[Lieu] Commanderie de l'Ordre de la Rose Rubis d'Antelucas

[Althéa]

Eli sembla se détendre au contact de la jeune paladine. Maelys les considéra interdite quelques secondes avant d'entrer dans la cuisine à son tour en portant les premiers morceaux de bois. Si elle était sensible à l’atmosphère du lieu, elle ne le montra pas. Imperturbable, elle fit plusieurs fois l'aller retour entre la réserve de bois et la cuisine sans s'arrêter une seule fois. Ou peut-être ... Sa frénésie ressemblait à de la colère. Difficile de savoir.

"Avec toi à nos cotés, je sais que nous allons réussir.", souffla Eli à Chandara.

[Chandara]

Chandara répondit en souriant car même si son amie ne pouvait pas voir son expression, elle était certaine qu’elle pouvait l’entendre à sa voix résolue :

- Avec Sunie à nos côtés, nous ne pouvons pas envisager d’échouer. Je sais qu’elle apprécie ce que nous nous proposons de faire ici. Je vais commencer par aider Maelys, conclut-elle comme pour s’excuser d’interrompre leur échange. Elle se retroussa alors les manches pour empiler une partie du bois dans le fourneau et entreprendre de l’allumer. Un peu de chaleur et de lumière ne pouvait que leur faire du bien à toutes les trois !

[Althéa]

Eli perçut le sourire dans la voix de Chandara car elle finit par s'appaiser. La paladine put donc allumer le feu en toute quiétude. Au début cependant, il ne s'alluma pas, comme si le bois lui-même résistait à la lumière. Mais au bout de plusieurs essais, une flamèche parvint à prendre et très vite, une bonne flambée naquit dans la haute cheminée.

L'athmosphère du lieu changea dans la cuisine. Le sentiment d'oppression et de tristesse diminua jusqu'à ne devenir qu'une plainte sourde dans la tête de chacune.

[Chandara]

Chandara se sentit encouragée par ce succès mais elle savait pertinemment que cette éclaircie allait occasionner une riposte du mal terré dans la maison. Elle entreprit aussitôt d’agir en utilisant un coin de bois pour l’insérer sous la porte ouverte de la cuisine afin qu’elle le reste plus tard.

- Nous devrions chercher à ouvrir le maximum de volets avant que la nuit ne tombe vraiment. Même si ce n’est que de la clarté de la lune, ne nous privons d’aucune source de lumière !

Cela imposait de quitter l’atmosphère apaisée de la cuisine et de se lancer dans l’exploration des autres pièces. Et le plus tôt serait le mieux compte tenu de la difficulté de la tâche qui les attendait.

[Althéa]

Maelys fut visiblement d'accord avec elle car elle alluma sa lanterne. La cuisine donnait sur un grand cellier et de l'autre coté sur une autre porte fermée. Chandara n'entendit pas un son. Par contre, la sensation d'oppression revint dès qu'elle posa sa main sur la poignée.

Eli prit le bras de Maelys et la paladine devina que le geste était devenu habituel. Toutes les deux se taisaient. La plus jeune redressa la sangle de la gibecière qu'elle portait à l'épaule. Chandara entendit des bouteilles de verre s'entrechoquer.

[Chandara]

Chandara préférait, pour sa part, économiser un peu l'huile de sa propre lanterne. Pour l'heure, mieux valait répartir les tâches ainsi : Maelys guidant Eli et éclairant le groupe tandis qu'elle-même ouvrait le chemin en se montrant vigilante et prête à faire face à toute menace. A cette fin, elle dégaina sa rapière afin de pouvoir réagir dans l'instant. Malgré tout curieuse du bruit qu'elle avait entendu et de ce qu'elle en déduisait, elle demanda :

- J'imagine que vous n'avez pas amené un bon cru bien de chez nous ? Nous allons procéder comme la dernière fois, dans le temple ?

[Althéa]

Si Maelys ne rit pas du tout, Eli eut un grand sourire. La plus jeune leva les yeux au ciel.

"Ces fioles emprisonnent les esprits. Les Pères sont des entités spirituelles très puissantes à ne pas prendre à la légère. Mais tant mieux si cela vous amuse.
- Maelys ...", souffla Eli désolée.

Mais la jeune femme ouvrit la porte donnant sur le couloir sans même l'écouter. Eli souffla à l'adresse de la paladine.

"Il faut l'excuser. Son père était lui-même chasseur et ...
- Bon, vous venez ?"

[Chandara]

Un "Oh !" désolé fut la première réaction de la jeune femme mais il n'y avait qu'un seul moyen de rattraper cette maladresse : il fallait mettre hors d'état de nuire cet esprit que ses deux amies étaient venues chasser.

Cela renseignait aussi Chandara sur les motivations de Maelys et elle comprenait mieux sa détermination allant jusqu'au zèle. Elle emboîta le pas à la jeune femme et entreprit presque aussitôt de la devancer vers la seconde porte du cellier, les sens à nouveau aux aguets et sa rapière prête à frapper.

[Althéa]

En la voyant passer devant, Maelys lui envoya un regard noir mais ne pipa mot. Chandara ouvrit donc la deuxième porte. Elle ne trouva rien derrière à part une innocente souris qui se devinant observée se dépêcha de détaler dans l'ombre.

Il y avait donc le couloir plongé dans la pénombre. Le plafond était long et les sons résonnaient vu qu'il n'y avait rien pour les stopper. Lorsque Chandara éclaira sa lanterne, elle entendit une course suivie d'un éclat de rire. Puis plus rien.

[Chandara]

S'agissait-il d'un enfant ? De Rodrigue peut-être ? Elle savait que c'était très peu probable mais elle ne pouvait pas décemment ignorer cette possibilité. Et c'est pour ça qu'elle avança dans la direction d'où étaient partis les rires tout en prononçant d'une voix amicale le prénom du petit garçon. Et même s'il ne s'agissait que d'un esprit comme elle le redoutait, il pourrait peut-être leur en apprendre plus sur cette maison et ce qui s'y tramait.

[Althéa]

Les pas stoppèrent net. Chandara entrevit une petite silhouette à la frontière de la lumière et de l'ombre. Pas plus. Il sembla à la paladine que l'apparition n'avait pas de visage. Elle entendit un chuchotement qui semblait venir de partout et de nulle part à la fois.

"Le maître n'est pas content que vous soyez là. Il faut que vous partiez ou il sera trop tard. Faites attention à vous."

[Chandara]

Chandara fronça les yeux de colère contre ce "maître" qui retenait à lui ces pauvres âmes innocentes. Alors comme ça il n'était pas content de leur présence ? Mais elle-même était furieuse de son existence et elle allait sous peu le lui faire comprendre !

- Et où se cache-t-il ce maître ? Il a intérêt à libérer Rodrigue et les autres s'il ne veut pas que je lui botte les fesses !

[Althéa]

Mais l'enfant ne répondit pas. Au contraire, il s'éloigna dans l'ombre. Presque aussitôt ensuite, Chandara sentit une autre présence de l'autre coté du couloir. Malveillante et puissante, elle restait pour l'instant dans l'ombre sans bouger.

Maelys dut la sentir aussi car elle s'approcha de la paladine. Dans le couloir, il se mit soudain à faire très froid. Eli souffla.

"J'ai l'impression que le maître du lieu n'a pas apprécié ta tirade."

[Chandara]

La paladine fit face à l’ombre, l’expression pleine de défi et l’épée pointée dans sa direction, se tenant prête à la confrontation. Elle souffla entre ses dents à ses compagnes d’infortune :

- M’est avis qu’il appréciera encore bien moins la suite ! Tenez-vous bien derrière moi !

La jeune femme attrapa sa lanterne pour l’allumer avec l’intention d’éclairer les ombres et forcer l’ennemi à se replier ou à se découvrir.

[Althéa]

L'espace d'une seconde, Chandara vit une tête hideuse suspendue au plafond. Elle était chauve et son visage n'était plus que de la chair à vif. Mais il roula des yeux furieux en direction de Chandara. Un bras décharné apparut puis un second.

Une seconde plus tard, il poussa un hurlement suraigu et disparut à l'abri de la lumière.

[Chandara]

La jeune femme grimaça de dégout : en tant que paladine, elle était immunisée à la terreur que pouvait inspirer une telle vision de cauchemar. Mais en tant que Sunite, l’apparition qu’elle avait aperçue contrevenait à tous les codes de bon goût et signifiait la puissance du mal qui l’imprégnait. Sans quitter le couloir des yeux ni abaisser sa lampe, Chandara s’adressa à ses deux compagnes :

- Veillons à ne jamais laisser nos deux lanternes éteintes en même temps ! Même si l’idée même d’assister à un tel spectacle une nouvelle fois me révulse.

Il fallait maintenant s’atteler à explorer le couloir et trouver les accès menant à d’autres sorties ou fenêtres et aussi cette salle de jeu où se trouvait censément la piste de son seul indice pour retrouver le petit garçon.

[Althéa]

"Pour une fois, je suis tout à fait d'accord avec vous."

Même si Maelys se montrait bravache, sa voix trahissait son effroi. Eli n'avait pas l'air non plus très rassurée. Il était clair qu'elle avait dû entendre le bruit et senti l'aura malveillante. L'exploration se poursuivit donc. Le couloir était immense. La paladine devina trois portes : une à droite et une à gauche. Il était impossible de savoir ce qui se trouvait derrière sans les ouvrir. Dehors, la lumière faiblissait.

[Chandara]

Faute de pouvoir se repérer autrement, la jeune femme décida d'appliquer une approche méthodique - et toujours aussi prudente. Elle chercha donc à ouvrir la porte la plus proche d'elles e, considérant qu'il valait mieux savoir ce qui se trouverait dans chaque pièce et donc leur dos avant d'avancer dans le manoir. Certes, le temps était compté mais il ne fallait surtout pas confondre vitesse et précipitation : il y avait trop en jeu pour prendre des risques inconsidérés !

[Althéa]

La toute première pièce donnait sur un débarras où étaient empilés une foultitude d'objets hétéroclites entassés les uns sur les autres. La deuxième pièce était un deuxième cellier. La troisième donnait directement sur un escalier encaissé donnant sur les étages supérieurs.

L’atmosphère était toujours terriblement lourde et chargée de menaces. Le seigneur du lieu rassemblait ses forces.

[Chandara]

Chandara fronça les sourcils : elle aurait aimé trouver un accès direct vers une deuxième sortie avant de monter à l'étage au cas où les choses tournent mal. Mais il semblait bel et bien qu'elle ne trouverait rien d'utile en continuant à explorer ces pièces. Son prochain objectif - et elle se tourna pour le partager avec ses compagnes - était donc de trouver la salle de jeu avec l'espoir d'y découvrir une piste menant à Rodrigue. Elle serait bien plus tranquille pour affronter le sombre esprit qui hantait ces lieux si elle pouvait d'abord mettre le garçonnet en lieu sûr.

[Althéa]

Si Maelys accepta à regret, Eli fut tout à fait d'accord. La paladine précéda donc les autres dans les escaliers. A mesure qu'elle gravissait les marches, Chandara sentit le froid se faire plus vif et le malaise qui la tiraillait plus prégnant. Elle se retrouva de nouveau dans un couloir entièrement plongé dans l'obscurité. Elle se rendit compte que quelqu'un, sûrement une main malveillante avait tiré les rideaux sur les fenêtres de façon à occulter la moindre trace de lumière.

Chandara devina qu'il en allait de même dans chacune des pièces et que ce n'était sûrement pas la mère de Rodrigue qui avait fait cela.

[Chandara]

Même avec son entraînement et le lien avec sa déesse qui lui réchauffait le cœur, Chandara trouvait qu'il était de plus en plus difficile d'avancer dans cette atmosphère oppressante. Elle n'en éprouva que plus de compassion pour ses compagnes qui ne bénéficiaient pas du même soutien moral.

Mais dans ces conditions, il revenait de sa responsabilité de les soutenir et de leur montrer l'exemple. Elle se tourna vers la première fenêtre et jaugea un instant les rideaux avant de convenir qu'ils étaient laids et qu'elle pouvait donc se permettre de les arracher sans nuire aux préceptes de Sunie.

[Althéa]

Les rideaux étaient en effet très laids et couverts de toiles d’araignées. Très vite, Maelys se joignit à elle pour les arracher. A elles deux, elles eurent tôt fait de tout enlever apportant un semblant de lumière au sombre corridor. Chandara distingua contre les murs une série de portraits. Tous représentant un homme immense aux cheveux et à la barbe hirsutes. Il ressemblait à un ogre. Ses yeux fous semblaient luire dans la pénombre. Il s'agissait sans erreur possible du maître des lieux.

Il posait fièrement devant le grand manoir en cours de construction.

[Chandara]

La paladine se demanda confusément si le maître des lieux avait toujours eu cette allure repoussante ou si son état et le mal qu'il avait embrassé en était venu à transparaître jusque sur ses portraits d'époque. L'envie de décrocher ces affreux portraits était forte mais ce serait autant de temps de perdu au détriment de leurs autres priorités : redonner un peu de lumière à ces sombres corridors et repérer la salle de jeu. Alors, au fur et à mesure de leur progression de fenêtre en fenêtre, Chandara commença à vérifier méthodiquement chaque porte en prenant toutefois soin de ne pas toucher directement les poignées.

[Althéa]

Les recherches de Chandara se révélèrent d'abord infructueuses. Elle découvrit une immense salle d'eau peuplée plusieurs baignoires puis d'un dortoir agrémenté d'une dizaine de lits. Au bout du couloir, elle tomba sur la salle de jeu. Elle était vaste et les grandes fenêtres devaient laisser passer beaucoup de lumière en journée. Pour le moment, elle était sombre. La paladine repéra un cheval à bascules ainsi que des épées de bois.

La pièce maîtresse était assurément la grande maison de poupée au milieu de la pièce qui était une réplique presque exacte du manoir.

[Chandara]

Chandara eut une pensée émue pour son enfance passée à jouer avec de tels instruments en compagnie de ses frères: plus les épées et les chevaux que la maison à bien y réfléchir. C'est pourtant vers cette dernière qu'elle choisit de se diriger immédiatement, intriguée par le fait qu'il s'agisse d'une réplique du manoir. Y décèlerait-elle des indices ? Elle commença par chercher à repérer la pièce même où elle se trouvait en compagnie d'Eli et Maelys puis de tout autre détail qui puisse paraître insolite.

[Althéa]

La maison était très grande et au bout d'un moment, elle parvint à repérer la salle de jeu. Trois poupées se trouvaient là. Une jeune femme en armure aux cheveux flamboyants et deux autres portant des manteaux et des grands chapeaux. Elles se tenaient toutes les trois vers une maison de poupée à échelle réduite.

Très vite, Chandara remarqua qu'elles n'étaient pas toutes seules dans la pièce. Une autre figurine de bois se trouvait juste derrière Eli.

[Chandara]

La jeune femme eut un mouvement de recul de surprise en remarquant les trois poupée à leur effigie : comment était-ce possible ? Mais elle ne prit guère le temps de s'interroger sur cette question déjà troublante : elle se tourna d'un bloc en direction de son amie, comprenant qu'elle était en danger et déjà prête à s'interposer, la lame au clair. Elle cria même en direction d'Eli pour la prévenir car elle ne pouvait pas la voir ni ce qui se tenait immanquablement derrière elle.

[Althéa]

Derrière Eli, Chandara remarqua tout de suite l'ombre qui se trouvait derrière elle. C'était un petit garçon d'une dizaine d'années. Même dans la semi-obscurité, elle vit ses yeux d'un noir brillant et son sourire féroce.

A son cri, Eli et Maelys se retournèrent. L'ombre tourna la tête vers Chandara et poussa un cri suraigu avant de disparaître. Eli était indemne mais seul Cyric ou Baine savaient ce qu'il aurait pu arriver si Chandara n'avait pas vu le fantôme à temps.

[Chandara]

Elles étaient passées tout proche de la catastrophe et Chandara en fut affectée. De son point de vue, il était en effet de sa responsabilité de veiller sur la sécurité de ses deux aînées et elle les avait mises en danger en relâchant sa vigilance. Elle craignait aussi que le garçonnet puisse être celui qu’elle recherchait et donc qu’elle ne soit arrivée trop tard. C’est donc d’une voix légèrement tremblante qu’elle rompit le lourd silence qui s’était instauré :

- Nous ferions mieux de rester dos à dos quand nous fouillons ces pièces. Maelys, pourriez-vous surveiller vers la porte pendant que j’examine cette maison ? La mère de Rodolphe avait l’air de penser que nous pourrions y trouver un indice…