine et tristesse.
Il demeura immobile un moment. Se força à se redresser, à se rhabiller. Ne plus penser. Ne pas recommencer à le faire, du moins. Il avait agi comme il le devait. Porterait l'expérience comme un nouveau fardeau, délicieux et atroce. Avait fait, cependant, un nouveau pas vers le retour de Victor sous sa forme originelle.
C'était la seule chose qui comptait.
Elle saurait. Le pardonnerait.
Il aurait aimé le croire.
D'un pas lent, accablé par l'épuisement, il reprit la direction du val, tentant de rassembler les pans épars de son courage, de sa détermination. Il avait subi quatre épreuves. N'en restait plus que trois.
Peut-être les pires, qui sait... Bien qu'il ne puisse imaginer ce qui pourrait vraiment l'être.

Lorsqu'il parvint dans l'herbe du Val, réticent, la pénombre avait déjà commencé à envahir les montagnes. La journée s'était écoulée rapidement, il n'avait pas vu le temps passer dans les bras de la fée-hérisson, et il avait grand faim. Le sanglier, l'ours et le hibou demeuraient debout, là où il les avait laissés des heures auparavant, il en était maintenant persuadé. Aucune trace de Victor et de son cavalier-faon, aucune trace des animaux qui lui avaient déjà infligé leur épreuve. La mule broutait sous son arbre lointain, tranquille, indifférente.
" Il est crevé." grogna le Sanglier. " Je n'en veux pas maintenant."
" Je m'en occupe." répondit le hibou de sa voix flûtée, en prenant son envol.
C'était un oiseau énorme, aux yeux oranges perçants, et il plana quelques secondes, majestueux, avant de venir se percher sur l'avant-bras que le barde lui avait proposé par réflexe. Il était beaucoup plus léger qu'il ne l'aurait pensé.
" Où veux-tu aller, coeur saignant ? Rester dans le pré, retourner dans l'ombre ? Où seras-tu le plus en paix ?" demanda-t-il.

Songer au bois fit frissonner Taliesin. Celui-ci était désormais trop marqué de souvenirs pénibles, noyades de chatons et trahison charnelle, pour qu'il crût jamais pouvoir y retourner.
-Le pré, si cela vous convient... dit-il, reprenant, machinal quoi que sans guère de conviction, son ton tranquille et léger.
Si la rudesse des épreuves était exponentielle, il préférait ne pas imaginer ce que cela pourrait donner. Ni dans quel état il en ressortirait...

Le hibou le laissa se promener dans l'herbe, sans le guider ni lui parler, jusqu'à ce qu'ils trouvent un endroit abrité des regards, non loin de l'onde, au milieu des fleurs qui petit à petit repliaient leur corolle comme la lumière s'effaçait. Là, l'oiseau sauta de son bras et se posa sur le sol, avant de l'inviter à s'asseoir.
" Je vais vous demander des choses simples, qui vont vous paraître anodines, mais qui ne le sont pas. Vous les trouverez peut-être triviales au départ, mais vous réaliserez que rien ne l'est jamais, quand on partage, et qu'on cède, la connaissance."
Il s'ébouriffa, puis ulula d'une voix rauque.
" Je vais vous prendre une part de vous-même. Une part infime, mais une part tout de même. Je vais vous laisser choisir la part que je prendrai, mais je vous imposerai sa force."
Il plongea ses yeux oranges dans ceux de l'elfe, les capturant.
" Vous allez me raconter deux souvenirs. Je les prendrai. Vous les oublierez à jamais. Ils seront arrachés à votre mémoire, feront partie de la mienne, et jamais... jamais vous ne les retrouverez. Même si quelqu'un vous les raconte, vous serez incapable de les retrouver, de ressentir quoi que ce soit. Vous êtes prévenu."
Il s'installa, assis comme un oiseau qui couve.
" Je veux un souvenir triste et douloureux, un souvenir qui aujourd'hui encore, vous mène les larmes aux yeux. N'essayez pas de me raconter quelque chose de mièvre, sans valeur, sans importance, je le saurai tout de suite. Vous ne devez pas me raconter votre souvenir le plus triste, mais le second, peut-être le troisième. Racontez-le moi. Racontez-le vous. Ce sera la dernière fois qu'il vous hante. La toute dernière fois. Mais ne pensez pas qu'en me le racontant, vous vous en débarrassez. Oublier est parfois plus douloureux que se remémorer."

Trop épuisé pour tergiverser, Taliesin se plongea aussitôt dans ses souvenirs. Le premier qui lui vint fut naturellement celui de cette nuit sans nom, chez les Kanter. Mais il ne s'arrêta pas dessus. Cette atrocité faisait partie de sa vie, désormais. Et plus que triste, elle était révoltante, effroyable. S'il l'oubliait, il ne comprendrait plus pourquoi il devait affronter tant de souffrances, pourquoi il était un paria pourchassé... Pourquoi les siens devaient souffrir à cause de lui.
D'autres lui vinrent, légion, comme si sa vie n'était qu'une longue route de tristesse sans trêve. La mort de ses parents adoptifs. Le départ d'Hafgan. Le trépas d'Albus, dans le désert du Basilic. Là encore, il n'était pas certain de vouloir oublier...
Il crut enfin avoir trouvé le bon. Réfléchit un moment, désireux de ne pas tromper le hibou. Puis, vaguement convaincu, il se lança.
-C'était il y a deux ou trois ans, je ne sais plus exactement. Sur Dorrandin. A Mélandis, exactement. Je m'y étais rendu pour retrouver la trace des derniers survivants de mon peuple. Je savais que certain avaient été capturés, emmenés dans la cité du Chaos... J'ai donc tout naturellement commencé par m'intéresser aux esclaves. Je me suis rendu au cirque, et j'y ai découvert un elfe gladiateur. Il était de ma race, pas de mon peuple, mais je songeais qu'il pourrait peut-être me donner d'importantes informations. Et, même si ce n'était pas le cas, le libérer serait un acte vertueux... Je me suis renseigné sur son propriétaire. Il s'est avéré que c'était le Chancelier Mornagest. J'ai pu rencontrer celui-ci... Et il paraissait disposé à me céder son esclave. Nous nous sommes rendus au cirque, j'étais certain que, bientôt, l'elfe serait libre, mais le Chancelier...
Il s'interrompit. Fatigué comme il l'était, il avait les nerfs a fleur de peau, les émotions, brutes, menaçaient de le déborder. Il prit une profonde inspiration, tenta de garder contenance. Ne fut pas certain d'y parvenir bien longtemps.
-Il a voulu que je le tue. Sous ses yeux. Pour se divertir, s'assurer, aussi, peut-être, que je n'étais pas un traître... J'ai tenté de négocier, il n'a rien voulu savoir. Alors... J'ai fait ce qu'il voulait. Pour ne pas être démasqué. Pour ne pas perdre tout espoir de retrouver les miens, pour ne pas faillir à la mission que m'avait donné mon maître, la tâche qui était la sienne avant qu'il ne me la transmette.. J'ai tué le gladiateur. De sang froid. Aujourd'hui encore, je revois le regard qu'il ma jeté, tandis que je plongeais ma lame...
Il se tut. Se détourna. Il se sentait incapable d'ajouter le moindre mot.

Le hibou le regarda droit dans ses yeux embués, puis lui tendit une aile.
" Prends une plume, coeur qui saigne." dit-il.
Taliesin lui arracha une plume et soudain, plus aucune trace de ce qu'il venait de dire se subsista dans son esprit. Il était toujours accablé, les larmes étaient toujours humides sur son visage, mais il réalisa qu'il n'avait aucune idée de pourquoi, ce qui tua rapidement l'émotion. Il savait qu'il avait livré un souvenir triste, mais lequel... Celui-ci n'existait plus que dans la mémoire du hibou.
" Donne-moi un souvenir heureux, à présent. Un souvenir de rire, de joie. Un souvenir qui embaume et illumine. Là encore, n'essaie pas de me refiler de la camelote, ni le dixième ou le centième. Je veux l'un des plus heureux. Tu peux garder le plus heureux. Mais le suivant ou le troisième... A toi de voir. Il est à moi."

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Les Rocheuses du Dragon

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Re : Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Re : Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.