La Couronne de Cuivre

Chandara n'avait tout simplement pas senti le temps passer mais ils devaient effectivement approcher de la mi-journée. Elle était surprise que Soren n'ait déjà plus besoin d'elle, notamment pour les finitions, mais elle faisait confiance au sculpteur et cela lui laissait un temps libre imprévu.

Elle récupéra sa serviette et s'en enveloppa avant de répondre :

- Bien sûr que je veux voir le résultat final ! Enfin, si vous pensez finir dans les tous prochains jours.

Car, après s'être sustenté, il allait falloir qu'elle commence à se renseigner et prendre ses dispositions pour son voyage vers Antelucas.

" Sans doute après-demain... si j'ai pas une subite inspiration pour quelque chose de tout à fait différent."
Il lui sourit, puis lui décocha un clin d'oeil.
" Je plaisante. Après-demain, si vous voulez. A la mi-journée. Ce sera terminé."

Moïra l'avait prévenu que Soren travaillait vite mais c'était tout de même un soulagement de se le voir confirmer. Chandara aurait en effet trouvé fort dommage de ne pas pouvoir admirer l'œuvre à laquelle elle avait contribué. Le résulté d'une démarche que Sunie elle-même avait encouragée.

- Je prendrai mes dispositions pour pouvoir venir l'admirer dans ce cas ! Mais je ne veux surtout pas vous retarder : au-revoir maître Soren !

Elle esquissa un salut gracieux avant de se diriger vers la porte : prochaine étape, les thermes pour y récupérer ses vêtements puis un passage du côté de la salle d'entraînement au cas où elle puisse croiser et saluer l'un ou l'autre des paladins.

La jeune femme retrouva sans peine ses vêtements puis gagna la salle d'entraînement où, comme la veille, elle ne trouva qu'Aphrodite et son novice. Ils étaient en train de ranger leur matériel — il était après tout midi, et la paladine sourit à Chandara.
" Alors ? Vous avez survécu à votre séance de pose, je vois."

Chandara était ravie de tomber sur Aphrodite et elle la salua gaiement - ainsi que son jeune apprenti - avant de lui faire part de ses impressions :

- Je m'attendais à être plus intimidée et secouée par cette expérience mais Soren a su se montrer diplomate, je suppose. Il m'a invitée à revenir voir le résultat final après-demain : c'est là que je risque d'angoisser un peu !

" Allons. Si vous vous êtes déjà contemplée dans un miroir, vous ne risquez pas grand chose ! dit Aphrodite en riant. Vous avez pu voir de nombreuses oeuvres de Soren : il fait dans le réalisme le plus pur. Vous n'avez vraiment rien à craindre : vous devez savoir à quoi vous ressemblez."

La paladine n'avait pas vraiment tort mais Chandara soupçonnait tout de même que ce n'était pas aussi simple qu'elle le présentait :

- C'est tout de même un peu différent de se regarder au travers des yeux de quelqu'un d'autre : il peut vous montrer des choses que vous ignorez sur vous-même. Bon, cela dit, je ne devrais pas redouter cette épreuve surtout étant donné la voie que j'aie choisi d'emprunter ! Mais cela n'empêche que je vais me sentir nerveuse jusqu'à avoir vu le résultat.

" J'imagine qu'il en a pour quelques jours de finition, à présent. Il travaille beaucoup avec sa mémoire... et son imagination. Le résultat sera très réaliste, mais peut-être pas complètement réel... Enfin, ce sera toujours réussi."
Elle sourit.
" Après, ce n'est que la première étape... Il faudra voir ce qu'il décide d'en faire. Mon conseil est surtout de ne rien suggérer... il fera le contraire."

« Réaliste mais pas complètement réel ? » Voilà qui piquait l’imagination de Chandara ce qui ne faisait qu’accroître son impatience de découvrir le résultat final de sa séance avec l’artiste. Elle répondit d’un ton léger et en arborant un sourire mutin :

- Ou alors, il faudrait que je lui suggère le contraire de ce que je souhaite ! Mais je sais bien que je n’ai aucun droit sur cette statue. Elle appartient davantage à Soren, au temple et à Sunie bien sûr. Et Soren m’a assuré qu’il aurait fini dès après-demain : au moins je pourrai contempler le résultat avant mon voyage pour Antelucas...

Plus l'échéance approchait et plus cela l’angoissait de s’y rendre seule. Une ville qui lui était totalement étrangère et où elle ne connaissait personne pour l’accueillir et la guider. Et sa seule volonté comme accréditation pour solliciter son entrée à la commanderie. Mais ce ne serait au moins pas la première fois : elle avait déjà quitté Cojum pour Manost et l’Ordre du Cœur Radieux autrefois. Dans une autre vie.

" As-tu déjà décidé si tu voyagerais par la route ou par bateau ? demanda la paladine. Si tu optes pour la seconde solution, songe quand même à réserver une traversée... C'est la belle saison, cela dit, beaucoup de vaisseaux font la navette."

Chandara avait déjà réfléchi à cette question bien sûr... Et maintenant qu'elle avait une bonne idée de sa date de départ, il était grand temps d'entreprendre les démarches dans ce sens.

- Comme j'ai laissé mon cheval à Manost et qu'il me faudra des semaines avant de pouvoir le rapatrier, je pensais à faire le voyage par bateau : ce sera sans doute moins cher qu'un cheval de location et aussi plus rapide. Je pense me renseigner dès cet après-midi et acheter mon billet : ce sera une bonne chose de faite et je me sentirai un peu plus sereine.

" Tu imaginais faire venir ton cheval de Manost ? dit la paladine. Ça doit être une bête de grande valeur, pour que tu l'envisages... Mais j'espère qu'elle a de l'allure, sinon tes instructeurs te forceront à en changer !"
Elle sourit.
" Enfin... Le premier cheval d'un paladin n'est jamais que temporaire. Le destrier vient avec l'expérience, et c'est une révélation."

La jeune-femme sourit aussi : elle savait que Kelpie n'était qu'une monture comme une autre en attendant - avec de l'expérience, de la dévotion et de la chance - de se lier avec un animal céleste.

- C'est une bonne monture mais peut-être pas assez pour ces terribles instructeurs qui m'attendent ! Enfin, on verra bien : dans tous les cas, je dois m'assurer que Kelpie trouve un bon propriétaire : la guerre, ça crée des liens, l'air de rien. Et j'en sais doublement quelque-chose.

" Kelpie... C'est pas un monstre visqueux des lacs, ça ? Pas très engageant, pour une monture de sunite, dit Aphrodite en plaisantant. Il te faut désormais une monture qui en jette !"
Elle l'entraîna dans les jardins, bouclant la salle d'entraînement derrière elles.
" Et Chandara, d'ailleurs... Qu'est-ce que ça veut dire ?"

La jeune-femme suivit Aphrodite sans se poser de question sur sa destination, toute absorbée qu'elle était par leur conversation. En revanche, pour elle était un peu gênée pour répondre à sa question et demeura songeuse un long moment avant de risquer :

- Je ne suis pas du tout certaine que le prénom ait une signification précise : je crois que mes parents ont cherché à faire plaisir à mes deux grand-mères en utilisant leurs deux prénoms : Shani et Adara. Mais je peux me tromper !

Aphrodite n'allait nulle part en particulier, sinon dans les jardins. Elle rejoindrait sans doute les thermes très bientôt : sa tenue portait les marques — discrètes — de l'entraînement qui venait de se terminer.
" Ce n'est pas une mauvaise raison de choisir un prénom. Et c'est une marque d'amour, indéniablement."
Elle sourit.
" J'espère qu'Antelucas vous plaira."

Chandara lui rendit à nouveau un sourire sincère et affectueux tout en affirmant :

- Moi aussi, j'espère m'y plaire. Et j'espère aussi que nous aurons l'occasion de nous revoir à la commanderie ou ici, à Luménis : vous avez été de très bon conseil et la première à me soutenir, je ne l'oublie pas !

De son côté, elle avait l'intention de flâner dans les jardins pour saluer d'éventuelles têtes connues puis se dirigerait vers le parc pour y trouver à manger : ce serait autant de moins de chemin à parcourir pour atteindre le port dans l'après-midi.

Aphrodite prit bientôt congé pour retourner vers le temple. Les jardins n'étaient pas très peuplés : la plupart des clercs devaient être au réfectoire et elle n'y vit ni Moïra, ni Valentine, ni aucun des jeunes prêtres avec lesquels elle avait pu discuter au cours de ses quelques visites au Temple. Sans doute leurs tâches étaient-elles, en définitive, autres que simplement bavarder dans les jardins...
Il ne restait plus à la paladine qu'à entamer ses projets de la journée... Peut-être aurait-elle plus de chance avec les Sunites quand elle reviendrait voir la statue de Soren...

HRP : Je te laisse résumer les activités de Chandara dans les journées qui suivent... Tu peux bien sûr la "poser" si tu as une action bien en tête pour laquelle tu veux de la répartie...

Bien avant la mi-journée et l'heure prévue pour rendre visite au sculpteur et s'enquérir de son œuvre, Chandara s'était retrouvée dans les jardins du temple et peinait à réprimer son impatience.
Elle avait bien évidemment porté ses pas vers l'arrière du temple et la porte qu'elle savait souvent ouverte, passant un regard par l'une des fenêtres donnant sur la salle d'entraînement pour voir si elle était déserte ou non.

C'était son dernier jour plein à Luménis et elle se sentait désireuse de le passer au milieu de ceux qu'elle aspirait à considérer comme ses pairs. En tous cas, elle se voyait mal repartir de la capitale Helonnienne sans leur avoir fait ses adieux.

Il y avait deux paladins dans la pièce, Aphrodite et Amray. Le novice, Jasper, s'y trouvait également, en grande conversation avec un troisième homme qui portait lui aussi une armure, et que Chandara n'avait jamais vu. Blond, âgé d'une quarantaine d'années, il rayonnait d'une lumière intérieure qui semblait se déverser sur ses interlocuteurs. L'adolescent semblait transcendé par ce qu'il lui racontait. Pendant ce temps, Amray entraînait Aphrodite avec sérieux et de nombreux conseils, sans vraiment l'affronter.

S'il n'y avait eu cet inconnu quelque peu intimidant, Chandara serait probablement entrée dans la salle d'entraînement sans hésiter. Elle ne voulait bien entendu pas perturber la leçon dispensée par Sire Amray mais elle avait envie de saluer les deux preux.

Seulement, cette autre personne si fascinante et elle ne voulait pas paraître trop impertinente devant lui d'autant plus qu'elle en était réduite aux hypothèses le concernant. C'est donc après s'être soigneusement préparée et vérifié sa mise qu'elle s'approcha de la porte pour y frapper trois coups discrets.

Aphrodite vint lui ouvrir et lui décocha un sourire radieux.
" Voici notre modèle curieux." dit-elle en guise de bienvenue.
Amray lui adressa un signe de tête, tandis que les deux autres continuaient leur conversation.
" Votre départ se précise ?"

Quel plaisir d'être accueillie par une expression si joyeuse et avenante ! La Dorrandine décocha à son tour un sourire extatique à l'adresse d'Aphrodite et de Sire Amray qui avait tourné la tête dans leur direction. Et c'est d'un ton léger qu'elle répondit à la remarque et à la question de la paladine :

- Oui, tout est arrangé pour que j'embarque demain matin. Mais diantre, si ça se voit tant que ça que je suis impatiente pour la statue, maître Soren ne va faire qu'une bouchée de moi ou je parie qu'il me fera lambiner exprès ! Je vais avoir besoin que vous me couvriez sinon il va croire que je suis venue si tôt tout exprès pour lui.

" Oh, il en demeurera persuadé quoi que nous fassions, dit Aphrodite. Et même si vous étiez arrivée en retard ou s'il avait dû aller vous chercher par la peau du cou pour vous traîner jusqu'à lui, il aurait continué à penser que ce n'était qu'un petit spectacle visant à jouer les indifférentes mais qu'en secret, vous mourriez d'envie d'admirer son travail."
Elle sourit.
" On fait difficilement plus sûr de soi que Soren."

Chandara rit tout bas, pour ne pas trop déranger la conversation entre Jasper et l'inconnu et fit remarquer avec une grande spontanéité qui dépassa sa pensée :

- Oh, mais de ce que j'ai pu admirer, il a toutes les raisons de l'être !

Elle se mit à rougir en songeant qu'elle n'avait pas précisé que c'était ses œuvres qu'elle avait admiré. Même si ce n'était pas tout à fait exact...

- Mais donc, je préfèrerais tout de même rester ici à vous observer un peu plutôt que d'aller attendre devant sa porte.

" Veux-tu t'entraîner un moment avec Amray ? Je pense que Jasper et Finnegan en ont bientôt terminé... J'espère, en fait."
Elle sourit.
" Enfin... Tu n'avais peut-être pas envie de te couvrir de sueur avant d'aller voir Soren..."

Elle n'avait pas vraiment prévue de s'entraîner mais elle n'était pas du tout contraire : une telle occasion de progresser avec un maître comme Amray ne se refusait tout simplement pas ! Et ce serait en outre un excellent moyen d'évacuer son stress avant la grande présentation. C'est donc d'un ton enthousiaste qu'elle répondit à la proposition :

- Du moment que Sire Amray est d'accord, c'est avec plaisir : je vous accompagnerai aux thermes bien avant que Soren ne vienne me chercher par la peau du cou !

Comme la fois précédente, il n'y eut pas de réel affrontement : Sire Amray la fit travailler en décomposant les mouvements, en la reprenant dès qu'elle faisait un geste imprécis ou prenait une position inadéquate. Il ne manquait bien sûr jamais de la complimenter quand elle effectuait correctement les exercices qu'il lui imposait. Jasper recommença à travailler avec Aphrodite, tandis que le dénommé Finnegan les observait un moment.
Le compagnon de Chandara finit par déclarer que la séance était terminée : la jeune femme était en nage malgré le caractère progressif de leur travail.
" Je devrais écrire une missive à vos futurs instructeurs de la commanderie de l'Ordre, dit-il alors, pensif. Pour attirer leur attention sur certains détails. Pas que je les estime incapables de voir dans votre jeu, pas du tout... mais votre style s'hybride déjà... Le marteau n'est vraiment vraiment pas une arme dont on se défait aisément."

Chandara s'était appliquée à tel point qu'elle avait oubliée tout ce qui ne concernait pas sa séance d'entraînement. Sa sueur témoignait de ses efforts et elle se rendit compte qu'elle aurait vraiment mieux fait d'emporter une tenue de rechange. C'était cependant un peu tard pour y penser...

Et ce que venait de déclarer le maître bretteur retenait bien davantage son attention : elle ne le prenait pas comme un reproche mais, au contraire, comme un nouvel encouragement à poursuivre ses efforts malgré les difficultés que représentaient son cas si particulier.

- Ce serait vraiment très généreux à vous de prendre le temps de le faire, Sire Amray.

Elle ne demandait qu'à apprendre et à se défaire de ses travers : c'était primordial pour qu'elle puisse gagner confiance en elle.

" Je la ferai déposer chez votre logeuse, dit le paladin, comme ça vous l'aurez avant votre départ."
Il la délesta de la lame dont elle s'était servie.
" Vous avez bien mérité un petit tour aux thermes. Ensuite, je gage que Maître Soren pourra vous recevoir."

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Temple de Sunie