La Couronne de Cuivre

Lothringen n'eut le temps que de pousser son compagnon derrière un buisson épais, en bordure de la rivière. En cet endroit la terre trop meuble était un peu glissante, et d' après ce qu'il avait pu en voir les elfes garderaient un peu plus de distances avec le bord

"Ils arrivent", chuchota-t-il.

Ils s'accroupirent en silence. Lothringen se cramponnait aux branches du buisson, de crainte de glisser en arrière, et serrait les dents. Il pouvait arriver tout et n'importe quoi, une chute arrière comme une effluve humaine effleurant entre deux relents de pourriture végétale l'odorat trop sensible de ses cousins de la surface... Une fois que les elfes les auraient dépassés, ça irait mieux.

Peu après, le groupe arriva. Ils étaient là tous les sept, marchant rapidement, silencieusement, et avec circonspection. Être méfiant dans ce genre de cas n'était guère surprenant... se livrer à de la contrebande incitait à la prudence. Néanmoins, ils passèrent à faible distance du buisson derrière lequel les aventuriers s'étaient cachés, sans pour autant remarquer quoi que ce fût d'anormal.

Quelques instant plus tard, la voie était libre... ils respirèrent alors, et se redressèrent.

"Sept...", chuchota Mornagest. "On ne peut pas les assaillir comme ça. Et si c'étaient mes agresseurs, ils n'ont rien de pacifique..."

"Tu ne les as pas reconnus ?... Enfin, quoi qu'il en soit, les gens qui font ce genre d'achats n'ont pas grand chose de pacifique."

Il s'étirait comme pour chasser une courbature naissante au bas du dos.

"Si nous découvrons l'emplacement de leur campement, nous pourrons prévenir les humains des alentours... Si j'ai bien écouté le bourgmestre d'Aigues-Douces, il y a déjà une troupe de paladins et de rôdeurs à leur recherche."

Le semi-drow se tourna vers Mornagest.

"Je ne vois pas quoi faire d'autre. Et toi ? En tout cas, il faut nous décider rapidement..."

Rien ne prouvait en effet que les elfes continueraient de descendre le cours d'eau : ils seraient difficiles à suivre.

Il avoua piteusement que non.

"Je ne les ai pas bien vu, là. Et rien ne dit qu'ils étaient tous présents. Vu le nombre d'armes qu'ils avaient à récupérer, il est possible que ce soit en réalité toute une troupe d'elfes que nous traquions..."

Il retira distraitement quelques feuilles qui s'étaient accrochés à sa tunique, puis poursuivit :

"Soit nous les suivons afin de savoir où ils se cachent, soit nous prévenons le bourgmestre... mais ne restons pas ici, cela ne sert à rien. Je pense que le bourgmestre serait satisfait de connaître l'emplacement de leur campement... plutôt qu'une vague indication sur leur position."

"Soit. Alors suivons-les."

Il y avait fort à parier qu'ils ne coucheraient pas dans un bon lit ce soir, mais Lothringen garda cette réflexion pour lui. Les elfes se déplaçaient rapidement, et le seul temps de cette petite discussion avait suffi à mettre entre eux et leurs "pisteurs" près de deux cents pas.

Les deux guerriers se remirent en route, prenant la direction suivie par le petit groupe d'elfes au moment où il les avait dépassés, longeant la rivière. Mieux vaudrait ne plus les perdre de vue ; les seules traces de pas, trop légères, ne suffiraient sans doute pas pour les retrouver.

Ils ne discutaient plus, attentifs à ménager leur souffle. Lothringen avait inconsciemment allongé la foulée et quelques souvenirs lui revenaient en mémoire, comme celui de ces elfes du Téthyr qui l'avaient traqué peu après sa sortie d'Ombreterre... La forêt était leur territoire, et quand ils étaient dans les parages, il s'en défiait. D'une manière générale, il n'appréciait pas cette race arrogante, intolérante et décadente, qui croulait sous son héritage... Parmi les sang-purs, il avait rencontré peu d'exceptions.

La trotte fut longue et pénible. Ils devaient user de mille précautions afin de ne pas attirer l'attention des elfes qu'ils poursuivaient, mais devaient cependant se hâter pour soutenir le rythme de leur marche. Heureusement, ils marchaient sous couvert de la forêt, et il y faisait nettement moins chaud que sous le soleil.

Après plus d'une heure de marche rapide, ils s'aperçurent que la troupe s'était arrêtée. Où se trouvaient-ils ? Nul moyen de le savoir exactement ; ils avaient dévié du fil de la rivière depuis un bon moment, déjà.

Lothringen entrevit une tente, au loin. Le campement. Impossible cependant de voir combien ils étaient ; on n'entendait plus qu'à peine leurs mouvements, et ils parlaient à voix basse.

Ils prirent le temps de reprendre leur souffle, trop heureux du répit.

"Est-ce le campement du gros de la troupe ou un simple avant-poste ? murmura Lothringen à l'attention de son compagnon. Quoi qu'il en soit, ils avaient décidé tout à l'heure que les humains qui devaient les livrer avaient trop de retard et qu'ils avaient dû les trahir : je ne serais pas étonné de les voir lever le camp comme ils l'ont fait après que tu les as "surpris"... Attendons un peu."

La pause était bienvenue. Le rythme de ces elfes était un tantinet trop intense pour qui n'avait pas comme eux l'habitude de progresser rapidement en milieu forestier...

"Est-ce que ta jambe tient le coup ?"

"Un peu de fatigue, mais rien de grave", le rassura-t-il aussitôt. Il se remettait bien. Il en serait quitte pour une bonne cicatrice à l'endroit de l'ouverture de la fracture...

Quelques voix s'élevaient du campement, maintenant. Les autres elfes venaient probablement d'être mis au courant de l'échec de la transaction, et ils semblaient courroucés. Mieux valait ne pas tomber entre leurs griffes.

À l'ouïe, les aventuriers jugèrent que les elfes devaient être une vingtaine, dans le campement. Pas encore de quoi composer la troupe complète que Mornagest avait imaginé, mais c'était déjà un bon nombre pour effectuer des raids dans les environs. À quelles fins ? Les elfes étaient parfois tellement fanatiques...

Ils s'étaient concentrés sur l'activité, un peu plus loin devant eux, et n'entendirent que trop tard la menace venue par derrière. Deux archers elfes se tenaient derrière eux, flèches pointées dans leur dos. Un troisième dégaina, tout en hélant les deux espions.

"Fini de rire, misérables. Retournez-vous, et pas d'embrouille, sans quoi, vous êtes morts."

S'il avait été seul, Lothringen aurait probablement tenté n'importe quoi plutôt que de tomber, lui elfe noir, entre les mains d'une troupe d'elfes de lumière fanatiques. Cela allait de la fameuse incantation qui-va-plus-vite que-les-flèches au roulé-boulé dans quelque direction inattendue, tout en passant, évidemment, par une savante combinatoire des deux... Mais la présence de Mornagest le forçait à limiter sa prise de risque. Ces enragés n'hésiteraient certainement pas à détendre leurs cordes... Il fit donc ce qu'on lui demandait en se retournant avec lenteur, avant de dévisager en silence les trois elfes qui leur faisaient face. Depuis combien de temps étaient-ils là...

L'autre cracha, dédaigneux :

"Pfeuh... un drow et un humain ! Ça ne m'étonne même pas... cependant, qu'espériez-vous faire ici ? Nous assaillir ? Nous espionner ? Ah !"

L'arrogance était un trait courant chez les elfes du soleil, mais celui-ci semblait au-dessus de la moyenne de sa race. Un bon point, cependant : il ne paraissait pas vouloir les tuer immédiatement. Peut-être, sans doute même, d'abord les interroger...

"Allons, avancez", fit-il en désignant le campement, plus loin. "Et pas d'entourloupe. Mes hommes sont d'excellents archers, ils ne vous rateraient pas."

N'ayant guère d'autre choix que d'obéir, les deux malchanceux se dirigèrent vers les tentes, et se retrouvèrent rapidement au beau milieu d'une bonne vingtaine d'elfes, de toutes origines, à l'aspect plutôt menaçant. Tout espoir de fuite était à bannir, pour l'instant. Nulle issue...

"Ces misérables nous espionnaient probablement. Pour qui ? Nous n'allons pas tarder à le savoir..." l'elfe se tourna vers Lothringen, et, après une moue écœurée, l'interrogea : "Que faisiez-vous là ? Qui vous envoie ? Et que fais-tu là, sinistre bête des profondeurs ?"

Le regard de Lothringen lança un éclair de colère. L'humilité n'avait jamais été son fort, et la tentation était très forte de ne répondre à l'arrogance que par l'amour-propre.

"Nous ne sommes pas d'ici... radieuse beauté des altitudes. Aventuriers en voyage, nous avons appris dans quelle ambiance vivait la région et nous avons voulu mener notre propre enquête. Nous vous suivions. Personne ne nous envoie."

Le semi-drow n'avait pas trouvé le temps d'élaborer un mensonge crédible susceptible de les tirer d'affaire. Il y avait peu de chances qu'on le croie, de toute manière, mais il jugeait inutile de faire retomber leur échec sur la population d'Aigues-Douces...

L'elfe resta silencieux, mais une autre accusa directement :

"Mensonge ! Nous savons qu'un groupe de guerriers nous traque depuis des jours. Vous avez été envoyés par eux, j'en suis presque certaine. Que feriez-vous ici de votre propre chef, si vous n'êtes pas d'ici ? Qu'auriez-vous à gagner à vous frotter à nous ?"

Mornagest grogna.

"Rien de bon, apparemment. Sommes-nous tombé au beau milieu de truands qui assassineraient à vue deux voyageurs simplement curieux ?
- Curieux ! Des espions, oui !
- Du calme, Lena. Savez-vous, "curieux", dans quoi vous vous êtes engagés ? Que pensiez-vous trouver ici ? Des elfes préparant quelque assaut contre de malheureux humains sans défense, c'est ce qu'on vous a seriné ?"

Intrigué, Lothringen reporta son attention sur l'elfe qui avait parlé en dernier.

"On nous a dit que vous étiez une cellule d'Eldreth Veluuthra. Et, vu votre arsenal, votre mixité raciale et votre mépris des humains, ça ne paraissait pas tout à fait absurde..."

Le bourgmestre d'Aigues-Douces aurait-il menti ? Alors que tout ce qu'ils avaient appris avant et après cette entrevue n'avait fait que confirmer ses dires ? Le semi-drow était curieux d'entendre l'autre version.

"Quant au fait que nous soyons des espions à la solde de ceux qui vous traquent..." Il désigna de la main le costume qu'il portait, sa cape d'un bleu sombre et ses vêtements tout aussi bleus qui se dessinaient si nettement dans la verdure. "... Vous trouvez vraiment que j'ai la tenue d'un éclaireur ?"

"Et pourquoi pas une simple ruse ? Vous, les drows, êtes si retors...
- Nous n'agissons pas ainsi par pure cruauté, ou pour affirmer notre supériorité, contrairement à ce que vous laissez entendre, drow. Notre survie est en jeu, ici."

Un bref silence s'installa, pendant lequel Lothringen et Mornagest eurent l'occasion de se poser plusieurs questions quant à leur réelle motivation. Les elfes se chargèrent de leur éviter des spéculations trop farfelues.

"Ces... paladins, comme vous les appelez, nous traquent et veulent notre mort, simplement parce que nous sommes des elfes", commença l'un d'eux.
"Nous nous sommes alliés par nécessité, et non par envie. À plusieurs, nous sommes plus forts. Mais nous n'avons guère l'équipement nécessaire pour vaincre.
- Nous attendions un groupe de malfrats... humains... qui devait nous livrer des armes de guerre. Car... nous sommes en guerre contre ces paladins.
- Mais ils ne sont pas venus. Et nous voici démunis, avec nos simples arcs, contre les cuirasses et les boucliers en acier de ces brutes."

Un nouveau silence s'installa. Visiblement, les deux versions des faits étaient opposées, comme on pouvait s'y attendre. La question était : qui croire ?

Lothringen avait beau être très au fait du caractère souvent borné des paladins, il avait beaucoup de peine à s'imaginer ces derniers traquant des elfes de lumière en plein territoire luménien. Des drows, oui, mais des elfes... alors que la moitié des Royaumes tombait en extase devant leur grâce et leur sagesse, et que tout le monde savait leur panthéon bénéfique ?

D'un autre côté, les elfes n'avaient pas vraiment de raisons de leur mentir, alors que les deux aventuriers se trouvaient à leur merci... Ils insistaient un peu trop sur leur problème d'armes, mais... s'ils avaient appris le rôle des deux intrus dans le retard de livraison, alors ils n'auraient pas eu besoin de leur aide pour la retrouver.

Le semi-drow brassait tout cela. Il y avait des moyens d'en avoir le cœur net.

"Avez-vous un prêtre parmi vous ? S'il pouvait lancer une détection du mal... cela m'ôterait un doute."

La requête surprit les elfes, qui avaient naturellement imaginé que Lothringen était lui-même un suivant du mal. Comment aurait-il pu en être autrement ? Un elfe noir... ! Aussi, décontenancés, ils acceptèrent sans vraiment y réfléchir, la demande du semi-drow. Il y avait quelques druides dans la troupe d'elfes, mais un prêtre de Sylvanus se trouvait également présent. Il s'exécuta rapidement.

Prêtre de Sylvanus ---> détection des alignements

Contre toute attente, Lothringen conserva son apparence après que le sort fut jeté. Il en fut de même pour l'ensemble des elfes. En revanche, le mélandien émit brièvement une lueur rougeâtre pendant quelques instants, puis elle se dissipa rapidement, sous l'œil stupéfait de l'assemblée présente.

"Que signifie ??", s'étrangla une des elfes.

Lothringen avait assisté au phénomène avec la même expression médusée que les elfes. Tout à ses soupçons sur ces derniers, il n'avait pas songé aux conséquences que pourrait avoir le sortilège sur son compagnon. Voilà qui n'allait pas l'aider à gagner leur confiance... Mais ce n'était pas à cela qu'il songeait.

Hé bien, que t'arrive-t-il ? A quoi t'attendais-tu ? Tu le savais depuis toujours – avant même de le rencontrer – tu le savais depuis que Melandis t'avait annoncé la venue d'un ambassadeur. Tu avais seulement fermé les yeux, te lovant dans les doutes, niant de toutes tes forces... Tu ne le pourras plus.

A la remarque de l'elfe, le semi-drow secoua la tête, comme pour s'arracher à une fascination morbide.

"Mon compagnon... s'est aigri, et il est comme il est. Ça n'a pas d'importance. Vous avez bien pu voir que je ne raisonne pas comme lui, et moi, vous m'avez convaincu. Nous pouvons... vous être utiles. C'est à tort que vous accusez les contrebandiers de vous avoir trahis : ils ont seulement été retardés. S'ils ont renoncé à vous livrer, il y a des chances pour que leurs caisses soient toujours à l'endroit où ils les avaient entreposées. Nous connaissons cet endroit."

Il soupira. Son regard s'était fixé sur une touffe de pissenlit et n'en décollait plus.

"Evidemment, vous allez me soupçonner de vouloir vous tendre un piège. Mais rien ne vous empêche de prendre vos précautions."

Il connaissait à l'avance le résultat du sortilège, sur lui-même. Finalement, ce n'était que la confirmation de ce qu'il ressentait au fond de lui depuis son enfance... la haine, qui ressurgissait d'ailleurs fréquemment, quoique moins souvent ces derniers temps. L'influence de Lothringen ?

Il comprenait les propos de son compagnon, mais ils le blessaient malgré lui. Il se sentait exclus, comme un étranger... mais il n'eut guère le temps d'y réfléchir davantage ; les elfes négociaient à présent, non sans s'être étonnés des effets de la détection.

"Un drow bon ? Es-tu le successeur de Drizzt ? Décidément, on rencontre des choses étonnantes, sur ce continent...
- Tu parles de précautions ? Nous devrions vous tuer, tous deux. Ce serait une sage...
- Silence. Ils ont une chance de nous montrer de quel camp ils se revendiquent. Laissons-la leur." Il se tourna vers les deux aventuriers, puis poursuivit : "Indiquez-nous le chemin. Nous voyagerons cette nuit, cependant. Nous savons que la cache ne se trouve pas près d'ici, et les paladins rôdent."

L'après-midi était déjà bien avancée. Le trajet serait long, et voyager furtivement prendrait du temps... mais ils n'avaient pas vraiment le choix. Le mélandien hocha simplement la tête en guise d'assentiment.

"Cette cache se trouve sur la côte. La première direction à prendre sera un azimuth plein ouest. Pour la suite, nous aurons aussi vite fait de vous guider..."

Lothringen demeurait volontairement dans le vague, parce qu'un vieux fond d'instinct de survie lui disait de ne jamais en dire plus que nécessaire, lorsque de vos informations dépendait plus ou moins votre avenir.

Il songeait qu'ils allaient donc devoir demeurer dans ce campement jusqu'à la nuit, et la perspective ne l'enchantait guère. N'ayant apparemment rien de mieux à faire, le semi-drow s'assit sur une bûche, au beau milieu du camp, espérant que le cercle des elfes allait bientôt se briser pour retourner vaquer à ses occupations, parce que c'était un peu stressant de voir autant de flèches en permanence ciblées sur vous.

Se murant dans le silence, il commença à laisser son esprit vagabonder d'une idée à une autre... Il évitait de regarder Mornagest.

Le groupe d'elfe se dispersa effectivement, non sans laisser une bonne surveillance auprès des deux intrus. Ils leur avaient tout de même laissé leurs armes, ce qui semblait être un gage de bonne foi de leur part... tout comme le sortilège.

Mornagest était resté morose après cette détection. Non pour le résultat, en tant que tel... il se connaissait suffisamment pour ne pas être surpris. Mais Lothringen avait assisté à cela et... comment le prendrait-il ? Impossible de le savoir tant qu'ils étaient ainsi accompagnés. Et le semi-drow paraissait vouloir éviter même de regarder dans sa direction.

Le temps parut très long, même s'il ne fallut que trois heures pour que l'obscurité fût suffisante aux yeux des elfes, afin de leur garantir la furtivité qu'ils cherchaient.

"Mettons-nous en route. Et pas de faux-pas", rappela un d'entre eux.

Ils étaient neuf à partir, en comptant Lothringen et Mornagest. Ils prirent directement la direction de la mer, marchant à vive allure, tout en restant presque totalement silencieux. Le bruit que faisait le mélandien lorsqu'il marchait semblait agacer les elfes, qui grognaient de temps en temps et faisaient des remarques en elfique quant à la lourdeur du guerrier. Le trajet fut pénible pour lui, car il était le seul à n'y voir que très peu devant lui. Guidé peu ou prou par son compagnon, il tâtonnait souvent de la main pour s'assurer qu'il n'était pas sur le point de rencontrer une branche ou un tronc d'arbre de trop près.

Au bout d'une bonne heure, ils arrivèrent le long de la falaise.

"Alors ?" interrogea une elfe. "Vers le couchant, dites-vous ?" Lothringen opina du chef. Ils se remirent en route, suivant le sentier côtier rocailleux et quelque peu délicat en pleine nuit. Heureusement, ou pas, la lune diffusait une faible et pâle lueur sur l'eau et la roche, ce qui permettait à Mornagest de mieux y voir.

Ils marchèrent un peu avant d'arriver à l'embouchure de la rivière qu'ils avaient remonté, quelques heures auparavant. Cela paraissait si lointain, brusquement... La traversée fut facile, mais humide. Les elfes avaient de l'eau jusqu'à la poitrine, et c'était juste assez pour éviter de passer la tête sous l'eau, par endroit. Mouillés, ils n'en avançaient pas moins rapidement, et le trajet reprit à bon rythme, pour enfin atteindre, bien plus tard, la crique où les deux aventuriers avaient surpris les "contrebandiers".

Un temps, Lothringen avait craint de ne pas réussir à retrouver l'endroit. Mais il se souvenait de cet à-pic, et, du haut de la falaise, on apercevait bien l'ouverture de la grotte : ils y étaient. Seuls le ressac et le léger bruissement des feuilles perturbaient le silence.

"Voilà, c'était ici, souffla-t-il à l'attention des elfes. Il y avait là, hier, quatre caisses entreposées, trois d'armes, une de denrées précieuses... On peut espérer qu'elles y sont encore, mais ce n'est pas certain. Il y a peut-être du monde pour les garder, d'ailleurs... Comment souhaitez-vous procéder ?"

Le semi-drow préférait s'en remettre à leur compagnie forcée. Il aurait eu ses propres solutions, bien sûr, mais il ne se sentait pas tout à fait libre de ses mouvements.

Les elfes examinaient l'accès vers la plage. Un peu d'agilité leur permettrait d'y accéder sans trop de soucis. En revanche, si les humains étaient resté pour garder la marchandise, ils devraient peut-être se méfier d'eux... peut-être se retourneraient-ils contre eux.

"Je peux me lancer quelques sortilèges pour me dissimuler. Je partirai en éclaireur", déclara l'un des elfes. Ayant reçu l'accord de ses camarades de route, il s'exécuta et disparut aussitôt. Sans un bruit, l'elfe se mouvait et descendait prudemment mais habilement le chemin qu'ils avaient emprunté, la veille seulement.

Un petit moment plus tard, il était en bas, et inspectait les alentours. Il trouva rapidement la grotte, et constata qu'elle était belle et bien vide d'occupants. Les caisses étaient présentes, en revanche. Les contrebandiers n'avaient probablement pas eu de quoi les sortir de là, faute de barque... ils avaient peut-être fui sans demander leur reste ?

L'elfe ressortit et fit alors signe au reste du groupe de venir le rejoindre, ce qu'ils firent aussitôt. Bientôt, tout le monde était sur la plage.

"Pourquoi autant de caisses, par contre ?" demanda soudain une jeune elfe. "Nous n'avions pas besoin de tant de matériel... qu'y a-t-il là-dedans ?"

Lothringen se retourna vers elle, stupéfait.

"Trois des caisses renferment des armes de trait ou de combat rapproché ; la dernière, des produits précieux hétéroclites. Sans doute le fruit d'un pillage, pour être aussi divers... Il y a là de quoi équiper une petite cinquantaine de personnes, je crois. Vous voulez dire que vous n'êtes pas leurs seuls clients ? Nous ne savons rien de plus."

Et après tout, rien n'empêchait ces trafiquants de fournir en même temps plusieurs groupes dans la région. Peut-être étaient-ils même les fournisseurs des paladins, sait-on jamais ! Cela ne ressemblait pas vraiment aux procédés ordinaires des paladins, mais la traque anti-elfe non plus...

Elle écarquilla les yeux.

"Trois caisses complètes ? Nous n'avons pas besoin de tout cela... Nous ne sommes pas nombreux, et nous privilégions la mobilité à l'armement.
- Quant à ces produits... l'argent nous est inutile, ici. C'est de survie, dont nous parlons, pas de flibuste. Il semblerait que nos fournisseurs ne travaillaient pas exclusivement pour nous..." Il s'interrompit et tendit l'oreille. "J'entends du bruit !" Trop tard : une troupe d'hommes en armure avait pris position sur la plage, et s'approchait de la grotte. L'un d'eux prit la parole :
"Au nom de Tyr, je vous déclare hors-la-loi et coupable de pillage sur la côte hélonnienne ! La sentence de mort ayant été prononcée contre vous, nous ne ferons pas de quartier !"

La bataille semblait inévitable. Mornagest était prêt à dégainer, doutant qu'une issue pacifique puisse être trouvée. N'empêche, ils devaient être une bonne douzaine...

Lothringen n'était pas réellement dans d'excellentes dispositions pour jouer les négociateurs. D'abord parce que cela faisait déjà la seconde fois en deux jours qu'il se faisait surprendre sur cette crique, et que cette fois-ci, il était effaré que personne parmi les elfes n'ait entendu une douzaine d'armures complètes cliqueter en dévalant l'à pic.

Ensuite parce que les propos de ce paladin n'avaient aucun sens. La sentence de mort, il venait de la prononcer devant ce qui ressemblait à un flagrant délit. Sauf que... Que faisaient-ils sur cette crique, eux-mêmes ? Les elfes étaient doués pour la dissimulation en milieu forestier : Lothringen ne croyait pas vraiment que des paladins aient pu les suivre sans être repérés. Ce qui ne laissait qu'une seule autre explication...

"Ne salissez pas le nom de Tyr avec vos sentences sans procès : nous sommes venus chercher ces caisses, nous ne les y avons pas apportées. Expliquez-nous plutôt ce que vous faites sur cette crique vous-mêmes, à cette heure de la nuit..."

Ses mains s'étaient posées sur les manches de ses haches, ouvrant les gaines. Lui non plus ne croyait pas trop à la possibilité d'une issue pacifique...

Sans se laisser déstabiliser, l'homme répliqua :

"Nous traquons ces criminels depuis des semaines, drow. Et si vous ne voulez pas vous retrouver mêlé à tout ceci, vous feriez bien d'oublier ce que vous avez vu ici... et vous en aller tant qu'il est encore temps. Cela ne vous concerne en rien."

Les hommes en armure portaient tous un bouclier et une lourde plommée. Guère de quoi rivaliser en terme d'agilité face aux elfes, mais ils étaient plus nombreux, et probablement robustes. Un assaut à l'arc serait fatal au bout du compte.

Mornagest nota soudain qu'il ne retrouvait pas le symbole de Tyr sur l'équipement de ces hommes. De faux paladins ? Des mercenaires ? Des extrémistes qui souhaitaient simplement se défouler sur une bande d'elfes ? Cela rendrait d'autant plus difficiles les négociations... quant à l'idée de s'en aller sans réagir, il doutait que Lothringen se laissât commander de la sorte.

Lothringen n'avait pas vraiment de raison de prendre fait et cause pour les elfes, sinon que les abandonner maintenant revenait à les livrer à une mort certaine - mais le discours de ces paladins n'était pas plus net que leur dévotion à Tyr. Même leur offre de le laisser partir lui paraissait suspecte : il avait l'impression que de vrais paladins auraient été trop heureux de massacrer un drow a priori maléfique. Même si cela devait leur coûter un combat plus équilibré et de plus lourdes pertes...

Il commençait à se demander si ce n'étaient pas eux, les pillards. Et accessoirement, les seconds clients des contrebandiers.

Décidé à en avoir le cœur net, il reprit :

"Vous êtes sûrs ? Vous êtes sûrs que le contenu des caisses derrière moi ne vous intéresse pas davantage que les quelques elfes qui sont devant ? Je suis mage, vous savez, et ces armes ne sont pas magiques. Avant que vous n'en ayez fini avec moi, un peu de feu magique- et pfuit ! La majeure partie sera inutilisable. Les elfes n'avaient besoin que d'une caisse d'armes, au plus. Les trois autres n'étaient-elles pas pour vous ?"

Les hommes commençaient à trépigner. Leur envie d'en découdre était palpable, et, n'eut été l'autorité de leur meneur, c'eut été chose faite dès à présent. Aussi, le discours de Lothringen les agaça plus qu'autre chose, d'autant qu'il avait vu juste...

"Morbleu ! Tu n'auras pas le temps de lancer tes maudits sorts, pourriture drow ! Meurs, avec tes chiens de cousins !"

L'assaut fut lancé. Les elfes encochèrent rapidement une flèche, visant méthodiquement leur adversaire le plus proche... à quelques mètres seulement. Ils avaient intérêt à viser juste, car ils n'auraient pas de seconde chance. La plupart n'avaient même pas de dague pour un combat rapproché.

Mornagest avait déjà dégainé, et il attendait de pied ferme le premier de ces messieurs qui daignerait s'approcher de lui, les deux mains tenant fermement son immense lame.

Les "paladins", enfin, chargeait, masse d'arme levée, bouclier prêt à parer les premiers coups. L'issue était aussi incertaine que sanglante.

Lothringen avait réprimé un haussement d'épaules. Ils préféraient un bain de sang que de partir simplement avec leurs caisses, soit...

Lothringen = = > rapidité = = > les elfes et Mornagest

"N'oubliez pas qu'il y a des épées dans cette caisse !" ajouta-t-il en désignant l'une des caisses d'armement. Manquerait plus que de combattre avec un cure-dent quand on a un tel arsenal à côté de soi.

Et il sortit ses haches, non sans s'être lancé un sort d'image miroir. Ça ne se présentait pas très bien. Est-ce qu'il aurait pu éviter ça ? Trop tard pour y penser, de toute façon.

Leur dextérité naturelle était maintenant améliorée par le sortilège de Lothringen, ce qui leur permit d'expédier leurs projectiles avant de se précipiter sur la première caisse et se saisir des épées qu'ils convoitaient auparavant. L'avantage des humains était déjà moins certain, d'autant qu'ils étaient gênés dans leurs mouvements avec leurs lourdes plates.

Les flèches ne firent pas toutes mouche, mais deux hommes s'arrêtèrent dans leur course, touchés, l'un au bras, l'autre à la poitrine. Blessés ou mortellement touchés, ils étaient de toute façon hors de combat, ce qui ramenait les combattants à nombre presque égal.

Le mélandien se chargeait du guerrier le plus proche. Il disposait d'une allonge avantageuse par rapport à la masse d'arme de son adversaire, et sa célérité temporaire lui permettrait d'esquiver plus aisément les coups... les passes furent donc brèves. Mornagest écarta d'une fente un assaut de son adversaire, puis il porta un coup puissant et fatal... l'autre s'écroula, mort avant de toucher le sable sec.

De leur côté, les elfes bataillaient ferme. Les humains avaient compris qu'ils devaient combattre à deux contre un pour avoir une chance de porter un coup à leurs ennemis ; aussi, trois des elfes étaient déjà au sol, pris en tenaille par ces vicieux reîtres aux motivations toujours obscures. Leur état de santé ne laissait aucun doute : chacun avait l'arrière du crâne défoncé par un coup de plommée bien placé.

Mais les elfes résistaient, et leurs coups rapides et bien ajustés mirent plusieurs humains au tapis. Leur nombre était désormais réduit de moitié, et le meneur venait de choir également.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] À Aigues-Douces (RP : l'inattendu)

Rp : l’inattendu

RP : l'inattendu

Rp : l’inattendu

RP : l'inattendu

Rp : l’inattendu

RP : l'inattendu

Rp : l’inattendu

RP : l'inattendu

Rp : l’inattendu

RP : l'inattendu

Rp : l’inattendu

RP : l'inattendu

Rp : l’inattendu

RP : l'inattendu

Rp : l’inattendu

RP : l'inattendu

Rp : l’inattendu

RP : l'inattendu

Rp : l’inattendu

RP : l'inattendu

Rp : l’inattendu

RP : l'inattendu

Rp : l’inattendu

RP : l'inattendu

Rp : l’inattendu

RP : l'inattendu

Rp : l’inattendu

RP : l'inattendu

Rp : l’inattendu

RP : l'inattendu