La Couronne de Cuivre

" Espérons qu'il n'y ait que ça, oui." dit Dimitri.
Il n'en était manifestement pas convaincu, mais sans doute savait-il aussi qu'il ne servait à rien de mettre Astrée en garde une nouvelle fois. Il la connaissait assez pour savoir qu'entre la prise de risque et le principe de précaution, elle opterait pour la première option.
Ils terminèrent leur repas. La route avait été longue, ils avaient eu froid, et la chaleur agréable de la salle d'auberge induisait une certaine somnolence. Sans doute ne tarderaient-ils plus à rejoindre le confort de leur chambre et la promesse d'une chevauchée...

Astrée ne chercha pas à relancer la conversation, paressant rêveusement sur son siège. Elle avait du mal à appréhender ce qu'il se passait lors de leurs étreintes. Il lui semblait récupérer ses forces, et elle espérait ne pas en garde de séquelles à long terme. Quel genre de séquelle pourrait-elle avoir ? Est-ce que sa santé pourrait en être affectée durablement ? Cela pourrait être un problème. En revanche, un raccourcissement de sa vie n'avait rien de dramatique : tant qu'aucun enfant ni compagnons ne dépendait d'elle, sa priorité était de vivre pleinement le moment présent et de ne pas trop se préoccuper de sa durée de vie.
Elle se demanda furtivement si elle pouvait se retrouver enceinte. Avec Ceru, cela aurait été immédiat, d'après les elfes. Mais Dimitri était différent. Il n'avait peut-être pas cette capacité à féconder immédiatement n'importe quelle femme pour se reproduire.
Elle décida de ne pas lui poser la question. Prudent comme il l'était, il risquait de renoncer définitivement à passer de nouvelles nuits ensemble. Pour sa part, si un enfant advenait, il serait bienvenu, mais elle l'estimait peu probable compte tenu de ses antécédents.

Elle finit par se lever, et lui tendit la main avec un sourire interrogateur.

Il prit sa main et se leva, puis la suivit dans les étages.
La suite s'enchaîna comme attendu et lorsqu'Astrée émergea, tard le lendemain, elle était seule dans leur petite chambre enroulée au coeur du tronc. Elle se sentait épuisée, mais peut-être pas plus que d'ordinaire après leurs ébats. Dimitri avait laissé deux tranches d'un gâteau aux noix et aux épices sur la table de chevet, comme pour s'assurer qu'elle aurait la force d'atteindre la salle principale de l'auberge, en bas de l'escalier tortueux.
Au dehors, il faisait clair mais couvert, il ne neigeait pas, et Naura paraissait endormie dans l'hiver, habitée par des oiseaux, un lapin solitaire, une petite harde de sangliers un peu plus loin. On distinguait des traces au sol, imprécises, mais on ne voyait ni hommes, ni elfes, du moins par la fenêtre.

Astrée savoura un moment la quiétude des lieux, à demi assise contre les oreillers, puis elle dévora pensivement un morceau de gâteau aux noix, le trouvant absolument délicieux, comme toute la nourriture de cette auberge. Elle songea qu'elle aurait eu plaisir à revenir ici de temps en temps : Nauru lui plaisait beaucoup, elle en appréciait l'ambiance. Mais si elle était bannie de Lorien, cela devait inclure également les endroits où les humains étaient tolérés, comme ici. Et les elfes ayant la mémoire longue, elle risquait sans doute des actes de vengeance même après plusieurs années.
Elle songea avec un soupir que tout cela était de la faute de Dimitri, avant de se reprendre : c'était elle qui avait choisi d'enfreindre les lois pour l'aider. Et pour quelle récompense ? Une relation assez bizarre, qui l'épuisait physiquement sans pouvoir satisfaire totalement son besoin d'amour, et qui, malheureusement, ne paraissait rien apporter à Dimitri. Elle aurait voulu avoir la satisfaction de lui faire du bien, d'adoucir son exil, à défaut de répondre totalement à ses besoins à elle. Elle n'était même pas certaine que ces étreintes qui lui prenaient son énergie lui apportent quelque chose, à lui. Il disait ne pas en éprouver le besoin... mais pourtant il ne se maîtrisait pas. Tout cela était assez incompréhensible.

Elle tendit la main vers le second morceau de gâteau et chassa ces pensées grises. Elle était dans un lieu idyllique et elle devait prendre chaque journée comme elle venait. Juste savourer l'instant présent et ne pas faire de projet. Il était libre de partir quand l'envie de combattre le reprendrait, peut-être reviendrait-il. Ou pas. Mais pour le moment il était là, et elle devait juste... prendre soin de lui.
Elle avala en deux bouchées le gâteau, puis décida qu'elle était dans l'environnement idéal pour méditer. Il y avait des jours qu'elle ne l'avait pas fait, et cela lui ferait un bien fou. Elle descendrait un peu plus tard. Elle ferma les yeux, s'emplit les oreilles des bruits de la nature omniprésente, inspira à plein poumons l'odeur des bois, et se laissa dériver, cherchant le contact avec la magie de la Nature.

Sa méditation fut à l’image de l’hiver environnant : tranquille et silencieuse. Quand elle décida enfin de quitter sa chambre, elle trouva la salle principale de l’auberge presque vide. La tenancière lui fit signe depuis son comptoir. Dimitri était invisible, sans doute encore à l’extérieur.
« Votre ami est en vadrouille, je le crains, lui dit la demi-elfe. Ne me demandez pas où, je n’en ai aucune idée. Il avait l’air d’avoir l’intention d’aller un peu partout. Son elfique est remarquable. Un peu archaïque, mais c'est toujours amusant, de temps en temps. Il n'y a plus que les très très vieux elfes qui parlent comme ça. »

Astrée accueillit cette remarque d'un rire joyeux.
" Il a du avoir un précepteur très très âgé, alors !"
Cela n'avait rien d'étonnant : les elfes avaient quitté Féérie depuis des temps immémoriaux, et leur langue avait dû évoluer.
" L'avantage, c'est qu'on lui fera meilleur accueil qu'à moi qui ne parle pas cette langue. Je vais l'attendre un peu devant une tasse de thé au miel, si vous en avez... Ou s'il tarde trop, j'irai faire un tour dehors. M'imprégner de l'atmosphère de la cité..."
Prendre l'air était toujours bon pour la santé, mais elle se montrerait prudente, comme si elle était convalescente.

" En hiver, il n'y a pas tellement d'atmosphère, dit la demi-elfe. Mais c'est vrai qu'en été, il n'y a pas vraiment d'ambiance non plus. C'est une ville tranquille, Nauru, il ne s'y passe jamais rien. Ou alors seulement hors de vue."
Elle rit doucement.
" Je vais vous chercher cette tasse de thé."

Elle espérait qu'il ne s'y passait pas des choses inquiétantes hors de vue. Elle ne pouvait se défaire d'une certaine inquiétude : les patrouilleurs leur avaient recommandé de ne pas traîner. Ils auraient peut-être dû reprendre la route dès aujourd'hui. D'un autre côté, ils n'avaient plus rien : il leur fallait de renouveler un peu leur matériel et acheter des vêtements. Au-delà de Nauru, la campagne ne semblait guère peuplée.
Mais les elfes étaient lents à décider, et peut-être n'avaient-ils pas encore décidé d'une vengeance...
Elle s'installa tranquillement, pour siroter son thé. Elle donnait une petite demi-heure à Dimitri, puis elle irait faire un tour.

Une demi-heure, Astrée était peut-être généreuse, mais Dimitri ne revint pas.
A l'extérieur, toute la cité était endormie sous la neige, et elle n'y vit quasiment personne. Nauru n'avait pas de rues, pas de places, seulement des arbres, et on aurait pu espérer qu'en hiver, il serait plus difficile de deviner ce qu'abritaient les bâtiments, mais en fait, il n'en était rien : de nombreux buissons aux feuilles persistantes protégeaient les entrées et les fenêtres, et les constructions se trouvaient surtout dans les hauteurs, difficilement visibles du sol. Astrée se souvenait que Nauru avait une zone elfique et une zone plus mélangée — dans laquelle elle se trouvait — mais aussi que le chemin pour entrer dans la première n'était pas évident et qu'elle n'avait pas pu l'emprunter seule. Savoir où se trouvait Dimitri dans ce dédale silencieux ne serait pas une mince affaire, mais elle pouvait aussi décider, simplement, de marcher dans la neige en observant les oiseaux et les animaux qui, se sachant en sécurité, étaient moins farouches qu'ailleurs.

Elle n'avait pas l'intention de se lancer à sa recherche : il reviendrait certainement en milieu de journée, puisqu'il avait parlé de s'absenter la matinée. Son inquiétude sourde lui revint : peut-être n'était-ce pas sage de l'avoir laissé explorer Nauru seul compte tenu de leurs mésaventures... mais dans ce cas ce serait encore plus dangereux pour elle. Lui, il était de taille à se défendre.
Elle décida de ne pas trop s'éloigner, et de simplement se promener, en restant attentive à son environnement. Si elle apercevait à proximité une boutique où acheter une veste bien chaude, elle y entrerait -elle avait gardé un peu de monnaie-, mais elle ne se lancerait pas dans une exploration approfondie de la ville sans Dimitri. Midi ne tarderait guère, de toute façon.

Elle ne vit rien de ce genre et quasiment personne pendant sa petite heure de déambulation. Par moments, elle avait l'impression de marcher dans la forêt, car elle ne parvenait plus à distinguer le moindre signe de civilisation (elfique ou autre) mais la présence des remparts végétaux la renseignaient sur le fait qu'il existait de réelles limites à Nauru et donc une partie dans la ville et une partie hors des murs. Il devait y avoir une logique là-derrière, mais elle était difficile à appréhender pour des yeux profanes.
Astrée vit donc des lapins, des écureuils, beaucoup d'oiseaux divers, elle devina le mouvement de petits rongeurs sous la neige, croisa la route d'un groupe de daims qui demeura à distance, aperçut un renard, puis une martre qui s'éleva dans les hauteurs. Ni humains, ni elfes. Elle voyait de temps en temps des traces, mais sans doute la matinée n'était-elle pas leur moment de prédilection. Ou alors pas au sol. Ou pas ici.

La seule chose qui lui importait était de ne pas se retrouver par inadvertance dans une zone interdite, réservée aux elfes, ou hors les murs. Dans cette étrange ville, elle risquait de ne pas se rendre compte si elle franchissait une limite inconnue d'elle.
Elle s'inquiétait un peu de ne pas croiser Dimitri. Mais peut-être que l'essentiel de l'activité se passait en hauteur, dans les arbres, et dans ce cas, il pouvait s'y trouver. Elle-même n'oserait grimper nulle part sans permission, et elle préféra revenir sagement à l'auberge, en espérant qu'il ne tarderait guère.

On approchait de la mi-journée et la demi-elfe la laissa s'installer où elle le voulait. A midi, malgré le ciel couvert, la salle était beaucoup plus lumineuse, dans les tons vert et jaune, produit de quelque magie. Astrée reconnut les humains qu'elle avait vus la veille, attablés ça et là, ainsi qu'une douzaine d'elfes qui devisaient. Les Trois Princes était manifestement un établissement ouvert à tous, bien que les différentes races ne se mélangent pas.
Dimitri reparut plus tard, tranquille et chargé de ses emplettes. Il repéra Astrée et vint s'installer en face d'elle.
" J'espère que tu as bien dormi, dit-il après l'avoir saluée. Je pense que j'ai trouvé tout ce que tu m'avais demandé... et j'ai plusieurs propositions d'itinéraires..."

Elle lui sourit avec soulagement, mais s'efforça de le masquer : son inquiétude était très certainement excessive.
" Merci ! C'est formidable si tu as tout trouvé ! Je suis désolée de te laisser faire tout le travail... Je suis sortie un peu mais je ne comprends rien à cette ville. J'ai besoin de me racheter quelques vêtements, un manteau. Tu sauras sûrement où trouver ça ?"

" Oui, mais je ne suis pas sûr que les prix vont te faire sourire. Surtout pour des vêtements de ton style et à ta taille. Enfin, je suppose que tu ne peux de toute façon pas faire l'impasse sur le manteau..."
Il haussa les épaules.
" Tu ne pourrais pas tuer une bête et te le fabriquer toi-même ? Enfin... pas dans l'enceinte de la cité, bien sûr... mais plus loin ?"

" Heu... Là, je crois que tu me surestimes ! Tuer une bête, récupérer la peau, je sais faire, mais il faut la laver, la tanner... enlever les poils et l'odeur, quoi ! "
Elle secoua la tête en riant.
" J'avais une peau de narruin dans mes bagages, par exemple : ça va bien comme couverture, et ça reste chaud en permanence, c'était idéal... mais on ne peut pas en faire un vêtement comme ça. Par contre, s'ils vendent du tissu, une toile de laine épaisse et chaude par exemple, je saurai me coudre quelque chose. En cuir, ce serait mieux, mais il faut des aiguilles spéciales, c'est plus difficile. Mais sinon, si tout est trop cher, je peux continuer de m'envelopper dans ma couverture..."

" Disons qu'ils ne commercent pas souvent... et donc les prix sont à la hauteur de la rareté des marchandises... Ils ont des vêtements elfes, cela dit... mais ils sont rarement coupés pour les humains... et peu adaptés aux couverts non forestiers."
Il hésita.
" Peut-être que j'ai demandé aux mauvais endroits. On peut retourner au comptoir principal... Je n'ai rien vu de très excitant, mais son propriétaire aura peut-être des idées. Ou alors on demande directement aux humains qui sont ici... Ils ont peut-être des vêtements de rechange qu'ils seraient d'accord de nous troquer ?"

Aller voir des inconnus pour leur demander des vêtements... cela lui semblait, de façon certainement absurde, au-dessus de ses forces. Elle avait toujours beaucoup de mal à aborder des inconnus.
" On peut simplement leur demander s'ils connaissent les environs, au nord de la forêt. Il y a peut-être un village suffisamment grand pour y trouver ce qu'on cherche. Cela nous éviterait de perdre du temps ici pour rien, et on trouverait certainement des choses plus adaptées. Mais tu as peut-être déjà tout appris de ce qu'il y a au nord ?"

" Il n'y a que deux vraies routes qui quittent Nauru : une vers Anarion, une autre qui part au nord-ouest, vers la Vallée du Nirvana. Pour monter directement dans les collines qui se trouvent au nord, il faut passer par la forêt, mais apparemment, on peut aisément engager un guide : les elfes d'ici sont moins territoriaux que dans les zones disputées. Sinon, il y a la rivière, mais elle va nous déporter loin vers l'est."
Il se tourna vers les convives.
" De ce que je sais, tous ces gens viennent d'Anarion. Aucun n'est susceptible de nous parler du nord. Mais j'ai trouvé des cartes. Nous nous débrouillerons."

Astrée essaya de se remémorer les cartes qu'elle avait vues. Le nord-ouest n'était pas adapté, c'était une certitude. Il fallait aller plutôt au nord-est.
" La demi-elfe qui nous a interrogés m'a parlé d'une route secondaire, et d'une auberge, à... Nurpää, ou un nom comme ça. En-dehors de la forêt. Mais c'est peut-être de la route du nord-ouest qu'elle parlait. Sinon, la rivière est une possibilité. Il me semble qu'il y a deux bras, dont un vers le nord-est, donc ce serait à peu près la bonne direction... Mais je n'ai jamais demandé précisément à Kalju d'où il venait. Et je l'imagine plus cheminer par voie terrestre. Peut-être qu'on devrait chercher des gens qui l'ont vu, une auberge où il a dormi, et remonter sa piste... Ou sinon, on fait comme tu dis, on se débrouille avec les cartes. Un village menacé par une faille, ça devrait se trouver."

" Pour prendre la rivière, il faudrait de toute façon nous trouver un transport... et je pense que ça nous dévierait beaucoup trop vers les montagnes. Mais tu as raison : il faudrait se renseigner. Kalju a d'office fait étape ici, et il ne passe pas inaperçu. On pourrait interroger l'aubergiste à ce sujet : même si elle ne l'a pas reçu ici, elle aura peut-être entendu la rumeur. Même si c'était il y a plusieurs mois, déjà, comme la cité est tranquille, ça a dû être un petit événement..."

" Oui, ça a l'air d'être peu fréquenté, comme secteur. On trouvera sûrement des informations et on saura vers où il faut se diriger... On avisera ensuite."
Elle jeta un coup d'oeil à l'aubergiste, mais il leur faudrait attendre la fin du repas pour la questionner.
" Sinon, est-ce que c'est loin, la sortie des bois ? Je me souviens que les patrouilleurs avaient dit de ne pas s'attarder ici... Je ne sais pas si on risque vraiment quelque chose, mais autant être prudents."

" Une bonne journée avec un guide, de ce que j'ai compris, dit Dimitri. Pas très praticable à cheval, mais possible à pied. Nous ne serions pas forcés de réinvoquer nos montures. Apparemment, ensuite, on arrive en bordure de la forêt, directement dans les collines. Le guide ne va pas au-delà, il n'y a pas de route à proprement parler, mais en nous dirigeant droit vers le nord, nous devrions quitter la zone vallonée pour atteindre les hauts plateaux assez rapidement. Ensuite, il y a des villages et des campements nomades. On devrait pouvoir trouver la rivière assez vite, je suppose que c'est un bon endroit pour croiser des humains. Par la route, la distance est plus longue, mais c'est vrai qu'on peut galoper... mais ça va nous déporter loin de notre but."

" On fait comme tu le sens. Tu parles l'elfique, tu as pu discuter avec eux... Si tu nous trouves un guide, on passe par la forêt, au plus court, et si tu n'en trouves pas, on passe par la route. Dans tous les cas, on arrivera. La différence c'est que par la forêt, il nous faut un peu de matériel de bivouac... tu me diras, même par la route, on va finir dans la cambrousse."
Elle haussa les épaules, et reprit, songeuse.
" Après, par la route, outre les auberges confortables, on risque peut-être moins d'avoir affaire à des elfes qui nous chercheraient des noises..."
Elle veillait à ne pas parler trop fort : il y avait beaucoup trop l'elfes à l'ouïe fine dans les parages.
" Quoique, comme tu dis, il passe peu de monde ici. Si les solo...nites? ont ici des connaissances avec qui ils ont pu communiquer par sortilège, ils nous repéreront sans difficulté, et qu'on passe par la route ou les bois ne doit pas changer grand-chose. Tu as ressenti une curiosité particulière dans les commerces ?"

" Si on monte avec un guide, on sera hors des bois avant la nuit. Les elfes de cette région sont moins agressifs que ceux du coeur de la Lorien. Je pense que si nous partons tôt, demain matin, il ne devrait rien nous arriver de fâcheux. Après tout, nous serons avec un local... Cela devrait nous protéger des importuns. Et les fervents de Solonor venaient d'un autre coin de la Lorien, beaucoup plus à l'ouest. Je doute qu'ils nous aient pistés jusqu'ici, quoi qu'en disent les patrouilleurs."
Il soupira.
" Mais c'est vrai qu'il y a le problème du bivouac... En cette saison, c'est vraiment pas de chance..."
L'aubergiste s'approchait de leur table et s'ils voulaient lui poser une question, c'était le moment opportun.

" Pour le bivouac on se débrouillera, il faut juste qu'on se procure des couvertures chaudes... et une toile, peut-être, mais sans monture, on ne peut pas trop s'alourdir. Il nous faut des gourdes, par contre, et un peu de petit matériel. Et pour manger, j'ai toujours des baies... et on ne fait pas la grimace !"
Elle lui sourit, taquine, et se tourna vers l'aubergiste.
" Dites, madame... est-ce que vous n'auriez pas entendu parler d'un genasi, qui a dû se trouver en ville à peu près au même moment que moi lorsque j'allais vers le sud, à la fin de l'été? Il avait un yack avec lui..."

" Oui, j'en ai entendu parler, dit la demi-elfe. Il n'est pas resté longtemps, juste une nuit. Je me souviens qu'il avait campé dans le Pré Jaune, on avait dû tempérer les enfants qui voulaient aller voir... Il venait de la Vallée, je pense... avec une bête comme la sienne, se faufiler dans les bois aurait été impossible. Mais je ne l'ai pas revu passer. Et je ne lui ai pas adressé la parole. Vous le cherchez pour une raison particulière ?"

" Oui... En fait, non, je ne le cherche pas. Je cherche d'où il vient."
Elle soupira.
" On avait sympathisé sur la route, on est allés jusqu'aux montagnes au-delà de Belred... mais... il a trouvé la mort là-bas. Je voulais prévenir sa famille... Mais pour cela, il faut que je les retrouve. Je sais juste qu'il venait du nord, pas très loin du canyon."

" Les montagnes ne sont pas très hospitalières, dit la demi-elfe avec un certain fatalisme. Mais je ne pourrais pas vous aider. Je ne l'ai pas rencontré, comme je vous l'ai dit. Vous pouvez peut-être aller demander du côté du Pré Jaune. Elaven s'occupe en général d'accueillir ceux qui y bivouaquent... Il l'aura sûrement vu. Ça ne veut pas dire qu'il aura bavardé avec lui... Les voyageurs parlent rarement l'elfique et peu de gens, à Nauru, pratiquent une autre langue de manière aisée."

Astrée sourit.
" Il ne parlait pas l'elfique, non. Mais j'irai me renseigner là-bas tout de même, on ne sait jamais.... Et j'en profiterai pour faire quelques courses. C'est de quel côté, ce Pré Jaune ? Est-ce qu'il vaut mieux que j'attende la fin d'après-midi pour y trouver quelqu'un, ou bien je peux y aller après le repas ?"

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Nauru