[Quête : Le Poing Levé] Dernek

[Lothringen]

Mission réussie : Corwin sursauta si bien qu'il décolla du sol, les cheveux dressés sur la tête. Et quand il se retourna, il n'était pas de bonne humeur. Il força même peut-être un peu son ton bougon, sachant que l'on n'en attendait pas moins de lui.

« Ah, franchement, c'est malin ça... c'est malin... Enfin faut avouer que c'est pas mal, ce camouflage... Partez donc espionner les troncs d'arbre, jeune casse cou ! Vous n'aurez qu'à revenir régulièrement vers nous pour nous dire de combien nous pouvons avancer. »

Il regarda Brus s'éloigner avec une certaine appréhension. A vrai dire, il n'appréciait pas, mais alors pas du tout la tournure que prenaient les événements. Il y avait trois roublards dans ce groupe, et Althéa et Oriane ne voyaient absolument pas ce qu'il y avait d'inconvenant à envoyer un enfant prendre les risques à leur place. Un gamin qui n'aurait même pas dû se trouver là, d'ailleurs. Enfin, il ne voulait pas créer de tension dans le groupe, alors il se tairait. C'est ça, vieux fou, silence. Humpf.

Brus poursuivit son travail d'éclaireur consciencieusement, durant plus d'une heure. Il avançait, ne voyait rien, revenait dire que la voie était libre, repassait dans les ombres, puis recommençait. Le groupe était devenue bien silencieux, sentant que le danger, d'une manière ou d'une autre, approchait. La forêt du Bosquet commençait à leur peser sur les épaules. De plusieurs millénaires, au jugé.

Pendant longtemps, donc, il ne se passa rien. On aurait dit qu'ils s'étaient tout à fait trompés, que leurs mystérieux ennemis n'avaient absolument pas choisi cette direction, et que la route ne menait nulle part. Puis Brus l'éclaireur remarqua deux choses. D'abord, au loin, le bruit d'une déflagration accompagnée d'un cri. Il y eut aussi un éclair de lumière qui dessina la forme d'une tour. Le reste du groupe, qui n'était pas si loin, avait dû remarquer aussi. La deuxième chose qu'il aperçut, ce furent des piquets, ou plutôt non, des lances, fichées de part et d'autre du sentier. Elles supportaient des espèces de colliers qui comportaient des morceaux de bois poli de diverses couleurs, des coquillages (mais que venaient faire des coquillages au beau milieu de Dorrandin ?), des plumes d'oiseaux. Des pierres apparemment précieuses alternaient avec le reste. L'un des six piquets était vide. En approchant, Brus remarqua qu'ils portaient tous des runes gravées sur leur manche, mais impossible de les déchiffrer.

[Oriane]

Oriane s'était montrée des plus silencieuses depuis leur départ de Dernek. Elle n'avait pas été tout à fait honnête en disant ne pas pouvoir être discrète. Elle savait se fondre dans le décor, se dissimuler dans les ombres. Mais elle s'était promis de ne plus faire usage de ces dons, depuis qu'elle avait lu cette fameuse lettre, quelques mois auparavant, une éternité lui semblait-il. Plusieurs fois, depuis le départ de Brus, elle s'était demandée si sa motivation était suffisante pour envoyer un enfant prendre des risques à sa place. L'instant d'après, elle songeait que depuis le temps qu'elle n'avait pas cherché à se dissimuler dans les ombres, elle s'en serait sans doute assez mal sortie, et les aurais fait repérer en moins de deux.

Au dernier retour du gamin, elle avait pourtant failli se proposer pour repartir à sa place, mais s'était encore une fois ravisée. Pour autant, elle ne parvenait pas à s'en vouloir autant qu'elle l'aurait du. Un cri soudain suivi d'une déflagration la coupèrent dans ses réflexions. Elle pâlit, imaginant tout de suite le pire, avant de réaliser que la voix n'était pas celle de Brus. Il n'en était peut-être pas moins en danger. Sans réfléchir, et sans prêter attention à ce que faisaient les autres, elle pressa le pas et finit par rejoindre Brus. D'abord soulagée de voir qu'il allait bien, elle avisa les lances décorées de colliers, fronça les sourcils et murmura, autant à son attention qu'à celle du garçon :

"C'est quoi ça..."

[Chandara]

Chandara arriva en courant directement après la jeune femme et dut piler net pour ne pas la percuter. La paladine était autant désorientée par les étranges totems que ses compagnons, une pointe d'inquiétude en plus.

- On ferait mieux de les éviter. C'est peut être magique ou pire. Cet endroit est malsain...

La jeune femme ne rengaina pas son arme malgré l'absence apparente de danger immédiat. En attendant de comprendre de quoi il retournait, elle entendait bien se tenir prête à toute éventualité et à frapper ce qui tenterait de les surprendre.

[Althéa]

Quête : le poing levé

Althéa avait proposé le poste d'éclaireur et se serait volontiers proposée pour la fonction mais Brus, une nouvelle fois l'avait prise de vitesse. Aussi était-elle restée en arrière, rongée par l'inquiétude. Les manifestations étranges avaient manqué lui faire dresser les cheveux sur la tête. Elle avait commencé à s'avancer sans trop vraiment y penser.

Elle s'était retrouvée derrière le trio et le spectacle qu'offraient les lieux n'avait pas été pour la rassurer, bien au contraire. Six espèces de paquets. Et combien étaient-ils déjà ? Macros, Oriane, Corwin, Brus, Chandara et elle ... Six ... Etait-ce une simple coïncidence non ? Elle préféra ne rien dire pour l'instant pour ne pas effrayer d'avantage les autres.


"Je ... je vais chercher Corwin. Peut-être en saura-t-il un peu plus que nous sur ce genre de pratiques."

[Lothringen]

Mical et Corwin rejoignirent le reste du groupe près des lances. Le vieux prêtre avoua qu'il n'avait pas vraiment idée de ce dont il pouvait s'agir.

« Ces symboles ne sont pas elfiques, et très probablement magiques. On dirait des trucs de sorcière. C'est bizarre de trouver ça si près d'une tour elfique. A moins que le vieil Alduriel ait des affinités avec ses voisins ? Me demande à quoi ça sert. »

Il avança de quelques pas dans la pénombre. Décidément, on n'y voyait goutte.

« Vous avez remarqué qu'il manque un collier ? Un de nos prédécesseurs a dû vouloir le voler... »

[Chandara]

Chandara restait soigneusement à l'écart des piquets et de leurs colliers, peu désireuse de comprendre leur effet, surtout à ses dépens. Elle n'avait jamais été familière des choses magiques mais en savait suffisamment pour s'en méfier et suffisamment peu pour avoir envie d'en savoir davantage. Elle intervint d'une voix tendue :

- Voilà une bonne raison de plus pour ne pas s'en approcher. C'est peut être ce qui a provoqué l'éclair de tout à l'heure. Nous devrions en rester à l'écart au cas où le piège se déclenche à notre simple passage.

[Oriane]

La jeune femme hocha la tête. Elle en était arrivée à la même conclusion que la paladine. Le voleur avait du déclencher un piège en volant le collier. Un détail, toutefois, l'ennuyait.

"Mais...si c'est l'un de nos prédécesseurs qui a volé le collier et déclenché le piège, ne devrait-il pas y avoir un corps ? Un coup de foudre, en général, ça ne pardonne pas..."

Elle s'interrompit, songeant soudain aux raisons pouvant expliquer l'absence de corps. Il aurait simplement pu être emporté par ses compagnons. Ou alors peut-être le voleur avait-il seulement blessé. Au fond, elle ne s'y connaissait probablement pas suffisamment en magie pour affirmer avec certitude qu'un éclair d'origine magique pouvait tuer. La bretteuse jeta un coup d'œil autour d'elle. Une chose était certaine néanmoins, l'endroit avait quelque chose d'inquiétant, et les ténèbres environnantes n'arrangeaient rien.

"Cela n'a sans doute aucune importance. Nous ferions peut-être mieux de continuer..."

[Althéa]

Quête : le poing levé

Althéa dansait d'un pied sur l'autre, de plus en plus mal à l'aise. Sans qu'elle l'ose l'avouer, tout ce qui touchait à la magie l'indisposait grandement. Depuis l'empoisonnement par un mage, membre du secte d'illuminés qui avait failli lui coûter la vie, elle s'en méfiait comme de la peste. Aussi, recula-t-elle un peu . Mieux valait ne pas rester à proximité.


"Oriane a raison. Et nous risquons de nous laisser distancer plus que de raison en restant là ..."

[Chandara]

Quête : le Poing levé

Chandara se rangea aux arguments de ses compagnes à sa façon. Elle s'avança au devant du groupe en faisant attention à passer le plus loin possible des colliers et de leurs sinistres supports. Il n'était pas temps de tergiverser alors que leurs ennemis les devançaient déjà.

[Lothringen]

Ils poursuivirent donc leur route, en prenant soin de ne pas approcher des piquets. Cent cinquante pas plus loin se dressait la vieille tour de garde, au beau milieu d'une clairière de dimensions restreintes. Il fallait croire que la forêt avait gagné du terrain depuis l'époque lointaine de sa construction.

La tour ne ressemblait plus vraiment à un bâtiment militaire. Une charrette – celle dont le serviteur se servait pour les courses, probablement – gisait sous un hangar, près d'une écurie sommaire. Ils entendirent le cheval piaffer. Tout le rez de chaussée de la tour était ceint de verrières abritant des serres tropicales. En approchant un peu plus, ils aperçurent des lueurs à l'étage. On entendait des bruits de voix lointains, et l'une des vitres de la verrière avait volé en éclats. Les agresseurs les précédaient, mais l'éclair de tantôt leur rappelait que l'endroit savait se défendre : le petit groupe progressait donc à pas prudents.

Les serres abritaient toutes sortes d'essences, apparemment cultivées là pour leur exotisme, leurs couleurs chatoyantes mais aussi pour leurs vertus médicinales. Des étagères contenaient de nombreux échantillons soigneusement étiquetés, et des établis servaient à la distillation. Alduriel devait être herboriste autant que mage. La serre était déserte et, le cœur battant, ils purent la traverser sans peine. Ils parvinrent alors sur le seuil du rez-de-chaussée de la tour. La salle circulaire comprenait un escalier central à vis qui semblait pouvoir à la fois descendre à la cave et monter à l'étage supérieur. Les voix semblaient provenir d'au-dessus.

La salle en elle-même comportait une table, une armoire, une cheminée, des fauteuils. Un aquarium immense reposait contre un mur, et paraissait contenir une créature sur-dimensionnée qui n'avait sûrement pas la place de s'y retourner. Dans les ténèbres, ils ne voyaient guère plus qu'une ombre.

[Dhast]

Brus suivait maintenant le groupe, vivement impressionné par cette tour étrange, son architecture inconnue, ses airs de vieille élégance fragile et déchue, elle s'élevait hypocritement au-dessus des serres et sa fausse condescendance ne trompait personne, sauf peut-être le jeune Brus. Cependant les signes d'effractions enfreignaient la paix de poussière et de pollen du lieu. Le second mage et ses acolytes semblaient déjà être arrivés. Si l'escalier conduisait également vers le sous-sol leurs options étaient limitées par le temps, les cris venant de l'étage supérieur les pressaient. Toutefois la forme incertaine qui occupait l'aquarium avait de suite captivé le regard du jeune voleur qui s'en approchait désormais prudemment.

[Lothringen]

Brus ne repéra pas de piège au sol ; en revanche il n'était pas certain qu'il en irait autant du couvercle de la grande boîte de verre. Dans l'obscurité, il ne voyait goutte - il lui fallut vraiment avoir le nez dessus pour voir de quoi il s'agissait... et reculer avec un mouvement d'horreur. Car il avait vu un cadavre qui flottait dans un liquide étrange qui n'était probablement pas de l'eau. En rassemblant son courage, il regarda à nouveau. C'était une femme à longue chevelure, menue comme une elfe, les doigts palmés. La peau bleu vert. Belle. Inerte et néanmoins aussi fraîche que si elle avait été vivante.

Corwin avait fait quelques pas prudents à la suite du gamin. Il frissonna en comprenant ce qu'ils voyaient.

"Bon sang, le tombeau d'une elfe aquatique..."

Une amie d'Alduriel, un ancien amour ? Comment l'avait-il transportée jusque là ? Ils n'avaient pas les moyens de le savoir. Ils n'en avaient pas besoin non plus.

"Partons vite d'ici, cet endroit me rend malade."

[Chandara]

Quête : le Poing levé

Chandara se sentait elle aussi soudain très mal à l'aise. Elle s'était approché à son tour du grand aquarium pour regarder, fascinée, la macabre découverte de Brus. Elle eut grand peine à s'arracher à la vision du cadavre si bien conservé qu'il aurait pu paraître juste endormi. La paladine recula lentement sans oser se retourner jusqu'à ce qu'elle fut suffisamment éloignée à son goût. Alors, d'une voix incertaine, elle interpela ses compagnons :

- Moi aussi. Allons-y !

[Oriane]

Oriane avait elle aussi été tentée de s'approcher de l'aquarium, mais le commentaire du prêtre l'en dissuada. Le fait de ne pas voir le cadavre de ses propres yeux ne dissipa pas pour autant son malaise. Elle se demandait désormais quel genre de personne pouvait conserver un corps chez lui, et ce, quelles que puissent en être les raisons. L'idée lui semblait juste...malsaine, et lui ôtait toute envie de passer plus de temps que nécessaire en ces lieux.

"Oui, ne trainons pas."

[Lothringen]

Ils s'approchèrent prudemment de l'escalier en colimaçon. Les voix avaient des intonations étranges... on incantait ! Mais aucun d'entre eux ne reconnaissait ces sorts de magie profane. Ils se précipitèrent à l'étage supérieur. Une vaste bibliothèque, pour le peu qu'ils en voyaient... Leurs ennemis devaient se battre au troisième étage ; on n'entendait pour l'instant que des incantations, des cris de douleur et des jurons. Ce qu'ils virent surtout étaient deux ogres invoqués qui bloquaient la sortie de l'escalier. Les monstres balançaient leur massue en souriant de toutes leurs dents noires.

« J'vais tout écraser... »

[Chandara]

Quête : le Poing levé

Chandara savait que leur seul avantage sur les créatures massives étaient leur nombre et leur mobilité. Il fallait donc les forcer à se battre dans un endroit où il serait difficile pour elles de manœuvrer leurs armes comme leur corps. La paladine regarda ses compagnons avant de s'élancer face à l'ennemi :

- Le plus sage est de les harceler à distance si vous le pouvez !

Elle s'empressa de ne pas appliquer ce conseil en avançant dans les escaliers pour narguer les ogres sans pour autant se mettre à leur portée. S'ils avançaient et trébuchaient, elle pouvait espérer en embrocher un avant de se faire écraser.

[Althéa]

Quête : le pain levé (inspiration boulangère)

Althéa au bord de la panique avait sorti ses dagues avant de se rendre compte que l'effet produit serait aussi concluant qu'une piqûre de moustique sur un éléphant. Du moins, c'est ce que le cuir dur de leur peau laissait présager. Elle essayerait peut-être plus tard, mais pour l'instant, il fallait s'assurer qu'ils ne quittent pas les escaliers.

Elle regarda rapidement autour d'elle. Peut-être y avait-il un meuble, ou quelques objets lourds à pousser devant eux, ou même leur lancer afin de les garder hors de portée.

[Lothringen]

Les ogres s'étaient mis l'un derrière l'autre et avançaient lourdement dans l'escalier, en se dandinant comme des culbutos. Pendant que le reste du groupe refluait à toute vitesse, Corwin fut effrayé de voir la paladine rester volontairement dans leur passage. Elle n'espérait tout de même pas rivaliser d'allonge avec ces monstres ? Il se précipita pour interposer son bouclier au moment où le monstre de tête se courbait en deux pour frapper. Le coup fracassa le bouclier qui se ratatina comme un fruit pourri, mais derrière, Corwin et Chandara étaient indemnes. Enfin, presque. Le vieux prêtre se demanda bientôt si la formidable massue ne lui avait pas brisé le poignet, au vu de la douleur qu'il ressentait.

L'ogre allait perdre un peu de temps à se redresser, à avancer jusqu'au pied des marches et à rassembler ses forces. C'était le moment où jamais d'achever leur retraite, et d'essayer de stopper la progression des monstres.

Autour d'elle, Althéa voyait des étagères, dont certaines assez proches pour les faire basculer en travers du passage. Un gros lutrin épais comme un coffre de sacristie qu'elle apercevait sur sa gauche pourrait aussi faire l'affaire.

[Althéa]

Quête : le poing levé

Sans vraiment réfléchir, Althéa s'était ruée sur l'étagère en criant.

"Attention au dessous"

Et avait entrepris de la faire basculer. Sans vraiment trop de succès. Le meuble avait certes eu la politesse d'osciller pendant quelques secondes. Mais rien de plus. Elle n'y arriverait pas toute seule. Se saisissant avec difficulté du lutrin, elle le balança au juger en espérant que son adresse face la différence. Après, on aviserait.

[Chandara]

Quête : le Poing levé

Dans un geste aussi inconscient que fervent, Chandara fit décrire un arc de cercle à son épée, espérant atteindre le colosse au niveau des genoux. L'intervention bienheureuse de Corwin venait de lui sauver la vie mais le regard plein de douleur et de fureur du clerc l'incita à bondir ensuite en arrière à sa suite pour échapper à la charge qui était à la seule subtilité tactique à la portée intellectuelle de leurs massifs adversaires.

[Oriane]

"Attention !"

L'avertissement avait été parfaitement dérisoire, mais la jeune femme n'avait pu s'empêcher de crier en voyant les deux monstres reprendre leur progression. A son tour, elle avisa les étagères, qu'Althéa s'efforçait, sans succès, de faire basculer. Tandis que la bretteuse abandonnait le lourd meuble pour balancer un lutrin en direction de leurs adversaires, la jeune femme courut jusqu'à elle afin de lui prêter main forte. Après un instant d'hésitation, elle fit tomber quelques livres, espérant ainsi alléger le meuble, et tenta à son tour de le faire basculer.

[Dhast]

Brus n'avait jamais vu d'ogres ni rien qui s'y apparentait. Leur taille, leur peau verdâtre, leur odeur, leur laideur frappèrent le jeune voleur de stupeur. Lorsqu'il vit le bouclier du prêtre être réduit en bouillie sous l'impact du coup, un frisson glaciale lui foudroya l'échine, ses muscles se tendirent. Incapable de bouger il regardait les deux créatures se diriger vers eux, la paladine qui d'abord avait fait face puis qui reculait elle aussi. Les ogres paraissaient invincibles et la mort certaine, quelle folie cela avait été de suivre ce groupe dans un piège aussi grossier! C'était une folie de trop et la sortie lui échappait déjà. Brus tourna les talons vers un des coins de la pièce et, terrifié, il profita de l'agitation générale pour tenter de disparaître à la vue des deux ogres.

Brus -> se cacher dans l'ombre.

[Lothringen]

Le coup d'épée de Chandara atteignit le genou de l'ogre, qui manquait de la rapidité de réaction nécessaire pour parer ou esquiver. La lame y fit une entaille sanguinolente qui pour l'heure n'eut d'autre effet que d'énerver le monstre un peu plus. Derrière lui, l'ogre bloqué qui ne pouvait rien faire mugit de colère, dans un touchant effort de compassion.

Le lutrin qu'Althéa avait choisi de lancer sur ses adversaires était lourd, et ne vola pas bien haut. Il alla se fracasser au pied du premier ogre, ce qui ne lui fit pas bien mal non plus, mais l'empêcha provisoirement d'avancer à la poursuite de Corwin et de Chandara. L'ogre n'eut donc d'autre choix que de commencer à fracasser le meuble à l'aide de son gourdin. BANG. BANG. Les éclisses volèrent bruyamment...

Pendant ce temps-là, Oriane et Althéa avaient réussi tant bien que mal à faire basculer la lourde bibliothèque que le renversement de quelques rayonnages ne manqua pas d'alléger. Le meuble s'effondra par-dessus le lutrin déjà mal en point. Il fut bientôt accueilli par un grognement exaspéré de plus de la part des deux humanoïdes. Comme l'étroitesse de l'escalier empêchait le second ogre de prêter main forte au premier, la destruction du meuble allait leur prendre un peu de temps.

Corwin aurait bien mis ce délai à profit pour coordonner les actions des uns et des autres, mais il lui semblait que la douleur à son poignet lui paralysait l'esprit. Heureusement que le bras avec lequel il parait n'était pas celui de sa main directrice. Il s'empara d'une fronde, y logea machinalement une bille, et se mit à tirer sur le premier de leurs agresseurs. L'avantage des ogres, c'est que même un aveugle aurait du mal à les rater... Il se concentra sur sa tâche, en s'efforçant de ne pas hurler de douleur. ça allait passer. Oui. Sa première bille fit mouche et l'ogre lui décocha un regard mauvais.

Ainsi occupé, et dans la confusion de la bataille, Corwin ne remarqua pas l'absence de Brus. Recroquevillé dans un coin, l'enfant terrorisé tentait vainement de gagner les ombres - vainement, parce que la salle circulaire n'étant pas immense, les chances d'échapper à la vision des combattants étaient quasi nulles. Et néanmoins, personne pour l'heure ne lui prêtant d'attention, le résultat était sensiblement le même.

[Chandara]

Quête : le Poing levé

A voir la façon dont le premier ogre concassait les meubles qui lui obstruaient la voie, Chandara n'était plus si désireuse de se porter à sa rencontre. Ne disposant pas d'arme de jet, la paladine improvisa donc en sortant le marteau qui pendait à sa ceinture. Au corps à corps, l'arme trop courte ne lui permettrait que de se faire tuer. Son épée suffirait donc largement. En revanche, elle était lourde et plutôt bien équilibrée. La paladine la soupesa puis entreprit de tourner sur elle même plusieurs fois comme si elle s'apprêtait à battre le record inter-cité de lancer de marteau. Etant donné l'exigüité des lieux, l'entreprise était vouée à l'échec mais les ogres pourraient juger de ses efforts avec un peu de chance.

[Althéa]

Quête : le poing (d'ogre) levé

Bon, le coup du lutrin n'était pas franchement ce qu'on pouvait appeler une réussite. Mieux valait donc un objet pointu, volant et pas trop encombrant. Bon, il y avait bien quelques livres ne demandant qu'à s'envoler. Mais déjà, elle avait ses deux dagues. Les ogres étaient une cible plutôt facile de par leur densité. Si elle réussissait à avoir les yeux ou même le pourtour d'un des deux ...

Elle souffla un bon coup pour oublier la tension et sortit sa première arme de jet, celle que Thom lui avait offerte. Elle se concentra sur le poids de l'arme dans sa main, l'imagina atteignant sa cible et lança ...

[Lothringen]

Le premier ogre se trouva bientôt la cible d'une convergence de projectiles lancés presque en même temps par Corwin, Chandara et Althéa. Les billes du prêtre faisaient mal au crâne, mais ne suffisaient pas à détourner le monstre de sa tâche : réduire en copeaux la lourde bibliothèque qui lui bloquait le passage. Une dague de lancer lui ouvrit alors l'arcade sourcilière, lui arrachant un hurlement de douleur ; l'ogre porta sa main à sa paupière sanguinolente. Le lourd marteau de la paladine, quant à lui, faisait une arme de lancer redoutable à si faible distance - il atteignit l'ogre à la tempe, et le hurlement se mua en râle indistinct : le monstre, sévèrement commotionné, lâcha son arme, se cacha les yeux dans les mains et s'assit sur les marches, en geignant.

"Aïeuh... Tue-les... Tue-les tous !"

C'est alors que le deuxième ogre sembla commença à réfléchir, et s'avisa que pour descendre l'escalier dont les marches étaient pour l'heure bloquées à la fois par les débris de meubles et par son collègue, il lui suffisait de fracasser la rampe et de faire un petit saut de rien du tout sur le plancher. Ce qu'il fit - sans faire céder les planches, ce qui relevait du miracle.

Cet ogre était bâti sur le même modèle que son compère, à la différence près que lui était indemne, et animé d'un certain esprit vindicatif.

"Sauve qui peut !" résuma Corwin en montrant courageusement l'exemple. "Nous devons éviter le corps à corps à tout prix... "

Il entreprit de reculer dans les allées qui séparaient les unes des autres les différentes bibliothèques de l'étage.

[Chandara]

Quête : le Poing levé

Cette fois-ci, Chandara ne tenta pas de prouver sa bravoure en fonçant vers le danger. Même elle comprenait qu'il n'y avait rien à gagner à se faire écrabouiller par la créature massive. Sans l'avantage des escaliers, il serait difficile de ralentir l'ogre qui affichait une mine aussi stupide que mauvaise. La paladine se précipita vers un rayonnage et s'agrippa dessus pour en tester la stabilité. Si elle pouvait faire tomber une bibliothèque en travers du chemin de l'ogre, elle aurait peut être de quoi riposter. Cet endroit contenait peut être quelques ouvrages assommants qui trouverait ironiquement un usage avec la créature ne sachant pas lire qui se précipitait vers eux. L'idéal serait un traité de théologie helmite ou peut être un registre de taxes.

[Dhast]

La déroute générale s'était finalement muée en résistance éparse. Brus vit le premier ogre être sérieusement amoché par les coups répétés de ses compagnons. Le lancer de marteau avait particulièrement impressionné le gamin qui se disait qu'il était bien ridicule avec sa dague. Cependant il se reprit et se remit sur ses jambes. Il regardait tour à tour les combattants, ne sachant vers qui se diriger, ni que faire. Soudain, en voyant le prêtre qui reculait, fronde en main, il se souvint qu'il possédait également la sienne, bien enroulée dans l'une des poches de sa veste. Tout en déroulant rapidement les cordons il logea une bille dans la lanière et fit tournoyer son arme. Il visait la bouche hideuse de l'ogre, ce qui l'effrayait le plus chez la créature.

[Althéa]

Il lui restait une dague. Celle qu'elle préférait : celle de Thom Méryllim, son père adoptif. Mais la situation commandait qu'elle s'en serve. Avec un peu de chance, elle pourrait la récupérer plus tard.

Ou peut--être y avait-il un moyen de mettre de la distance entre l'ogre et eux puis de le canarder ensuite ? Elle avisa de nouveau les étagères. Celle-là, si elle tombait ne risquait-elle pas de tomber sur l'autre et ainsi de suite ? Cela serait bien entendu un coup de chance. Mais un coup de chance qu'on pouvait tenter. Elle se rua donc sur le rayonnage en question et y pesa de tout son poids.

[Lothringen]

"Ce groupe manque de leader", songea Corwin tout en continuant de propulser les billes de fronde sur le crâne de l'ogre. "Chacun tente de se débrouiller dans son coin... que d'énergie perdue faute de coordination !"

Mais une crampe de son bras gauche lui arracha un rictus de douleur qui mit fin à ces ratiocinations. Le prêtre recula en désordre, peu désireux de retenter l'expérience du corps à corps avec le monstre. C'est à peine s'il aperçut la chute de la bibliothèque qu'après un temps d'hésitation Althéa renversa en travers du chemin de l'ogre. S'il vit ce dernier se tordre ensuite en deux en s'étouffant, il ne vit pas que la cause était un projectile que Brus avait envoyé dans sa gorge. A la périphérie de son champ de vision, Chandara s'était emparée d'un gros volume - La plaisante sagesse populaire, sentences et proverbes du monde - et s'apprêtait à le lancer. Et puis...

Et puis rien. Les deux ogres avaient disparu sans laisser ni cadavre ni trace, et un soudain silence avait remplacé les piétinements et pleurnicheries de l'agresseur. Dans la bibliothèque à moitié détruite, le petit groupe se dévisageait d'un air incrédule.

"Fin de convocation", commenta laconiquement Corwin.

A l'étage supérieur, on n'entendait plus rien non plus. Quelques gémissements assourdis, peut-être...