Les Soeurs du Premier Sang: A la recherche d'un père

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"TAUROK! Le meilleur combattant de l'arène de Montéloy, un minotaure de deux têtes plus grand que ses propres compatriotes, capable de séparer un orque en deux parts de taille égale d'un seul coup de hache ou de presser la tête d'un nain comme si il s'agissait d'un simple citron. Grâce à lui j'ai gagné de belles sommes à ses débuts mais maintenant ça ne marche plus, il est invaincu depuis plus de trois ans et on sait que chaque combat est assuré d'une victoire pour lui. Maintenant les joueurs misent plutôt sur la durée du combat ou la méthode utilisée pour la mise à mort, Taurok est assez doué pour cela. Pour ma part je préfère parier sur les adversaires qui lui seront opposés, j'ai un cousin dans les gardes de l'arène qui me fournit toujours de précieux renseignements contre la moitié des bénéfices. Mais attention, pour ne pas être repéré il faut perdre de temps en temps, une fois sur trois ou quatre. Tu comprends l'astuce mon chou?"

L'homme qui parlait ainsi avec emphase tenait le crachoir auprès des trois compagnons depuis au moins une heure en vrai pilier de bar qu'il était. Quand Numési, Forjia et Harald étaient entrés dans l'Auberge du Bon Passage pour souper, ils savaient avoir bien choisi l'endroit pour se sustenter mais ignoraient qu'ils étaient également tombés dans un vivier d'informations sur la ville. Le Bon Passage était en effet le passage obligé de tous les vantards de la cité et bien qu'il y avait un sérieux tri à faire dans les racontars et vantardises qui s'échangeaient dans ces lieux il y a avait quand même de précieuses informations à glaner. Notamment auprès de Barbès Nidaigle, un humain malingre aux joues rosies par l'alcool qui s'était pris d'affection pour le petit groupe, en particulier Harald qui faisait l'objet de regards enamourés appuyés de la part du conteur. Quand la dixième pinte consommée par Barbès influença un peu trop sa vessie, les trois compagnons eurent un court moment de répit qui leur permis de tenir un court conciliabule.

"Enfin une accalmie, j'ai rarement vu un mâle capable de battre des commères de basse-cours sur le tenant de crachoir. Mais au moins il a le mérite de ne pas raconter que des imbécillités dans ses histoires."
"Oui on sait qu'il n'y a pas eu d'elfe noir dans l'arène ces derniers jours donc que les deux que nous sommes venus chercher sont toujours en vie."
"Sauf si ils sont morts de mauvais traitements dans les geôles, la milice locale a beaucoup de morts à déplorer dans les escarmouches contre les drows et les troupes de Château-Zhentil et n'a pas souvent l'occasion d'exercer vengeance."
"Je ne le pense pas, d'une part les gardes de l'arène et la milice sont deux corps séparés même si ils font partie du même groupe et d'un autre côté il est de notoriété publique que celui qui tuera un prisonnier se retrouvera d'office dans l'arène comme punition."
"Donc nous pouvons les considérer comme vivants, ce qui est une première bonne chose. La seconde c'est que nous pouvons espérer glaner des informations précieuses auprès de ce quidam via son cousin."
"En la jouant finement pour ne pas lui mettre la puce à l'oreille."
"Avec ce qu'il a déjà ingurgité on pourrait lui dire qu'on va mettre la ville à feu et à sang qu'il n'en aurait aucun souvenir le lendemain."
"Détrompe toi Harald, il a beau avoir bu assez de bière pour faire rouler un nain sous la table il a encore l'oeil vif. Allons-y sur la pointe des pieds."
"Attention il revient."

Effectivement l'homme revenait, l'air béat de celui qui vient d'enlever un grand poids qui pesait sur sa vessie mais le pas assuré de quelqu'un qui n'était pas près d'être saturé par l'alcool. Il se réinstalla à la table et appela une serveuse en faisant signe de sa chope vide. L'avantage d'un interlocuteur qui tenait la conversation à lui tout seul était que pendant ce temps les autres pouvaient manger leur repas tranquillement en hochant la tête ou en émettant des grognements d'assentiments de temps en temps. Le désavantage, le contenu de la conversation était parfois assommant:

"....cette fois là mon petit frère César a failli passer l'arme à gauche, c'est vrai que c'était un peu ma faute puisque je lui avais dit que le gros lapin blanc qui vivait dans le terrier près de la cascade assouvissait trois souhaits aux petits enfants. Ahahahaha je n'oublierais jamais sa tête quand il est sorti du terrier à toute vitesse poursuivi par une blairelle sanguinaire furibarde, heureusement pour lui que les blaireaux ne montent pas aux arbres. Curieusement depuis il n'a plus jamais cru à mes histoires......ma première fois avec Lily fut assez laborieux, je tenais pas aussi bien l'alcool à l'époque qu'aujourd'hui voyez vous et elle en tenait un bon coup dans le nez aussi....une fois j'ai goûté un alcool orque ramené par mon cousin Armand de Thesk, ils sont nombreux à être restés là-bas après la fuite des tuigans il y a quelques année, je me suis réveillé trois jours après...ma cousine Beth dit que je ne suis pas un mauvais coup vous savez, c'est une ancienne beuverie familiale mémorable je vous raconterai, vous ne voulez pas essayer ma belle? Bon ça va rangez votre épée, je proposais ça comme ça, et toi mon petit gars...arglll, il ne faut pas vous mettre dans un état pareil voyons, tiens voilà mon cousin de l'arène justement, Hey Julien comment vas-tu?"

L'arrivée d'un homme portant un costume de garde sauva le pilier de bar en passe de se faire molester par les 3 amis qui avaient dépassé leur quota de patience pour les trois mois à venir. Sa réaction en voyant son cousin en mauvaise posture étonna les membres du groupe, il baissa la tête en soupirant et secoua celle-ci. Enfin il se dirigea vers eux, l'air plus abattu qu'autre chose:

"Qu'as tu encore fait Barbès? Excusez-le quand il a un coup dans le nez il fait et dit un peu n'importe quoi"
"A te voilà mon bon Juju, je te présente des personnes intéressées par les combats de l'arène"

A ces mots le sang monta aux joues du nouvel arrivant qui réagit en agrippant son cousin par son col et en collant son visage à seulement quelques centimètres de son visage

"Espèce d'ivrogne imbécile, tu ne sais vraiment pas te taire. Tu veux que nous finissions dans les geôles de Maalthiir?"

Cette fois-ci Barbès perdit un peu de son stoïcisme, il semblait ne pas avoir l'habitude de se faire remonter les bretelles par son propre cousin. Il leva les mains en signe de soumission mais les yeux tournant dans leurs orbites essayant de fuir le regard accusateur de son cousin en rogne.

"Ecoute Julien, je ne pensais pas à mal." dit-il à moitié étranglé

Numési se dit qu'il valait mieux calmer les choses avant qu'elles ne dégénèrent au risque d'attirer l'attention sur eux:

"Votre cousin nous a seulement parlé d'un moyen de gagner efficacement de l'argent, nous sommes de passage et peu désireux de faire affaire avec les dirigeants de cette cité. Et puis qui sait peut-être trouverons nous un accord profitable à tous"

Dit-elle d'un ton enjôleur en lui posant la main sur l'avant-bras. A voir la lubricité qui passa dans les yeux du garde, elle sut que c'était gagné.

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Deux heures plus tard, les trois compagnons étaient réunis dans la chambre qu'ils louaient à l'Auberge du Valeureux Fermier, un établissement discret situé un peu en retrait des ruelles les plus commerçantes mais avec suffisamment de confort pour avoir bonne réputation.

"Demain, ils combattront demain, il nous faut un plan et vite." s'écria Numési qui tournait en rond, le cerveau en ébullition devant Harald et Forjia assis sur leurs lit aussi désemparés qu'elle par la précipitation des événements. Le cousin de Barbès émoustillé à l'idée de passer la nuit avec une femme du genre à occuper ses fantasmes plutôt que sa couche ne fut pas long à s'épancher sur sa fonction de garde dans les arènes, et en particulier sur le programme des prochains jeux de l'Arène. Inutile de dire que Numési avait perdu son caractère enjôleur quand elle avait appris que son amante à peine arrivée allait déjà se battre contre les prisonniers qu'ils étaient justement venus chercher. Elle faillit même se gifler quand elle sut que le directeur de l'arène n'attendait qu'une seule chose pour expédier les drows en sa possession dans les jeux, la venue d'un adversaire du Beau Peuple et que faute d'elfe depuis longtemps la capture récente d'une demi-elfe avait été le bienvenu. L'échine de la cylon s'était hérissée, ils n'avaient besoin que d'une chose et Numési leur avait fourni en la personne de sa bien-aimée Méliane.

"Nous sommes coincés, il nous faut contacter les deux emplumées pour qu'elles interviennent demain. Nous seuls n'y arriverons pas" lâcha Forjia avec fatalisme.
"Rien n'est perdu tant que je ne l'ai pas dit" s'emporta Numési dardant un regard furieux sur la jeune roublarde. Harald se leva alors et posa une main ferme sur l'épaule de sa cheftaine qui le fusilla du regard en raison de son geste indécent pour un mâle, le jeune homme déglutit mais soutint le regard de Numési:

"Reconnais-le, tu n'as pas les idées claires étant donné la situation." osa t-il dire.

La main de la jeune femme vola vers le pommeau de son épée par réflexe et la dégaina même de quelques centimètres mais se retint de la tirer pour punir l'impudence de son subordonné, Harald avait raison, elle la responsable inflexible du groupe laissait ses émotions dicter sa conduite. Numési sembla alors être prise d'une grande fatigue, ses épaules s’affaissèrent, ses jambes se dérobèrent sous elle, et elle se retrouva à genoux sans force. Des larmes commencèrent à perler aux coins de ses yeux et n'y pouvant plus se cacha le visage dans les mains et laissa son désespoir s'évacuer. Harald se tenait penaud à côté d'elle ne sachant que faire, il se tourna vers Forjia qui était aussi perplexe que lui, jamais ils n'avaient vu leur meneuse dans un tel état émotionnel. Quand enfin ses sanglots se calmèrent, elle inspira un bon coup et se releva en reniflant,et comme si de rien n'était se dirigea vers une chaise sur laquelle elle s'assit, faisant face à Forjia et Harald:

"Cela m'a fait du bien, analysons posément la situation."

Ses deux interlocuteurs se regardèrent, hésitant à la conduite à tenir, haussant les épaules Forjia fut la première à intervenir, si Numési ne voulait pas évoquer sa faiblesse passagère cela la concernait elle et elle seule.

"La situation elle est claire, nous ne pouvons pas espérer sauver trois personnes de l'Arène et investir l'enclave thayenne en moins de 24 heures."
"Non, mais nous ne pouvons pas nous permettre d'abandonner l'une des missions pour en privilégier une. Si on doit choisir, on privilégie l'évasion mais on ne pourra plus revenir dans la ville avant longtemps."
"Et pourquoi ne pas continuer comme nous l'avions prévu?"

Harald avait décider de parler à ce moment là et sa proposition attira sur lui deux paire d'yeux interrogatifs, Numési l'invita à continuer d'un geste de la main.

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INTERLUDE

1373, période indéterminée quelque part dans la région montagneuse au nord de Château-Zhentil

Bedlam continuait d'avancer vaille que vaille sans but précis, sans direction précise, juste guidé par une vague intuition. Combien de temps il avançait ainsi vers le sud, il n'aurait su le dire, des jours? Des semaines? Des mois peut-être, il allait tout simplement et la durée importait peu. Comme les autres jours depuis son réveil, il marchait d'un pas mécanique dans des paysages désolés indifférent à tout ce qui l'entourait, sauf que cette fois ci, il s'immobilisa brusquement. Tournant la tête vers l'est, il dirigea son regard dans la direction de ce qui avait ainsi troublé son périple, des éclats de voix. Intrigué, il marcha vers ce dérangement curieux de voir ce que c'était. Il s'arrêta au sommet d'une petite crête, d'où il était il put voir la source des éclats de voix. Plusieurs hommes en armes portant les insignes du Zhentarim - mais cela Bedlam l'ignorait - entouraient trois chariots de bois tirés par des mules faméliques, les occupants des chariots - dont des femmes et des enfants - avaient été forcés d'en descendre et avaient été regroupés ensemble sous la garde de plusieurs soldats du Réseau Noir. Ceux-ci ne plaisantaient pas comme en témoignaient les cadavres de deux hommes qui avaient voulu résister, ainsi qu'un blessé soutenu par une femme qui tentait d'interrompre le sang de couler à l'aide d'un chiffon d'une plaie que le blessé avait au ventre. Devant eux se tenait un homme en robe de magicien qui devait être le meneur des assaillants et haranguait les prisonniers d'une voix de stentor tandis que ceux-ci répliquaient également d'une voix forte même si cela signifiait recevoir l'un ou l'autre coup des soldats présents, c'était cela qui avait attiré l'attention de Bedlam.

Bedlam observa pensivement la situation pendant de longues minutes avant de s'approcher. Arrivé à vingt mètres du chariot le plus proche, un soldat le repéra et l'interpella:

"Halte, qui que vous soyez identifiez vous"

Bedlam fit encore quelque pas et obtempéra à l’injonction, inspectant avec curiosité l'homme qui le menaçait d'une lance. Un de ses camarades s'était joint à lui et regarda la crête puis les alentours avec inquiétude comme si une armée allait débouler d'un instant à l'autre. A son tour le magicien arriva quelques secondes après se demandant qui était cet homme manifestement pas impressionné le moins du monde par sa présence et celles de ses hommes. Méfiant celui fit signe à deux de ses hommes de s'approcher et leur montra la crête en leur ordonnant:

"montez voir la-haut si ce quidam est seul"

les deux soldats s'exécutèrent et grimpèrent au pas de course ne ralentissant qu'une fois arrivé au sommet où ils purent constater que leur visiteur était seul, ils rassurèrent leurs compagnons d'un signe de main. Le magicien zhent hocha la tête, également apaisé, et se tourna vers Bedlam l'examinant attentivement comme un entomologiste le ferait avec un insecte. Satisfait visiblement, il sourit et s'adressa à son visiteur inconnu:

"Qui es-tu étranger?"

demanda t-il sans ambages, curieux de la présence d'un humain isolé en ces lieux vêtu trop légèrement pour supporter le climat rude de cette région et ne portant pas d'arme. Bedlam ne répondant pas, il poussa plus en avant son interrogatoire:

"Répond! Qu'est ce qu'un homme seul fait ici, et sans armes? As-tu été dévalisé par des brigands?" Comme il n'obtenait toujours pas de réponses il haussa la voix, la fureur commençant à monter en lui "RÉPOND!"

"Qu'on fait ces gens?"

Bedlam fut aussi surpris que le magicien quand il prononça ces quelques mots, non pas parce qu'ils ne répondaient pas à la question mais parce qu'ils étaient les premiers qui sortaient de sa bouche depuis son réveil. Le mage zhent plissa les yeux, étaient-ils tombés sur un simple d'esprit? Il consentit pourtant à éclairer la lanterne de Bedlam:

"Ces chiens ont tenté de traverser notre territoire sans payer la taxe de passage"

La réponse de Bedlam ne fut peut-être pas ce qu'il voulait entendre:

"Si ils vous volent, c'est normal de réclamer votre du ... dans le cas contraire c'est mal ... dans tous les cas la violence n'est pas la solution."
"Je pense que ton esprit est dérangé étranger, car je ne vois pas d'autre raison qui expliquerait la critique que je devine dans ce que tu viens de dire. Et les gens sensés ne critiquent pas le Réseau Noir"
"Si vous n'acceptez pas la critique, vous êtes donc enclin à utiliser la force abusivement, il n'y a peut-être aucune raison valable à molester ces gens dans ce cas?"
"Toi tu viens de m'en donner une bonne" dit le mage d'un ton froid qui fit un signe équivoque à un des soldats proches de Bedlam. Le soldat réagit aussitôt et projeta sa lance vers le coeur de Bedlam mais la pointe ne toucha jamais sa cible car Bedlam se saisit de la hampe stoppant la pointe à quelques millimètres de sa poitrine. Le soldat mit toutes ses forces pour faire avancer son arme mais la poigne de Bedlam était implacable et tous les efforts déployés par le zhent furent vains. Au contraire, il ne put rien quand Bedlam lui arracha sa lance des mains et le transperça de part en part comme le héron transperce la truite. Tenant son arme à deux mains le soldat tenta de la retirer mais il tomba à genoux et s'affala sur le flanc en râlant. Son compagnon tenta d'intervenir à son tour mais d'un puissant revers Bedlam l'envoya voler plusieurs mètres plus loin sur un rocher où il s'écrasa tête en avant, un sinistre craquement et l'angle bizarre de sa tête par rapport au corps indiqua qu'il était mort avant de s'immobiliser au sol. Impassible Bedlam se tourna vers le magicien et déclara:

"Toi et les tiens n'êtes pas des gens biens, partez d'ici et laissez ces gens en paix. Vous n'aurez pas une autre chance."

Le magicien regarda tour à tour les deux cadavres et darda ensuite un regard meurtrier sur Bedlam

"A qui crois-tu parler, nous sommes le Zhentarim, personne ne s'oppose à nous sans le payer de sa vie!" Vociféra t-il avant de commencer à incanter un sortilège de son répertoire. Bedlam resta de marbre pendant que le mage créait son sort, à son apogée il lança un éclair sur sa cible dans l'intention évidente de le réduire en cendres. Mais au moment d'être frappé Bedlam leva la main et l'éclair sembla frapper un mur, puis il tendit la main et l'éclair comme si il était vivant vint s'y lover en une boule d'énergie crépitante. Bedlam l'inspecta avec curiosité la faisant rouler comme une balle dans ses mains. Il s'interrompit la tenant entre ses mains et regarda le magicien du Zhentarim qui commençait à avoir le front en sueur en silence, puis parla:

"Je vous ai donné votre chance"

Il écarta ensuite lentement les mains, et la boule de foudre grossit à mesure que cet écart augmentait. Ensuite sur un geste négligent de Bedlam, cette boule d'énergie s'élança sur le magicien zhent et à son contact explosa en une multitude d'éclairs qui frappèrent tous les membres du Réseau Noir qui étaient présents. En un instant, tous les zhents présents étaient morts, le mage lui-même n'étant plus qu'un tas de cendres.
Il s'approcha des survivants, les personnes qui avaient été molestées par les zhents et qui maintenant se terraient les uns contre les autres, muets de terreur devant la puissance de cet homme qui venait à eux. Bedlam s'arrêta et à leur surprise s'adressa à eux d'une voix douce:

"Avez vous une place pour moi dans votre convoi?"

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CHAPITRE 19: ATTENTE

Le Lendemain, les deux prisonnières furent réveillées sans ménagement quand les gardes vinrent frapper les barreaux de leurs matraques provoquant une bruyante cacophonie dans les cellules. La nuit avait été courte et les paillasses peu confortables n'étaient pas garantes d'un sommeil réparateur, mais peut-on réellement s'endormir sur ses deux oreilles dans ce genre d'endroit?
Elles furent emmenées au travers du réseau labyrinthique des couloirs jusqu'à une salle d'entrainement. Plusieurs râteliers d'armes, des mannequins d'entrainement, des présentoirs d'armure et divers autres équipements et objets divers décoraient - si l'on pouvait dire cela - l'endroit. Les armes étaient au mieux de qualité moyenne, mais nombreuses étaient rouillées et plusieurs hampes de lance ou manches de hachette étaient clairement vermoulues. Quand aux armures, la moitié d'entre elles tenaient d'une seule pièce par la grâce dont ne sait quel miracle. A leur arrivée, quatre autres prisonniers étaient déjà présents dans la salle, trois humains et un nain.
Un sergent bourru en tenue de sergent s'adressa à eux d'une voix neutre:

"Avant d'entrer dans l'arène, nous allons évaluer vos capacités. Vous avez ici tout ce qu'il vous faut pour équiper. Dernières recommandations, ici vous êtes dans mon domaine, il est interdit de tuer un autre gladiateur avant d'entrer dans l'arène ou de tenter de s'échapper dans les deux cas il n'y a qu'une sentence, la mort!"

Par réflexe, Méliane analysa les possibilités de fuite. Après tout, ils étaient six et si ils arrivaient à s'organiser il y aurait peut-être un moyen de se frayer un chemin jusque la sortie. Cependant, elle déchanta rapidement car les gardes présents étaient en surnombre au ratio de trois pour un, étaient mieux équipés et surement mieux entraînés, et de plus étaient aux aguets prêts à réagir au moindre signe de rébellion. Un coup d’œil à ses compagnons d'infortune suffit à clore le débat intérieur de ses idées, seule Drisnil montrait un semblant de fierté, les quatre autres avaient l'air résignés au sort qui les attendaient de toute façon depuis leur arrivée dans cet endroit.
Renonçant pour le moment à fuir, elle alla jusqu'aux râteliers d'arme pour s'équiper puisqu'il n'y avait rien d'autres qu'elle ne puisse faire pour l'instant. La jeune elfe dénicha deux cimeterres en assez bon état au vu de la qualité générale proposée, il est vrai que ce genre d'arme n'était pas le plus utilisé dans la région ce qui l'arrangeait finalement bien. En revanche, elle eut plus de difficultés à trouver une armure de cuir à sa taille et en bonne état mais trouva quand même son bonheur même si elle eut un moment d'hésitation avant de l'enfiler, à cause du sang séché à l'intérieur. Drisnil quand à elle, choisit une besantine, un petit bouclier de bois et une épée courte. A part le nain qui opta pour une hachette, un écu et une besantine, les trois humains mirent plus de temps à choisir leur équipement. Quand tout le monde fut prêt, le sergent reprit la parole:

"Allez bande de chiens, un contre un, on vous laisse choisir votre adversaire et pour rappel, pas de morts."

Méliane se rapprocha de Drisnil.

"Combattons nous, cela nous donnera un aperçu de nos forces et de nos faiblesses respectives pour quand nous devrons compter l'une sur l'autre une fois dans l'arène."

Pourtant à sa grande surprise, Drisnil déclina sa proposition en se dirigeant vers un des humains

"Non, je commence d'abord avec celui-là"

Méliane serra les mâchoires de frustration, est-ce que cette folle se rendait compte que si il y avait une infime chance de s'en sortir ce n'était pas de cette manière qu'elles se sortiraient de ce mauvais pas. Furieuse et frustrée elle reporta son attention sur l'adversaire le plus proche, un humain armé d'une lance. Elle remarqua avec amertume qu'à part elles deux et le nain, les autres n'avaient aucune expérience en combat, il suffisait de voir leur façon de tenir leurs armes ou comment ils flottaient ou suffoquaient dans les armures qu'ils avaient choisies. Elle écarta la lance de son adversaire d'un revers du cimeterre tandis qu'elle profitait de l'ouverture pour le sonner avec le pommeau du gauche. Un croche-pied suffit à le déséquilibrer et à le mettre à terre où l'homme ne bougea plus peu désireux de continuer le combat. Pendant que Méliane clôturait rapidement son simulacre de duel dans l'intérêt de son adversaire, Drisnil se déchaînait de son côté. le résultat de plusieurs jours de colère refoulée qu'elle pouvait enfin libérer. La drow entama son attaque par un revers au niveau du cou qui força l'homme à parer comme il put avec son épée courte qu'il tenait à deux mains, elle enchaîna ensuite avec un coup dans la figure avec son bouclier et un autre revers de son épée qui égratignât l'homme au niveau du bras gauche. Après encore quelques passes d'arme de plus, le pauvre humain souffrait de plusieurs estafilades supplémentaires, la prêtresse ne voulait pas le tuer mais jouer avec lui et lui insuffler la crainte, ce qui était réussit. Lassée de ce petit jeu, elle désarma son infortuné adversaire d'un vicieux coup de lame à la main et le poussa contre un mur lui appliquant la pointe de son arme sur la gorge.
Voyant cela l'un des gardes fit mine d'intervenir mais le sergent l'arrêta d'un geste, si Drisnil avait voulu tuer l'humain ce serait déjà fait. Au lieu de cela elle approcha son visage de celui de l'homme plantant ses yeux dans les siens.

"Il y avait un autre drow dans le quartier des hommes, l'as tu vu? Par Vhaeraun, mens et je le verrai de suite et tu regretteras de ne pas être mort."

Terrifié, l'humain n'avait aucune envie de déplaire à la femme qui tenait sa vie au creux de la main, il parla:

"Oui, un prisonnier drow est arrivé il y a quelques jours dans nos quartiers mais il n'est plus là."

Drisnil écarquilla les yeux et sous l'effet de la surprise laissa retomber son bras.

"Comment ça il n'est plus là? Il a réussi à s'échapper?"

L'once d'espoir qui venait de naître chez elle retomba aussi vite quand vint la réponse:

"Il a été emmené il y a deux jours, un femme en robe rouge, chauve et des tatouages sur le crâne est venue en compagnie du responsable de l'Arène et l'a acheté pour un gros sac d'or."

A ces mots Drisnil recula de quelques pas, choquée par ces révélations. Pour quelle raison, une Magicienne Rouge aurait emmené son compagnon?

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Alors que la prêtresse était en position de faiblesse et inattentive, Méliane en profita pour la frapper du plat de son arme sur le front. Surprise par le coup Drisnil chancela mais réussit à rester debout, elle se reprit juste à temps pour bloquer de son bouclier la seconde lame qui arrivait pour lui cingler la joue. Des poignards dans les yeux, elle se jeta sur Méliane en poussant un cri de rage, fendant l'air devant elle de son épée courte forçant son adversaire à reculer tout en parant ou en évitant les attaques calmement. Drisnil chargea pointe en avant en direction du ventre de la demi-elfe qui l'évita facilement tout en la déséquilibrant d'un habile croche-pied. Méliane profita de son avantage pour enserrer le cou de la drow de son bras droit, l'étranglant à moitié, et la piquer de la pointe de son cimeterre gauche au niveau du coeur, la besantine ne résisterait pas si elle décidait de l'enfoncer.

"Traîtresse" cracha la jeune drow, "je savais que t'accorder ma confiance était une erreur."

Placée comme elle était, Méliane pouvait lui murmurer à l'oreille sans être entendue des autres personnes présentes.

"Parce que laisser tomber les bras comme tu le faisais allait aider ton compagnon peut-être? Conserver l'espoir et l'envie de te battre dans ton coeur sont les seules armes qui te permettront de le retrouver."

Méliane relâcha alors Drisnil et recula rapidement de quelques pour éviter un retour de bâton intempestif qui ne vient pas, la drow se contentant de la fixer tout en tournant et retournant ses mots dans sa tête. Bien qu'abattue par la nouvelle qu'elle avait reçue, elle releva cependant la tête.

"Tu es intelligente, et tu sais te servir de ta tête rapidement et sans perdre ton sang-froid, cela sera pour nous un atout dans l'arène."

Méliane hocha la tête satisfaite, Drisnil avait récupéré ses moyens. C'est à cet instant que le sergent décida d'interrompre son évaluation, il savait désormais ce qu'il avait à savoir sur les capacités de combattant de ses prisonniers.

"Bien j'ai vu ce qu'il y avait à voir. Remettez les armes et les armures là où vous les avez prises, on vous en fournira juste avant d'entrer dans l'arène. Emmenez les dans les cages" ordonna t-il aux gardes. Ceux-ci emmenèrent les prisonniers dans deux geôles séparées - une pour les hommes, une pour les femmes - où des assiettes de nourriture avaient été servies.

"Profitez de ce repas, on se bat mieux le ventre plein et c'est peut-être le dernier de votre existence" dit le soldat qui ferma la porte derrière eux.

Les deux femmes s'approchèrent des assiettes, elles contenaient un brouet brun qui fumait encore, signe qu'elles avaient été amenées très peu de temps avant leur arrivée. Pour accompagner le repas, deux cruchons contenant de l'eau, à première vue, étaient posés à côté. Méliane s'assit devant l'une d'elles et la huma doucement. L'odeur était agréable, elle prit la cuillère en bois gracieusement prêtée par le service d'étage, la trempa dans la mixture et allait la porter à sa bouche quand Drisnil arrêta son geste en lui saisissant le poignet.

"Tu es une rôdeuse, donc tes sens sont plus affûtés que les miens dans certaines occasions. Goûte mais n'avale pas, décèle tu un léger arôme de framboise?"

Méliane haussa les sourcils mais s'exécuta néanmoins, elle identifia les goûts du poulet, de la noix et du choux, mais rien qui ne se rapproche de la framboise.

"Non, rien"
"Tant mieux ils n'ont pas drogué notre repas, les trois autres n'y couperont pas mais nous on y a échappé."
"Ils droguent les repas?"
"Oui, elle diminue la peur et augmente la soif de sang. Tu comprends? Des combattants qui se mettent à genoux pour implorer leur adversaire de leur laisser la vie sauve ne sont pas un spectacle apprécié du public."

Méliane comprenait bien, la barbarie de certains ne connaissait pas de limites. Elle reposa sa cuillère, son appétit venait de tomber. Drisnil, elle, n'était pas prise de tels sentiments, elle s'était installée et enfournait à grandes louchées le contenu de son assiette. Cet enthousiasme déteint rapidement sur Méliane qui entama son propre repas, qui s'avéra finalement assez goûteux, à croire que le cuisinier avait pitié de ceux qui allaient mourir dans l'arène pendant sa préparation.
Après avoir terminé leur repas du condamné, elles attendirent dans un long silence sans échanger un mot durant de longues minutes. C'est Drisnil qui brisa le silence:

"J'ai peur. Peur de mourir dans cette stupide arène. Peur de ne pas savoir ce qu'il est advenu de Sorn, est-il toujours vivant ou non? Je...ce qu'il peut m'arriver n'a aucune importance, lui seul compte. Que m'arrive t-il?"
"Tu l'aimes, tout simplement."

La drow ouvrit la bouche pour envoyer une répartie cinglante mais à la place lâcha un soupir, avant d'admettre:

"Oui, je ne peux pas dire le contraire. Sans lui, la vie ne vaut plus la peine d'être vécue. Je ne sais pas si tu as quelqu'un qui te fait le même effet?"
"Tu es sûre que le goût framboise était un bon critère d'identification? Parce que j'ai envie de répondre à une question que je n'aurais jamais cru entendre dans ta bouche."
"Nous serons peut-être mortes dans quelques heures si jamais tes amis à l'extérieur échouent dans leur tentative de nous faire évader. Nous n'avons donc que nous-mêmes pour nous confier. Alors?"
"Vu comme ça. Oui moi aussi j'ai quelqu'un pour qui je sacrifierais ma vie sans hésiter, mais j'ai la conviction que je la reverrai bientôt."

[Ugo]

Néanmoins elle ne voulait pas continuer dans cette voie car elle craignait au fond d'elle que cela ne sonne comme des adieux, idée ridicule sans doute mais légitime.

"Comment cela va se passer à ton avis?" demanda Méliane, qui ne connaissait fichtrement rien de cette ville de m****. Drisnil qui avait fermé les yeux pour essayer de digérer son repas sans penser au sort de Sorn ou au combat à venir répondit avec calme, sans ouvrir les paupières pour autant:

"D'abord ceux que nous avons côtoyés vont passer en premier. Ils seront certainement drogués et se battront entre eux jusqu'à la mort, le dernier debout survit rarement aux blessures reçues et dans le cas contraire y retournera la fois suivante. A moins qu'ils affrontent un des monstres gardés dans la ménagerie de l'Arène."

Elle s'adossa contre le dossier de la chaise, les mains croisés derrière la tête, et reprit:

"Quant à nous? nous devrions affronter Taurok qui est l'actuel champion de l'Arène. Le point positif c'est que nous aurons des armes et des armures de bonne qualité contrairement à ceux qui vont nous précéder. Le public n'admettrait pas qu'une lame se brise au premier croisement du fer. Avec un peu de chance nous pourrions l'emporter."

Méliane discerna de l'excitation dans ces derniers mots, Drisnil envisageait-elle de devenir la prochaine championne de l'Arène? Cela soulevait de nouvelles questions.

"Tu es une prêtresse d'expérience, cela veut-il dire que tu auras accès à tes sorts une fois dans l'Arène?"

Drisnil eut un renflement dédaigneux:

"Crois-tu que je serais encore dans cet endroit, si j'avais accès à mes pouvoirs divins? Et eux-mêmes ne sont pas assez fous pour laisser les lanceurs de sorts avoir accès à leur magie même dans l'Arène. Ces salauds y ont veillé, à intervalles réguliers une pierre de la maçonnerie diffuse un champ d'antimagie qui bloque la possibilité de jeter un sort."
"Tu penses pourtant pouvoir vaincre un minotaure expérimenté et qui a en plus les faveurs du public. J'ai eu un aperçu de ton aptitude à manier une lame aujourd'hui, tu te bats bien mais face à ce genre d'adversaire tu ne tiendras pas une minute."
"Me prends-tu pour une idiote?" rétorqua la drow un brin agacée, "L'important est de gagner du temps pour que tes amis qui sont dehors aient le temps de mettre au point un plan valable. Emporter ce combat est un moyen de gagner du temps, à condition de s'accorder parfaitement."

Méliane acquiesça d'un hochement de tête:

"A deux nous pourrions effectivement arriver à battre un champion minotaure." avant de tempérer "Mais même unies, cela ne sera pas une tâche aisée. Nous devrons porter plusieurs coups sans que lui ne puisse nous atteindre une seule fois."

l'arrivée de plusieurs gardes vint interrompre leur discussion.

"Finis de manger, bon vous venez avec nous il est temps de vous apprêter pour le spectacle" aboya leur chef de façon peu amène. Là encore Méliane envisagea un coup de force pour s'échapper mais évalua leurs chances trop faibles pour tenter le coup. Ils arrivèrent dans une petite salle dans laquelle trônaient seulement une table. Sur celle-ci diverses armes et pièces d'armure étaient posées en deux tas distincts.
La demi-elfe alla vers le tas qui semblait lui être destiné et saisit l'un des deux cimeterres présents. Aussitôt elle ressentit un léger fourmillement qui remonta le long de son bras, on leur fournissait des armes magiques. Certainement pas avec de puissants enchantements mais ce simple fait était suffisamment marquant pour montrer le sérieux avec lequel les responsables de l'Arène envisageaient ce combat. L'autre cimeterre était identique, elle les soupesa, chaque arme était parfaitement équilibrée et le tranchant aussi effilé qu'une lame elfique de maître. la cotte de mailles qui accompagnaient les deux armes étaient de même qualité. Drisnil avait eu les mêmes attentions: une épée courte, une chemise de mailles et un petit bouclier métallique.

Une fois équipées, les deux femmes furent emmenées dans un nouveau couloir. Toute velléité de fuite était bloquée dans l'oeuf, les gardes qui fermaient la marche suivaient à 10 pas, des arbalètes prêtes à tirer pointées sur leur dos. Le contingent et ses deux prisonnières arrivèrent dans une grande pièce de 10 mètres sur 5. A l'exception du couloir par où ils venaient de déboucher, il n'y avait pas d'autre ouverture qu'une double-porte qui ornait la totalité du mur d'en face. La pièce était dépourvue de tout mobilier, cinq autres gardes étaient présents à leur arrivée et un brouhaha étouffé se faisait entendre de l'autre côté des portes. Le responsable du peloton présent donna ses ordres en s'adressant d'abord à Drisnil et Méliane:

"Vous deux ça va être votre tour, placez vous à 3 pas de la porte. Les autres à vos positions habituelles."

Les positions des gardes entouraient les deux prisonnières, les forçant dans une seule direction - la porte. L'attention de Méliane fut attirée par le garde à sa droite, les mouvements de ces doigts lui rappelait vaguement quelque chose. Quand elle réalisa qu'il s'agissait du langage des signes propre à sa communauté elle faillit tomber à la renverse mais réussit à rester impassible, lentement son regard remonta jusqu'au visage du garde et eut un second choc en s'apercevant que le garde était Harald.

[Ugo]

Après un bref moment de stupeur Méliane tenta de reprendre un air impassible mais à chaque fois son regard glissait invariablement vers Harald qui était concentré sur la porte, comme les autres personnes présentes ce qui était une bonne chose, personne n'avait remarqué sa réaction. Elle finit par croiser le regard d'Harald qui d'un mouvement oculaire impatient lui intimait de regarder sa main.
Obtempérant, elle constata que le jeune homme continuait à bouger les doigts, répétant inlassablement les mêmes mots. Elle eut du mal à comprendre ce qu'il disait, à sa connaissance Harald ne connaissait pas ce langage interdit aux mâles.

"Tiens toi prête, nous allons tenter de vous libérer"

Méliane se retint de ne pas tressaillir, une tentative d'évasion lancée si tôt ne devait pas avoir fait l'objet de beaucoup de préparation. Sans compter que cela mettait sa propre ébauche de plan à terre:

"Comment compter vous faire?"
"Numési, Forja et moi allons faire diversion, pendant que Erin et Shennesta couvertes par un sort d'invisibilité en profiteront pour vous enlever toi et la drow."
"Quelles diversions"
Harald hésita un instant avant de retranscrire: "On improvisera quand le combat commencera."

Un frisson parcourut l'échine de la demi-elfe, le plan d'évasion n'avait pas fait l'objet de beaucoup de planification comme elle le pensait. Pire, tout semblait avoir été fait dans la précipitation, au contraire de ce que l'on est habitué normalement au sein des Soeurs du Premier Sang, avec tous les risques d'échecs que cela entraînent. Elle devait stopper ça.

"Tu dois prévenir Numési, moi et Drisnil avons une idée pour vous donner plus de temps. Vous devez arrêter la marche de votre plan bancal avant qu'in ne soit trop tard."

Harald observa discrètement la drow qui attendait imperturbablement - du moins arrivait à le faire croire - l'ouverture des portes, et sembla réfléchir les yeux dans le vague. Après quelques secondes, il demanda:

"Tu es sûre de ton coup?"
"Evidemment que non, mais j'ai plus confiance en celui-ci qu'à votre idée "on essaye et advienne que pourra". Si tu en as la possibilité préviens Numési au lieu de me contrarier...mâle."

A l'infime pincement des lèvres de son ami, Méliane savait qu'elle l'avait blessée en lui rappelant sa condition inférieure dans leur société. Et même si elle s'en voulut, elle savait que c'était nécessaire pour le faire bouger.

"Elle le sait déjà, c'est elle qui pose les questions."

La demi-elfe se mordit la lèvre inférieure, elle s'était montrée dure envers Harald pour rien puisqu'il obéissait déjà aux ordres de leur supérieure commune. Cela expliquait pourquoi il arrivait à communiquer par le langage des signes secret des Sœurs, Numési avait du sortir un moyen de nouer un contact télépathique entre eux deux de son sac à malices. Malheureusement pour l'ego blessé d'Harald, l'heure n'était pas aux excuses, ses doigts tracèrent donc les signes complexes d'un message adressé directement à son amante:

"Arrêtez tout, moi et Drisnil nous occupons de guider le navire pour le moment. Pour l'instant le plus important est de délivrer son compagnon, il a été livré à l'enclave locale des Magiciens Rouges."

Plusieurs secondes passèrent avant que la réponse ne vienne, la cylon devait soupeser consciencieusement toutes les données qu'elle venait de recevoir. La question étant faisait-elle suffisamment confiance à Méliane pour suivre son idée. Quand enfin Numési donna sa réponse, Méliane expira l'air qu'elle calait inconsciemment dans ses poumons:

"C'est d'accord, évites de mourir aujourd'hui s'il te plaît. Et si Drisnil pouvait survivre aussi à l'issue de la journée, cela m'ira parfaitement. Puisse la Déesse veiller sur vous."

La confiance que lui accordait Numési lui donna une force intérieure propre à soulever les montagnes, elle commença à tracer les signes quand Harald la coupa:

"Elle a coupé la communication."

La déception se mêla à la surprise dans la tête de la demi-elfe, la coupure abrupte de leur communication peinait Méliane qui aurait au moins voulu dire à sa compagne qu'elle l'aimait. Rien ne disait que son plan n'allait pas connaître une issue funeste dans quelques minutes. Pendant qu'elle allait essayer de survivre à son premier combat dans l'Arène, elle escomptait bien que les autres réfléchissent à un plan pour s'infiltrer dans l'enclave des Magiciens Rouges et en sortir le compagnon de Drisnil, s'il n'était pas trop tard. Au moins, il n'y avait pas un écueil émotionnel cette fois-ci pour court-circuiter le plan.
A ce moment, un brouhaha enfla de l'autre côté des portes. Le combat en cours venait certainement de se terminer ou était en passe de l'être. Le sergent enleva le loquet de la porte.

"Tenez vous prêtes, c'est à votre tour"

[Ugo]

CHAPITRE 20: SPECTACLE SANGLANT

Le sergent fit un geste de la main. A ce signal, deux des soldats allèrent à la porte pour enlever l'étançon qui la maintenait fermée. Ahanant sous l'effort, ils déposèrent la lourde pièce de bois au sol avant de pousser des deux mains sur les battants pour l'ouvrir. La porte s'ouvrit lentement en gémissant - les gonds avaient besoin d'une bonne dose de graisse - et la lumière du jour s'infiltra dans la salle avant d'en éclairer tous les recoins.
Sous la lumière éclatante, les prisonnières et leurs geôliers clignèrent des yeux. Il faisait un temps superbe, le ciel était dépourvu de nuages et le soleil était déjà assez haut dans le ciel pour ne plus être masqué par les gradins de l'arène. Par réflexe, Méliane avait déjà commencé à analyser le terrain où elle allait jouer sa vie. La partie où se déroulait les combats était un espace circulaire de 150 mètres de diamètre environ, recouvert de sable et de graviers et ceinturé par une palissade en bois de quatre mètres de haut que surplombaient une trentaine de gradins disposés en escalier. Les seules voies d'accès étaient quatre doubles-portes en bois placées aux points cardinaux comme celle qu'elle empruntait à l'instant.
Parmi les éléments qu'elle ne manqua pas de repérer au premier coup d’œil, tout comme Drisnil à n'en point douter, fut une paire de pieds qui disparurent dans l’entrebâillement de la porte d'en face. Une traînée sanglante longue d'une vingtaine de mètres traçait une piste macabre dans le sable jusque là. L'autre élément marquant de la scène, était un imposant minotaure de 3 mètres de haut brandissant la plus grande hache que Méliane n'avait jamais vue de sa vie au-dessus de sa tête en signe de victoire et qui leur tournait le dos. Les gradins étaient bondés, occupés par une foule de spectateurs qui, debout, acclamaient leur champion par des "TAUROK, TAUROK, TAUROK, TAUROK!!!!!!" tonitruants.
Une clameur nouvelle s'éleva de la foule quand les spectateurs remarquèrent l'entrée de nouvelles combattantes, Taurok se retourna alors sur elles pour examiner les nouvelles venues. Méliane ne manqua pas de remarquer le sang qui maculait la hache, les cornes, le pagne et le pelage du minotaure - sang qui paraissait frais qui plus est - sans parler du bras que mâchonnait la créature bovine, réjouissant pour la suite.

"AVANCEZ!" leur ordonna le sergent en faisant un geste de la main pour indiquer à ses hommes de les encourager à s'avancer, c'est à dire en les poussant rudement dans le dos. Manquant de tomber en avant, il fallu quelques pas aux deux femmes pour reprendre leur équilibre. Heureusement pour elles d'ailleurs, s'affaler par terre n'aurait fait qu'ajouter à la vague de quolibets et d'insultes qui s'était mise à leur tomber dessus. Les termes habituels comme "saletés d'elfes", "oreilles pointues", "sang impur" se mêlaient à des insultes plus spécifiques qui ciblaient Drisnil "noiraude", "catin drow",.....
Méliane fut ébranlée par toute cette violence verbale, bien sûr au contact d'autres ethnies hors de sa communauté elle avait déjà eu droit à quelques piques sur ses origines. En tant que demi-elfe, certains humains la considérait comme une engeance de ces damnées oreilles pointues là où les elfes les plus traditionalistes la considéraient comme une bâtarde au sang impur. Sans compter les nains qui eux-mêmes avaient oublié le pourquoi de certains de leurs quolibets envers les représentants d'autres races.
Elle coula un regard en direction de Drisnil, la prêtresse semblait ne pas prêter attention aux insultes qui semblaient glisser sur elle comme si elle avait une carapace, mais certains détails ne trompaient pas. La crispation aux coins de sa bouche et les flammes qui dansaient dans son regard montraient à qui y regardait de plus près que la drow était en rage et n'aurait pas hésité à incinérer la foule présente dans un feu vengeur si on lui en donnait le pouvoir.

Le bruit du claquement de la porte dans leur dos sonna comme un glas funèbre, le combat allait pouvoir commencer. Taurok recracha ce qui lui restait en bouche de son dernier adversaire, on pouvait lui reconnaître cela: le minotaure était assez bien éduqué pour ne pas se battre la bouche pleine. Il désigna ses deux adversaires tour à tour de sa hache qu'il tenait à bout de bras avant de mimer un égorgement avec, provoquant des vivats dans la foule. Le message était clair, il ne comptait pas leur faire de cadeaux. Méliane déglutit, Taurok maniait une arme que les deux femmes auraient eu du mal à lever à deux comme si il s'agissait d'une simple brindille, elle commença à regretter d'avoir imposé son plan. L'instant d'après Taurok chargea Drisnil, hache brandie, la créature devait penser que la drow était plus dangereuse que la demi-elfe.
Taurok voulut diviser Drisnil en deux parts égales, mais celle-ci se rejeta en arrière au dernier moment sans quoi le clergé de Vhaeraun aurait perdu un membre de manière abrupte. Méliane voulut profiter de l'instant où le minotaure était vulnérable - pendant qu'il retirait son arme du sol - pour lancer sa propre attaque mais son adversaire fut plus rapide qu'elle. Taurok profita de l'impulsion générée par le retrait de son arme pour opérer un revers qui aurait proprement décapité la rôdeuse si elle n'avait eu le bon réflexe de se baisser pour éviter de se faire raccourcir d'une tête. Elle recula de quelques pas pour se mettre hors de portée et se retrouva de nouveau aux côtés de Drisnil, elles purent échanger quelques mots puisque Taurok se contentait de les examiner, la hache négligemment posée sur son épaule.

"Il prend son temps, il est persuadé de pouvoir nous découper en rondelles d'un haussement d'épaules."
"Parce qu'il le peut. Il n'a pas que la force de son côté, il a la dextérité d'un elfe et les réflexes d"un roublard chevronné. Tu m'étonnes qu'il soit le champion de l'arène depuis si longtemps, c'est une armée à lui tout seul."
"Tu le mets en face d'un dracosire il ne tiendrait pas 2 secondes, ne soit pas si défaitiste."

Drisnil se regarda brièvement avant de répondre d'un ton ironique qu'elle ne chercha même pas à dissimuler:

"Je n'ai pas l'air d'avoir une peau écailleuse, donc on en est au même point, on ne fait pas le poids."

Taurok ne laissa pas à Méliane le temps de répondre qu'il chargeait déjà la hache levée de façon menaçante. D'instinct les deux femmes se séparèrent, chacune se jetant du côté opposé l'une de l'autre pour ne pas offrir une cible unique à l'attaque du minotaure. Cette esquive eut le résultat escompté, leur offrir une ou deux secondes de répit car emporté par sa course in ne put s'arrêter à temps pour pivoter à temps. Néanmoins cela ne leur servit pas à retourner la situation, elles furent à peine remise en position défensive que Taurok était déjà prêt à lancer une attaque, hésitant seulement sur quel adversaire jeter son dévolu. La jeune demi-elfe devina que leur adversaire était avant tout un combattant instinctif qui faisait entièrement confiance à ses capacités et réflexes de combattant mais qui ne semblait pas capable de planifier une action à l'avance. C'était là son point faible, celui qu'elles allaient devoir exploiter pour espérer l'emporter.
Tout en essayant de faire comprendre à Drisnil qu'elle devait tenter de coordonner leurs attaques pour ne pas laisser à Taurok le bénéfice de l'initiative, elle devait empêcher celui-ci de la trancher en deux avec son arme monstrueuse. Après deux minutes à éviter - Drisnil avait encore le bras engourdi lors de son unique tentative de parer un coup de Taurok - les assauts de leur adversaire, les deux prisonnières se retrouvèrent enfin côte à côte.

"On doit se battre avec notre tête" haleta difficilement Méliane.
"On a n'a pas de cornes, nous" rétorqua Drisnil entre deux respirations sifflantes, qui enchaîna avant que la demi-elfe ne puisse rétorquer "désolée, humour drow. Vas-y continue si tu as une idée, je suis trop épuisée pour réfléchir."
"Il ne réfléchit pas, il agit par instinct. Nous devons le forcer à se mettre sur la défensive en frappant simultanément et en variant nos frappes. C'est la seule manière de l'avoir."
"Une prise en tenailles? Ça ne marchera pas, il a trop d'expérience du combat pour se laisser prendre au piège."
"On le laisse nous charger, on fait mine de s'écarter comme la fois précédente mais au dernier moment on contre-charge
"Ça peut marcher, sauf si il ne fait pas ce qu'on attend de lui."
"C'est un minotaure c'est dans sa nature."

Comme si il avait entendu le conciliabule de ses adversaires, Taurok se ramassa sur lui-même et gratta le sol de ses sabots, un sourire mauvais aux lèvres car confiant que les manigances des deux femmes ne les mèneraient à rien d'autre qu'à leur trépas. Le minotaure ne faisait pas attendre sa charge pour rien, sa préparation enflamma le public avide de voir le sang couler qui encouragea son champion. Ce dernier lança un beuglement de défi et s'élança puissamment en avant.
Comme elles l'avaient escompté, le gladiateur chargea comme si il se préparait à exploser un mur. Méliane et Drisnil chargèrent elles-aussi pour contrer l'action du minotaure. En temps normal, un combattant de la trempe de Taurok aurait du pouvoir contrer la contre attaque des deux femmes, en temps normal. Mais dans ce cas précis, ses deux adversaires n'étaient pas habituées à combattre ensemble et leurs attaques combinées furent complètement désordonnées, ce qui pris Taurok au dépourvu qui fut incapable d'opposer une défense efficace.
Méliane plongea entre les jambes du minotaure, l'égratignant au passage mais sans savoir où elle l'avait touché. Drisnil, elle, visa une de ses mains mais ne réussit qu'à lui entailler l'avant-bras. Néanmoins, même si les blessures qu'elles avaient infligées au champion de l'arène étaient superficielles, elles eurent un effet psychologique important. Taurok venait de s'arrêter et regardait le sang goutter de sa blessure à l'avant-bras, l'air complètement hébété. Il avait reçu de nombreuses blessures dans sa vie, ses cicatrices étaient là pour l'attester mais depuis qu'il combattait dans l'Arène de Montéloy c'était la première blessure qu'il recevait. Il en était encore à contempler le précieux liquide écarlate qui s'échappait de son corps quand il réalisa que ses deux adversaires du jour n'étaient pas restées inactives. Son instinct le poussa à se jeter de côté juste au moment où Méliane l'attaquait sur son flanc mais il ne put éviter un des cimeterres de mordre profondément sa chair, il sentit même la pointe racler une de ses côtes. C'est cependant la blessure infligée par Drisnil qui lui arracha un beuglement de douleur, la prêtresse lui enfonça son épée courte dans la cuisse. Taurok réagit d'un revers de la main qui l'envoya valdinguer à plusieurs mètres, mais la drow avait heureusement accompagné le coup aussi fut-elle seulement un peu sonnée par le coup.
Malgré cela, ces blessures n'étaient pas anodines, l'issue du combat venait de changer de camp et Taurok le savait.

[Ugo]

Méliane avait profité du flottement de Taurok pour aller aider Drisnil à se relever. Elle fut rapidement rassurée sur l'état de celle-ci, la prêtresse drow se achevait de se relever quand elle arriva à ses côtés. Secouant la tête, elle sourit en regardant Taurok qui tâtait ses blessures en grimaçant. Secouant la tête pour dissiper l'effet de sa chute, elle dit:

"On dirait que nous formons une bonne équipe finalement."

Méliane acquiesça silencieusement, elle remarqua alors que l'ambiance avait changé dans l'arène. Les acclamations du public s'étaient tues pour être remplacées par des murmures de stupéfaction et d'intérêt qui formaient désormais un brouhaha ténu. Leur champion était mis à mal par les deux nouvelles venues et les paris qui s'échangeaient mollement jusque là, surtout sur la durée prévue du match, commençaient à s'animer sérieusement, quelques spectateurs misaient désormais sur une possible victoire des deux femmes.
Taurok aussi s'en était aperçu et poussa un beuglement de rage qui imposa le silence dans l'Arène, dardant un regard vengeur sur ses deux adversaires il chargea hache levée bien décidé à faire payer ses souffrances à ces deux moustiques qui l'indisposaient depuis trop longtemps. Prises au dépourvu, Drisnil et Méliane prirent une posture défensive s'apprêtant à subir l'attaque adverse du mieux possible. Attaque qui n'arriva jamais, car le minotaure trébucha à mi-course pour finir à genoux un rictus de douleur sur sa face taurine. Les deux elfes comprirent que les blessures qu'elles avaient infligées à Taurok étaient bien plus sérieuses qu'elles paraissaient. Désormais dans son regard, derrière la fureur et la souffrance un nouveau sentiment pointait dans ce combat...la peur.

"Nous pouvons l'avoir" murmura Méliane en fixant Drisnil, un air de triomphe dans la voix.

Les deux femmes se redressèrent et avancèrent toute en confiance en direction de leur adversaire aux abois, bien décidée de profiter de leur avantage. Cependant, même diminué, Taurok restait un adversaire redoutable qui n'allait certainement pas se laisser tuer sans réagir. Il se redressa, hache brandie et prêt à découper en rondelles ceux ou celles qui s'approcheraient de trop près. Méliane continuait à s'avancer en s'octroyant même la fantaisie de faire mouliner ses cimeterres, persuadée que désormais plus rien ne l'empêcherait de remporter cette victoire. Pourtant une main se posa fermement sur son épaule, surprise elle se retourna vers l'elfe noire qui s'était arrêtée.

"Attends, il n'est pas encore battu, foncer tête baissée comme un minotaure reviendra à te faire tuer et par conséquent moi aussi."

Méliane hocha la tête, encore une fois sa réserve naturelle s'était envolée pour faire place à une folle témérité. Ce qui se révélait alors dangereux pour elle et les personnes qui l'accompagnaient lors de ces moments, parfois même jusqu'à la mort comme pour sa mère. Un voile de tristesse assombrit l'espace d'un instant son regard à ce souvenir douloureux, vite dissipé car ce n'était ni l'endroit ni le moment de s'apitoyer sur elle-même.

"Oui...tu as raison, j'ai toujours un peu tendance à me laisser emporter par l'allégresse de la victoire, un jour ça me jouera des tours."

Elle reporta son attention sur Taurok, toujours campé sur ses jambes en attente défensive, bien que moins solidement. Elle eut un léger sourire:

"Il n'est pas encore battu, oui. Mais désormais la voie de la victoire s'ouvre devant nous et j'ai bien l'intention de l'emprunter, allons-y"

La moue de Drisnil indiquait bien qu'elle ne partageait pas ce point de vue, elle en savait assez sur Montéloy pour savoir qu'on ne reste pas champion de l'arène depuis aussi longtemps en ne comptant que sur la force brute et la maîtrise des armes. Cette grosse brute avait de la ressource à revendre et n'avait pas encore dévoilé tous les coups tordus qu'il avait en réserve. Néanmoins, elle se rangea à l'avis de Méliane et s'avança également en direction de leur adversaire. Les deux femmes adoptèrent une manœuvre d'enveloppement pour prendre le minotaure par les flancs qui...recula. Amoindri par ses blessures et l'énergie dépensée jusqu'ici, Taurok n'avait pas intérêt à lancer une nouvelle charge qui se serait révélée suicidaire, au contraire il devait s'assurer d'avoir les deux femmes en visuel pour éviter une autre mauvaise surprise.
Pendant quelques minutes le combat se résuma aux mêmes échanges, Méliane et Drisnil s'approchaient de Taurok cherchant une nouvelle ouverture pour frapper pour reculer aussitôt quand le minotaure faisait tournoyer sa hache pour les tenir à bonne distance. Ce spectacle commença à lasser une partie du public qui se mit à siffler et huer, ils voulaient de l'action et du sang et ils n'étaient pas vraiment servi depuis quelques instants. Malgré cela les belligérants ne modifièrent pas leurs actions pour autant, ils étaient entrés dans une véritable lutte psychologique et le premier à commettre une erreur se verrait sanctionner d'une manière certainement fatale. A ce jeu, les deux femmes étaient celles qui avaient les meilleures armes, les blessures de Taurok continuaient à saigner, l'affaiblissant ainsi encore plus et dans peu de temps elles n'auraient plus qu'à l'achever. Il allait devoir trouver une solution rapidement mais ne parvenait pas à se concentrer suffisamment pour réfléchir au maintien de sa défense et à l'élaboration d'une attaque.

Une ébauche de tactique commença à germer dans la cervelle de Taurok, qui se retint de sourire au fur et à mesure qu'elle prenait forme dans sa tête. Il allait devoir la jouer finement, elle ne pourrait marcher qu'une seule fois et il doutait d'avoir l'énergie nécessaire pour un nouvel essai en cas d'échec. Il attendit quelques instants le temps qu'une de ses deux adversaires se ramène une nouvelle fois pour le titiller et ne fut pas déçu quand la demi-elfe aux cimeterres se rapprocha. Le minotaure se redressa de toute sa taille et fit face hache brandie en face de lui en position défensive, la drow en profita alors pour se rapprocher de son flanc à pas comptés. A choisir, il jugea que cette dernière était la menace la moins dangereuse et pivota dans sa direction, invitant ainsi Méliane à se rapprocher à son tour pour le menacer sur son autre flanc. C'est là que le champion de l'arène de Montéloy décida de jouer son va-tout, il fit mine de charger sur Drisnil mais après deux pas chuta lourdement à genoux en se tenant la poitrine d'une main, l'autre posé au sol et semblant chercher son souffle les yeux exorbités. Cela agit comme un signal pour les deux femmes qui se ruèrent ensemble pour l'hallali...comme l'escomptait Taurok. Alors que Méliane était à deux mètres elle reçut une volée de sable dans le visage qui l'aveugla, ce qui détourna l'attention de Drisnil durant une fraction de seconde. Laps de temps qui fut suffisant pour Taurok de bondir en avant et de tenter d'embrocher Drisnil avec ses cornes, dans un dernier réflexe elle put lever son bouclier et détourner en partie la force de l'impact mais une des cornes du minotaure lui perça quand même l'armure pour pénétrer dans son torse sous le sein gauche. D'un brusque mouvement de tête en arrière le corps pantelant de Drisnil fut catapulté à plusieurs mètres en répandant une traînée de sang. Voulant profiter de son avantage il se rua sur Méliane qui essayait toujours de se débarrasser du sable qu'elle avait dans les yeux.
La chance de la jeune femme fut que Taurok voulait la faire souffrir car il considérait qu'il lui devait ses pires blessures, aussi il ne ramassa pas sa hache ni ne chercha pas à l'encorner mais fonça sur elle pour la rouer de coups. Méliane eut l'impression de recevoir un bélier dans le ventre quand le premier coup de poing la frappa, la soulevant de terre et lui coupant le souffle. Prostrée au sol, cherchant désespérément à aspirer une goulée d'air, les yeux en larmes à cause du sable, la rôdeuse se trouvait dans une situation délicate et le minotaure comptait bien faire durer le plaisir. Il la saisit par le cou et la souleva à bout de bras, souriant de la voir gigoter les pieds dans le vide tandis qu'elle tentait de s'accrocher à l'avant-bras massif de son ennemi pour retarder la suffocation qui n'allait pas tarder à venir.

"Toi et ton amie pensiez vraiment pouvoir me battre, moi Taurok!" Tonna t-il à son adversaire sans défense.

Méliane était bien en peine de répondre avec la poigne de Taurok qui lui broyait la gorge, elle n'en eut pas le temps cependant car elle reçut un deuxième coup de poing dans la ventre qui la projeta plus loin. Elle roula au sol et voulut se relever car elle savait que sa vie en dépendait, mais elle chuta à genoux terrassée par la douleur. Elle recommençait à y voir mais sa vue était encore brouillée, et la clameur de la foule en furie qui voyait enfin ses désirs de carnage assouvis enfla de plus belle lui saturant l’ouïe. A tel point qu'elle eut l'impression que le sol tremblait, sauf que le silence se fit tout aussi soudainement. Elle tentait toujours de s'éloigner le temps de souffler un peu et de pouvoir continuer le combat quand elle se fit la réflexion que Taurok aurait déjà du frapper. A vrai dire, ses larmes ayant finalement évacué le sable, elle distingua une grosse forme allongé et compris qu'il s'agissait du minotaure étalé de tout son long, c'est lui qui en tombant de toute sa masse lui avait donné l'impression que la foule faisait trembler le sol.
La demi-elfe poussa un soupir de soulagement, Taurok avait présumé de ses forces et ses derniers efforts avaient sapé ce qui lui restait d'énergie. Le combat était fini.

[Ugo]

Méliane ne voulait pas en rester là, un coup bien placé et Taurok irait rejoindre ses ancêtres. Mais alors que la demi-elfe allait se diriger vers le minotaure sans connaissance pour l'achever, la vue du corps sans vie de Drisnil lui fit changer d'avis, elle importait bien plus que Taurok. Elle fit un pas dans sa direction pour s'écrouler aussitôt en lâchant un cri. Grimaçant de douleur elle tâta sa cheville, déclenchant une nouvelle décharge dans sa jambe, manifestement elle était au mieux foulée au pire cassée.
Elle se releva malgré tout et c'est en clopinant qu'elle rejoignit la jeune prêtresse qui ne montrait toujours aucun signe de vie, si elle était morte inutile de dire que leur mission de sauvetage prenait une mauvaise tournure. Heureusement quand Méliane se laissa tomber à côté de Drisnil et qu'elle plaça son oreille contre son coeur elle entendit le coeur battre mais faiblement, elle était encore en vie mais plus pour longtemps.

"L'une des deux parties doit-elle obligatoirement mourir pour qu'il y ait un vainqueur?" se demanda t-elle, dans l'affirmative il fallait achever Taurok au plus vite pour que les deux femmes soient déclarées gagnantes et que Drisnil ait une chance d'être soignée et sauvée car sa blessure était trop grave pour que Méliane puisse faire quelque chose à part limiter l'hémorragie en appuyant dessus. ce qui revenait à prolonger son agonie si jamais Taurok mettait trop longtemps à passer l'arme à gauche. Sa décision prise, la jeune demi-elfe se hâta pour rejoindre le minotaure, elle chuta par trois fois mais se releva à chaque fois et arriva enfin au-dessus de lui. Elle leva son cimeterre et allait l'abaisser sous les cris hystériques du public quand le son d'un cor résonna dans l'arène.
Sous l'effet de la surprise, Méliane interrompit son geste. Les grandes portes s'ouvrirent alors et déversèrent une vingtaine de gardes qui se divisèrent en trois groupes qui s'élancèrent vers les combattants conscients et inconscients. Quatre saisirent Drisnil par les membres, d'autres saisirent le minotaure aux jambes et le traînèrent comme un vulgaire sac de patates et les autres entourèrent la rôdeuse, lui confisquèrent ses armes et l'escortèrent hors de l'aire de combat. En l'espace de quelques instants, l'arène était vidée.

Dès que les portes se refermèrent, les gardes qui avaient emporté Drisnil et Taurok les laissèrent tomber sans ménagement sur le sol de la grande pièce. Aussitôt, un homme d'une cinquantaine d'années portant des habits de prêtre orné du symbole de Tempus s'approcha d'eux. Il s'agenouilla d'abord auprès de Taurok, l'examina d'un coup d'oeil et psalmodia quelques instants en posant ses mains sur le corps du minotaure dont les blessures se refermèrent bientôt. D'un geste il fit signe aux gardes qu'ils pouvaient l'emporter.
Après s'être occupé de Taurok, il s'intéressa à Drisnil. A la grimace qu'il fit, il était facile de deviner que la blessure à la poitrine était sérieuse, il dut d'ailleurs lancer trois sorts de guérison consécutifs avant de se relever et d'hocher la tête d'un air satisfait et de signaler aux gardes que son travail était clôturer pour cette patiente là.
Pour terminer il s'approcha de Méliane et l'inspecta rapidement des pieds à la tête. Il sortit une fiole remplie d'un liquide bleuâtre d'une de ses manches et la tendit à la jeune rôdeuse en lui disant:

"Tiens, cette potion de soins suffira, tu es plutôt en bon état par rapport à tes deux collègues."

Méliane prit la fiole avec une petite hésitation, puis la but en haussant les épaule - il n'y avait aucune raison qu'un guérisseur essaie de l'empoisonner après avoir soigné Taurok et Drisnil. D'ailleurs à la première gorgée, une chaleur bienfaisante commença à envahir son corps et des picotements là où ses blessures guérissaient.

"C'est bon, j'ai terminé pour aujourd'hui. Vous pouvez l'emmener aussi."

signala le prêtre aux gardes avant de quitter la pièce. Deux d'entre eux escortèrent la demi-elfe hors de la salle, après lui avoir retiré sa cotte de mailles - ses armes avaient été confisquées par les gardes sur le terrain de l'arène. Ils l'emmenèrent par le couloir d'où ils étaient venus mais à un embranchement ils tournèrent à droite au lieu d'aller dans la direction opposée. Méliane pensa un moment qu'elle avait reçu un coup sur la tête qui lui avait retourné les sens, mais non, son sens de l'orientation était toujours opérationnel; on l'emmenait ailleurs dans le complexe.

Après plusieurs minutes, le groupe s'arrêta devant la porte d'une cellule. L'un des gardes l'ouvrit et y poussa Méliane sans ménagement. Elle resta quelques secondes appuyée contre barreaux, le temps d'observer ses baby-sitters disparaître au coin. Poussant un soupir - elle était revenue à son point de départ - elle commença à inspecter sa nouvelle "résidence" et fut étonnée de voir qu'on lui avait attribué une cellule beaucoup plus agréable que l'ancienne.
Evidemment ça restait toujours une cellule destinée à accueillir des prisonniers mais par rapport à celle où elle s'était retrouvée la veille c'était le grand luxe. A la place d'une cage froide et humide avec du foin pour dormir et un seau pour assouvir les besoins naturels, elle était désormais dans une pièce maçonnée, avec une vraie couchette, une chaise et une table, un siège percé dans un coin séparé par une cloison en guise de toilettes et une meurtrière haute qui permettait à la lumière du jour d'entrer dans la pièce. Manifestement le combat dans l'arène lui avait valu un meilleur statut que celui de chair pour minotaure. A cette évocation, elle se rappela Drisnil se demandant ce qui était advenu d'elle, un prêtre ne serait pas donné la peine de la soigner si c'était pour la laisser dans le cloaque des caves. Elle s'approcha de la porte de sa cellule et appela, espérant capter l'attention d'un garde.
Après trente secondes, une voix connue se fit entendre:

"C'est pas bientôt fini ce vacarme!"
"Drisnil?"
"C'est toi sang-mêlé?"

La demi-elfe grimaça sur cette petite pique, il s'agissait bien de la prêtresse drow et en pleine forme qui plus est

"Oui c'est moi Où sommes-nous?"

Il y eu un blanc avant la réponse de Drisnil:

"Aucune idée...quelque part dans l'Arène je suppose, mais je ne reconnais pas cette partie du complexe"
"C'est le quartier des VIP!!!" tonna une voix puissante non loin d'elles.

[Ugo]

Si elles en avaient eu la possibilité Méliane et Drisnil se seraient entre-regardées avec étonnement, elles n'avaient pas envisagé qu'elles n'étaient pas seules dans cette partie du complexe. Le silence se fit, aucune des deux femmes n'osaient émettre le moindre son, ne sachant quelle attitude adopter ou à quoi s'attendre. Par contre elles avaient une idée de l'identité du troisième larron, qui confirma leurs doutes:

"Et alors?! Vous avez perdu votre langue? Rassurez-vous, il n'y a pas de garde dans ce quartier, ils nous accordent un peu d'intimité"

Le ton du minotaure était...jovial?...étonnant de la part de la créature qui avait failli les massacrer peu de temps avant. Le sang de Drisnil ne fit qu'un tour, Taurok avait été à deux doigts de la faire passer de vie à trépas et sa désinvolture ne lui allait pas.

"Tu n'es pas mort toi? Attends que je sorte d'ici et je jure de t'envoyer brûler dans les Abysses!!!"

Le reste de la phrase fut noyée sous un flot d'insultes bien senties. Méliane se crispa dans l'attente de la réplique du minotaure, dont entendait l'air bruyamment expulsé par les naseaux, qui sous le coup de la rage risquait bien d'envoyer valser la porte de sa cellule pour aller s'en prendre directement à la prêtresse drow. pourtant il dut réussir à se maîtriser car il se contenta de demander:

"Tu as fini?"

Cela fut suffisant pour clore le flot d'invectives de Drisnil qui ne s'attendait certainement pas à cette réaction, de même que Méliane. Taurok en profita pour enchaîner:

"Il ne faut pas m'en vouloir ma jolie, dans l'arène tu n'as que deux options, tuer ou être tué. Si je suis toujours vivant, c'est bien parce que je ne fais pas de sentiments une fois que je suis dedans."
"Si je comprend bien, ici on est tous amis?"
"Oui bien sur, on s'étripe d'abord et on se serre la main ensuite"

Les deux répliques ironiques des deux femmes eurent une réponse étonnante:

"Ben oui"

Méliane dut tendre l'oreille pour comprendre ce que dit Drisnil en commentaire:

"C'est bien une réplique d'homme, ça"

La drow n'avait pas tort, il n'y avait que des mâles pour penser à établir les bases d'une amitié virile après avoir voulu s'écharper. Enfin bon, s'il ne voulait pas essayer de sortir de sa cellule pour venir leur manger un bout, on pouvait raisonnablement penser que la hache de guerre était temporairement enterrée entre eux.

"Admettons, nous sommes...ne sommes pas adversaires pour le moment" corrigea Méliane qui ne se voyait pas dire "amis" pour l'instant, "cela signifie quoi exactement pour toi?"
"Tant que nous ne sommes pas dans l'arène, vous n'avez rien à craindre de moi...sauf si vous avez l'intention de me tuer à la première occasion bien sûr".
"Ce n'est pas notre intention, enfin pas la mienne" dit Méliane ne connaissant pas celles de Drisnil

Un long moment passa avant que cette dernière ne daigne répondre en soupirant:

"Moi non plus, j'ai trop d'ennemis aux fesses que pour m'en coller un autre."

Au moins les trois combattants étaient arrivés à un semblant de consensus. Méliane voulait cependant en savoir plus:

"Concrètement, ça veut dire quoi? On ne se tape plus dessus? Mais si on se retrouve de nouveau dans l'arène."
"Dans l'Arène, c'est chacun pour soi. Mais ça n'arrivera pas, enfin pas tout de suite."
"Comment ça?"
"Disons qu'ils n'ont pas intérêt à mettre trop vite les bons combattants au rebut, ce n'est pas bon pour le spectacle"

Cela était logique, tout est toujours question d'argent. Et les bons combattants font les meilleurs combats, ceux qui drainent des spectateurs prêts à débourser beaucoup d'or pour y assister.

"Qu'est ce qui nous attends dans ce cas? Toi qui est plus ancien que nous, tu dois pouvoir nous renseigner?"
"Meilleurs repas, meilleures paillasses, prochains adversaires faciles, meilleurs soins,...comme avant mais mieux."
"Toujours prisonniers"
"Vous...oui, en effet, moi comme je fais partie de l'écurie de Tola Vrass, ça dépend de ses affectations"

Les deux femmes s’entre regardèrent, puis Méliane mit un doigt sur la bouche à l'intention de Drisnil, avant de demander innocemment:

"L'écurie de Tola Vrass, tu peux développer? Moi et mon amie nous ne voyons pas de quoi tu parles."

Taurok leur révéla qu"il était un gladiateur Thayen qui combattait au départ dans les arènes d'Eltabbar pour l'écurie de gladiateur qui appartenait à Tola Vrass, une magicienne rouge nommée responsable de l'enclave Thayenne locale. C'est pour cela qu'il combattait dans l'arène de cette cité. Il leur appris également quelque chose qui attisa leur intérêt:

"Elle recherche de nouveaux combattants pour intégrer son équipe."

Les deux femmes échangèrent un nouveau regard, elles avaient trouvé une brèche par où s’infiltrer dans l'enclave. A partir d'ici il fallait la jouer fine mouche.

"C'est intéressant d'être dans une écurie de gladiateurs comme la tienne?"
"Il y a pire" dit tout simplement Taurok

[Ugo]

CHAPITRE 21: INFILTRATION

"Je le sens pas, mais alors, vraiment pas"

Maugréa Harald dans sa barbe

"Vingt fois que tu le dis, on sait Harald, mais maintenant s'il te plait. La ferme, tu vas finir par nous porter la poisse"

Le tança Erin qui commençait à en avoir autant ras la casquette de ses jérémiades que les trois autres femmes du quintet. Tout ce petit monde étaient déguisés en Thayens, Numési était déguisée en Magicienne Rouge de Thay, Harald et Forjia passaient pour ses apprentis tandis qu'Erin et Shennesta jouaient les gardes du corps de la cylon. La mauvaise humeur d'Harald venait certainement du fait d'avoir du raser ses cheveux tout comme Forjia qui elle ne s'en formalisait pas autant, les cheveux ça repousse. De plus, Numési n'avait pas sacrifié sa longue crinière, utilisant un petit gadget magique bien utile à la place. Une semaine était passée depuis le combat dans l'Arène entre Taurok et les deux prisonnières, et la réception qui avait lieu ce soir devait notamment permettre à sa dirigeante de jauger si Méliane et Drisnil avaient leur place dans son écurie de gladiateurs. Les membres du commando avaient bien l'intention de profiter de cette occasion pour s'emparer de ce qu'ils étaient venus chercher et fuir en embarquant Drisnil, Méliane et Sorn au passage en foutant le souk si possible.
Pénétrer dans l'enclave ne fut pas compliqué, il s'agissait après tout d'une zone commerciale. Cependant, une fois entré à l'intérieur, un œil exercé repérait sans mal les nombreux gardes présents ainsi que plusieurs tuniques rouges éparpillées par-ci par-là. Ceux qui entraient avec de mauvaises intentions avaient peu de chances d'en sortir sans mal. En revanche entrer dans l'enceinte intérieure était plus malaisé, seuls les Thayens et leurs serviteurs étant admis à l'intérieur, mais le déguisement était parfaitement au point et l'ensemble de la petite procession entra à l'intérieur sans rencontrer le moindre obstacle.

"Et maintenant?" demanda Harald
"Erin et Shennesta restent avec moi, vous deux mêlez-vous à l'assistance et laissez traîner vos oreilles et vos yeux mais discrètement"

Numési, suivie par son escorte, se dirigea nonchalamment vers le buffet. Elle avait repéré la dirigeante de l'enclave, Tola Vrass. Celle-ci était une femme assez grande, d'un port altier, aux traits agréables à regarder mais durci par un regard qui ne laissait aucun doute de la cruauté dont pouvait faire preuve la dame si on lui en donnait l'occasion.

"Bonne rencontre Dame Vrass, je me présente Dinah Bertar, veuillez recevoir mes salutations respectueuses" dit-elle en inclinant légèrement la tête
La dirigeante des lieux la regarda d'un œil inquisiteur durant quelques instants avant de répondre de la même manière:

"Bonne rencontre Dame Bertar, honorée de la visite d'une personnalité de votre importance. Avez-vous fait bon voyage?"

Parmi les missions de Numési, l'une d'elles avait été de s'infiltrer dans la haute société Thayenne et cela faisait maintenant dix ans, qu'une Magicienne Rouge itinérante nommée Dinah Bertar voyageait occasionnellement dans Thay et ses différentes implantations commerciales. Cela permettait de ramener des monceaux d'information précieuses aux Sœurs du Premier Sang.

"Ho vous savez, les routes de cette région sont si peu sûres, que je préfère utiliser une téléportation de masse pour aller d'une destination à une autre."
"Comme je vous comprends. Pour ma part, devant voyager souvent de et vers Mulmastre, j'utilise souvent la voie maritime. J'ai beaucoup trop de personnel et de bagages pour pouvoir me téléporter à chaque fois."

Pendant que les deux femmes devisaient à propos de banalités et autres, Harald et Forjia s'étaient écartés et vagabondaient comme si de rien n'était. Harald en profita surtout pour picorer différents hors-d'oeuvre quand un plateau passait à sa portée, Forjia de son côté inspectait la configuration des lieux à la recherche d'un passage discret. Elle trouva vite ce qu'elle cherchait en jetant un œil dans l'espace entre deux teintures qui révéla un couloir et une porte d'où sortirent deux Magiciens Rouges et un aidant, qui avait des taches de sang frais sur sa tunique. Il lui sembla apercevoir des marches dans la pénombre avant que la porte ne se referme mais elle ne put pas en être sure. Quand elle se retourna elle vit qu'Harald avait commencé à discuter avec un homme qui avait déjà bien entamé sa soirée:

"Pfff, franchement mon vieux, j'en ai marre de cette vie. Je ne suis pas entré à l'école de magie pour ça, je passe ma vie à aller d'enclave en enclave. Tu sais ce que je voulais faire moi, de la recherche ou des expérimentations, et à la place je suis les pas d'une commerçante à ne rien faire d'autre que de vendre ou acheter."
"Ben..mon gars..t'as pas de bol..hip..ici tu serais..hip...comme un dauphin dans la flotte..hip..pardon"
"Ici? Dans une enclave commerciale? Tu n'as pas bien compris ce que je t'ai raconté mon pote"
"Héhéhéhé..hip...on ne fait pas...hip..que commercer...hip...ici" répondit l'homme en faisant un clin d'oeil appuyé
"Ha?" fit Harald feignant un faible intérêt "tu vas me raconter ça, santé" dit-il en lui donnant un verre plein qu'il venait de saisir à la volée

Durant plusieurs minutes Harald tira sans trop de difficultés les vers du nez à l'imprudent Thayen, l'alimentant à profusion de liquide alcoolisé pour lui délier la langue au fur et à mesure. Pendant ce temps, Forjia s'était rapprochée et exerçait une surveillance discrète au cas-où quelqu'un aurait repéré le manège. Chaque verre apporta son lot d'informations supplémentaires.
Harald apprit ainsi que le sous-sol contenait tout un système de laboratoires où on faisait beaucoup d'expériences avec des esclaves et des tatouages, et surtout qu'ils étaient proches des résultats attendus. Il était tombé sur le bon pigeon, coup de bol extraordinaire.