Quête : Le Poing Levé - Angèle et Chandara - à proximité de Graëlon

[Lothringen]

Pandora lui montra la lettre, et, après trois tentatives, parvint à reprendre son souffle.

"C'est mes parents..." expliqua-t-elle. "Je, euh, je leur avais demandé, juste avant de partir... si je pouvais épouser Thieran... je le leur avais présenté... Un prêtre irréprochable, plus âgé, je pensais qu'il leur avait plu... Mais voilà, j'ai la réponse... ils refusent..."

Lise, la sentant à bout de souffle, prit le relai.

"En substance, d'après eux, un prêtre helmite qui refuse la conversion, ce n'est pas l'avenir... Et se marier juste avant une bataille, une très mauvaise idée."

"Mais c'est justement pour ça qu'il faut le faire maintenant !" geignit Pandora. "On ne veut pas attendre d'être morts pour être ensemble..."

"Je le sais bien..."

[Chandara]

Si elle avait voulu se montrer délicate en ne questionnant pas directement Pandora, Chandara n’avait pu s’empêcher d’écouter la conversation qui se tenait juste devant la tente. Scandalisée par la triste nouvelle reçue par son amie, elle ne chercha même pas à cacher qu’elle avait entendu :

- Mais c’est ridicule. A voir comment vous vous aimez tous les deux. Cela devrait leur suffire ! Vous devriez vous marier tout de même, vous êtes adultes après tout !

Une fois de plus, la paladine avait laissé libre cours à son impulsivité et se demandait maintenant si elle avait bien agi en tentant de décrypter la réaction de ses aînées.

[Althéa]

Angèle, si on lui avait posé la question quelques années plus tôt aurait sans nul doute donné raison aux parents. On obéissait à la volonté de ses aînés, point final. Voila ce qu'elle avait répondu. Mais, de l'autre coté du temps - à ce qu'il lui semblait - une jeune tieffeline du nom de Chance lui avait apprit que l'ordre et la morale pouvaient parfois se taire pour laisser la place à d'autres vérités moins évidentes mais qui valaient aussi la peine d'être entendues.

Elle prit donc le temps de peser le problème. Il n'y avait pas vraiment de solution vu que les parents étaient les seuls à même d'apporter le point final. Mais Pandora ne pouvait pas rester sur cette négation là. Pas avant les combats. Théodora, en deux coups de cuillère à pot aurait dédramatisé la situation, obtenu des sourires. Mais elle n'était plus là ...

Elle baissa la tête une fraction de seconde, se reprit de nouveau.

"Je crois qu'en temps de guerre, nos proches réalisent que nous sommes tous uniques. A quel point ils tiennent à nous. Et ils ont peur que l'on s'éloigne. Ils ont peut-être réalisé que tu avais grandi et que tu allais voler de tes propres ailes. Du coup, ils vous refusent le mariage, pour le moment. Mais lorsque vous reviendrez. Puisque vous reviendrez tous les deux, ils seront si contents de te retrouver qu'ils t'accorderont tout ce que tu voudras. Le non n'est pas définitif, mais transitoire ..."

Elle s'interrompit faute de savoir quoi ajouter d'autre. Son argumentation ne tenait pas la route.

[Lothringen]

Pandora n'avait cessé de hocher la tête en signe de dénégation tandis que la paladine parlait.

"Je suppose que si nous revenons tous les deux et que nous insistons, ils finiront par céder.... mes parents ne sont pas des monstres. Mais... nous sommes des prêtres sans sorts. Que valons-nous au combat ? Une grande partie d'entre nous ne reviendra pas de cette campagne, et je crois que nous en sommes tous conscients. Je ne veux pas attendre..."

Elle jeta un regard de reconnaissance à Chandara.

"Oui, je crois que nous allons le faire quand même. Mais j'aurais préféré avoir leur bénédiction. Que notre dernier échange ne soit pas un conflit. Que Thieran et moi soyons moins seuls..."

Elle reniffla encore.

"Tant pis."

Un silence un peu embarrassé suivit cette déclaration, mais il ne dura pas longtemps : un cor venait de retentir, signalant le début des entraînements.

[Chandara]

Chandara répondit une nouvelle fois spontanément avant de porter se pas en direction des terrains d’entraînements :

- Vous n’êtes pas si seuls. Vous êtes entourés de vos frères et de vos sœurs. Et si malgré tout tu manques de dames d’honneur pour le mariage, je me porte volontaire !

Puis, fière et déterminée, la paladine s’excusa, prête à affronter Don et les autres épreuves plus ou moins agréables qui allaient l’occuper jusqu’au dîner.

[Althéa]

Angèle regarda Chandara s'éloigner les yeux écarquillés, totalement démunie. Un instant, elle sentit monter la panique et se fit violence pour ne pas battre tout simplement en retraite. Quelque part, Pandora avait raison. Les helmites, prêtres comme paladins n'étaient plus que des guerriers sans pouvoirs. En face, Cyric bien vivant galvanisait ses troupes de sa sordide puissance. Il serait difficile de leur résister. Un prêtre tombé chez les mélandiens risquait d'emporter trois manostiens dans la mort avant de succomber. Nier cet état de fait était un mensonge.

Contrairement à Chandara, elle n'était pas favorable au mariages clandestins, célébrés sans l'accord de personne. Leur non reconnaissance était préjudiciable pour tout un chacun. Mais quelque chose lui disait que sans cette union, Pandora ne tiendrait pas. Peut-être était-il possible de biaiser un peu ...

"Et si vous échangiez vos consentements devant témoins ? Cela pourrait être une étape ... Vous pourriez célébrer le reste plus tard."

Bravo, c'était superbe ... Là, elle se sentait parfaitement idiote.

[Lothringen]

Pandora resta quelques instants interdite.

"Hé bien, oui, je ne pensais pas le faire sans témoins... et ce ne sont pas les prêtres qui manquent ici pour faire une belle cérémonie dans les formes ! Mais, euh... au risque de te paraître très terre à terre, Angèle, nous ne voulons pas attendre le retour à Manost pour consommer... Est-ce que c'est pire de le faire avant le mariage ou de faire la cérémonie sans la famille ? Qu'en pensez-vous ?"

Lise haussa les épaules. Elle n'était pas aussi formaliste que son amie, et trouvait par conséquent la solution proposée par la paladine assez adaptée. Un consentement, puis ils faisaient ce qu'ils voulaient entre adultes consentants, et si jamais ils revenaient à Manost, il serait toujours temps de refaire une belle cérémonie et de tricher sur les dates en cas de grossesse indésirable. La campagne ne durerait pas plus d'une saison, selon toute probabilité.

Aux oreilles de Pandora, ce discours ne sonnait néanmoins pas très orthodoxe, aussi regarda-t-elle Angèle d'un air interrogateur, histoire d'avoir un second avis.

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De son côté, Chandara chercha un peu son chemin, car "les terrains d'entraînements" n'existaient que depuis quelques heures. Il ne lui restait plus qu'à suivre le flux des helmites, qui essayaient de se repérer sur la direction du cor.

[Chandara]

Si Chandara avait su le tour que prendrait la conversation avec Pandora, elle se serait probablement attardée par curiosité avant de fuir, gênée. Mais la paladine n’en savait rien et poursuivit donc son chemin avec un brin de nervosité mâtinée du soulagement de savoir que ses amies n’assisteraient pas à sa « confrontation » avec Don. Elle n’eut aucun mal à trouver son chemin une fois qu’elle eut repérer le flot d’helmites en armes.

[Althéa]

Angèle était restée silencieuse. A, c'était donc ça le fond du problème ... Une histoire de consommation ! Pourquoi n'y avait-elle pas pensé plus tôt ? En ce qui la concernait, elle ne se marierait jamais et n'avait pas attendu une bénédiction quelconque pour partager son lit. Alors, pour une fois, elle décida d'être honnête.

"Ce que vous faites à ce niveau là ne concerne personne. D'ailleurs, Lise et moi n'avons rien entendu. D'ailleurs, en ce qui me concerne je n'ai rien dit. Je suis à l'entraînement et nous n'avons jamais parlé de tout cela."

Elle se leva, grimaça en reprenant appui sur son genou.

"Peut-être Chandara, Lise et moi pourrions un soir nous tromper de tente. Ou décider de dormir à la belle étoile ..."

Et elle partit sans attendre à la poursuite de Chandara.

[Lothringen]

L'entraînement du soir était l'épreuve quotidienne à laquelle les helmites n'auraient osé se soustraire sans bonne raison, même s'il venait après une longue journée de marche et qu'il vous forçait à puiser dans les dernières réserves d'énergie avant le repas du soir. Les maîtres d'arme étaient sans pitié, rappelant sans cesse que l'ennemi n'attaquait que rarement après une bonne nuit de sommeil ni en décor choisi. En l'occurrence, ils avaient placé l'entraînement sur la pente du vallon, afin de faire travailler les avantages et désavantages liés à ce type de terrain.

Les helmites étant nombreux, il fallait faire des roulements en cinq groupes. Le premier groupe, constitué de longue date, achevait de se rassembler quand Angèle et Chandara le rejoignirent. Il fallait constituer des équipes de deux pour la suite des opérations. La plupart des équipes étaient déjà formées, mais certains faisaient des échanges au dernier moment pour découvrir de nouveaux styles de combat. Pour l'heure, pas de trace de Don, mais cela ne voulait rien dire : il y avait là plus d'une centaine de personnes, qui ne s'étaient pas encore rangées.

[Chandara]

Chandara fut soulagée de voir Angèle la rejoindre juste avant qu’elle n’atteigne le terrain d’entraînement. Après avoir jeté un regard à la ronde pour tenter de repérer Don, sans succès, la jeune paladine se tourna vers sa colocataire de tente :

- Comment s’est finie votre discussion avec Pandora ? Désolée de m’être esquivée mais je pensais que l’entraînement avait déjà débuté… On a encore le temps de former les équipes apparemment. Ça te dit d’être ma partenaire ?

[Althéa]

Plongée dans ses pensées, elle n'avait pas vu Chandara et sursauta en l'entendant parler. Elle la regarda quelques secondes sans trop savoir quoi dire. Le sujet était plutôt délicat et elle n'avait pas envie d'en débattre à proximité d'oreilles indiscrètes.

"Peut-être pourras-tu lui demander ce qu'elle en pense. Nous sommes tous tendus, épuisés. Cela ne donne pas lieu à des pensées très agréables ..."

Elle ne savait pas quoi ajouter concernant Pandora. Elle lui en parlerait sûrement, un peu plus tard quand l'entraînement serait enfin terminé. Son amie lui proposait d'être sa partenaire. La dernière fois qu'elle avait jouté avec Théodora, elle avait voulu retenir ses coups, tenu son bouclier de manière totalement inadéquate si bien que son amie lui avait malencontreusement brisé les doigts de la main droite ainsi que le poignet. Quand elle avait repris conscience avec la sensation d'avoir l'avant bras en feu, son amie lui avait fait promettre de ne plus s'entraîner avec qui que ce fut entretenant avec elle des liens affectifs ou quoi que ce soit d'autre qui y ressemble. Elle soupira. Son amie était trop loin pour voir quoi que ce soit et il était grand temps de conjurer le sort.

"Si tu veux. Allons-y."

[Chandara]

Chandara se sentit à nouveau coupable de s’être exclue elle-même de la discussion au sujet des difficultés de Pandora. Elle se promit de tenter de se rattraper plus tard même si elle n’était pas certaine de savoir aborder le sujet ou se révéler d’un quelconque réconfort. En attendant, il fallait qu’elle se concentre sur l’entraînement. Elle se réjouit de pouvoir enfin faire équipe avec son homologue plus expérimentée :

- Oh, ce sera chouette, tu verras ! Et ça a des avantages : si l’une de nous tape trop fort sur l’autre, elle pourra toujours se rattraper avec un baume de soins ! J’ai hâte de te voir à l’œuvre en tous cas !

[Althéa]

Angèle ne se sentait pas rassurée pour autant. Le baume de soin ou n'importe quel artifice de ce genre n'empêchait pas d'avoir mal. Ensuite, le corps se souvenait de la blessure et réagissait comme tel. Mieux valait qu'elles restent prudentes. D'un autre coté, Chandara n'avait rien d'un nain enragé prêt à en découdre. Mais c'était peut-être pire. A moins qu'elle s'imagine être de nouveau en présence de Fugar ce qui était assez difficile. Chandara n'avait pas de barbe et n'était pas petite, ni même hargneuse.

"Tu sais, je ne vaux pas grand chose ... Je suis un peu rouillée."

Au moins, ça avait le mérite d'être honnête.

[Chandara]

La paladine interpréta cette remarque à sa façon et répliqua sur le ton de l’humour tout en rejoignant l’attroupement :

- Et tu es modeste avec ça ? Bah, tu as certainement bien des choses à apprendre à une petite novice comme moi. Bien que c’est peut-être juste une manœuvre pour m’attendrir ! Mais je ne marche pas, ça non !

[Althéa]

Une technique pour l'attendrir ? Quelle technique pour l'attendrir ? Mais c'était Chandara qui allait l'attendrir en lui tapant dessus. Elle regarda fugitivement autour d'elle en espérant que Don soit là pour amortir son enthousiasme ou en bénéficier tout simplement. Mais elle ne le vit nulle part. L'espace d'une seconde, elle se dit qu'une Chandara surexcitée pouvait être pire qu'une armée entière de kangourous homicides et revendicatifs. Puis elle se demanda pourquoi elle avait eu ce genre de pensées - elle n'était pas au courant de l'existence des kangourous - et reprit le cours normal de ses pensées.

Peut-être que si elle se calfeutrait derrière son bouclier, il ne lui arriverait rien, personne ne serait blessé et elle pourrait aller dormir sans passer par la case bobos. Mais l'entraînement du jour comportait bien la partie bouclier, non ?

[Chandara]

Interprétant son silence, Chandara fit preuve de son arme la plus redoutable en assénant un sourire ravi à Angèle sans doute pour l’amener à faire preuve de davantage d’enthousiasme :

- Allez va, je plaisantais : ce n’est pas la peine de faire cette tête ! Je réserve mes meilleurs coups pour les mélandiens. Je me demande sur quoi porteront les exercices ce soir…

Ce faisant et presque inconsciemment, la fougueuse paladine se demandait si Don était là. Dans cette éventualité, elle se devait de ne pas le décevoir même si elle n’était pas certaine de ses raisons.

[Lothringen]

"Sur le combat en terrain pentu, à ce que m'a affirmé un maître d'armes. Ce qui me semble s'imposer."

La voix claire qui venait de prononcer cette réponse était celle de Don, qui venait d'arriver à leur hauteur. Un paladin plus âgé l'accompagnait.

"Je vous présente Alix, qui va tenter de me ridiculiser dans les formes. Heureux de voir que vous n'avez pas fui, finalement." Il sourit. Les deux paladins se placèrent, tirant leurs épées et se mettant comme les autres à regarder droit devant eux si les maîtres d'armes ne sortaient pas des lignes pour leur faire signe de faire silence.

"Comment vous sentez-vous, après quinze jours de marche forcée ? Rien de tel qu'un bon entraînement pour nous achever avant la nuit... Je suis fourbu, mais ces exercices nous rappellent que le temps de combattre approche."

En parlant ainsi, il s'adressait à la fois à Chandara et à sa compagne d'entraînement.

[Chandara]

Chandara avait sursauté en entendant la voix de Don. Elle s’était faite à l’idée qu’il ait changée d’avis. Mais le jeune paladin avait su la surprendre par son arrivée soudaine. Pour ne pas apparaître totalement crétine, elle se fit un devoir de répliquer à ses remarques :

- Oh ça nous sera très utile d’apprendre comment nous placer dans ces situations délicates. Comme je manque de pratique de ce genre d’exercices, tu viens bien commencer en prenant place en haut Angèle ? Quoi, j’ai dit un truc drôle ?

Elle avait pourtant soigneusement évité le sujet délicat du voyage à cheval et des désagréments passagers que cela provoquait de chevaucher en armure…

[Althéa]

Angèle avait ouvert de grands yeux puis la bouche. L'avait refermée presque aussitôt et s'était retournée vers Don avant de hausser les épaules. Dans son for intérieur, elle tentait de comprendre si Chandara venait d'essayer de faire une plaisanterie plus que douteuse ou si l'aspect farfelu de la position qu'elle suggérait n'était qu'une simple réalité géographique. Après tout, son amie n'en était pas à son premier coup d'éclat. Quant à elle, elle avait avoué à une tieffeline qu'elle se laissait aller à des attentats à la pudeur sur des gâteaux. Ce qui était bien sûr une plaisanterie mais qui ne dépassait pas le niveau de Chandara. Elle choisit donc de ne pas relever en espérant que Don ait un esprit droit et pas complètement tordu.

Elle commençait à avoir férocement sommeil et ne comprenait pas en fin de compte ce que voulait Chandara. Voulait-elle jouter avec elle ou avec Don ? Elle laissa donc le paladin bouger. Ensuite, tout redeviendrait plus clair.

[Lothringen]

Don était un paladin de Helm déchu, peut-être, mais avant tout un paladin. Quand on lui parlait de positionnement sur une pente à la veille d'un entraînement portant justement sur la question, et de personne devant se placer en haut ou en bas précisément au moment où lui et son coéquipier étaient en train de se placer, il n'y entendait pas malice et n'allait pas chercher midi à quatorze heures cinquante trois. Par conséquent, ni Alix ni Don ne relevèrent la trop subtile allusion tordue, ce qui laissa les deux jeunes femmes avec la terrible impression d'être des déviantes de la pire espèce, à tendance obsessionnelle frustrée. Pour la plus grande gloire de Helm.

Devant eux, les maîtres d'armes venaient d'apparaître et de mettre fin au chahut général. Dans le plus grand silence, ils expliquèrent en quoi allaient consister les entraînements du jour, et donnèrent pour première consigne d'entamer un combat, puis un autre en inversant les rôles, pour tenter de relever quels avantages et inconvénients chacun tirait de la pente. La synthèse collective de l'exercice serait effectuée une dizaine de minutes plus tard.

[Chandara]

Chandara fut soulagée de constater que sa remarque n’avait pas donné lieu à une interprétation qui l’aurait mise dans une situation délicate. Elle se contenta donc de prendre la position qu’elle avait annoncée en laissant à Angèle le soin de défendre la position surélevée. Comme elle le subodorait, la jeune paladine se trouva rapidement obligée de tenter de compenser une moins bonne allonge tout en devant multiplier les parades hautes, épuisantes, pour protéger sa tête et le haut de son corps tandis qu’elle-même ne trouvait d’ouverture qu’au niveau des jambes de son adversaire. Juste avant que l’exercice arrive à sa phase de rotation, l’helmite déchue tenta le tout pour le tout en se disant que tenter de porter un coup décisif était voué à l’échec. Elle visa donc les jambes d’Angèle, tentant de la déséquilibrer d’un coup cinglant du plat de son épée, derrière les genoux. Du moins c’est la manœuvre qu’elle essaya d’entreprendre…

[Althéa]

De stature assez grande, Angèle avait eu beaucoup de mal à parer les coups de Chandara. Contrairement à ce qu'elle en disait, c'était une adversaire assez redoutable. Précise et efficace. Portant le poids de son corps entre le pied gauche avancé pour faire face à la pente et le droit en arrière pour la soutenir et éviter toute chute, elle commençait à suer dans son armure. Chaque mouvement lui faisait mal. Son genou gauche n'était plus qu'une onde de douleur chauffée à blanc. A plusieurs reprises, elle faillit demander grâce et se retirer de l'entraînement. Mais elle savait que si elle n'arrêtait, elle ne progresserait plus. Et avec un peu de chance, le mouvement ferait du bien à ses muscles rouillés.

C'est alors que Chandara, au terme d'un grand mouvement de taille lui donna un coup dans le genou. La douleur fulgura dans tout son corps et chassa un instant l'air de ses poumons. Epées et bouclier tintèrent sur le sol. Oublieuse du monde alentour, elle se laissa tomber sur les fesses. Elle avait mal, vraiment mal. Emprisonnant son genou dans ses mains, les larmes aux yeux, elle entreprit de le masser en doutant de l'efficacité du geste.

[Chandara]

Chandara lâcha elle aussi son épée pour se porter immédiatement au secours d’Angèle. Elle avait seulement voulu la déséquilibrer mais avait certainement mal jugé de la portée de son attaque. Quelle stupide maladroite elle faisait. Voyant que son aînée était visiblement grièvement touchée, elle se sentit impuissante et idiote une nouvelle fois de plus. Elle n’avait jamais eu le pouvoir de guérir comme la plupart de ses collègues paladins mais cette capacité lui manquait d’autant plus aujourd’hui qu’elle était coupée de son dieu, comme tous ceux qui aurait pu se porter au secours de son amie. Alors, elle sentit une nouvelle fois le poids du vide qui l’accablait depuis qu’elle avait perdu son dieu, sa confiance, son assurance. Et les larmes lui montèrent aux yeux, répondant à une douleur pas moins physique pour être plus enfouie, plus sourde.

- Je suis désolée, Angèle ! Est-ce que je t’ai coupée ? Laisse-moi regarder ça… J… Je ne voulais vraiment pas te blesser…

[Althéa]

Angèle avait relevé la tête. Chandara pleurait ? Sa voix s'était brisée au milieu de sa phrase. La surprise eut le mérite d'endormir la douleur pendant quelques secondes. Elle ôta son casque, le laissa tomber à coté d'elle. Oui, Chandara pleurait. Était-ce sous l'effet de la panique ? Elle parvint desserrer les dents pour lui dire.

"Non, ce n'est pas grave. Ce n'est pas toi. C'est juste mon genou qui me fait mal depuis un certain temps."

Elle soupira. Pour une soigneuse, elle allait être vraiment efficace, avec une jambe qui ne suivait pas. C'est à peu près à ce moment que sa décision fut prise. Elle n'en dit cependant rien.

"Ne t'en fais pas. ça va passer."

[Chandara]

Chandara persistait néanmoins à s’inquiéter pour sa compagne. Elle n’avait pas cherché à lui faire mal, elle s’était simplement laissé emporter par la situation. Comment pourrait-elle jamais espérer un jour avoir la discipline nécessaire à une vraie bataille rangée, elle qui se targuait de devenir une paladine. Finalement, elle se sentait indigne de l’avoir jamais été. Sa déchéance n’était donc qu’un juste retour. Se sentant atrocement impuissante malgré les paroles rassurantes d’Angèle, elle chercha de l’aide : il y avait forcément des soigneurs qui accompagnaient les helmites, non ? Comment pouvaient-ils espérer survivre à leur première bataille si tel n’était pas le cas ? Chandara se sentit envahie par le désespoir à cette idée et cria sans soucis d’attirer l’attention :

- A l’aide ! Mon amie est blessée.

[Althéa]

Le moment de solitude était un remède miracle contre la douleur. Durant quelques secondes, elle en voulut à Chandara et à sa discrétion à toute épreuve. N'avait-elle pas dit qu'elle n'était pas blessée ? Puis elle soupira et entreprit de se lever en gardant le genou plié. La douleur féroce se calma un peu. Elle se pencha doucement, reprit épée et bouclier.

"ça va aller, merci."

Elle reprit son casque et l'enfila sans attendre.

"On reprend ?"

[Chandara]

Chandara poussa un soupir de soulagement en constatant que la blessure qu’elle avait occasionnée n’était finalement pas aussi grave qu’elle l’avait craint. Elle imita son aînée après quelques secondes d’hésitation pendant lesquelles elle se demanda s’il était bien raisonnable de continuer et si Angèle ne cherchait pas à dissimuler sa douleur pour la rassurer. Mais comme elle était parvenue à se relever, l’helmite répondit favorablement à l’invitation à reprendre les hostilités.

- Oui, si tu es vraiment sûre mais on ne va plus forcer. C’est ton tour de te placer en bas je crois.

La paladine se mit cette fois en position défensive malgré l’avantage dont elle bénéficiait dans cette nouvelle configuration. Il était hors de question qu’elle risque à nouveau de blesser sa compagne par maladresse.

[Althéa]

Angèle hocha la tête et se redressa tant bien que mal. Si elle ne montra rien, son genou lui fit souffrir le martyr. Mais elle resta stoïque jusqu'à la fin de l'entraînement. Quand enfin, les maîtres d'armes leur donnèrent congé, elle ôta son casque et essuya tant bien que mal la sueur sur son front. Tenaillée par la fatigue, elle resta silencieuse jusqu'au retour au campement.

Elle espéra seulement que Pandora et Thieran n'aient pas choisi cette nuit pour pimenter leur union. Elle n'avait pas vraiment envie de dormir à la belle étoile.

[Chandara]

Chandara s’était approchée d’Angèle dès la fin de l’entraînement. Elle avait oublié jusqu’à la présence de Don pendant la seconde partie de l’exercice, distraite par sa recherche du moindre signe de signe indiquant une nouvelle blessure chez sa partenaire. Lorsque celle-ci s’éloigna en direction des tentes, elle attendit qu’elles fussent hors de vue du rassemblement pour lui proposer son aide. La paladine était plus susceptible de l’accepter sans être sous le regard curieux de leurs collègues.

- Je peux t’aider à marcher si tu veux. Tu n’as qu’à prendre appui sur mon épaule. Et j’examinerai ton genou une fois sous la tente. Je dois avoir un peu de baume…