La Couronne de Cuivre

Zaiu ? Un philosophe ? Jamais personne ne lui avait dit de telles choses. "Parle-moi encore" se retint-il de prononcer, car tout penseur qu'il était, les contingences sociales gardaient une certaine emprise et la virilité devait s'exprimer par les canons de la communication. Toutefois, un brin d'élégance n'était pas à proscrire et il répondit à l'ébouriffage capillaire par un mouvement circulaire de la tête qui emporta ses cheveux en une ronde chatoyante dévoilant un sourire "bright".

Du thé ... Avec plaisir, et avec tout bien et tout honneur aussi. Zaïu pourrait porter du melon.

Oh, que c'était beau ! Féroce et occulte comme des pieds au crépuscule un soir d'été quand la neige recouvrait les pétales de rose tombés sur la harpe grisâtre des chemins de traverse. Ses pensées étincellaient, se fondaient entre elles jusqu'à devenir totalement incohérentes et impies. Elle faillit se jeter sur Zaiu et lui passer la main dans les cheveux. Oh, quelle extravagance capillaire cela aurait été. Un festival de saveurs mythologiques tintinabulantes et brillantes de mille feu. Et par dessus tout, elle aurait entendu la note : fa ! L'harmonie suprême dans le cosmos. Que c'était beau ce qu'elle pensait. Elle s'en félicita intérieurement.

"Du melon oui ! On pourra les creuser et les mettre sur nos têtes. ça fera des très beaux chapeaux. Et puis, on ne dirait pas comme ça, mais je suis une très bonne cuisinière. Et puis, j'ai aussi un téléscope pour voir les étoiles."

Dorian attendait les instructions de Zébulon lorsque Bellatrix et Zaïu entamèrent un surprenant dialogue. Visiblement ces deux là s' étaient bien rencontrés : leurs formes d' esprit leur permettait d' échanger des idées à leur manière. Dorian espérait que Zébulon ne considérerait pas leur groupe comme plus étrange qu' il ne l' était déjà. Dans tous les cas, l' Elfe éclaireur se souviendrait encore longtemps de cette mission. Et la mission proprement dite n' avait même pas encore commencé....

Oubliant le guerrier elfe et la mage entropiste, le bon vampire se pencha vers son cheval qui tapait sur le sol du sabot. Il lui tapota l' encolure et lui parla doucement à l' oreille.

Zébulon avait commencé par écouter la conversation d'une oreille plutôt distraite, avant de se sentir rougir de confusion. C'était un picotement terrible qui partait de la pointe des oreilles et remontait inexorablement vers les joues en feu. L'officier Mersad était-il complètement fou ? Il envoyait une charretée de psychopathes à d'autres psychopathes... Bon, évidemment, pour l'instant, on ne trucidait que des melons en chantant, mais d'ici à ce que Bellatrix trouve qu'une tête humaine avait une ressemblance frappante avec ce fruit et s'évidait de la même manière, le pas était facile à franchir. Hum. Cette discussion commençait à lui donner des idées bizarres. Peut-être était-il temps, en effet, d'abandonner les soupières et les melons à leurs plus ardents défenseurs : voyant que tout le monde était enfin en selle, l'elfe du soleil donna hâtivement de la main le signal du départ.

Les premières heures de route au petit trot furent assez agréables ; les chevaux étaient encore frais, les cavaliers commençaient tout doucement à s'installer dans leurs courbatures de la veille comme dans un vêtement crasseux qui a gardé le souvenir de vos formes, et les douleurs musculaires se faisaient à peine sensibles parce qu'encore chaudes. Puis le soleil prit de la hauteur, et le paysage commença à changer. On avait toujours affaire à des chemins non pavés, à des prairies, à des plaines parsemées de grands arbres feuillus - ces choses-là ne changeaient pas. Mais à chaque bifurcation, Zebulon paraissait choisir un chemin plus étroit, s'écartant de plus en plus des grandes voies pour s'enfoncer dans la campagne. Les villages que l'on contournait comptaient de moins en moins de fermes. De moins en moins de bruits de basse-cour. De moins en moins d'habitants. Bientôt, du reste, il n'y eut plus trace de personne, et la fumée envahit tout. Elle avait commencé tout doucement à investir le paysage. D'abord une grange incendiée, avec ses propriétaires autour, qui surveillent que le foin a bien pris et regardent sans émotion les sacs de grain dans les flammes. Puis un grand bâtiment couvert, sans doute une grange encore, dont on brûlait le toit comme pour s'assurer que personne, ah non personne, ne profiterait de son abri. Après cela, forte de ces succès, la fumée sauta sur les champs. Bien sûr, il devait y avoir des flammes aussi, et de la terre à l'odeur de cendre, mais ils ne devaient retenir de tout cela que la fumée qui montait vers le ciel en abondance et vous bouchait la vue. Et les narines. Il fallut se protéger la bouche et les yeux. Cela ne donnait pas trop envie de plaisanter. Et le voyage, beaucoup plus morne, se poursuivit ainsi jusqu'au soir, dans un décor de pure désolation.

Ailyn regardait tristement les feux qui provoquaient tant et tant de fumée... Comment était-il possible de faire un tel gâchis ? Au nom d'une stratégie de guerre ? Mais que valait la guerre face aux besoins primordiaux comme celui d'avoir un toit et d'être nourri ?

Mal à l'aise, elle essuya la sueur qui perlait à son front. Elle se décida alors à interroger Zébulon, à mesure qu'ils s'enfonçaient dans des lieux de plus en plus reculés :

"Savez-vous sur combien de miles les champs et les granges ont été brûlés ? Je suppose qu'une fois que nous aurons trouvé nos... cibles, il ne restera plus grand chose à manger..."

"...mais on aura sacrément du grain à moudre", songea-t-elle avec amertume.

Zebulon hocha la tête en signe d'impuissance.

"On a commencé à brûler les champs devant la progression de l'armée ennemie, depuis Aghoralis, au sud et à l'ouest de la cité, en fait sur toute la région susceptible d'être foulée par les mélandiens. C'est sûr que vous ne trouverez pas grand chose dans la zone incendiée - c'est bien le but : épuiser précocément les ravitaillements ennemis. Mais si ça peut vous rassurer, le groupe de l'albinos aura le même problème... C'est pour ça qu'on peut être à peu près sûrs qu'il repassera au village récupérer les sacs oubliés."

HRP : absente pour une dizaine de jours, n'hésitez pas à discuter entre vous

L'air puait. Et eux même commençaient à puer. Un parfum de terres brûlées et de colère. Dans tous les cas, c'était moche. ça lui rappelait une chanson avec des landes de terres et des grands lacs mais elle n'avait pas vraiment le coeur à chanter. D'ailleurs, la fumée lui faisait mal à la gorge et lui brûlait les yeux. Il y avait des fois où l'esprit pratique des manostiens la dépassaient un peu. De toute façon, ils n'allaient pas tarder à tâter de l'esprit pratique mélandien. Peut-être serait-il mieux.

Elle se tourna vers ses compagnons. Elle partageait l'amertume apparente d'Ailyn mais se demandait si les deux garçons partageaient leur opinion.

Dorian était un peu atterré. Au fur et à mesure que leur groupe s' avançait dans les Terres Désolées aux environs d' Aghoralis, la guerre montrait son visage sinistre le plus banal. Les remarques de Zébulon montraient bien jusque où les belligérants pouvaient aller. Pourquoi le dur travail de plusieurs générations de paysans devait - il donc être sacrifié aux nécessités militaires du moment. D' un point de vue militaire cette politique de la terre brûlée se comprenait ( Dorian était un guerrier d' expérience après tout ), mais le prix humain semblait bien trop lourd...

Les compagnons du bon vampire semblaient partager son opinion : Ailyn et Bellatrix semblaient penser la même chose et Dorian échangea avec elles un regard triste. La chaleur étouffante et l' odeur âcre de la fumée ne permettait pas aux aventuriers de penser vraiment à autre chose.

Ailyn regarda à nouveau tout autour d'elle, cachant son nez dans ses vêtements. Elle pleurait déjà à cause de la fumée, mais des larmes de tristesses s'y mêlaient malgré elle.

Elle aurait voulu parler, mais sa gorge la démangeait si fort qu'elle inspirait avec la plus grande circonspection. Elle réalisa alors que si ce spectacle était difficile à supporter pour elle, Bellatrix et Dorian, il l'était peut être plus encore pour Zaiu, peut être plus proche de la nature qu'eux-même.

Les yeux brillants, elle partagea alors un regard avec Bellatrix, puis Dorian, avant que son regard ne se pose sur Zaiu.

Si elle se souciait des pensées de Zébulon, elle ne s'attarda pas à trop y penser : il semblait partager la logique qui voulait que toutes ces choses indispensables soient brûlées.

Voilà qui faisait une belle entrée en matière pour leur mission.

Elle se décida, après avoir pris une effroyable quinte de toux, à demander :

"Vous aviez déjà vu ce genre de choses se produire lors de précédentes guerres ? J'ai beau essayer de comprendre, je trouve le spectacle assez... insoutenable, en fait..."

L'éclaireur retint un mouvement d'épaules en entendant la réaction d'Ailyn, qui semblait exprimer le mal-être général. Evidemment, la fumée, la cendre, le bétail massacré ou les ruines toutes neuves composaient un paysage assez déprimant, mais un champ peut s'ensemencer à nouveau, une grange en bois se reconstruit assez vite et un troupeau se reconstitue en deux saisons à peine. En dépit des apparences, ce genre de dégâts n'était pas grand chose eu égard aux exactions que pouvait commettre une armée en campagne - a fortiori une armée mélandienne en territoire ennemi. Quelquefois, il fallait se donner les moyens de ses objectifs : La campagne manostienne était très peu peuplée dans ces régions pionnières, et le jeu en valait la chandelle. Du moins, c'était ce que pensaient les manostiens. Tout elfe qu'il était, Zébulon pensait la même chose, mais il se sentait en minorité, aussi laissa-t-il parler son frère de race. Pendant ce temps-là, il cherchait un endroit où dresser le campement. Autant ne pas attendre d'être en vue du village...

Résumé des épisodes précédents :

Peu réputé pour leur discrétion, les bottes mélandiennes sur le sol de Manost résonnèrent jusqu'en la lointaine Luménis, grande capitale humaine où Zaïu se trouvait puisqu'il venait de sauver un pan entier de la galaxie avec une bande de copains. Ayant empoché quelques dollards, il se dit que ce genre de vie était pour lui mais que, comme c'était la crise, il fallait bien se trouvait un autre travail improbable et hautement risqué histoire d'augmenter ses chances de ne jamais connaître parkinston. Il s'embarqua donc avec Dorian, le gentil zombi pour une nouvelle traversé au secours d'autre gens dans le besoin. Quelle belle paire de bonnes poires qu'ils font tous les deux ! Surtout que sur place, envolés les dorures et les honneurs. Place à la fange et aux supérieurs dont l'étrangeté ne rivalise qu'avec leur goût pour les missions suicides. Au milieu de toute cette désolation, une lueur d'espoir, ou plutot deux. Deux jouvencelles à la profession étrange et au joli minois qui devinrent illico de parfait faire-valoir pour Zaiu, le véritable héro de l'histoire, si vous en doutiez encore.
Cette nouvelle mission commença donc dans la mauvaise humeur générale, ambiance froide guère réchauffée par les feux de forets, champs et bétails pour ne rien laisser à l'ennemi.

Tout ce gachis doit bien avoir une explication... Et peut-être que Mélandis est véritablement redoutable. Ou alors, il s'agit d'un nouveau plan d'urbanisme pour que l'ennemi se sente chez lui... Zaïu n'a jamais entendu de bien sur Mélandis.
Il était sans doute déplacé de répondre par l'humour mais, si tout le monde se laissait aller, nos 5 aventuriers seraient bientôt sous anti-dépresseur. Un peu de cynisme que diable !

Bellatrix écouta religieusement les paroles de Zaiu. Et puis tout d'un coup, elle se mit à entendre de la musique. C'était beau, magnifique ... Et cela lui donna envie de déclamer :

"Il neigeait. On était vaincu par sa conquête.
Pour la première fois l'aigle baissait la tête.
Sombres jours ! l'empereur revenait lentement,
Laissant derrière lui brûler Moscou fumant.
Il neigeait. L'âpre hiver fondait en avalanche.
Après la plaine blanche une autre plaine blanche.
On ne connaissait plus les chefs ni le drapeau.
Hier la grande armée, et maintenant troupeau.
On ne distinguait plus les ailes ni le centre.
Il neigeait. Les blessés s'abritaient dans le ventre
Des chevaux morts ; au seuil des bivouacs désolés
On voyait des clairons à leur poste gelés,
Restés debout, en selle et muets, blancs de givre,
Collant leur bouche en pierre aux trompettes de cuivre.
Boulets, mitraille, obus, mêlés aux flocons blancs,
Pleuvaient ; les grenadiers, surpris d'être tremblants,
Marchaient pensifs, la glace à leur moustache grise.
Il neigeait, il neigeait toujours ! La froide bise
Sifflait ; sur le verglas, dans des lieux inconnus,
On n'avait pas de pain et l'on allait pieds nus.
Ce n'étaient plus des cœurs vivants, des gens de guerre :
C'était un rêve errant dans la brume, un mystère,
Une procession d'ombres sous le ciel noir.
La solitude vaste, épouvantable à voir,
Partout apparaissait, muette vengeresse.
Le ciel faisait sans bruit avec la neige épaisse
Pour cette immense armée un immense linceul.
Et chacun se sentant mourir, on était seul.
- Sortira-t-on jamais de ce funeste empire ?"(*)

Elle s'interrompit tout d'un coup et se mit à hurler.

"Oh, Graëlon, Graëlon. Morne plaine"

(*) Comme vous l'avez deviné, cela ne vient pas de Bellatrix mais de Victor Hugo.

Dorian avait écouté silencieusement les remarques d' Ailyn ainsi que la réponse calme - et un peu désabusée - de Zébulon puis Zaïu se lança dans un de ces monologues surprenants dont il avait le secret. Une fois ce dernier achevé, Bellatrix se mit de la partie et donna sa réponse sous forme d' un poème. Son auteur était inconnu au bon vampire. Cependant il apprécia cette poésie à sa juste valeur.

Une fois la déclamation de sa camarade d' aventure achevée, Dorian regarda à nouveau autour de lui. L' hiver rigoureux mis à part, la contrée que le petit groupe traversait ressemblait fort à celle décrite dans le poème...Sans réfléchir plus avant, le forgeron sharessien se laissa bercer par le trot de sa monture, sans lui imposer un rythme particulièrement élevé. Son cheval pouvait ainsi économiser ses forces. De temps à autres, le cheval levait et secouait sa tête triangulaire afin de se rappeler au bon souvenir de Dorian...

A la clameur lyrique de Bellatrix, Zaiu se surpris à lever la tête à plusieurs reprises pour scruter le ciel. Il ne pensait pas que la neige pouvait être aussi violente... Enfin, c'est comme tout, c'est la dose qui fait le poison. Mais voila qui était interessant ! Un concours de poésie débuttait ! Car c'est bien ce qu'il se passait : quand on commence par réciter, c'est un peu comme jeter un gant de duel à qui veut bien le ramasser. Il allait être difficile de faire mieux, Bellatrix plaçait la barre haut. Aussi, était-il ingénieux de changer de registre, de prendre l'adversaire à contre-pied, de surprendre l'auditoire. L'atterrissage d'un moineau famélique et malade sur une branche d'arbre calciné déclencha une inspiration subite :

Ô, regarde l'oiseau sur cette branche posée
C'est le messager de cupidon.
Ô, que se mire en ce tableau idillique
La fougue tenacité de la vie

Parce que l'amour et le vie
C'est bien
Parce que le feu et les oiseaux qui ont faim
Ca l'est moins

...

Silence contemplatif pour digérer ces paroles qui ne sont pas de Victor Hugo.

Bellatrix avait levé les yeux et vu une chèvre montée sur un arbre. Elle sourit à sa vision puis à Zaiu. Oh, il voulait rimer. Qu'ils rimâssent donc. Ce serait beau, ce serait joli, ce serait vrai ... Mais surtout, ça serait poétique. Elle se mit donc à déclamer.

"Treize autour d'une table
c'est pas si détestable
Mauvais oeil reste à la niche
Puisque je touche ...

Ces miches !(*)"

Et elle porta sa main aux fesses de Zaiu.

*Dans Mystère Bouffe de Dario Fo.

Ailyn rougit comme une pivoine. Elle lança tout de même :

"C'est une question de parti pris des choses, vous savez. La surface du pain est merveilleuse d'abord à cause de cette impression quasi panoramique qu'elle donne..."*

Si la rime n'y était pas, la prose demeurait quant à elle, parfaitement intacte.

*Le pain, Francis Ponge.

Zebulon se demanda un instant si ce groupe disparate entendait charmer un groupe de bandits sanguinaires avec sa poésie à moitié hors sujet. Dans un concours elfique, en tout cas, c'est à peine s'ils gagneraient assez de tomates mûres pour demeurer dans les mémoires. Enfin, c'était sans doute leur façon de décompresser... Et puis, il en aurait très bientôt fini avec sa mission, de toute façon. Il n'en était pas fâché. Ce décor lugubre lui pesait peut-être un peu sur les nerfs, tout compte fait.

"On va s'arrêter ici, derrière le mur. Il marque les limites d'une propriété, mais il a aussi le mérite d'arrêter le vent et de nous cacher aux regards venant du village. Je vous laisse dresser le campement et déclamer à votre aise, pendant que je vais vérifier que le groupe n'est pas encore passé. Parce que si c'est le cas, ils ne seront pas faciles à retrouver..."

Mais l'éclaireur ne fut pas long à revenir.

"Tout va bien", annonça-t-il en se coulant à bas du muret. "Ils ne sont pas encore repassés. Le mieux à faire est de choisir des guetteurs pour ne pas risquer de les rater. Je les conduirai à l'entrepôt... à moins que vous ne souhaitiez y aller tous ensemble, mais l'attente peut être longue."

Fichtre ! Bellatix menait le jeu par le nombre de vers mais aussi par un attouchement que les paladins réprouvent.
La partie s'annonçait serré mais voila que Zébulon déclarer la mise en place du camps.

Une bonne nuit dans un géant four
Avec des odeurs pas glamours
les mêmes que les gâteaux de mémé
Les mêmes que Zaiu n'a jamais pu manger.

De toute façon, ils ne jouait pas dans la même cour, Zaiu était un as de l'impro ! Il interpella ensuit Zebulon sur ce même ton, oubliant que ce gaie luron ne jouait pas.

Pour en revenir à notre mission,
Certes il est temps que nous campions,
Mais de tout ce que vous avez dit,
Zaïu n'en a pas tout compris

Pourquoi en deux groupes nous scinder ?
Puisque c'est ce qui se passe
Dans tout récit où héros trépassent
Comme les 5 doigts de la main, nous devons rester !

Et paf Bellatrix ! Essaie de faire mieux ! A moins qu'Ailyn ou Dorian nous surprennent (en rien de sexuel j'ose espérer) ...

Dorian manqua de rire en entendant la manière dont Zaïu exprimait sa réponse. Le bon vampire riait sous cape et espérait pas que leur pauvre guide, Zébulon, ne perdrait pas la tête devant un tel déploiement de facéties....

" Pourquoi ne pas rejoindre l' entrepôt tous les quatre Zébulon" fit - il à l' adresse de l' éclaireur.

" Mieux vaut ne pas nous séparer après tout. Enfin si cela gêne nes invocatrices ici présentes, nous pouvons partir seules Zaïu et moi "...

Ses talents littéraires n' étant pasà la hauteur de ses aptitudes en escrime, tir à l' arc, équitation et autres talents manuels, Dorian préférait ne pas se lancer dans une pacifique compétition de poésie avec Zaïu et dame Bellatrix.

Ailyn prit un fou rire en écoutant les nouveaux vers de Zaïu : quelle créativité !

Cependant, les propos de Dorian la ramenèrent à la réalité : il fallait prévoir les prochaines actions dans le but de réussir la mission... Si la mission pouvait être menée à bien...
La jeune femme ressentit à nouveau un grand sentiment de gâchis et prit une grande inspiration. Ces sentiments qui l'habitaient comme une lame de fond depuis l'annonce de l'objet de leur quête lui donnaient envie de se replier sur elle-même. Elle ne voulait à aucun prix se séparer de ses compagnons.

"Je suis de l'avis de Dorian, dit-elle lentement. Je préfère que nous ne nous séparions pas, quitte à attendre plus longtemps. Cela nous permettra d'intervenir de façon groupée lorsqu'ils arriveront..."

"Va pour les melons
Va pour la mission
Pas de séparation
Et un cheval qui vole

Pour la tente allons
A Zaiu le piquet
A Dorian le marteau
A Ailyn la ficelle
Je mettrai la toile ...
Et deux chevaux qui volent"

Contente d'elle, elle s'applaudit.

"Très bien. Alors on décampe tout de suite, avant la nuit."

L'elfe frissonna. Il n'avait vraiment pas envie de se promener à la nuit tombée dans le village déserté de Terrebonne.

Quand le petit groupe eut remballé ses affaires, il reprit sa route et pénétra fort peu discrètement dans le village, au pas des chevaux. Terrebonne était... un champ de ruines, ou presque. La première maison qu'ils aperçurent avait été brûlée, probablement volontairement, par ses anciens propriétaires, comme l'indiquaient les longues traces noirâtres en haut de la façade de pierre. Si l'on jetait un oeil à l'intérieur, on constatait qu'au milieu des débris calcinés de la charpente la plupart des meubles avaient disparu, vraisemblablement brûlés dans l'autre grand feu de joie qui avait laissé un autre énorme tas de cendres dans la cour. Une odeur de charogne issue de l'arrière du bâtiment indiquait que des animaux avaient dû être tués et laissés à pourrir sur place, sans doute des cochons que l'on ne pouvait emporter. Ces habitants-là n'avaient rien voulu laisser aux mélandiens, pas même un abri pour la nuit... D'autres avaient été moins extrémistes, se contentant de barricader la porte, de brûler le toit et d'ouvrir le poulailler à des renards qui avaient dû y faire le festin de leur vie. Des poignées de plumes ensanglantées, ça et là, témoignaient du carnage.

Au fil des façades silencieuses, les cavaliers parvinrent jusqu'à la place centrale du village. Elle avait pour édifice principal un temple de Helm dont les vantaux battaient aux quatre vents. Les villageois, d'après Zébulon, n'avaient pas osé le vandaliser, mais le petit groupe qu'ils cherchaient s'en était chargé ; la première fois qu'il avait pénétré dans le village après leur passage, il avait trouvé une vieille femme pendue au grand lustre du temple. Ils lui avaient brûlé les pieds, sans doute dans l'espoir qu'elle leur révèle où elle cachait son or, puis l'avaient achevée en lui plantant un tisonnier dans le coeur. L'elfe l'avait enterrée un peu plus loin, dans un potager dont la terre avait été elle entièrement retournée peu de temps auparavant, sans doute par les pillards.

"L'entrepôt n'est pas loin, tenez, le voici."

Comme de nombreux autres bâtiments, l'entrepôt - une grange accolée à une ferme, en réalité - avait brûlé. Mais il restait quelques sacs de grains rescapés, soigneusement rangés contre un mur.

"Hum, et bien... nous y voilà."

Ailyn ne put résister et lança d'un ton sarcastique :

"Hum... Charmant !"

Après tant de désolation, de violence contenue rien que dans ce petit village, elle n'avait aucune envie de s'attarder ici. En fait, elle aurait mille fois préféré nettoyer les paillasses de Maître Zebbiggus à Manost, mais ce n'était plus faisable... Peut être ne retournerait-elle plus jamais dans ce calme laboratoire à faire chauffer toutes sortes de mixtures malodorantes... et pourtant, elle en crevait d'envie.
Pour l'heure, elle ne pouvait plus reculer, mais par une chance miraculeuse, elle n'était pas seule. Et, si originaux que soient ses compagnons, elle était très heureuse qu'ils soient là. Enfin... pouvait-on ressentir un tel sentiment dans une situation pareille ?

La jeune femme souffla quelques mèches de cheveux noirs de son visage pour se donner une contenance. Il était temps de prévoir un plan d'action et de se faire un petit résumé des évènements à venir, sans quoi, elle risquait de se sentir perdue au bout de quelques minutes.

"Bien, donc on s'installe ici, on attend qu'ils arrivent et... on leur tombe dessus fortuitement, comme ça ?"

La ballade nocturne et l'arrivée à destination avaient balayés les ardeurs lyriques de Zaiu. L'odeur était le plus insupportable... Et dire qu'ils allaient côtoyer une bande que pillards qui ne vivait que dans des endroits comme ça ... Il essaya de laisser de côté toutes considérations ayant attrait au confort pour essayer d'analyser l'endroit et de trouver une idée quant à la conduite à suivre. Il vrilla sur sa selle à plusieurs reprises pour se faire une idée de la dispositions des lieux et s'avança vers la grange pour examiner les sacs et rechercher un éventuel signe de campement.

Des sacs de grains ...

Tout ceci n'a pas de sens... Pourquoi avoir laissé des sacs de grains ? Ce n'est pas comme s'il ne fallait pas plusieurs de heures de préparation avant de les rendre comestible ! Notre chef orc serait-il meunier ?

Et si nous restons là, c'est plutôt eux qui nous tomberons dessus.

Enfin, s'ils repassent, c'est qu'il doit y avoir une bonne raison.

Dit-il en regardant dédaigneusement les sacs de grain.

Une prétresse Loviate les accompagne n'est-ce pas ? Zaîu n'est pas très à l'aise en théologie mais qui est au courant des rapports qu'entretiennent Helm et ... Loviata ? Zaïu aimerait aller voir le temple de ce village, qui l'accompagne ?

Dorian se retint de hausser ses vastes épaules une fois de plus. Des animaux innocents égorgés ici par les villageois, une vieille femme qui n' espérait sans doute que finir sa vie en paix torturée et durement assassinée là, qui plus est dans un lieu sacré ? Quand la folie stupide du monde s' arrêterait - elle ?

Dans l' immédiat, Ailyn était dans le vrai : comment le groupe devait - il s' organiser dans l' attente de l' embuscade salvatrice ?

Les arguments de Zaïu ne manquaient pas de bon sens malgré l' étrange manière dont ils étaient avancés, comme de coutume. Peut - être que le groupe dirigé par le chef Orque se révélerait trop puissant pour que les embusqués puissent finalement l' attaquer, surtout si les maraudeurs étaient accompagnés d' une prêtresse loviate...

" A mon avis " fit le géant luméno - vampirique, " nous pouvons nous cacher et agir en fonction de la force du groupe ennemi. Si ils sont trop nombreux, nous n' attaquerons pas et nous aviserons. Si la prêtresse loviate est vraiment dangereuse, nous pouvons toujours lui décocher une flèche bien sentie et lui régler ainsi son compte d' un seul coup. Il ne sera pas forcément difficile de les surprendre : après tout ils ne se doutent pas de notre arrivée. "

Dorian s' arrêta un instant puis reprit :

" Quand à ta suggestion d' aller viister ce temple de Heaume devant nous, pourquoi pas...Peut - être les assaillants y auront ils laisser quelques traces de leur présence. Quand aux sacs de grains, je ne vois qu' une explication à leur état intact : les assaillants sont arrivés trop vite pour que les villageois puissent les détruire et ces mêmes assaillants doivent avoir besoin de vivres. C' est pourquoi ils ont conservé ces sacs ici. "

"Oulà, oulà, oulà ! intervint Ailyn après les propos de Bat à propos de l'attaque du groupe de pillards. Moi, je me lance pas tête baissée dans une attaque comme ça, surtout avec une prêtresse dans l'assistance, peu importe la confession !"

Elle reprit sa respiration, tâchant de maîtriser un peu le vide qui avait refroidi tout son estomac.

"Non, parce que là, si c'est le suicide que vous cherchez, c'est ce qu'on va trouver ! En plus, attaquer ne nous sert à rien : ce n'est pas avec ce genre de tactiques qu'on va retrouver le bourgmestre et sa famille !"

La jeune femme se racla la gorge avant d'asséner :

"Le meilleur moyen, comme nous l'avons évoqué plus tôt avec le sale petit... (elle s'arrêta un instant et ses paupières papillonnèrent) ...le dingue qui nous a envoyé ici, c'est de nous mêler à eux. Nous devons nous faire passer pour des déserteurs manostiens. Et faire semblant d'apprécier leur... travail bien fait, dirai-je."

Dorian secoua la tête en signe d' approbation en entendant les protestations d' Ailyn. C' est vrai que que tactique plus subtile consistant pour les aventuriers à se présenter aux pillards comme des amis pouvait être la meilleure. Le bon vampire se rangea donc à l' avis de sa camarade d' aventures.

" Tu as raison Ailyn. Adoptons une approche habile. Je propose que toi ou Bellatrix parliez aux ravisseurs les 1ères..sauf si vous préférez que Zaïu et moi prenions la parole en premier. "

"Un c'est bien, chantonna Bellatrix en montrant Zaiu, deux, c'est mieux - elle se montra - mais trois et quatre c'est totalement suspect. Qu'est-ce qu'ils vont penser que nous allons penser qu'ils penseront en nous voyant arriver ? Que nous sommes des pillards comme eux ? Non, ils vont nous prendre pour des touristes ! Après, ils risquent de vouloir nous vendre toutes sortes de souvenirs : doigts coupés, oreilles, dents ... Non, je n'ai plus de place sur ma cheminée, merci ! D'ailleurs, je ne sais même pas si j'ai encore une cheminée."

Elle prit un air tout triste.

Les considérations tactiques et culinaires de Dorian laissèrent Zaïu pantois. Il poursuivit la discussion en abondant dans le sens de Bellatrix tout en lui posant une main sur l'épaule. Quelle touchante tristesse !

Ils vont penser que nous sommes pas très malins et seront un peu dans le vrai vu la mission que nous avons accepté...

Quitte à avoir l'air de touriste, autant camper ici et jouer notre rôle dès à présent. C'est comme une pièce de théâtre qui serait trop mortelle en fait !

S'il y en avait un parmi cette joyeuse bande qui commençait à avoir la pétoche, les jetons, les chocottes et les boules, c'était bien l'éclaireur elfe qui les avait conduits jusque là. Il n'osait trop s'imaginer la scène, le guerrier elfe jouant la rencontre fortuite, le vampire offrant une tasse de thé, la femme bizarre dissertant sur les cheminées lointaines. D'ailleurs, tout cela lui rappelait furieusement que sa mission s'arrêtait très exactement là, et qu'il valait mieux que les brigands ne trouvent pas le groupe en compagnie des chevaux prêtés par l'armée, quel que soit le gros mensonge qu'on leur servirait. Ou non.

« Sans vouloir me montrer malpoli, ma mission est terminée et je vais repartir avec les chevaux », intervint-il alors au beau milieu de la conversation, qu'il craignait de voir s'éterniser sur la pente glissante des plans absurdes. « Je n'ai pas de leçon à vous donner, mais il me semble qu'Ailyn a raison ; une attaque frontale n'est pas indiquée, et anéantir le groupe n'est d'ailleurs pas ce que l'on vous demande. En revanche, vous auriez tout intérêt à leur prouver que vous pouvez leur être utiles. Bon, je ne m'éternise pas davantage, il ne faut pas qu'on vous trouve avec moi et les montures. Je vous souhaite bonne chance... »

Ceci dit sans la moindre ironie, mais au fond de lui, l'elfe doutait fortement des chances de survie des quatre aventuriers. Ils étaient trop incontrôlables...

La Couronne de Cuivre

Quête : Guerre des Plaines Brûlantes - Ailyn, Bellatrix, Dorian, Zaiu