La Couronne de Cuivre

Avoir découvert qui étaient les trois pendus - son cœur se serra tandis qu'il les revoyait, en pensée, tels qu'ils étaient avant leur séparation - ne les informait guère sur la survie de Constance et de ses compagnons. Rutger, Bertram et le Mélandien pouvaient très bien avoir été capturés lors de la retraite. Les pirates avaient pu, aussi, les arracher au comptoir...
A l'exception de Bertram, songea-t-il. Quelqu'un, il ne se souvenait plus qui, avait dit l'avoir vu tomber pendant la bataille.
Le fait que le comptoir soit gardé n'était pas plus éclairant : il pouvait encore être tenu par leurs alliés. Ou être devenu le repaire du Squale en personne.
Aucun moyen de le savoir.
Bref : cette expédition n'avait pas servi à grand chose, sinon à leur miner le moral. Quoi que... Si les forbans avaient découvert l'autre groupe caché dans les grottes, il y aurait sans doute eu des traces, de macabres indices.
Mais qu'en savait-il, au fond ?
Bah... On se remontait le moral comme on pouvait.

Ils ne parlèrent pas davantage durant le restant du trajet et progressèrent rapidement. Ils arrivèrent dans leur grotte aménagée les premiers : hormis Goran et Griselda qui dormaient toujours, la pièce était déserte. Guéric se laissa tomber sur un des sièges étranges que formait la roche et soupira en se massant les orbites. Puis, soudain, il dégaina une dague qu'il cala à travers la pièce. Elle alla heurter le mur et tomba sur le sol. Goran remua dans son sommeil.
" Désolé." fit le halfelin en croisant le regard de Taliesin. " J'avais envie d'en égorger quelques uns."

-Oh, je te comprends... fit-il. J'en ai vu dix fois moins que toi, mais j'ai eu du mal à ne pas abattre les sentinelles, près de la plage...
Il lorgna, un peu absent, la surface de pierre de la table voisine.
-Notre heure viendra, reprit-il doucement. Quand la flotte luménienne sera là, quand nous aurons pu y mettre à l'abri les autres... Nous ferons regretter au Squale d'avoir jamais mis les pieds ici. Ils sera pris entre deux feux : les renforts... et nous. Il ne sait pas ce qui l'attend.
Il ne voulait pas jouer les fanfarons : il traduisait juste ses sentiments du moment. Qui correspondaient, somme toute, au plan établi.

Guéric acquiesça.
" La barbarie dont sont capables les êtres pensants... surtout en groupe... a cessé de me surprendre, pourtant. Et je suis assassin de formation. Je ne devrais pas m'offusquer de ce que j'ai vu... Je pense que les corps... Je pense qu'ils ont eu de la chance. Qu'ils étaient morts quand le Squale et ses troupes ont mis la main dessus... S'ils avaient été vivants... ils le seraient toujours... La nuit était bruyante, mouvante, mais je n'ai entendu aucun cri. A mon avis, les autres sont encore terrés dans le comptoir. Vu leur force de frappe, les pirates doivent se sentir intouchables..."
Il secoua la tête.
" Que dirons-nous aux autres ?"
Des échos étouffés leur parvenaient, signe d'un groupe était en approche encore lointaine.

Le barde grimaça.
-Je n'aime pas l'idée de mentir mais... peut-être n'est-on pas obligé de tout leur dire. On peut passer sous silence le sort réservé aux nôtres, les cadavres mutilés des pirates... Avancer qu'on a l'impression que le comptoir tient toujours. Nous devons... éviter les choses susceptibles d'atteindre leur moral. Si nous voulons nous en sortir, il faut que nous restions sur une dynamique positive, pleine d'espoir.

" Très bien, restons évasifs. Si ça se trouve, ils ne poseront pas de questions..."
Quelques secondes plus tard, ils perçurent plus clairement le son de pas, le murmure d'une conversation, puis Bellyra et Fred firent leur apparition. Le jeune homme avait une ecchymose pourpre sur le front et il leur décocha une grimace en croisant leur regard.
" Je me suis pris une stalactite." expliqua-t-il en se laissant tomber sur un siège.
" Par les dieux, vous n'imaginez pas comme ce guet est chiant." fit la prostituée en le rejoignant.
Elle entreprit immédiatement de retirer ses bottes.

-Oh si, j'imagine très bien ! lança l'elfe d'un ton léger. Mais voyez le bon côté des choses : vous êtes rentrés, vous allez pouvoir vous détendre, vous distraire, et le prochain guet n'est pas pour tout de suite.
Il se leva.
-Je peux faire du thé, si vous voulez. Et réchauffer ce que j'ai préparé tout à l'heure pour le souper.
S'activer, malgré l'épuisement. Il en avait besoin.

" Je vais dormir d'abord, je pense. Je n'ai pas faim." fit Fred. " Les biscuits à l'avoine m'ont calé, je dois dire. J'en ai mangé sur tout le trajet... Mais au réveil, je testerai ça."
" Moi je suis pour une bonne tasse de thé. Puis j'irai pioncer aussi." s'exclama Bellyra en rejoignant l'elfe et le halfelin.
" Martin ne devrait pas être avec vous ?" demanda Guéric.
" Oh, il y a eu un changement de programme. Apparemment, George n'a pas voulu faire le trajet seul avec Ruyven, je n'ai pas trop compris pourquoi, du coup, Martin les a accompagnés jusque chez nous avant d'aller relever le groupe de la grotte. Il nous a dit que de ne pas les attendre."
" Ah. Bon." fit le halfelin en haussant les épaules.
" Vous en faites des gueules d'enterrement..."

-Je suis déçu pour Ruyven... dit le barde, évitant avec soin de répondre honnêtement à la question posée. Il voulait bécoter George pendant le trajet. Si Martin les accompagne, il en sera empêché...
Il sourit.
-Mais j'ai un thé à faire, je crois...
Il s'esquiva sans tarder, gagna la réserve impeccablement rangée d'Elerinna, et trouva sans mal son bonheur. Il serait certainement beaucoup moins doué que la courtisane pour préparer le breuvage, mais il était bien décidé à faire de son mieux et s'y employa aussitôt.

Quand il revint, Fred ronflait déjà allègrement entre ses couvertures : il était aussi fatigué qu'il l'avait clamé. Par contre, Bellyra était prostrée sur son siège, la tête dans les mains, et Taliesin devina que Guéric avait décidé, finalement, de lui dire la vérité, ou une part de vérité. Elle lorgnait le sol entre ses pieds.
" Rutger était un homme bon. Froid, parfois dur, mais bon." murmurait-elle, d'une voix sourde mais égale. " Huit ans que j'étais sur Mersant. C'est comme... comme tout un pan de ma vie... Bien sûr, je savais que les choses allaient être chamboulées... Les pirates, je ne me faisais pas d'illusions..."
Elle soupira, se redressa, et se pinça les lèvres. Elle avait les yeux brillants mais ne versa pas de larmes.
" Elerinna sera bouleversée. Elle le considérait presque comme son père... Et Ruyven... En même temps, nous le savions, n'est-ce pas ? C'était ce qui était prévu. Nous l'avons bien compris... Nous ne l'avions pas vécu."
Elle repoussa une mèche de cheveux roux derrière son oreille, se massa les paupières du bout des doigts et accepta la tasse que Taliesin lui tendit.
" Je me rends compte que j'ai eu une existence beaucoup plus protégée que vous tous. Il fallait que ce genre de choses m'arrive tôt ou tard."

Après avoir distribué les tasses, le barde s'était rassi. Et, quelques instants, il ne put s'empêcher de dévisager Guéric. Pourquoi avait-il parlé ? Pourquoi avait-il pris le risque de les ébranler, tous ? Bellyra, d'abbord. Puis Elerinna, Ruyven, comme elle l'avait mentionné. Martin aussi, peut-être...
A quoi cela rimait-il ? Le halfelin avait-il pensé que cela ne leur ferait rien ? Avait-il été motivé par un souci absurde de vérité ?
Taliesin ne comprenait pas.
Mais ce qui le perturbait surtout, c'était la suite. La réaction des autres. Comment feraient-ils si tous les courtisans s'effondraient ?
En parlant, Guéric venait peut-être de miner leur forces. Sans le vouloir, évidemment. Mais... Le danger était là.
Se détournant de lui, il adressa un faible sourire à Bellyra.
-Je suis désolé... fit-il. Et, même si cela ne te réconfortera pas vraiment, sache que... Une vie rude ne protège pas de la peine, de l'indignation ou de la révolte que suscitent ce genre de crimes. Nous sommes vraiment désolés... Et nous ferons en sorte que les méfaits du Squale ne restent pas impunis.

Elle sourit doucement.
" Oui. Ou peut-être pas. Mais nous allons nous efforcer de survivre, n'est-ce pas, ce sera déjà une bonne chose si nous y parvenons. Et nous honorerons la mémoire de ceux qui ont disparu..."
Elle regarda Guéric.
" Jusqu'ici, c'était presque un cauchemar... Nous allions nous réveiller."
" Je suis désolé." souffla le halfelin.
" Non, surtout pas. La gravité nous manquait. La gravité nous manquait, oui."
Elle secoua la tête.
" Nous allons survivre."
Elle but sa tasse lentement.

Peut-être certains d'entre eux avaient-ils envisagé trop légèrement leur situation. Mais... Il ne pouvait s'empêcher de craindre ce qui leur arriverait, si l'atmosphère de la caverne devenait pesante, sombre, silencieuse. L'insouciance parfois factice dont ils avaient fait preuve ici avait contribué à leur changer les idées, à leur remonter le moral. Lui-même l'avait bien vu... Sans cette atmosphère enjouée, il ne se serait pas remis si vite de son choc...
Ce qui était était fait, cependant. Ils ne pourraient pas revenir en arrière.
-Oui, nous survivrons, fit-il avec assurance. Nous n'avons rien vu qui suggère que les pirates se doutent de notre présence. Rien de rien. Alors nous allons continuer à œuvrer dans l'ombre... Et nous survivrons.

Elle termina son breuvage.
" Je vais aller me coucher à mon tour. Je goûterai ta préparation à mon réveil, mais là, je suis vannée..."
Elle sourit aux deux hommes.
" J'espère que ça ira, tous les deux. Vous avez dû en voir... Enfin... Parfois la réalité est plus facile à gérer que ce qu'on imagine... Je vous proposerais bien... une étreinte pour reléguer les ténèbres à l'extérieur, mais vous êtes les deux mauvais candidats... Tant pis. Bonne nuit."
Elle s'esquiva ensuite pour rejoindre sa propre couche, bien qu'elle hésitât manifestement un instant à se glisser dans celle de George.

Taliesin l'observa, mal à l'aise.
Une étreinte pour reléguer les ténèbres à l'extérieur...
Il n'aurait pas été contre recevoir un peu de tendresse. Ni en prodiguer, bien au contraire. Mais les choses auraient par trop risqué de dégénérer... Et puis, elle ne lui avait pas laissé le temps de répondre.
Il aurait voulu l'aider, ce sentait impuissant à le faire. Et il se réconforta en songeant qu'Elerinna et Martin ne tarderaient pas à revenir, qu'ils sauraient se donner, entre ceux, ce dont ils avaient besoin : ils se connaissaient bien, après tout.

Guéric resta silencieux, un temps.
" J'ai préféré le lui dire." murmura-t-il enfin. " Je pense que... préparer le terrain... Aucun d'entre eux n'est stupide. Ils auraient posé des questions... A quoi bon leur mentir si finalement, nous nous retrouvons acculés ?"
Il soupira.
" Je sais que c'est risqué. Mais elle avait compris que nous avions vu quelque chose... Je ne pouvais pas faire autrement. Je n'ai rien dit. J'ai juste dit que j'avais vu des corps."

Il le dévisagea, acquiesça lentement.
-Tu n'as pas de comptes à me rendre, Guéric. Tu es notre chef et tu fais ce que tu penses être le mieux. En l'occurrence... Mon idée de les préserver était sans doute stupide. Ils nous auraient posé des questions, oui, se seraient doutés de quelque chose si nous étions demeurés évasifs... Autant que les faits soient clairement établis. Si le moral en pâtit trop, j'essaierai de faire mon possible pour le remonter. Et... Nous avons assez d'éléments insouciants dans le groupe pour qu'ils en détendent l'atmosphère sans se forcer. C'est sans doute une chance.

Guéric grimaça. Il se serait manifestement bien passé de cet honneur et de la responsabilité qui allait avec.
" Il faut que nous avisions de la suite... J'aurais imaginé que je pourrais aller au guet avec Goran... Mais je n'en suis plus si sûr... En même temps, je rechigne à ce que nous y allions tous les deux. Peut-être pourrais-tu relayer Elerinna à la grotte marine et elle viendra avec moi ?"
Il secoua la tête.
" Tout cela me donne la migraine. Je devrais aller me laver puis dormir, une fois, pour une longue période."

L'elfe lui sourit.
-J'ai eu quelques idées pour ce qui concerne le bateau, ou plus précisément le transport du matériel, sa construction... Mais nous pourrons en parler demain matin : va donc te reposer. Je vais attendre le retour des autres... et envoyer Martin au lit sitôt qu'il débarquera. Lui aussi à besoin de se ménager.

Guéric joignit le geste à la parole et après une rapide immersion dans le bassin, à mille lieues des paresseuses ablutions des courtisans, il alla se calfeutrer sous ses couvertures, laissant Taliesin à sa veille tranquille.
Le temps s'écoulait lentement, au rythme des mouvements de la lave improbable au travers des murs désormais assombris. L'elfe eut le temps de terminer une tasse de thé. Une deuxième. Martin ne revenait pas. Personne ne revenait. Bien sûr, la perception du temps était altérée quand on n'avait rien à faire d'autre qu'attendre, mais... le conduit par lequel le groupe de la grotte aurait dû revenir demeurait désespérément silencieux et vide.

Il était évidemment inquiet. Mais il arrivait encore, malgré tout, à relativiser : il ne savait pas combien de minutes ou d'heures s'étaient écoulées depuis que Guéric s'était endormi. Ce qu'il savait, en revanche, c'est que la grotte marine était éloignée, que l'itinéraire qui y menait était accidenté, périlleux par endroit, et, enfin, que les constructeurs - les enfants, surtout - devaient être épuisés par leur journée. Du coup, Martin, non moins fatigué qu'eux, les conduisait fatalement à un rythme lent, acceptable.
Ils ne tarderaient pas à arriver.

Mais ils n'arrivèrent pas.
Le temps passait, les murs se mouvaient, la lave crépitait dans l'âtre, des bulles remontaient de temps en temps à la surface du bassin. Si Guéric dormait comme un roc, Goran avait recommencé à ronfler et Bellyra gémissait dans son sommeil.
Les secondes s'égrenaient. Le conduit était désert.
Personne n'en venait, personne n'y cheminait. Bellyra et Fred étaient rentrés depuis des heures, désormais, assurément.

Taliesin avait fini par se lever, par faire les cent pas.
La fatigue commençait à le gagner, mais elle était moins prégnante que la nervosité... Et se serait-il couché qu'il aurait été incapable de fermer l'œil.
Des théories toutes plus angoissantes les unes que les autres prenaient naissance sous son crâne. Et, à chaque fois, il tentait de les parer au mieux.
Ils avaient pu être capturés par des pirates... Mais Martin avait assuré qu'il ne se ferait pas surprendre dans les tunnels qu'il connaissait si bien. Le barde n'avait aucune raison d'en douter, loin s'en fallait.
Il avait pu y avoir un nouvel accident dans ce maudit passage. La chose était malheureusement possible... Mais ils ne pouvaient tous avoir succombé. Au pire, en cas de grave blessure nécessitant des soins importants, quelqu'un serait venu le chercher.
Sauf évidemment si c'était Martin qui était au plus mal... Mais il aurait emporté une carte, les autres auraient pu retrouver leur chemin, grâce à elle.
Ou alors...
Ou alors le Mélandien les avait trahi, s'en était pris aux garçons, à Elerinna, puis au courtisan lorsqu'il était arrivé à la grotte.
De toute ses idées, c'était la plus ridicule : qui aurait-il gagné ? Rien, assurément !
Il trouvait des réponses à chaque fois. Mais, au fur et à mesure que le temps s'écoulait, elles devenaient moins assurées. Les théories, en revanche, se faisaient plus précises, plus acérées, nouaient sa gorge, ses tripes...
Il finit par prendre une décision : l'attente était devenu par trop insupportable. Comme réveiller les autres était hors de question - ils devaient se reposer -, comme s'élancer seul dans les cavernes était aussi téméraire que suicidaire, il fit la seule chose qu'il pouvait faire : gagner la grotte où ils s'étaient précédemment installés et y jouer les "Demoiselles d'Eauprofonde".
Ce dont il avait besoin, c'était d'information.
Peut-être les lui fourniraient-elles.

Mais à nouveau, le pipeau demeura désespérément inerte. Il n'y eut ni éclat de lumière, ni résultat tangible, juste l'écho d'une mélodie ridiculement paillarde dans une grotte glaciale. Et quand Taliesin regagna la caverne où dormaient ses compagnons, il n'y avait toujours aucune trace des cinq personnes qui auraient dû la rallier.

A nouveau, il s'en fut fouiller dans la réserve, dénicha l'eau-de-vie produite à Mersant, et en but une longue rasade.
Pour se requinquer, s'endormir, il n'aurait su dire.
Il brûlait du désir de se lancer à leur recherche. Après tout, il avait repéré le trajet, il pouvait prendre une carte. Il pouvait même laisser un mot aux autres.
Mais il ne pouvait pas prendre ce risque. Si des pirates s'étaient manifestés, Martin avait pu les entendre venir... et se cacher. En déboulant, il risquait de tout faire capoter ou, pire, de se livrer pieds et poings liés aux forbans. D'autant qu'il ne pouvait plus lancer de sorts d'invisibilité...
Ni de sorts de soin. S'il y avait eu un accident, s'il y avait eu des blessés, il serait donc complètement inutile. Surtout que ce maudit pipeau refusait de l'aider...
Mais comment fonctionnait-il, à la fin ? Qu'est-ce qui avait provoqué cete subite inefficacité ?
Il eut une idée... et la refoula à toute force. Cela ne pouvait pas être ça : il avait déjà refusé de fonctionner par le passé.
Mais c'étaient d'autres qui l'utilisaient, alors.
Il s'envoya une seconde lampée.
Attendre. Il ne pouvait qu'attendre.
L'un des autres finirait bien par se réveiller. Ou lui finirait bien par ne plus y tenir et par les arracher au sommeil.

La nuit semblait interminable et la fatigue de plus en plus oppressante. Ceux qui dormaient s'étaient abandonnés au sommeil sans arrière-pensée, sans crainte, et aucun ne semblait devoir émerger. Aucun écho dans les profondeurs de la terre. Le néant.
Puis les parois de la grotte commencèrent à jaunir, lentement, signe qu'un nouveau jour se levait. Ils n'étaient plus que six dans la grotte.

Il n'y tenait plus.
Il avait été patient. il s'était raisonné. Il avait refusé de céder à nouveau à cette folle angoisse qui l'avait rendu ridicule, lorsqu'il avait pris l'incident du boyau pour une attaque de pirates.
Il avait même réussi à ne pas complètement se saouler.
Mais là, il n'y tenait plus, il était parvenu aux limites extrêmes de sa résistance.
Chancelant de fatigue, il gagna le lit de Guéric, le secoua doucement.
Et s'il avait trop tardé ?
Et si ce qu'il avait pris pour de la sage patience les avait condamnés ?

Le halfelin émergea, hagard, et le dévisagea de ses yeux troubles. Puis il secoua la tête et glissa au bas de son lit.
" Que se passe-t-il ?" demanda-t-il.
Avant que Taliesin n'ait pu répondre, il avait jeté un coup d'oeil circulaire sur la pièce.
" Ils ne sont pas rentrés ? Quelle heure est-il ?"

Le barde s'était adossé à la paroi qui s'illuminait peu à peu. Il avait de plus en plus de mal à tenir debout mais savait qu'il ne dormirait pas avant bien longtemps.
-Je pense que l'aube point au dehors, dit-il d'une voix qu'il trouva étonnamment détachée. Et non, ils ne sont pas revenus. Aucun d'entre eux. Je ne me suis pas lancé tête baissé à leur recherche, j'ai patienté autant que possible pour te laisser te reposer... J'ai juste testé le pipeau qui, bien évidemment, ,ne m'a pas accordé le secours que je lui demandais.
Il eut un sourire cynique.
-Bref, compte tenu du temps écoulé... Je crois que nous avons un problème.

Guéric étouffa un juron et le dévisagea, puis demeura silencieux un long moment.
" Je vais aller voir avec Bellyra, ce n'est pas comme si nous pouvons abandonner plus de la moitié du groupe, n'est-ce pas ? Il y a peut-être une explication toute simple : les gamins sont trop fatigués pour revenir en arrière, quelque chose comme ça..." grommela-t-il finalement. " Toi, tu ferais mieux de dormir. D'autant que tu dégages une odeur... qui n'augure rien de bon."
Il soupira et s'étira, manifestement un peu sonné par la nouvelle.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Mersant

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