La Couronne de Cuivre

Il ouvrit de grands yeux, décontenancé.
-J'ai fait une bêtise ? demanda-t-il spontanément.
Il la dévisagea un instant avant d'ajouter :
-Et... Qu'ai-je accepté qui soit susceptible d'avoir de grandes conséquences ? Que Guilhem et les enfants aillent à la fête ? Que Baptiste reste avec nous ?
Aucune agressivité dans ses questions : il cherchait juste à comprendre.

Galathée pinça les lèvres.
" Il fallait dire non. Victor va être furieux. Je ne sais pas s'il ne va pas rester, lui aussi, juste pour surveiller Baptiste."
Elle soupira.
" Mais j'imagine que ces choses vont bouger par conflits et trêves, petit à petit. Parfois une bonne crise fait progresser la situation plus efficacement que mille ajustements... Nous verrons. C'est trop tard, de toute façon."

L’elfe soupira à son tour.
-Si j’avais dit non, cela aurait sans doute satisfait Victor, mais certainement pas Baptiste qui, je le crains, aurait mal interprété mon refus, y voyant un signe que nous n’avions pas envie de l’avoir avec nous… Bref, il n’y avait probablement pas de bonne solution, et si ma décision amène les choses à évoluer d’une manière ou d’une autre, ça ne sera pas plus mal, parce que pour l’heure, c’est le néant total à ce niveau : ils n’interagissent jamais et ne se confient pas davantage à moi, ce qui m’ôte pour ainsi dire toute possibilité d’action.
Il soupira derechef.
-Mais la prochaine fois, Gal… Essaie de venir m’en parler. Je suis tout prêt à m’en remettre à ton avis, d’autant que j’avoue ne pas du tout savoir quoi faire. Mais si tu attends que je décide quelque chose pour me dire ensuite que j’ai mal agi… C’est un peu rude.

La rôdeuse lui sourit, apaisante.
" Je dois dire que je n'ai pas pensé que tu lui dirais oui... et que je n'étais pas certaine de ce qu'il te demanderait. Mais je m'en suis doutée, voilà. Et je ne prétends pas avoir la science infuse en ces matières... Simplement, il reste pour te faire plaisir et ça ne favorise pas son intégration... Mais soit, ce qui est fait est fait... Comme je le disais, cela fera peut-être bouger les choses."

Il grimaça.
-Tu sais, qu'il reste uniquement pour me faire plaisir, c'est la première chose à laquelle j'ai pensé, et je lui ai clairement dit que s'il se privait d'amusement à cause de moi, cela m'embêterait beaucoup. Mais il a affirmé qu'il n'en était rien... Alors soit il n'a réellement pas envie d'y aller, soit il refuse de me dire la vérité. Bien sûr, je sais qu'il la tait la plupart du temps, mais si c'est à ce point-là, je me demande comment on va s'en sortir.
Il s'assit près de sa compagne, la mine préoccupée.
-La dernière fois que nous en avons discuté, toi et moi, tu m'as expliqué que leur parler ne servirait à rien, et je suis d'accord. Cependant, je suis barde : mon principal moyen d'action, c'est la parole. J'ai donc invité Baptiste et Victor à venir me le dire, si quelque chose clochait, s'ils vivaient mal certaines situations. Or, comme ils n'en ont rien fait, je dois me rendre à l'évidence : je n'ai pas les clefs pour les amener à se confier, et je me sens donc très démuni pour les aider. Je crois que tu es mieux armée que moi, en tout cas avec Victor. Je veux dire... Votre lien est plus que solide, il est ton fils devant les hommes et les dieux...
Il secoua la tête.
-Enfin, nous allons voir ce qui se passe. Sans doute, comme tu le dis, la crise à venir et celles qui suivront constitueront-elles le meilleur moyen d'avancer.

Galathée opina du chef.
" Je pense que cette vie, en grande communauté, les uns sur les autres... Elle n'est pas propice aux moments privilégiés que nous devrions passer en famille... ou toi, ou moi, avec nos enfants... Tout le monde est toujours partout, il n'y a pratiquement pas d'intimité et Victor, en particulier, s'est construit une vie en dehors de nous, ces derniers mois... Je ne peux pas le blâmer, vu les circonstances, mais le fait que nous sommes revenus avec un autre enfant dans nos bagages... L'arrivée des jumeaux et la place qu'ils prennent dans notre quotidien n'est déjà pas facile à avaler... alors un gamin de plus... Bon, heureusement, paradoxalement, Baptiste garde ses distances, et sans doute Victor se sent-il un peu moins assiégé, du coup, mais... Nous sommes en manque de moments privilégiés, voilà, c'est mon avis. Après les moissons, et malgré l'exiguïté du domaine, il faudra y remédier. Peut-être emmènerais-je Victor en ville, une fois, juste lui et moi... En même temps, il serait peu constructif que nous nous retrouvions chacun avec notre enfant, sans terrain commun."

-Je suis entièrement d'accord avec toi, sur tous les plans. Nous devrons trouver le moyen de nous ménager ces moments privilégiés qui nous font défaut, que ce soit tous les quatre ensemble ou chacun d'entre nous, tour à tour, avec l'un des garçons. Ce ne sera pas évident mais... Nous trouverons bien des solutions.
Il eut un sourire un peu triste.
-Il faudra aussi que je reconstruise quelque chose avec Victor. Nous nous sommes beaucoup rapprochés, avec tout ce que nous avons traversé côte-à-côte, cet hiver. Tout cela n'a pas disparu, évidemment, mais... Il m'en veut toujours beaucoup de ne pas l'avoir laissé venir à Melandis. Nous devrons réussir à dépasser cela.

" Oui. Et vous le dépasserez. Je pense que lorsque les plus âgés des Merlus seront partis, que le groupe sera moins grand, moins envahissant, nous aurons plus de place pour ces moments privilégiés... et puis la situation est douloureuse pour tout le monde, malgré les bons espoirs que nous avons que ton procès se règle positivement par ailleurs."
Elle sourit et lui serra doucement le bras.
" Nous nous en sortirons. Des petits tracas domestiques... Ce n'est rien au regard de ce que nous avons affronté."

Il lui sourit, prit sa main dans la sienne.
-Bien sûr.
Son sourire se teinta alors de gravité.
-Mais... Laisse quand même quelques-uns de ses enfants à Guilhem, d'accord ? Si j'ai bien compris, trois voire quatre sont en partance. C'est déjà... beaucoup, surtout en si peu de temps.

" Je sais que ce mouvement t'inquiète mais crois-moi... Il vaut mieux qu'il les laisse partir à temps, volontairement, qu'il soutienne leur volonté d'épanouissement, plutôt qu'il fasse semblant de ne pas entendre leurs désirs, et qu'ils partent en claquant la porte, sans plus avoir envie de revenir, ou qu'ils restent ici, frustrés, voyant leurs rêves s'étioler... Toi qui es devenu barde, dont la vie s'est dessinée à l'aventure, sur les routes, tu ne peux pas refuser à ces enfants de suivre la voie qu'ils croient être la leur... A terme, ce sera tout bénéficie pour Guillhem, et il le sait très bien. Pour moi... il s'accroche à ses enfants parce qu'ils sont tout ce qui lui reste de son épouse... mais dans le fond, il ne les perdra pas en les laissant s'envoler."
Elle sourit.
" Nous parlons de Mathilde, Antoine, peut-être Félix, peut-être Robin... Je n'en sais rien. Antoine avant l'hiver, Mathilde aussi, quand Elliot sera relevé... Félix au plus vite, s'il veut vraiment être clerc. Robin, plus tard. D'ici deux ans."

Il ferma les yeux, un instant.
-Gal, à nouveau, je suis d’accord avec toi. Et Guilhem l’est aussi. Tout ce que je voulais dire, c’est qu’à mon sens, ce serait une erreur de trop le brusquer. Oui, leur départ est naturel et nécessaire, oui, on doit les encourager à s’envoler, à suivre leur propre voie et se réjouir qu’ils s’épanouissent à l’extérieur. Pour autant, il ne faut pas négliger l’épreuve que constitue, pour bien des parents, le fait de voir partir leurs enfants. Car on les perd, d’une certaine manière : on ne vit plus sous le même toit, on ne partage plus leur quotidien, on ne les voit plus que de temps à autres… Bref, tu as sans doute en partie raison en disant que Guilhem s’accroche à eux parce que c’est tout ce qu’il lui reste de sa femme, mais en partie seulement : il les aime et c’est un déchirement quand ceux qu’on aime partent au loin. Dans le cas de Félix, par exemple : as-tu conscience qu’il ne reviendra ici qu’un après-midi de temps à autre, que son père ne saura plus rien de ses joies et de ses peines, que ce seront des étrangers qui l’instruiront, le consoleront, s’occuperont de lui, pour absolument tout ? Ce n’est pas rien, comme bouleversement… D'autant qu'on ne parle pas de son seul départ, loin s'en faut...
Il secoua la tête.
-Enfin voilà. C’est seulement sur ce point que je voulais insister : ne néglige pas ce que cela coûte à Guilhem et ne le presse pas trop, Essaie aussi, au moins un minimum, de comprendre ce qu’il ressent. Et je peux t’assurer qu’il en a gros, très gros sur le cœur.

" Je le sais bien. Mais je suis obligée de ménager la chèvre et le chou, comme on dit. Mon but n'est pas de vider la ferme, de surcroît. Je sais que nous avons besoin de main d'oeuvre. Enfin... Je sais que nous nous comprenons. Mais tu veilleras aux intérêts de Guillhem et je veillerai à ceux de ses enfants. Comme ça, nous nous équilibrerons. Nous ferons une petite réunion quotidienne pour déterminer la suite de notre stratégie... Qu'en dis-tu ?"
Elle lui fit un clin d'oeil.

-Quelle stratégie ? Tu avais déjà gagné sur tous les fronts avant même que je prenne conscience de l'ampleur de la situation. Désormais, je ne peux qu'assister à la capitulation totale de Guilhem, le réconforter de mon mieux et tenter de faire en sorte que tu sois magnanime dans ta victoire...
Il souriait, mais il n'arrivai pas à se montrer aussi détaché que la rôdeuse.

" Tu sais, c'est Mathilde et Antoine eux-mêmes qui sont venus me trouver, dit Galathée, en se levant pour jeter un coup d'oeil dans le berceau. Je pense que Mathieu était leur allié avant qu'il ne s'en aille. Ils ont terriblement peur de vexer leur père, c'est pour ça que je dois jouer ce rôle..."
Elle pinça les lèvres.
" Mais je te jure que je suis sensible à ce que traverse Guillhem... Mais sans doute que j'ai davantage de mal à me le représenter, vu que je n'ai jamais été dans une telle situation... Sans doute que toi, vu... ta longévité... tu peux y être plus sensible même sans l'avoir vécu."

-Sans doute, murmura-t-il. Quoi qu'il en soit, je ne voudrais pas qu'il y ait de malentendu entre nous : je ne te reproche rien et je partage une bonne partie de ton point de vue. Simplement... Souviens-toi : pour Mathilde, nous étions du même avis. Que la question se pose aussi pour Antoine, c'était on ne peut plus logique. Mais voilà qu'en l'espace de quelques jours, Félix et Robin s'ajoutent à la liste... J'ai donc été un peu effrayé par l'ampleur que prenait la situation, j'ai me suis même dit "Quel sera le suivant ?"... Je crois, aussi, que j'ai été secoué par ma conversation avec Guilhem : le voir si atteint, le voir se confier, lui qui d'ordinaire ne parle pas beaucoup... Ajoute à ça ma sensibilité sur le sujet, et tu mesureras mon malaise. Mais je le redis : je ne te fais pas le moindre reproche et nous sommes loin d'être en désaccord. Je voulais juste attirer ton attention sur le fait que si les choses sont trop rapides et trop brutales, cela pourrait faire beaucoup de mal à Guilhem, ce qui ne serait profitable à personne.

" Je comprends, mais dans le même temps, je pense que Guillhem est surtout inquiet... et qu'une partie de cette inquiétude émane de la crainte qu'il a de ne pas pouvoir protéger ses enfants une fois qu'ils seront hors du nid..."
Elle sourit doucement.
" De surcroît, pour un être humain, c'est aussi le signe d'un crépuscule qui s'amorce... Je ne suis pas complètement certaine que tu puisses le comprendre."

Son expression se fit grave.
-Galathée... J'ai été élevé par des humains qui ont constitué ma véritable famille. Et j'ai successivement perdu mes parents, mes frères et mes soeurs, mes neveux et mes nièces, les enfants de ces derniers avec lesquels j'ai eu quelques contacts... Alors je t'assure que je peux le comprendre.
Je le comprends d'autant mieux que je sais que je te verrai mourir comme je verrai mourir nos enfants, nos petits-enfants, nos arrières-petits-enfants... Et que, pour un elfe, tout cela se produira demain, pour ainsi dire.
-En fait, reprit-il. c'est aussi pour ça que j'ai tenu à aborder ce sujet. J'avais l'impression que, dans le départ des jeunes Merlus, tu ne voyais que la nouvelle aube que cela représente pour eux, en ne réalisant pas que pour leur père, oui, c'est un crépuscule.

Galathée sourit.
" J'en suis parfaitement consciente, Taliesin. Cependant, Guillhem n'est pas aussi âgé qu'il se l'imagine. Oui, son aînée aura bientôt dix-huit ans. Mais il en a tout juste quarante. Heureusement..."
Son sourire se fit mutin.
" Heureusement là aussi, ces enfants ont pensé à lui. Et la fête de ce soir pourrait lui réserver des surprises... s'il avait un peu plus de libertés et un peu moins la charge de tant d'enfants."

Il rit.
-Tu sais, il n'est nul besoin d'essayer de me faire adhérer à ton plan de bataille en usant de nouveaux arguments. En coulisse, loin de travailler contre vous, je vous soutiens à ma manière : je remonte le moral à Guilhem, je dis à Mathilde qu'il n'y a pas de souci pour utiliser la maison de Luménis et, concernant Robin, je ferai mon possible pour qu'il réussisse son entrée à l'Université de la Magie, maintenant que je sais que tel est son rêve.
Son sourire retrouva son espièglerie coutumière.
-Cependant, je me dois de souligner un grave erreur d'appréciation, dans ton projet : ce sont ceux qui l'aident le plus qui partent, non ceux dont il faut le plus s'occuper. Bref, tout cela va se solder par un surcroit de travail pour notre pauvre Guilhem, et si nous voulons y remédier, des mesures s'imposent...
Il prit un air pensif.
-Mathieu rêve d'être marin : Guéric n'aura qu'à l'emmener avec lui, la Liberté sera une bonne école. Quant à Jehan... Tu te souviens de Kasumi ? Il est rôdeur, il pourrait le former. Reste Benoit, mais on lui trouvera bien quelque chose.

" Benoît veut être barde, Taliesin. Dommage, vraiment dommage, que nous ne connaissons aucun barde !"
Elle rit.
" Mais j'étais sérieuse... Il parait qu'il y a une jolie veuve parmi nos voisins... Guillhem a juste besoin d'être un peu... déculpabilisé par rapport à ses enfants. Oui, il est leur père. Oui, il a des responsabilités par rapport à eux... mais son épouse est décédée il y a plusieurs années, à présent..."
Elle soupira.
" Dommage, dommage, dommage que je doive allaiter ces marmots ! Je serais allée espionner tout ça à Pré-aux-Sources !"

-Rien ne t'empêche de t'y rendre sitôt après les avoir allaités : ils ont l'air de faire leurs nuits, désormais, tu aurais donc de longues heures d'espionnage devant toi. Et pendant ce temps, alors que les jumeaux et Baptiste dormiront, Guéric et moi pourrions tranquillement dévaliser la cave...
Il se fit légèrement plus sérieux.
-Sinon... Je te tire ton chapeau, Gal : nous sommes rentrés depuis moins d'une veille et, déjà, tu connais les projets d'absolument tous les enfants de la maison, tandis que moi-même, le peu que j'en ai appris, c'est de manière indirecte... Alors mon orgueil en prend certes un sacré coup, mais le constat est là : c'est à toi et non à moi qu'ils confient spontanément leurs secrets. J'en déduis donc qu'il en faudrait peu pour que Victor et Baptiste en fassent de même et, par conséquent, que tu es la mieux placée pour améliorer la situation ! Ce qui m'ôte une sacrée pression...

Galathée rit doucement.
" Tu te méprends. Je n'ai en fait recueilli les confidences que d'une seule personne : Mathilde. Mais comme elle leur sert de substitut de mère depuis des mois, si pas des années, elle connait effectivement tous leurs secrets. Et comme elle se sent incapable d'affronter son père... sans doute une question de loyauté mâtinée de crainte... et bien elle n'ose pas entreprendre Guillhem. Cela dit, si tu t'en souviens bien, les attraits dont nous venons de parler étaient déjà présents avant notre disparition... Benoît qui reproduisait les airs à l'oreille... Jehan qui suivait Mathieu dans les bois... Tout ça, ce ne sont pas des nouveautés. Mais ils vieillissent, je suppose, alors leurs rêves se cristallisent et cherchent à s'exprimer..."

-Le temps passe à une vitesse folle, répondit-il spontanément.
Ce qu'il regretta aussitôt et s'empressa de corriger : la discussion avait évolué vers des thèmes plus légers, il n'entendait pas la plomber à nouveau.
-Mais donc, je ne plaisantais pas, pour la fête : si tu veux y aller, cela ne me pose aucun souci. Qui sait, peut-être Baptiste et Victor, s'il devait s'attarder, décideraient-ils de t'emboiter le pas... Sinon, et toujours dans l'hypothèse où les deux refuseraient de se rendre au village, nous aurions tout intérêt à réfléchir dès à présent à un programme pour la soirée, histoire d'éviter qu'il y ait trop de tensions entre eux...

Galathée pinça les lèvres à nouveau.
" A mon avis, Victor ira quand même. Mais sans doute le fera-t-il payer à Baptiste tôt ou tard... C'est dommage qu'il ait décidé de rester avec nous... Cela le met en marge du groupe... Les autres vont se demander..."
Elle s'interrompit car Guillhem venait dans leur direction.
" Désolé de vous interrompre, les tourtereaux, mais nous allons nous mettre en route..."
Il paraissait embarrassé.
" Hum. Je suis désolé de vous demander ça mais... est-ce que vous pourriez aussi garder Mathieu ? Il est vraiment crevé... Il suffirait de le faire manger puis de le mettre au lit... avec peut-être une toute petite histoire ?"

Le barde lui sourit, apaisant.
-Aucun problème, nous nous occuperons de lui, et nous ferons en sorte qu'il ne regrette pas trop d'avoir dû rester ici.
Sans son petit dernier à surveiller, Guilhem pourrait beaucoup mieux profiter des réjouissances et, qui sait, faire connaissance avec cette fameuse veuve dont lui avait parlé Galathée...

" Vous me sauvez. Bon... Je vais filer."
Taliesin nota alors que le fermier avait passé des vêtements un peu plus distingués que ce qu'il lui connaissait d'ordinaire.
" Bonne soirée."
Sur un sourire, il battit en retraite vers la cour et l'endroit où devait se trouver le chariot plein d'enfants.
" Si j'étais toi, j'irais rapidement en cuisine, sinon Baptiste va avoir tout préparé..."

-J'y cours !
Il prit néanmoins le temps de lui voler un baiser avant de se diriger vers la maison à grandes enjambées. Il espérait que Baptiste ne serait pas trop avancé dans les préparatifs du repas, comme il espérait que Guéric ou Elliot gardaient un œil sur Mathieu : ce serait tout de même dommage qu'il aille barboter dans la mare juste avant le repas.

Il ne put pénétrer dans la cuisine car Guéric l'en vira proprement.
" Tu devras te contenter des délicieuses odeurs pour l'instant ! lui déclara le halfelin. Mais va plutôt dans les caves. Guillhem a dit qu'il y avait là quelques bouteilles qui datent encore de l'époque du grand-père de Victor... Croisons les doigts pour que ce soit un amateur éclairé !"

Il se fendit d'un large sourire qui se déforma cependant en une légère grimace.
-Hum, si je tombe sur de véritables trésors, j'attendrai sans doute la permission de Victor avant d'y toucher : c'est son héritage, après tout... Mais je remonterai quelque chose de bien, fais-moi confiance.
Il s'éloigna de quelques pas puis s'immobilisa.
-Tu sais où est Mathieu ?
Si le gosse était en cuisine ou avec Elliot, il gagnerait la cave. Sinon, il se lancerait à sa recherche sans tarder.

" Elliot l'a emmené prendre un bain en haut, je crois. Je ne suis pas sûr que le pauvre petit va tenir jusqu'au souper... Je pensais lui bricoler une assiette avec du pain et des restes de ce midi... Il est savamment amorti, tu devrais le voir. Il a bien donné le change jusqu'ici, cela dit. Bref, te bile pas pour la demi-portion. Elle est entre de bonnes mains."
Il eut une légère grimace.
" Et Victor n'y connait rien en vins. En plus il est parti. Dévergonde-toi !."

La Couronne de Cuivre

[Lieu] La ferme Desmoulins