Quête : Le Poing Levé / Guerre des plaines brûlantes : à Graëlon

[Mornagest]

Le souvenir de leur conversation, sur les toits de Melandis, lui revint en mémoire. La peur, l'horrible passé de Lothringen, sa maladresse... tout avait contribué à rendre le moment difficile. Ils s'étaient parlé, sans vraiment parler : que pouvaient les mots ? Il avait promis à son compagnon de l'aider. D'essayer de l'aider... et il commettait à nouveau la même erreur, le laissant seul avec ses craintes tandis que lui-même venait niaisement lui poser des questions muettes sur sa situation par rapport à avant. Inchangée... le semi-drow l'avait prédit, et ne s'était pas trompé. Le temps n'arrangerait rien. C'était lui, Mornagest, qui pourrait le sortir de cette impasse. Et pas en lui laissant croire à nouveau qu'il était lui-même en proie au doute. Car lui ne doutait plus. Il avait acquis quelques rares certitudes durant ces derniers mois, et ses sentiments, autrefois controversés, envers son compagnon, s'étaient renforcés et affirmés. Pourquoi ses gestes et son comportement étaient-ils alors si hésitants, brusquement ? Il savait que cela bloquerait Lothringen...

"Je me souviens", fit-il en déposant un baiser sur sa joue. Il était aussi embarrassé que lui, gêné par sa propre maladresse. Qu'ajouter ? Il craignait que les mots ne fussent encore un frein supplémentaire, une barrière. Les gestes... se concentrer sur les gestes.

Délicatement, sa main vint frôler le corps du semi-drow, puis se fit plus insistante, se promenant à nouveau le long de son torse, de son ventre, de son entrejambe. S'il avait un instant perdu la suite de ses idées, par sa faute d'ailleurs, Mornagest retrouva facilement le chemin, titillé par la vision de son compagnon entièrement nu, désireux et désirable. Aller de l'avant...

Il avança progressivement sur le dos, puis les fesses de Lothringen. Il éprouvait, du bout des doigts, la douceur de sa peau, qui contrastait avec la rugosité des cicatrices accumulées par le temps et les sévices. Mais aujourd'hui, plus de tortures, plus d'humiliation. Lothringen méritait sa liberté, et la première étape vers elle, c'était lui qui allait la lui offrir.

[Lothringen]

[JUSTIFIER]Reconnaissant envers son compagnon d'avoir coupé court à la conversation, le semi-drow se rallongea pour tenter de se détendre, pour autant qu'on pouvait espérer y parvenir avec un membre bandé comme un arc et des sensations qui ne pouvaient qu'entretenir cet état. Au moins Mornagest lui fournissait-il des sujets de préoccupations plus immédiats et moins difficiles à appréhender que le ressassement de ses souvenirs et de ses peurs... S'il songea un instant à refermer les yeux pour mieux se concentrer sur ses sensations tactiles, Lothringen les rouvrit bien vite. Il lui fallait pouvoir vérifier, à tout instant, quel était l'homme à qui il devait ces caresses de plus en plus explicites et profondes.

Il avait gémi au passage de l'entrejambe, puis frémi de curiosité en sentant la main descendre le long de son dos, se demandant jusqu'où elle oserait aller. Elle paraissait en tout cas savoir où elle allait... Où ils allaient. Et il en était rassuré, même s'il n'y avait là rien de très rationnel, et qu'il en était conscient. En prenant les choses en main, Mornagest avait tenu compte de ses demandes : le semi-drow lui savait gré de ne pas l'avoir laissé se débattre seul.

Haletant à demi, il regardait son compagnon s'affairer. Nul doute, il le désirait... Mais sans doute pas encore de la manière qu'il fallait - c'était un effort de tous les instants que de ne pas bondir sur Mornagest pour lui faire l'amour le premier. Quand les caresses atteignirent ses fesses, il tenta de focaliser son attention sur elles pour faire monter ce désir particulier, mais ce n'était pas encore assez. En désespoir de cause, Lothringen tourna à demi le bassin, histoire de les présenter plus franchement à son compagnon, et de lui faire comprendre qu'il y aurait tout intérêt à s'y attarder un peu avant de continuer. [/JUSTIFIER]

[Mornagest]

Manquant cruellement d'expérience, Mornagest était obligé de transposer ce que son corps ressentait vers son compagnon, pour imaginer ses propres réactions. Il se souvenait de la crainte qui l'avait envahi, la première fois où Lothringen lui avait fait l'amour... l'inconnu l'effrayait. La frayeur faisait haïr. Il savait cela, et s'efforça d'instiller en son compagnon du réconfort, du bien-être... d'être attentif à ses propres peurs, légitimes, anciennes mais tellement présentes. Rien que ça...

Tandis que sa paume pétrissait doucement les fesses du semi-drow, ses doigts frôlèrent régulièrement, de plus en plus régulièrement son intimité désormais dévoilée, offerte. Dans le même temps, il approcha son visage, déposant un baiser sur la fesse gauche de son compagnon, la caressant du bout des lèvres. Comme il était tentant de brûler les étapes ! S'emparer du sexe de Lothringen et l'agresser sauvagement avec sa bouche... mais il focalisa entièrement son attention sur sa tâche, désireux d'offrir du mieux qu'il le pouvait un regain d'assurance et un apaisement au semi-drow.

Pris d'une inspiration soudaine, il récolta du bout des doigts un peu d'humidité de son propre sexe, puis l'appliqua sur l'intimité de Lothringen, espérant favoriser l'excitation de son compagnon.

[Lothringen]

A la façon dont ce dernier se débattit, grogna et rejeta la tête en arrière, Mornagest devina quil appréciait l'initiative. Assailli de toutes parts, le semi-drow sentait monter l'envie et commençait même d'anticiper d'autres caresses, d'autres gestes, dont certains attisaient son impatience tandis que d'autres lui faisaient appréhender un peu le passage à l'acte. Evidemment, il n'avait pas l'inexpérience de son compagnon ; il savait à quoi s'attendre, aussi bien en cas d'échec que de réussite. Il savait que la douleur finissait par partir, et que l'on survit à tout, même à la honte. Néanmoins, cela faisait six ou sept ans qu'il n'y avait eu personne, et Lothringen se rappelait nettement avoir surdimensionné la virilité de son compagnon, quand il l'avait métamorphosé : petit cadeau dont il aurait dû davantage anticiper les conséquences.

Mais tout cela reculait dans un recoin de son esprit, devant l'évidence du désir... Pour l'heure, il aurait voulu que Mornagest soit partout à la fois, devant, derrière et sur ses lèvres, et il sentait qu'ainsi échauffé, il ne tiendrait plus très longtemps sans en réclamer davantage. Laissant sa tête retomber sur le lit, il recouvrit de sa main celle de son compagnon qui continuait de flatter le bord de son intimité, l'accompagna quelques temps, puis l'arrêta. Il l'invitait ainsi à cesser ce geste, ou à lui donner plus d'ambition. Le bout des doigts ne suffisait plus...

[Mornagest]

Quelque peu désemparé par les réactions successives de Lothringen, le guerrier hésita quant à la suite. Tout en continuant ses caresses, il réfléchit malgré lui à ce qu'il devrait faire pour empêcher de bloquer son compagnon, voire lui rappeler de bien mauvais souvenirs. En tous les cas, il semblait apprécier ce traitement... il se lovait sur les draps, et son corps se couvrait progressivement de sueur. Mornagest avait chaud, lui aussi, sous l'effort et l'excitation. Cela le gênait quelque peu, mais il voulait poursuivre. Aller jusqu'au bout, ne pas faillir... facile à dire.

Sans souhaiter commettre la même erreur que précédemment, en brisant le silence de façon incongrue, Mornagest voulait néanmoins savoir si Lothringen était prêt... rien n'était moins sûr, et il se sentait mal à l'aise, craignant un échec cuisant. Il finit par opter pour une solution intermédiaire en introduisant le plus doucement possible son doigt dans l'intimité de son compagnon, guettant sa réaction, retenant son souffle.

Dans le même temps, il souffrait presque, tant son excitation était grande. S'il parvenait à transmettre ne fut-ce qu'une partie de son état à Lothringen, les choses se passeraient bien...

[Lothringen]

Lothringen s'était immobilisé en sentant l'intrusion. Ce contact ravivait des sensations familières... et dont il comprenait qu'elles lui avaient manqué, quel qu'en soit l'auteur. Pour éviter de resonger au passé, il concentra son attention sur les sensations mêmes, qui, têtues, ne se laissaient guère négliger. Oubliant de respirer, silencieux et solennel, il laissa le doigt se frayer lentement un chemin en lui. La sensation de frottement, d'abord omniprésente, lui rappelait que la suite n'irait pas de soi. Il replia les cuisses, dans l'attente, s'efforçant de faciliter la tâche à son compagnon. Hoqueta de plaisir quand le doigt s'aventura plus profondément dans son intimité, agaçant les parois. Au-delà des sensations encore désagréables dues au manque de préparation, il avait le cœur battant à l'idée de ce qui allait suivre, et se sentait presque en paix, prenant exemple sur la calme persévérance de Mornagest. Son bassin amorça un mouvement de va-et-vient le long du doigt, léger, répétitif et lent. Comment faire comprendre ce qu'il voulait sans risquer de couper son compagnon dans son élan ? Lothringen chercha à l'aveuglette la main libre du guerrier, et y regroupa d'autorité l'index et le majeur.

[Mornagest]

Ses gestes se faisaient plus assurés, même s'ils n'étaient certainement pas les plus parfaits qui fussent. Il se sentit plus à l'aise lorsqu'il constata que Lothringen semblait apprécier le traitement, en demandant même davantage. Si son compagnon avait besoin d'être rassuré, c'était également son cas : ses prouesses sexuelles étaient pour lui-même un sujet pratiquement tabou, n'y songeant que lors de leurs retrouvailles, et seulement au moment où ils se trouvaient tous deux dans des tenues aussi légères qu'à présent. Le reste du temps, tant d'autres choses réclamaient son attention... C'est donc presque naturellement qu'il se demanda comment Lothringen allait percevoir ce qui allait suivre, une fois les barrières tombées. Et cela faillit le troubler. Prenant conscience de cela, il s'efforça une fois encore de se consacrer entièrement à ses gestes, obéissant à l'injonction muette du semi-drow en adjoignant le majeur à l'index. Il ne put cependant s'empêcher de ressentir, de vivre, de profiter. Ses sens étaient aux aguets, et il découvrait de nouvelles choses à chaque instant qui s'écoulait.

[Lothringen]

Peu à peu, les freins s'estompaient ; les muscles de l'orifice se détendaient, le passage s'humectait, et le va et vient devenait plus facile. Lothringen aidait son compagnon à entrer plus profondément, en écartant la fesse ; il le guidait en ralentissant son mouvement de balancier lorsque les doigts se rapprochaient de l'issue plus sensible, et en l'accélérant brutalement au moment de la pénétration. Ils mimèrent ainsi l'acte un bon moment, jusqu'à ce qu'un troisième doigt puisse rejoindre ses frères. Sous l'effort, le semi-drow était en sueur. Il se démenait d'autant plus que cette activité l'empêchait de penser. Tandis que sa conscience s'assoupissait dans la répétitivité lénifiante de ces aller-retours, montait en lui un désir brut, bestial, irrésistible – le désir d'être pris, investi, fouillé, ravagé et marqué pour sien par l'homme qu'il s'était choisi pour amant. En son esprit le don se mêlait à l'auto-destruction et au sacrifice, sans se donner la peine de s'accorder au plaisir plus concret de la plénitude charnelle. N'y tenant plus, Lothringen s'immobilisa soudain, pressa la main de son compagnon et prononça d'une voix rendue rauque par l'impatience : « Viens... »

[Mornagest]

Un instant pris de court, il dut se secouer mentalement pour bien comprendre ce que lui avait glissé Lothringen dans l'oreille. Tout affairé, il était dans une sorte d'état second qui l'empêchait en grande partie de ressentir ce qui l'entourait, et seuls ses muscles de la main parvenaient à occuper son esprit. S'interrompant, le guerrier se redressa, quelque peu courbaturé sous l'effet de la position somme toute inconfortable qu'il avait adoptée durant tout ce temps. Inconfort qui ne l'avait pas empêché de conserver son état d'excitation élevé, d'après ce que le semi-drow pût en juger.

Un instant, un bref instant... il sentit qu'il allait défaillir, renoncer, échouer. Il avait peur, en vérité : décevoir, raviver d'anciennes douleurs, s'attirer les foudres de Lothringen... mais il s'imposa un effort mental. Il ne pouvait pas s'arrêter maintenant, il l'avait promis, il n'y a pas si longtemps que ça. Et il ne voulait ni ne pouvait revenir sur une telle promesse : son compagnon avait besoin de lui, de son aide, de son assurance. Et quelle assurance...

Se reprenant, il s'approcha de son amant, se lova contre lui, sentant sa peau chaude et moite contre la sienne, guère dans un état meilleur. Et, lentement, délicatement, il exauça son compagnon.

[Lothringen]

Ses traits se crispèrent un peu sous la douleur. Il aurait dû y réfléchir à deux fois, avant de revoir les proportions du membre de son compagnon... Mais cela ne dura guère, et il savait que le plus difficile était derrière eux : il ne s'était pas bloqué, Mornagest ne l'avait pas rejeté. A mi-chemin entre souffrance et plaisir, il gémit en sentant le sexe de son compagnon prendre progressivement possession des lieux, au plus profond de lui. C'était comme si ce qu'il avait de plus intime, sa chair, mais aussi ses souvenirs les plus honteux, ses pensées les plus secrètes, était désormais livré à son amant ; plus rien de lui ne lui serait étranger...

Durant le bref répit qui suivit, sa sourde inquiétude se dissipa, pour laisser place au soulagement, à la certitude de la délivrance, à l'envie de donner : les échecs et les peurs n'étaient plus que les spectres du passé ; plus rien ne pouvait empêcher leur souhait de s'accomplir. Doucement enveloppé par sa chaleur, il sentait Mornagest chercher encore ses appuis et ses prises sur son corps. Désireux de ne pas lui gâcher son plaisir, le semi-drow le laissa prendre son temps, et referma les yeux, prêt à l'accompagner quand il le jugerait bon. Quant à lui, il doutait encore un peu, mais de lui-même : s'abandonner, lâcher prise... en était-il seulement capable...

[Mornagest]

Les sensations étaient particulières, étrangères par leur nouveauté. Il lui fallut plusieurs secondes pour s'en accommoder, et environ le double pour trouver une position qui lui convenait sans craindre de fatigue trop rapide. Il agissait avec la plus grande prudence, et en douceur. Néanmoins, il ne pouvait pas affirmer avec certitude qu'il profitait pleinement de la situation. Symboliquement, c'était une réussite : Lothringen paraissait avoir entièrement surmonté ses craintes, et son attitude générale laissait penser qu'il parvenait à se mettre à l'aise et à apprécier le traitement. Physiquement, en revanche... la tension qu'il avait accumulée durant ces dernières minutes ne demandait qu'à éclater. Il ne put tenir longtemps à ce rythme, et, rapidement, malgré lui, atteignit l'orgasme.

Le souffle coupé, le corps endolori, Mornagest resta quelques instants immobile, les yeux fermés.

[Lothringen]

Il fallait reconnaître qu'après tant d'excitation et une si longue préparation, un tel travail sur lui-même, aussi, pour accepter d'en venir là, le dénouement était plutôt brutal, et, du point de vue du semi-drow, un peu décevant. Lothringen n'avait pas rejoint son compagnon dans l'orgasme, et il savait qu'il n'aurait pas le courage de le relancer ; la tension avait été trop forte pour qu'il soit prêt à s'infliger cela de nouveau. Mais Mornagest était coutumier des départs trop rapides, et c'était la première fois qu'il découvrait ces sensations... Il ne restait plus qu'à espérer qu'il se maîtriserait mieux, avec un peu d'habitude.

Pour le moment, le semi-drow avait beau savoir que l'essentiel était sauf, qu'il avait réussi à surmonter ses peurs et son compagnon à découvrir autre chose de leur sexualité, il ne pouvait se prévenir de ressentir une vague tristesse, un peu diffuse ; aussi avait-il plus que jamais besoin d'éprouver la présence de Mornagest contre lui. Il laissa ce dernier reprendre quelques temps son souffle et ses esprits, mais s'étonna de voir immobilité et silence se prolonger un peu trop. Son compagnon était-il en train de sommeiller, ou redoutait-il sa réaction ? Désireux de le rassurer au moins sur ce dernier point, Lothringen lui prit doucement la main, et la porta à ses lèvres.

[Mornagest]

Il ouvrit les yeux, pleinement éveillé. Il ressassait. Cela ne lui était pas arrivé de cette façon depuis un bon moment, maintenant, et ne lui manquait pas particulièrement. Il était quelque peu gêné par la conclusion si hâtive de leurs ébats, après les succès qu'ils venaient de remporter ensemble. Cela lui donnait l'impression très nette d'un échec cuisant, malgré tout. Et il n'osa pas reprendre tout de suite la parole. À quoi bon ? Néanmoins, il sentait qu'il avait besoin d'en parler, même si c'était peut-être inutile. Les faits parlaient d'eux-mêmes.

Lothringen l'aida lorsqu'il embrassa doucement sa main. Une interruption dans l'apathie et le silence qui s'était ensuivi, qu'il mit à profit.

"Je..." parvint-il à commencer, brillant discoureur. "J'aurais voulu prolonger..." il s'interrompit, plus longuement, cette fois. Que dire d'autre ? Il était déçu de lui-même. Évidemment, il avait l'excuse de l'inexpérience, de la nouveauté, de l'abstinence forcée et prolongée. Cependant, il ne pouvait s'en empêcher.

[Lothringen]

Devinant au ton de son compagnon que l'incident prenait des proportions inutilement graves, Lothringen se dégagea avec précaution afin de se retourner et de pouvoir le regarder en face. Mornagest avait une mine si pitoyable qu'il ne put s'empêcher de le serrer dans ses bras. Le semi-drow ne le prenait pas aussi mal. Bien sûr, il était déçu, et il regrettait que leurs rapports aient si souvent tendance à bien commencer et mal finir ; il aurait voulu que rien ne gâche leurs retrouvailles, pour une fois – surtout alors que la mort avait failli les séparer pour de bon, surtout pour une première expérience.
Mais... Il avait plus de recul, et il pensait avec un peu de fatalisme que la sexualité était ainsi faite, de désirs et de frustrations, d'élans et de demi-teintes. Le temps jouerait pour eux, il en était persuadé. N'en avait-il pas été ainsi pour lui autrefois ? Et cette fois encore, n'avaient-ils pas à force de patience réussi à surmonter son conditionnement, ses souvenirs, sa peur ? Il en irait de même pour le reste. D'ailleurs, sans même s'en rendre compte, Mornagest s'était comporté bien différemment de leurs premières rencontres, et l'avait plus d'une fois surpris par ses initiatives... dans le bon sens du terme.
Il frotta le bout de son nez contre celui de Mornagest, dans l'espoir de lui arracher un sourire.

« Nous n'avons que trop peu souvent l'occasion, et cela gonfle exagérément les enjeux... Nous recommencerons : à présent, je m'en sais capable, et c'est grâce à toi. »

La mort elle-même nous a rendus plus forts, ne le sens-tu pas ?

[Mornagest]

La manœuvre réussit, et le guerrier sourit faiblement, se laissant entraîner dans les bras de son compagnon. Un peu de réconfort n'était pas pour lui déplaire, en ce moment quelque peu mélancolique. Évidemment, le temps passerait, ils gagneraient tous deux en assurance, ils se connaîtraient mieux... et cet incident serait vite oublié. Mais sur le coup, il ne pouvait s'empêcher de se poser des questions. En revanche, Lothringen le pouvait, lui. Il rougit face au compliment déguisé.

"Tu m'as beaucoup inspiré, aussi. Ça joue beaucoup..." Certains gestes lui étaient venus spontanément, sous l'effet de l'excitation du moment. Avec le recul, il n'était pas certain d'oser les reproduire n'importe comment. Et ce n'était pas le but...

Petit à petit, il se détendait, minimisait la gravité de ce qui venait de se passer. Après tout, ils avaient du temps devant eux... malgré la guerre. Même si, présentement, ils ne pourraient pas rester éternellement dans les bras l'un de l'autre, allongés sur ce lit somme toute très confortable. Il aurait bien dormi quelques heures, dans cette position, Lothringen entre ses bras.

"Ce n'est que partie remise, c'est sûr." conclut-il, quelque peu ragaillardi.

[Lothringen]

Quand pourraient-ils à nouveau se ménager une entrevue, au milieu de tout ce chaos ? Dès qu'ils auraient quitté Graëlon, ils seraient à nouveau avalés par la guerre - il faudrait faire campagne, marcher avec l'armée, camper au milieu de nulle part. Combattre. Lothringen savait qu'il ne supporterait sans doute pas bien longtemps le train de sénateur de l'armée ; il imaginait de se téléporter ici ou là - mais dans tous les cas, il lui faudrait emmener avec lui la Garde Blanche, et les rendez-vous avec Mornagest seraient difficiles à mettre en place. Tant que la guerre durerait... Evitant de relancer la conversation sur des sujets qui fâchent, il préféra profiter du peu de temps qu'ils s'étaient accordés, et demeura ainsi allongé auprès de son amant, un bon moment encore.

Un peu plus tard, chacun se rhabillait de mauvaise grâce, et Mornagest quitta les appartements du Conseiller pour reprendre son tour de garde. De son côté, Lothringen reçut Brus, qui lui fit son rapport sur ses échanges et impressions. Il n'oublia pas le projet d'arrivée à l'aube. Le semi-drow en déduisit que les Luméniens entendaient mettre à profit les événements pour regagner en prestige et en influence - ça ne s'arrêterait probablement pas là. Bah. C'était de bonne guerre... et leur sens de l'organisation plairait sûrement à une bonne partie des helmites, qui se figurait les lathandrites comme de doux rêveurs.

Le lendemain, bien avant l'aube, le Conseiller, sa garde personnelle, Brus, le gouverneur et les dignitaires qui accompagnaient ce dernier furent donc au rendez-vous, sur les quais de Graëlon.

[Lothringen]

Le conseiller et son escorte, d'un côté, et le gouverneur et ses collaborateurs, de l'autre, étaient rapidement retournés à l'hôtel de ville de la cité - d'autant plus rapidement que l'atmosphère des quais était devenue assez irrespirable, depuis que trois mille personnes dotées d'un accent douteux y défilaient en brandissant des armes. Il avait fallu se dépêcher d'organiser la réunion d'état-major et s'assurer que toutes les mesures de sécurité avaient été prises. A Manost, la question aurait paru triviale, mais à Graëlon, elle méritait toute leur attention. La Garde Blanche était sur les charbons ardents, et tout particulièrement son commandant, sire Rowan : d'après lui, ce genre de confusion était tout spécialement propice aux attentats, en dépit de l'omniprésence militaire.

Il s'était écoulé deux à trois heures avant que le conseil de guerre ne puisse avoir lieu, les luméniens prévenant régulièrement de l'avancée de leurs préparatifs. Côté manostien, on était tellement prêts que les généraux patientaient dans l'une des salles de réception en discutant à voix basse, et que le conseiller s'était offert le luxe de s'en tenir à son programme initial en se rendant à la cérémonie tymorane à laquelle il avait été "prié" de se montrer la veille. La visite avait été terriblement rapide, la cérémonie avait même dû être écourtée, mais le semi-drow avait tenu sa promesse, et il faudrait s'en contenter.

[Gareth Maelwedd]

A l’heure communiquée pour le début de la réunion, soit un peu plus de trois heures après le débarquement des premières troupes, le conseiller Maelwedd entouré de son état-major et de cinq des membres de sa garde personnelle fit son entrée dans la salle du conseil. Sans prêter plus d’attention que nécessaire au décorum, il prit soin de détailler toutes les personnes présentes, gardes y compris comme s’il cherchait à évaluer leur force et leur menace.

A ses côtés se tenait une femme au regard vert pénétrant et aux cheveux gris strictement tressés. Céleste portait une aube de Lathandre avec fierté, semblant défier quiconque de la remettre en cause. Juste derrière eux se tenait un nain en armure lourde, sa barbe rousse et ses cheveux tressés avec soin. Lothringen pouvait se souvenir de Daïn Briseroche qui lui avait été présenté plus tôt comme supervisant l’infanterie et les régiments d’arbalétriers luméniens. Aux côtés du nain se tenait un homme d’âge avancé à en juger par sa barbe courte et ses cheveux grisonnants. Adelin Franchedigue semblait néanmoins doté d’une grande énergie intérieure mais sa principale qualité était la finesse de son esprit de mage réputé, même en dehors des frontières de l’Université. Enfin, les deux cavaliers du groupe, la capitaine Vera Gellagen et le lieutenant Cored Ventcoureur fermaient la marche de la délégation.

Ce fut évidemment le général Maelwedd qui s’exprima le premier, en sa qualité de conseiller et de commandant en chef des armées luméniennes :

- Mes hommages conseiller Lothringen. Désolé de notre retard mais nous devions nous assurer que nous troupes étaient parvenues à bon port. Commençons si vous le voulez bien.

Une façon plus ou moins subtile de faire remarquer qu’il n’appréciait guère de devoir se séparer ainsi des soldats sous ses ordres mais aussi de marquer son impatience à éviter les salutations protocolaires.

[Lothringen]

Curieux mélange de brusquerie de corps de garde et de politesse mal digérée (depuis quand présente-t-on ses hommages à un homme ?), le général Maelwedd était conforme au souvenir que Lothringen avait gardé de leur brève entrevue à Lumenis. Mais le semi-drow était loin de s'en formaliser, car son empressement à entamer les discussions d'ordre militaire rencontrait sa propre impatience. Et du côté des dignitaires helmites, s'il y avait une chose que l'on savait apprécier, c'était précisément le souci d'efficacité : au moins parlaient-ils la même langue.

"Voici avec moi le sire Faerdan, gouverneur de Graëlon, le grand-prêtre de Helm, Eroeh, le mage Eloern, les généraux Delvas et Tender, représentants le Coeur Radieux et l'armée de métier, et le capitaine Bacramad de la garde manostienne. Les autres sont mes gardes du corps. Commençons donc.", répartit le conseiller en le conduisant vers une carte d'état-major étalée sur la grande table de marbre. Il montrait du doigt les endroits concernés tandis qu'il parlait. "L'armée mélandienne, forte de dix mille hommes environ, s'est scindée un peu avant Aghoralis, laissant une fraction assiéger la ville, tandis que les autres descendaient au sud par le plus court chemin. Si l'on se fie à leur trajectoire actuelle, qui trace un azimut vers les cols de la Cordillère tout en laissant la côte loin à l'ouest, il semblerait qu'ils cherchent à gagner Manost en laissant Graëlon de côté. A ce jour, il ne sont guère à plus de cinq jours de notre campement. Nous avons préféré retarder jusqu'à votre débarquement le moment d'opérer notre propre scission, quitte à hasarder le sort d'Aghoralis et laisser l'ennemi ravager un peu plus nos campagnes évacuées à la hâte. Vous comprendrez que nous ne pouvons plus repousser."

Il marqua une pause, afin de laisser au général Maelwedd la possibilité de réagir. Sans doute n'aurait-il guère apprécié que les manostiens lui exposent leurs plans sans lui laisser l'occasion d'en placer une...

[Gareth Maelwedd]

Le général, après avoir enregistré les informations concernant les décideurs autour de la table, s’approcha de la carte tout en écoutant le descriptif dispensé par Lothringen de la situation des différentes forces et de leurs intentions supposées ou avérées. L’idée de scinder l’armée ne lui plaisait pas forcément mais il ne voyait vraiment aucune autre solution plus efficace : les mélandiens leur forçaient la main même s’il n’était pas question de les laisser adopter leurs règles. Sentant que la parole lui était laissée, il ex posa sa première réaction et les interrogations qui y étaient liées :

- L’ennemi a pris un risque par cette manœuvre mais il semble compter sur sa rapidité et notre indécision pour nous pousser à reculer ou abandonner Aghoralis. Pouvez-vous me dire de quoi est composée la colonne qui marche vers Manost ? Disposent-ils de nombreux cavaliers ? Et de chariots pour le ravitaillement. Même à compter sur d’éventuels pillages autour de leur progression, nourrir cinq légions n’est pas une mince affaire. Les assiégeants semblent tenir une position plus aisée, à moins que nous ne les forcions contre le mur de la cité ou sa citadelle. Avez-vous des rapports de la situation là-bas ? Je pense comme vous qu’une scission de nos forces est nécessaire. Nous pourrions envoyer une partie de l’infanterie et des archers à pieds aider les défenseurs mais je me refuse à les abandonner sans couverture de cavalerie. Ils risqueraient beaucoup trop de se faire attaquer sur le trajet. A l'inverse, une troupe de cavalerie pourrait provoquer du dégât mais pas si l'ennemi a déjà pris pied dans la cité. Nous pouvons aussi former une ligne de défense plus au sud pour intercepter la seconde colonne mais là encore, nous n’aurions pas un avantage évident et votre première ligne de défense serait perdue avec une forteresse d’importance sans avoir infligé de gros dégâts. A moins peut-être que nos troupes les plus mobiles aillent préparer le terrain au sud et harceler la colonne et ses lignes de ravitaillement. Mais ce n’est qu’un avis à chaud, vous êtes certainement parvenu à la même conclusion et vous connaissez bien mieux le terrain : qu’avez-vous en tête pour la suite des opérations ? Souhaitez-vous combiner nos troupes ou que chacune d’entre elle prenne en chasse une partie de celles de Melandis ?

[Lothringen]

Lothringen hocha la tête pour repousser la dernière hypothèse.

« Il y a un peu plus de cinq mille hommes dans la colonne mélandienne qui descend vers le sud et un peu moins de cinq mille dans celle qui assiège Aghoralis ; il me semble donc exclu de garder une répartition de troupes par nationalité.

La colonne qui vient à notre rencontre est assez bien connue grâce aux rapports d'éclaireurs. Ce sont des troupes de fantassins appuyées par des prêtres et des mages en soutien. Leur déplacement est donc relativement lent, et ce d'autant plus qu'ils traînent avec eux un ravitaillement conséquent dont les charriots les accompagnent depuis Melandis. Ces unités ne sont pas les meilleures de leur armée – des traînards, des repris de justice... - mais ils sont bien encadrés par des officiers efficaces. Bref, à mon sens, ce sont des troupes de choc sacrifiables destinées à nous freiner.

Les vétérans, quant à eux, assiègent Aghoralis qui me semble pour l'instant leur véritable cible. Sans aide, elle ne tiendra pas très longtemps face à une armée de cinq mille hommes. Les derniers rapports font état de combats quotidiens autour de brèches ouvertes par les mages mélandiens... Chaque jour qui passe est précieux.

A l'instar de l'armée mélandienne, l'armée manostienne est essentiellement composée de piétons. S'il faut envoyer la cavalerie quelque part, je pense que ce n'est pas sur les ravitaillements de l'armée mobile, mais pour prendre à revers les assiégeants et soulager un peu la cité en attendant le reste des renforts qui arrivera... hé bien, après une première bataille plus au sud. La question que je me pose pour l'instant est : combien de troupes rapides peut-on envoyer sur Aghoralis ? Notre cavalerie ne dépassera pas deux mille hommes, parmi lesquels bon nombre de paladins déchus. Une infanterie légère pourra les appuyer grâce à un déplacement accéléré par magie, mais il ne faut pas compter sur plus de six cents hommes avec de tels artifices… La garnison d'Aghoralis est forte de mille deux cents hommes, mais déjà bien usés par le harcèlement dont ils font l'objet. De votre côté ? »

NB : j'ai édité le précédent message suite aux précisions de Fossy.

[Gareth Maelwedd]

Le général prit le temps de digérer ces nouvelles informations avant de répondre du même ton confiant qui avait fait sa réputation sur les champs de bataille d’Helonna, qu’ils soient militaires ou politiques :

- Le capitaine Vera Gellagen est à la tête de deux compagnie de cent cavaliers lourds expérimentés. Comme je ne conçois pas de laisser une partie de l’armée sans cette appui, nous serons forcés d’en envoyer une contre chacune des colonnes. Le lieutenant Cored dispose quant à lui de huit compagnies de la même taille de cavaliers légers et archers de cavalerie. Là encore, nous ne pourrons pas tous les envoyer sur l’un des deux fronts mais ils feraient assurément plus de dégâts rapidement, au sud. Nous pourrions en envoyer trois cent à Aghoralis tout en gardant une force conséquente pour les soldats de base mélandien. Il me parait important de répartir également nos troupes de soutien : Céleste est à la tête de cent prêtres avant tout destinés aux soins et à la protection ainsi que cent guerrier-prêtres de l’aube exalté ayant plus l’habitude et l’équipement pour servir dans les premières lignes. L’université de la magie nous a dépêché Adelin Franchedigue à la tête de cent Appariteurs. Je propose d’envoyer la moitié des prêtres et des mages en appui de chacune de nos forces. La troupe d’exaltés sera dépêchée en renfort d’Aghoralis. Enfin, nos troupes à pied moins mobile pourront se répartir sur les deux fronts : six compagnies de Montagnards équipés de piques et d’armes de jet habitués à la défense de nos cols. Ils pourront servir sur les reliefs du sud ou en ville comme vous le jugerez nécessaire. Nous disposons également de trois cents archers majoritairement elfes et de huit cent spadassins lourds. Je propose d’envoyer la majorité des troupes à pied protéger notre front sud. Tout cela est bien entendu négociable mais je propose d’envoyer au nord le même nombre de soldats que comptaient la garnison avant le début des combats : cent cavaliers lourds, trois cents cavaliers légers, cinquante prêtres et autant de mages, cent prêtres guerriers de l’aube exaltée, deux cent guerriers montagnards, cent archers, et trois cent spadassins lourds. Les autres hommes iront renforcer notre aile sud et pourront agir pour protéger Graëlon en cas de débordement. Il est essentiel de garder ce point d’appui pour nos navires de guerre. Qu’en pensez-vous ?

Cette dernière question s’adressait à la fois au conseiller, à ses généraux et aux chefs de troupe sous ses ordres.

[Lothringen]

Les manostiens mirent quelque temps à digérer les informations. Le conseiller luménien proposait d'envoyer mille deux cents hommes en renfort à Aghoralis, qui s'ajouteraient aux deux mille six cents manostiens. Si l'on ajoutait cela à la garnison d'Aghoralis, on atteignait théoriquement la parité numérique avec l'assiégeant mélandien. Cela en pure théorie, car il y avait fort à parier que le nombre des défenseurs de la cité avait fortement baissé ces derniers jours. Et les cavaliers manostiens, guerriers, prêtres et paladins déchus, sur lesquels on comptait pour disperser les troupes à pied mélandiennes, seraient d'une efficacité réduite une fois démontés... Cela dit, ils avaient l'avantage du terrain, du double front, et des remparts : cela devrait suffire à faire la différence.

"Hum... une compagnie de cent archers est bien insuffisante, je le crains, hasarda le général Tender. Ce n'est pas assez pour faire de réels dégâts avant une charge, et l'essentiel de nos troupes étant formées de cavalerie, urgence oblige, ils seraient très à découvert une fois les combats engagés. Mieux vaut encore qu'ils demeurent au sud ; comme je vois les choses, à Aghoralis, ils courent au massacre. J'en dirais autant de vos mages."

Lothringen redoutait pour sa part le temps que l'on perdrait à attendre les fantassins ; même bons marcheurs, ils ralentiraient sans doute fortement les renforts. Or il avait choisi les troupes pour une intervention la plus rapide possible, sentant qu'Aghoralis pouvait tomber d'un instant à l'autre... Mais, baste. On pouvait commencer sans eux. L'essentiel était de perturber au plus tôt le pilonnage des remparts...

"Pour ce qui est du front sud, la rencontre avec les troupes mélandiennes peut avoir lieu d'ici une semaine, moins si nous marchons à leur rencontre. Il faudra sans doute marcher sur un front large car il est de leur intérêt d'éviter le combat pour forcer l'allure soit sur Graëlon, soit sur Manost. Une prise de Graëlon vous gênerait sans doute pour rembarquer ou ravitailler, mais à court terme, il me semble elle ne présente guère d'intérêt pour l'ennemi ; la cité n'est pas fortifiée, et comprend peu de ressources. Quoi qu'il en soit, il ne faut pas se fier au relief du campement que nous avons choisi ; le terrain est essentiellement fait de grandes plaines dans cette région : il faudra compter sur une bataille de grandes manoeuvres en terrain plat", précisa-t-il en réponse à la réflexion de Maelwedd sur ses montagnards. "Aghoralis est quant à elle placée sur une éminence qui en facilite la défense, mais elle surplombe des plaines, elle aussi."

[Gareth Maelwedd]

Le général se pencha à nouveau sur la carte pour se donner le temps de la réflexion et appuyer les différentes hypothèses qu’il formait dans son esprit avant de les livrer au regard critique de ses alliés et de ses subordonnés.

- Si vous pensez disposer de suffisamment de mages pour soutenir la garnison, nous pourrions réserver tous les nôtres au front sud. De même que les archers à pied qui nous ralentiraient pour une efficacité somme toute limitée. Je tiens néanmoins à maintenir la répartition de nos prêtres à pied car il me paraît essentiel que l’on puisse soigner les blessés sur les deux fronts. Nous en enverrons cinquante dans chaque armée. Pour sécuriser la progression de ces troupes, je propose de maintenir un contingent de deux cents spadassins lourds et des cents prêtres de l’aube exaltée. Ils formeront une colonne avec les Montagnards dont nous pourrions doubler le nombre et l’amener à quatre cent unités : leurs arbalètes et leurs piques seront plus efficaces pour tenir des fortifications qu’en rase campagne. Je propose également de mieux répartir nos cavaliers légers en en attribuant cent de plus au groupe Aghorallis. Ils se déplaceront plus vite et pourront harceler les flancs des assiégeants. Et s’ils peuvent atteindre la cité, leurs arcs remplaceront ceux des archers à pied que nous n’enverrons pas. Cela portera le contingent du nord à mille deux cents cinquante luméniens dont cinq cent cavaliers. Comme les troupes à pied se laisseront vite distancer, il nous faut trouver deux itinéraires sécurisés pour éviter que les deux colonnes ne soient attaquées par leur flanc vulnérable. Avez-vous des suggestions ? Si toutefois cette réorganisation est susceptible de vous convenir, évidemment.

[Lothringen]

Les manostiens discutèrent quelques temps avant de donner leur réponse. Ils s'accordaient sur la répartition des troupes, en revanche la question de l'itinéraire leur semblait plus problématique. En rase campagne, il n'y a pas d'itinéraire sécurisé. Il n'y a pas non plus de secret qui tienne bien longtemps face à des devins adverses d'un niveau correct... La seule solution semblait de garder une partie des troupes rapides pour marcher au rythme des piétons afin d'assurer leur escorte. Cela dit, qui pourrait les attaquer par le flanc, sinon la troupe mélandienne des vétérans, qui pour ce faire devrait se détourner de sa marche forcée vers le sud ? Mais elle ne parviendrait pas à les rejoindre à moins de se détourner immédiatement de sa trajectoire. Et si elle faisait cela, le groupe manosto-luménien du sud en ferait autant et ils se retrouveraient à combattre en nette infériorité numérique. Ce n'était pas leur intérêt, à moins qu'ils ne cherchent à faire tomber Aghoralis à tout prix, même en sachant qu'ils ne pourraient la tenir ensuite. Non... On allait faire comme ça, et surveiller étroitement les mouvements de troupe mélandiens pour réagir instantanément s'ils tentaient quoi que ce soit contre les détachements d'Aghoralis. On proposa d'ailleurs, pour éviter les mauvaises surprises, de faire marcher l'alliance sud plus à l'est, pour accompagner quelques temps les troupes à pied en partance pour la cité.

[Gareth Maelwedd]

Les Luméniens convinrent que ce plan était le meilleur sur lequel ils pouvaient se mettre d’accord. Il y avait peu de chance que la manœuvre surprenne leur ennemi mais mieux valait privilégier la vitesse si l’on voulait encore sauver la place forte d’Aghoralis. Les membres de l’état-major luménien proposèrent chacun des suggestions dans leur domaine qui permirent de régler d’autres détails. Le départ serait donné à l’aube. D’ici là, le temps serait mis à profit pour coordonner l’organisation des secours, les procédures d’engagement, le positionnement tactique de chaque unité pendant la marché, le convoi de ravitaillement. Tous ces mille détails qui contribuaient plus au destin d’une guerre qu’à enflammer l’imagination des bardes et des historiens. Ne restait qu’à transmettre les ordres nécessaires et, peut-être, protocole oblige, céder à quelques mondanités pour achever de briser la glace.

HRP : je me fendrai plus tard de quelques posts d'ambiance mais je pense que l'on peut clore là la réunion, la stratégie actuelle étant arrêtée.

[Kasumi]

Quête : Pleurs à chaudes lames

Trois jours environ après le conseil de guerre…

Le messager faisait le planton depuis près d’une heure déjà devant la porte de la chambre du conseiller. Il avait été impossible à joindre depuis plusieurs jours déjà et certains officiers commençaient à se poser des questions. Etait-il retourné à l’abri, à Manost ? Avait-il déserté comme tant d’autres ? Des questions urgentes méritaient son attention cependant.

Et ces maudits gardes qui l’empêchaient de passer. Finalement, il se décida à leur laisser le rapport à remettre au conseiller Lothringen au plus vite.

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Celui-ci était plutôt lapidaire et factuel : les communications avaient été interrompues avec un des villages situé à l’arrière des lignes avant qu’il ait reçu l’ordre d’évacuation. Il n’était pas vraiment sur la trajectoire de la colonne mélandienne mais il comptait du ravitaillement. Deux messagers avaient été envoyés les prévenir mais ils n’étaient revenu ni l’un ni l’autre. Finalement, pour faire face à l’absence du conseiller et à la pression de leurs alliés, une unité rapide luménienne avait été envoyée enquêter sur place. Ils devraient être de retour le lendemain matin si tout s’était bien passé.

[Lothringen]

La Garde Blanche, depuis trois jours, était sur les charbons ardents. Au soir du débarquement luménien, le conseiller avait reçu ses rapports d'espion, comme d'habitude. Puis il s'était couché... tard, comme d'habitude. Au lendemain, il avait été impossible de le tirer de son sommeil. L'elfe noir respirait calmement, ses membres restaient détendus, il paraissait en bonne santé, pas de fièvre - assez souvent, il remuait, gémissait, comme sous l'effet d'un cauchemar, et en tout cas d'une activité cérabrale intense - mais rien à faire, il ne se réveillait pas. Plus étrange encore, le nouveau garde, Hugues Monfort, se trouvait, seul de tous, dans le même état de catalepsie. Rapidement, on l'avait installé sur un lit de camp, dans la chambre du conseiller : sire Rowan, qui savait depuis la veille ce que quasiment personne ne savait - à savoir, que le Grand Emissaire avait déserté, et qu'il n'y avait plus personne derrière Lothringen - avait pris la décision de tenir l'information secrète le plus longtemps possible. Soupçonnant un envoûtement, on avait fait venir l'archimage Eloern, mais ce dernier était formel : aucune magie externe ne s'exerçait ni le conseiller, ni sur le garde ; leurs esprits semblaient prisonniers d'un voyage astral dont eux seuls pourraient les tirer. L'alerte avait été vive, au deuxième jour, quand la température corporelle de l'un et de l'autre s'était mise à décroître de manière préoccupante, en dépit des couvertures, des bouilloires et du feu. Mais elle avait fini par remonter... et depuis lors, les nourrissant tant bien que mal en mettant à profit leurs réflexes de déglutition, on avait attendu, tout en refoulant avec constance les innombrables messages, messagers, et rapports en attente. Officiellement, le conseiller était indisponible. Ce qui n'était pas vraiment faux.

Et puis, au troisième jour, en fin de matinée, miracle : Hugues Monfort avait bailllé, Lothringen s'était frotté les yeux, longtemps, longtemps, le temps de réfléchir. Puis il les avait ouverts. En parcourant la chambre du regard, il avait vu le lit de camp d'Hugues et sire Rowan, l'air agité, à son chevet, auprès d'un autre garde."Dites, qu'est-ce qui me vaut un tel débarquement dans ma chambre ? Et pourquoi avoir déplacé ce lit ici ? J'aimerais un peu d'intimité quand je me lève, si ça ne vous fait rien..."

Quelques explications désordonnées plus tard, le conseiller fronçait les sourcils. Etrange... il ne se souvenait de rien. Et il se sentait bien. Il tourna son attention vers Mornagest, qui se réveillait à son tour. Comment se faisait-il qu'il ait vécu la même chose ? Etaient-ils découverts ? Peut-être aurait-il plus de souvenirs.

[Mornagest]

Le réveil avait pris du temps. Il émergeait d'une absence de plusieurs jours, dont il ne gardait aucun souvenir, et son corps était faible, de même que son esprit, embrumé par la fatigue physique et intellectuelle. La confusion supplémentaire, en se voyant se réveiller dans la chambre de Lothringen, n'arrangeait pas les choses. Que s'était-il passé ? Pourquoi avait-il été déplacé ici ? Il s'abstint de parler, trop désorienté pour oser prononcer le moindre mot qui pourrait compromettre son identité réelle. Il mit un bon moment avant de parvenir à ouvrir complètement les yeux et les maintenir ouverts assez longtemps pour observer ceux qui l'entouraient. Sire Rowan, Lothringen, et un autre membre de la Garde Blanche, dont il avait oublié jusqu'au prénom. Bon... il était en vie, c'était déjà un bon point.

"Hum", finit-il par grogner. "Je ne me rappelle pas avoir bu tant de vin que ça, hier soir... j'ai la tête lourde." Mais pas la nausée, heureusement. En revanche, la faim lui tenaillait l'estomac, et il sentit qu'il avait intérêt à ne pas tenter de se lever s'il voulait rester conscient.

Il ressentait la même curieuse et désagréable chose que lorsqu'il s'était éveillé, suite à sa résurrection, l'esprit aussi épais et la mémoire envolée. Au moins se rappelait-il de son passé, cette fois. Mais aucunement de la raison pour laquelle il se trouvait ici.

[Lothringen]

"Ce n'était pas hier", expliqua le capitaine des gardes, "mais il y a trois jours. Vous êtes resté inconscient tout ce temps, tout comme le conseiller."

Tout cela était bien mystérieux, mais pour l'heure, le semi-drow manquait un peu de pistes à explorer pour trouver l'explication de leur étrange sommeil et de tout aussi étrange réveil spontané. On était au beau milieu d'une guerre comme Dorrandin n'en produisait que toutes les quelques dizaines d'années, et dans son souvenir, la situation n'était déjà pas bien reluisante avant son absence involontaire.

"Et qu'avons-nous raté ?" demanda-t-il bientôt, se levant sans réfléchir. Un vertige le déséquilibra aussitôt, le rasseyant d'office sur le matelas. La tête lui tournait, et il se sentait le crâne terriblement vide. "Hem... il va nous falloir un solide en-cas... petit déjeuner ? déjeuner ? dîner... ?" A sa décharge, la lumière ne parvenait qu'indirectement dans la chambre, lui laissant peu d'espoir de deviner l'heure.

"Nous sommes en fin de matinée. Du côté de la guerre, les décisions prises lors du conseil de guerre ont été appliquées ; la nouvelle de votre état a été tenue secrète et on ne signale pas de catastrophe irrémédiable... La fraction d'armée désignée pour secourir Aghoralis est partie et n'a pas été attaquée, aux dernières nouvelles. Les troupes mélandiennes au nord-est poursuivent sur leur lancée et la première bataille est pour dans trois jours ou un peu plus. La marche des deux armées a été un peu ralentie par des intempéries."
"Pas de coup d'état ? D'assassinats ? De soulèvement tormite ?"
"Non. J'avoue que ça me semble étrange, on aurait pu s'attendre à ce que votre mise hors-jeu s'insère dans un plan plus large..."
"Laissons cela. Personne n'a rien remarqué ?"
"Disons que le courrier s'entasse, et que les visiteurs refoulés commencent à grogner. "
"Très bien, je multiplierai les audiences, si ce n'est que ça. Enfin, dès que j'aurai déjeuné..."
"Une brève vient d'ailleurs de vous être laissée par un messager luménien."

Lothringen prit connaissance du rapport avant de le relire à haute voix, incrédule.

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Celui-ci était plutôt lapidaire et factuel : les communications avaient été interrompues avec un des villages situé à l’arrière des lignes avant qu’il ait reçu l’ordre d’évacuation. Il n’était pas vraiment sur la trajectoire de la colonne mélandienne mais il comptait du ravitaillement. Deux messagers avaient été envoyés les prévenir mais ils n’étaient revenu ni l’un ni l’autre. Finalement, pour faire face à l’absence du conseiller et à la pression de leurs alliés, une unité rapide luménienne avait été envoyée enquêter sur place. Ils devraient être de retour le lendemain matin si tout s’était bien passé.

Il regarda tour à tour ses interlocuteurs.

"Suis-je le seul à trouver... au mieux étrange... que nos alliés enquêtent à notre place sur une affaire de police intérieure dont le rapport avec la guerre en cours est pour l'instant bien loin d'être établi ?"