[Quête] Le manoir Bouliakov

[Claris de Corvimande]

Bon. Claris n'exerçait pas de métier se rapportant à la cambriole, et tourner autour du manoir à la recherche d'une entrée dérobée ne lui semblait pas la meilleure idée qui soit. De plus, sa méfiance naturelle flairait quelque piège au fait que la demeure semble ainsi appeler les voleurs.

Son intention était de se présenter comme venant répondre à l'invitation, et il lui faudrait donc se comporter comme tel. De Corvimande entreprit donc de chercher si cette entrée-ci était dotée d'un carillon semblable à celui du portail. Néanmoins, dans le cas contraire, essayer la poignée de la porte, pour voir si elle était, elle aussi, fermée à clef, ne coûtait pas grand chose, avant de retourner sonner à l'extérieur si aucune de ces deux autres alternatives ne s'avérait fructueuse.

[Kasumi]

Il y avait bien une clochette. Et elle émettait un son plutôt musical et qu’on ne pouvait ignorer. Mais « on » ne semblait pas de cet avis. Malgré plusieurs tentatives, la porte resta désespérément fermée, hermétique même aux appels de détresse – ou de frustration – de la jeune Claris. Sa première tentative pour ouvrir simplement la porte se solda en revanche par une réussite totale : elle n’était pas plus verrouillée que le portail. Et ne déclenchait apparemment pas de piège ou alarme entraînant l’apparition subite que quelque golem ou de la moitié des gardes privés de Melandis. En revanche, la couche de poussière sur le sol annonçait que les occupants n’étaient pas très férus de propreté ou avait connu quelques revers de fortune.

[Claris de Corvimande]

Bon… après tout, si la garde débarquait sur les lieux, qu'est-ce que cela empirerait ? À côté d'une accusation pour meurtre, un flagrant délit de cambriolage ne pèserait sans doute pas grand chose. L'homme avait dit attendre au manoir Bouliakov, et il ne pourrait pas se plaindre que Claris n'ait pas entrepris de s'annoncer. Un petit tour – rapide – à l'intérieur avait donc peu de chances de s'avérer problématique… même s'il commençait à se faire sentir qu'il avait de grandes chances d'être infructueux.

[Kasumi]

Claris constata assez rapidement que tous les menus objets de valeur courants dans ce genre de domaine qui auraient pu intéresser un cambrioleur étaient absents, retirés récemment sans doute. Seul restait un certain nombre de meubles volumineux. Il n’y avait que trois hypothèses : soit Bouliakov avait un goût très prononcé pour la sobriété et le style épuré, soit il avait déménagé, soit un vrai cambrioleur avait déjà fait son marché ici.

La demeure était vaste cependant et la noble n’en avait exploré que quelques pièces du rez-de-chaussée.

[Claris de Corvimande]

Fausse piste.

Visiter une demeure manifestement abandonnée ne lui servirait sans doute pas à grand chose. Après tout, le seul lien entre Bouliakov et son affaire avait été fait par un homme qui, manifestement, n'était pas digne de confiance, puisqu'il ne semblait pas se trouver là où il avait dit qu'il serait. Tout ça n'avait sans doute été qu'une vaste perte de temps et d'énergie…

Claris se prépara donc à battre en retraite, et à retourner à la Mélandienne d'Argent pour tenter d'aborder la situation sous un meilleur angle…

[Kasumi]

Alors qu’elle atteignait à nouveau la grille principale, Claris perçut l’ombre d’un mouvement sur sa droite et, l’instant suivant, une silhouette connue qui l’interpela d’un ton neutre comme si son apparition était la chose la plus normale du monde.

- Bien, je vois que vous avez changé d’avis. Où serait-ce présumé de ma part ? Désolé pour cet accueil mais nous avons dû prendre… certaines précautions.

[Claris de Corvimande]

Humpf. Il avait sans doute observé ses actions tout du long, et Claris n'avait rien remarqué. Bravo pour son attention…

« J'espérais que vous comprendriez que je ne pouvais pas me montrer ouvertement intéressée dans la situation dans laquelle nous nous trouvions. À présent que nous sommes… entre gens fréquentables, j'apprécierais que vous m'en disiez plus. »

De Corvimande avait employé le ton le plus naturel qui soit, comme si la chose avait été évidente, et comme si l'accueil n'avait strictement rien qui sorte de la norme.

[Kasumi]

L’homme lui adressa un regard entendu mais répliqua d’un ton neutre, comme s’il avait deviné ce qu’il en était réellement mais que jouer le jeu des apparences proposé par Claris l’arrangeait pour l’heure :

- Il y aura effectivement moins d’oreilles indiscrètes pour épier ce que nous avons à nous dire. Vous faites certainement référence à la proposition du seigneur Bouliakov, plus qu’à ses liens avec la famille du défunt… Si c’est bien le cas, sachez qu’il s’agit d’une opportunité pour les fines lames prometteuses de Melandis de progresser dans leur art et de se mesurer à leurs pairs. Avant que vous ne posiez la question : il ne s’agit ni de duels ni d’une quelconque mission de mercenariat. Est-ce susceptible de vous intéresser ? Dois-je poursuivre ?

[Claris de Corvimande]

Faire état de ses faiblesses était assez contre-intuitif pour quiconque était habitué à ce genre de jeux de dupes ; mais parfois, cela pouvait s'avérer une manœuvre intéressante. Claris dégagea quelque peu ses vêtements pour monter à son interlocuteur les bandages lui venant de son dernier combat.

« J'espère que vous êtes conscient que je ne suis pas… au mieux de mes capacités. »

Se mesurer à d'autres fines-lames sans qu'il n'y ait de duel. La chose avait au moins le mérite d'intriguer.

« Néanmoins, la chose pourrait en effet m'intéresser. »

[Kasumi]

L’homme parut se détendre quelque peu d’avoir réussi à susciter l’intérêt de Claris cette fois. Il choisit d’ailleurs de s’engouffrer dans la brêche qu’elle venait de lui désigner pour essayer de faire fleurir ces bonnes dispositions :

- Le spectacle n’aurait guère d’intérêt si nous laissions les participants dans un état diminué : Bouliakov tient à ce que ses champions soient à la pleine mesure de leur forme et de leur talent. Tous les participants peuvent recevoir des soins avant et après le combat. Ceux qui survivent en tous cas. Vous n’avez pas peur des risques, n’est-ce pas ?

[Claris de Corvimande]

À vrai dire, la seule chose qui lui déplaisait pour l'instant dans la proposition était que Bouliakov y tenait le meilleur rôle. Mais après tout, l'épreuve que lui avait imposée son père était de prouver son aptitude à se débrouiller en tant qu'adulte, sans l'aide prodiguée par son ascendance. Cela demandait, sans doute, également de ravaler sa fierté et d'accepter que d'autres tiennent le haut du pavé pendant quelques temps… peut-être.

Sa méfiance était loin d'être endormie, mais la perspective de soins complet était très alléchante – ces blessures lui pesaient terriblement. Mais il était hors de question de montrer à son interlocuteur davantage qu'un simple intérêt poli.

« Les risques sont part intégrante de mon existence. »

Même si Claris se plaisait à penser qu'il s'agissait davantage de risques pour les autres que pour sa propre personne… il fallait reconnaître que ce n'était pas vraiment le cas, en tout cas dans l'immédiat.

[Kasumi]

L’homme parut néanmoins satisfait par la réponse de la jeune noble :

- D’ordinaire, nous vous ferions passer une épreuve pour être certain que vous êtes de taille à affronter ce qui vous attend. Mais la façon dont vous vous êtes débarrassé de Mortesaison et de son groupe plaide en votre faveur. Je suis persuadé que vous ne nous décevrez pas. Mais avant de vous en révéler davantage, je dois d’abord m’assurer d’un détail : serez-vous prête à quitter la ville au matin ?

[Claris de Corvimande]

Ah, oui : ce petit détail.

« Eh bien, il se trouve que j'ai pour tâche de demeurer à la Mélandienne d'Argent aussi longtemps que demeurera l'enquête concernant Mortesaison… du moins, théoriquement. »

Claris ne se souvenait pas avoir réellement prit cet engagement, et ne se sentait donc pas l'obligation de le respecter coûte que coûte ; mais le fait que la demande émane d'un représentant légitime de la loi avait tout de même un certain poids. Mais si Bouliakov avait les moyens de faire accélérer les choses, ce serait sans doute appréciable ; d'autant que cela résoudrait peut-être le petit problème posé par son logement jusqu'au retour de son père.

[Kasumi]

L’homme fronça quelque peu les sourcils à cette révélation mais ne se laissa pas démonter pour autant :

- Puis-je demander qui vous a assigné à résidence, si j’ose dire. Mon maître peut faire en sorte de s’engager à vous garder sous son toit plutôt que dans une auberge. Et sa demeure n’est guère éloignée de la ville si les besoins de l’enquête requerraient votre présence. Je suis persuadé que nous pourrions trouver un arrangement.

[Claris de Corvimande]

« C'était une requête du capitaine de la garde à la caserne de l'Abysse célèste… Le capitaine Braquemard, ou quelque chose de ce genre, me semble-t-il. Si vous pouviez faire le nécessaire, cela éviterait quelques… complications. Pour le reste, je dois repasser quelques instants à la Mélandienne d'Argent, mais c'est ma seule obligation. »

Bon, ramener les draps empruntés n'était pas particulièrement primordial, et Claris n'avait laissé aucune affaire dans sa chambre, donc l'intérêt matériel était assez limité ; mais c'était surtout la curiosité, qui primait : un assassin avait-il réellement tenté de pénétrer dans sa chambre, et si oui, dans quel état l'avait-il laissé en constatant son absence ?

[Kasumi]

L’homme hocha à nouveau la tête, son sourire du début de conversation lui était revenu :

- N’ayez crainte : ce capitaine comprendra la situation. Mon maître est plus influent que ce parvenu de Mortesaison. Je pense que vu vos capacités, il est inutile de vous faire escorte jusqu’à votre auberge. Je vous y retrouverai donc au petit-déjeuner demain. Puis nous nous mettrons en route.

[Claris de Corvimande]

L'affaire était donc entendue. Claris n'avait pas la moindre idée de ce à quoi tout cela mènerait, mais il lui paraissait tout à fait raisonnable de supposer que, de toute façon, la situation ne saurait guère être pire. Et puis, il y aurait peut-être au moins quelques opportunités de s'amuser. On verrait bien…

L'enfant de Reuel salua donc, demandant tout de même à ce que les retrouvailles du lendemain soient aussi discrètes que possible – ne serait-ce que pour rester dans la lignée du début de la conversation – et reprit la route de l'auberge. Malgré tout, marcher restait fatigant, et un peu de repos lui ferait le plus grand bien.

[Kasumi]

L’homme lui assura qu’il agirait discrètement puis se fondit dans la nuit avec la même efficacité que ne l’aurait fait une ombre. Il était très tard, trop pour que d’honnêtes citoyens se risquent dans les rues, même avec une excellente raison. Claris ne fit heureusement aucune autre rencontre, comme lors de son trajet aller.

A son arrivée à l’auberge de la Mélandienne d’Argent, la noble eut la surprise de trouver la porte de sa chambre fermée et intacte. L’intérieur était également comme elle l’avait laissé, au moins en apparence : c’est à dire relativement chamboulé avec le lit complètement défait.