[Habitation] Le clos des roses

[Kasumi]

Amélie mit de l'eau à bouillir immédiatement puis sortit calmement deux tasses avant de répondre :

- J'espère qu'il sera là : il part parfois chercher ses composantes de sort ou même dans sa famille. Et une fois sur place je ne voudrais pas t'abandonner pour le chercher ou l'attendre. Je devrais peut-être lui écrire ? Mais non, nous arriverions avant la lettre de toute façon...

La jeune barde d'ordinaire si enthousiaste et joyeuse semblait quelque peu indécise quant à la manière de procéder.

[Althéa]

Amélie qui d'ordinaire était enjouée semblait tout d'un coup totalement perdue. Marvin lui manquait beaucoup, cela se voyait comme le nez de la figure. Elle n'avait rien laissé paraître, ou bien elle-même n'avait rien voulu voir. Jusqu'à présent, c'est elle qui lui avait confié ses soucis. Il était temps de donner la réciproque.

"Tu sais, je compte rester plus qu'une veille. C'est la première fois depuis longtemps que j'ai l'opportunité de visiter la cité. Si Marvin est parti, il aura le temps de revenir avant que nous partions."

Au départ, elle ne comptait pas vraiment s'attarder dans la cité du savoir. Mais Amélie le valait bien. Et puis, pourquoi pas.

[Kasumi]

Amélie retrouva instantanément le sourire et s'exclama avec joie :

- C'est vraiment gentil à toi mais on verra bien une fois sur place. Qui sait si notre enquête ne nous mènera pas ailleurs qu'à Cojum ? C'est trop tôt pour faire des plans en tous cas mais il y a plein d'endroits que j'aimerais te montrer : on joindra l'utile à l'agréable ! Et en parlant d'agréable, je crois que le thé est presque prêt !

[Althéa]

Elle fronça les sourcils.

"Est-ce que tu ne serais pas en train de me tendre un piège, jeune fille ? Si je bois, que vais-je devoir révéler ?"

Elle sourit amusée.

"Et si tu me parlais un peu de Marvin ? Je n'ai aucun talent pour raconter, de toute façon."

[Kasumi]

Amélie fit mine de s'offusquer, se perdant d'abord dans la dénégation avant de prouver exactement le contraire :

- Non mais c'est à toi de me confier des secrets en échange de thé, c'est notre marché ! Et voilà que tu cherches à inverser la situation ! Je ne savais pas les paladines aussi habiles mais c'est vrai que tu seras bientôt juge aussi...

Elle marqua une pause, jetant quelques feuilles de thé dans les tasses fumantes avant d'y ajouter un peu de sucre. Puis elle adopta un ton doux :

- Allons nous asseoir au salon si tu veux en discuter. Marvin est quelqu'un de très intelligent. Il est timide et maladroit aussi avec les femmes. Mais il sait se montrer doux et attentionné. Je suis certaine qu'il te plaira.

[Althéa]

Elle hocha la tête avec un sourire.

"J'en suis sure. Mais j'espère ne pas l'effrayer. Je ne sais pas ce que les mages pensent des paladins. Ceux de la guilde des arcanes n'ont pas peur mais ils sont un peu atypiques. Tu as vu Kieran ..."

Elle faisait bien sûr référence à celui qui, lorsqu'il le voulait se transformait en orang-outan et ne faisait que répéter que tout était parfait.

"Pour Soren ... Je pense que vous pourriez vous entendre. Entre artistes ..."

[Kasumi]

Amélie lui dédia un large sourire tout en s'asseyant dans son fauteuil préféré, devant l'âtre du salon. Elle souffla sur son thé mais il était encore trop chaud pour qu'elle en savoure une gorgée alors elle reposa sa tasse sur la table basse.

- Oh, Marvin doit penser le plus grand bien des paladins : après tout, sa sœur en est une. Cela dit, je ne l'ai jamais vue de mes propres yeux alors il est toujours possible qu'il l'ait inventée ! Oh, et Soren me plaira forcément vu que c'est l'un de tes amis. Et tu as bon goût, j'en suis la preuve vivante !

Cette dernière réplique se voulait ingénue et n'avait absolument rien de prétentieux. Et même si c'était le cas, Amélie dégageait une telle aura de sympathie qu'on pouvait difficilement lui en vouloir.

[Althéa]

Angèle fit mine de hausser un sourcil avant de sourire à son tour. Si Amélie n'existait pas, il aurait fallu l'inventer.

"Je suis contente que tu sois là, c'est vrai. La maison aurait été bien vide."

Elle sentit un soupçon de nostalgie l'envahir. Elle aurait tant aimé que Morgan soit présente, avec elles pour parler de tout cela.

[Kasumi]

Amélie lui dédia un sourire charmeur et même un clin d'œil :

- Et je suis contente d'avoir trouvé la maison : je m'y sens bien même si c'est loin de chez mon amoureux. Et je suis aussi heureuse que tu m'aies accueillie. J'ai l'impression que cette maison est faite pour être pleine de vie. Comme son jardin en fait.

La barde perdit son regard dans sa tasse de thé sans y toucher : elle aussi semblait soudain d'humeur songeuse.

[Althéa]

"Je pense que c'est comme ça que Morgan l'aurait voulue."

Tout d'un coup, elle n'eut plus du tout envie de thé. Elle se leva lentement.

"Je suis désolée, la journée a été longue. Je devrais peut-être ..."

Elle regarda Amélie et son air triste. Elle ne pouvait pas la laisser ainsi. Elle s'accroupit en face d'elle.

"Demain nous pourrons nous occuper un peu du jardin. Malo aura sûrement besoin de récupérer un peu. Peut-être appréciera-t-il si nous le laissons faire la grâce matinée. Tu ne crois pas ?"

[Kasumi]

- Mais moi aussi j'aimerais faire la grasse matinée !

Le ton se voulait humoristique mais Amélie n'était pas tout à fait détendue pour que cela sonne vraiment naturellement. Elle reprit toutefois d'un ton sincère :

- Je serais ravie de m'occuper un peu du jardin oui. Tu sais que Marvin m'offrait parfois des roses ? Enfin, il est timide alors il se contentait d'en poser un peu partout. Se réveiller avec une fleur dans son lit et romantique et ça ne manque pas de piquant même si ce n'est pas toujours très agréable !

[Althéa]

Elle n'osait pas imaginer. Fort heureusement, Morgan ne s'était jamais laissée aller à se genre d'extrémités. Pour elle, la place des fleurs roses étaient dans un jardin. Elle parvint cependant à sourire, amusée par l'anecdote de la jeune femme.

"Morgan était moins traditionnelle. Mais comme elle était totalement désordonnée, tout pouvait se retrouver dans et sous son lit."

Même un infime grelot de verre ...

"Une fois, une pile de parchemins nous est tombée dessus avec l'encrier. Et puis aussi son luth. Les roses, ça pique mais ça ne t'assomme pas si elles te tombent dessus."

[Kasumi]

L'anecdote la fit sourire à son tour. Entendre évoquer sa mère naturelle lui était toujours étrange mais elle aimait tout de même entendre parler de ces détails qui la rendaient fière d'elle. Elle ne s'était pas assez connue, à son grand regret, mais Angèle et sa mère avaient été très proche et écouter ces récits était en somme une façon de se rapprocher d'elles deux.

- Et l'encrier ? Il ne s'est pas brisé au moins ? Je me demande à quoi tu ressemblerais avec les cheveux noirs ou bleutés, tiens ! Tu veux qu'on essaie ?

Elle n'était pas sérieuse, évidemment. Peut-être répugnait-elle à l'être au risque de rendre l'instant d'échange trop grave. Peut-être était-ce tout simplement dans sa nature.

[Althéa]

Quand Amélie proposa de la barbouiller d'encre, Angèle eut un mouvement de recul qui la fit tomber sur le derrière. Elle resta assise pour le coup. Il lui était encore difficile d'évoquer Morgan au passé, surtout devant sa fille.

Mais la diversion avait opéré et elle sourit de nouveau.

"Je pourrais ... Mais je risque d'être arrêtée avant d'avoir franchi les portes de la ville. Ce qui n'arrangerait pas du tout nos affaires."

[Kasumi]

Amélie se précipita – sans doute pour lui offrir une main secourable – mais elle se ravisa au dernier moment et s’assit sans façon sur le tapis à côté d’elle.

- C’est agréable : on a un peu l’impression de piqueniquer et sans avoir à quitter le salon ! Bon, pour la teinture, on attendra d’arriver à Cojum alors : les gens sont un peu moins à cheval sur ce genre de questions et en plus j’y ai mon atelier : je pourrai parvenir à un très joli coloris qui mettra tes yeux en valeur.

Elle s’était exprimée avec le plus grand sérieux mais des ridules, près de ses yeux en amande, montraient qu’elle plaisantait. C’était aussi l’expression de Morgan quand elle décidait de lui faire une farce ou venait de dire une bonne plaisanterie.

[Althéa]

Elle ne connaissait que trop ce regard là. L'espace d'un instant, elle ferma les yeux pour chasser les souvenirs qui menaçaient d'affluer. Puis elle resta quelques instants silencieuse. Elle reprit ensuite, comme si rien ne s'était passé.

"En fait, si j'avais le choix, je risquerais une teinture verte. Je me suis toujours dit que je pourrais ainsi me camoufler parmi les plantes pour échapper à Hilare."

Le rire avait toujours été la meilleure arme contre la nostalgie.

[Kasumi]

"Verte ?!" La barde écarquilla les yeux de surprise avant de pouffer de rire et d'ajouter d'un ton enthousiaste :

- Voilà de quoi te faire une réputation de belle plante ! Je note l'idée mais j'hésite un peu... Tu attirerais toute l'attention sur toi et plus personne ne ferait attention à moi. Ou bien je sais : on pourrait laisser Malo décider ! Il a l'air d'avoir de l'humour alors ça pourrait bien lui plaire.

[Althéa]

Angèle sourit.

"Une belle plante ... Une mauvaise herbe oui. La belle plante, c'est plutôt toi. Mais si tu veux, nous demanderons à Malo. Peut-être voudra-t-il se teindre les cheveux lui aussi. Non, ce serait horrible."

Mais Amélie avait raison, le jeune homme semblait avoir un sens de l'humour assez développé.

[Kasumi]

Amélie fit mine d'y réfléchir sérieusement et avança même une main pour toucher une mèche de la chevelure dorée de son aînée.

- Non, cela n'irait pas : je n'aurais jamais assez de teinture dans mon atelier pour une chevelure aussi longue. D'ailleurs, note que je suis un peu jalouse de tes cheveux magnifiques ! Ou alors je sais : on pourrait se contenter d'une mèche seulement. Je suis certaine que ça lancerait une mode !

[Althéa]

Pour le coup, Angèle rougit jusqu'aux oreilles.

"Tu dis ça parce qu'ils sont blonds ... Mais ils ont tendance à boucler quand ils sont humide. C'est assez affreux. Et puis, il y a l'épi."

L'épi dont Morgan se moquait allègrement chaque fois qu'elle le tressait pour tenter de le discipliner.

[Kasumi]

La jeune donzelle éclata de rire avant de prendre une expression plus tendre et de déclarer avec sincérité :

- Allons, elle devait beaucoup les aimer. S'en moquer gentiment devait être une des façons de te le montrer. Et puis d'ailleurs, il n'y a rien à lui reprocher à cet épi : il est là pour rappeler à tout Toril que tu n'es pas une paladine ordinaire et bêtement disciplinée. Oh ça non !

[Althéa]

"Mais je suis une paladine ordinaire et disciplinée !"

Elle avait répondu par réflexe, sans vraiment réfléchir.

"Je suis disciplinée, très disciplinée. Je suis sure que n'importe quelle personne le sait."

Mis à part certaines personnes de l'autre coté de la mer mais Amélie ne le saurait jamais.

[Kasumi]

Amélie la regarda droit dans les yeux avec - semblait-il - le plus grand sérieux mais une fossette au coin de ses lèvres trahissait son amusement avant même qu'elle ne déclare :

- Me serais-je trompé sur ton compte ? Il me semblait pourtant que tu étais une femme bien plus amusante et pleine de surprises qu'une paladine ordinaire ! Enfin, je dis ça, je n'en connais pas tant que ça de paladines.

[Althéa]

Angèle se sentit touchée par le compliment auquel elle avait pourtant du mal à adhérer.

"Tu connais Merry. Elle, elle est extraordinaire. Moi ..."

Elle croisa les bras.

"Je suis peut-être une paladine ordinaire à laquelle il arrive de choses extraordinaires, des gens extraordinaires. Je ne fais que m'adapter."

[Kasumi]

Pour la seconde fois de la journée, Angèle sentit les bras de la jeune barde se nouer autour de son cou et la fille de Morgan alla même jusqu'à déposer un baiser sonore sur sa joue avant de déclarer sans aucune gêne :

- Ça c'était vraiment gentil ! Mais défense de me faire le coup de la modestie. Ça ne marche pas avec moi ! Et puis j'ai déjà Marvin pour jouer les discrets. Non, c'est un don d'attirer les gens bien. D'en faire des amis. Ne me dis pas que tu ne t'en rends pas compte. Un tel magnétisme ne passe pas inaperçu. Mais j'espère que ça n'attire que les luths, les encriers et les amis. Sinon il va nous falloir trouver un bon casque pour aller par dessus tes cheveux teints.

[Althéa]

"Je ... Non ..."

Elle ne savait plus vraiment quoi dire. Elle souriait pourtant. Morgan avait une fille extraordinaire. La lignée était grandement assurée.

"Par contre, je vais aller dormir. La journée a été longue."

[Kasumi]

Amélie ne se départit pas de son sourire et étouffa un bâillement, peut-être simplement de pure forme et par solidarité :

- Oui, on papote on papote et il se fait tard ! Autant aller se coucher pour être en forme demain matin. N'oublie pas qu'on doit s'occuper du jardin ! On n'ira pas retrouver le beau Malo tout de suite, le pauvre ! Ou pas : ça lui fera un peu de répit. Bonne nuit Angèle.

Cette dernière remarque avait été prononcée avec une grande douceur à nouveau, se démarquant de son ton espiègle de tantôt.

[Althéa]

Angèle tendit la main à la jeune femme, l'aidant à se relever.

"Oui, demain, nous nous occuperons des roses. Bonne nuit petite Amélie."

Elle n'avait pas dit "petite soeur", se cachant une nouvelle fois derrière sa coquille. Elle n'osait pas. C'était encore trop tôt. Sans attendre, elle monta les escaliers jusqu'à sa chambre. Et elle ne tarda pas à s'endormir.

[Kasumi]

Une délicieuse odeur familière assaillit doucement Angèle à son réveil et la paladine identifia sans peine leur source : des galettes sorties du four et un thé patiemment infusé. L'odeur précéda de peu le bruit léger des pas d'Amélie dans le couloir puis de coups toqués à sa porte.

- Bonjour Angèle ! Je peux entrer ? Tu es réveillée ?

[Althéa]

Il faisait bon sous l'édredon de plume mais la douce odeur de cuisine étaient pleines de promesse. Elle s'assit dans son lit. Elle était réveillée mais était-elle visible ? Elle avait enfilé une chemise de nuit à la va-vite, usée et distendue par les ans et à présent, elle nageait dedans. Elle saisit un châle et en coiffa ses épaules. C'était bien mieux comme ça.

Elle espéra qu'Amélie ne venait pas lui annoncer quelque mauvaise nouvelle. Et elle ouvrit la porte.