La Couronne de Cuivre

" Kaljivahu est effectivement très puissante..." dit le fey en les observant.
Son regard resta un moment sur Kalju, à nouveau.
" Mais elle ne peut pas faire de miracles... Votre ami m'a l'air... complètement vide."

Astrée soupira, à nouveau.
" Oui... Je sais bien... et peut-être qu'elle ne pourra rien faire."
Cela lui serrait le coeur. Elle se sentait responsable de n'avoir pas suffisamment veillé sur lui.
" Mais il faut qu'on essaie, de toute façon. Si on ne fait rien, il est condamné. On n'a rien à perdre..."
Elle réalisa l'absurdité de cette dernière phrase au moment où les mots franchirent ses lèvres et elle grimaça légèrement : compte tenu de leurs mésaventures présentes, ils avaient, au fond, beaucoup à perdre. Cependant, il n'y avait pas que Kalju à sauver.

" Non, sans doute." dit doucement le fey avec un sourire compatissant.
Il tourna son attention vers Kerun et Lae, les observant à leur tour, les yeux étrécis, puis il poussa un léger soupir.
" Votre trouble à tous est comme un halo... Je ne sens de paix en personne. La vie vous a durement frappés... et pas seulement récemment."
Lae le dévisagea avec une légère grimace et le fey se raidit.
" Pardonnez-moi. Je vois que ces choses ne se disent pas dans votre monde. C'est pourtant la réalité. Mes sens... sont différents des vôtres. Je ne voulais pas vous blesser."

Astrée se demanda quelles blessures cachaient ses deux compagnons d'aventure. Il était évident que la vie de Lae avait dû être particulièrement douloureuse pour qu'elle choisisse de s'exiler en surface. Elle s'y attendait moins pour Kerun... mais les elfes vivaient longtemps, et avaient le temps d'affronter bien des souffrances. Pour un peu, elle aurait regretté de n'avoir pas rendu visite au Conteur pour en apprendre davantage sur ses compagnons...
Elle sourit à Cyfnos.
" Il n'y a pas de mal, vraiment. C'est juste... surprenant, pour nous, que vous lisiez dans nos âmes à livre ouvert aussi facilement. Est-ce que tous les feys peuvent faire ça ?"

" Non, dit Cyfnos. Nous avons tous nos spécificités. Peut-être en sommes-nous tous capables... Je n'en sais rien. Nombre d'entre nous sommes ce que nous sommes depuis des temps trop anciens."
Il inclina la tête.
" L'Homme Pluie est un fey, lui aussi... aussi étrange soit-il."

Elle se demanda quelles étaient les spécificités de Dimitri lorsqu'il était un fey. Il avait quelque chose de militaire, parfois, dans ses réactions, et elle imaginait volontiers que commander des troupes devait être dans ses attributions. Il faisait ça très bien, elle en était persuadée, d'après le peu qu'elle avait pu voir...
" Je ne comprends pas grand-chose aux feys, je crois. Vous êtes une société... complexe. Nous avons eu affaire à une fée ombreuse, à des seigneurs et chevaliers, nous avons entendu parler de conflits, d'intrigues... Et maintenant un mystérieux homme-pluie? Je suppose qu'il faut vivre aussi longtemps qu'un fey pour arriver à y voir clair dans tout ça."

" Peut-être. Nous savons plus trop comment nous savons ce que nous savons, même si les équilibres sont parfois changeants, au fil des conflits et des luttes. Certains sont inscrits dans une histoire, d'autres sont ce qu'ils sont, immuables. C'est le cas de l'Homme Pluie. Il n'est du côté de personne, que de lui-même. C'est fatalement un être de l'ombre, mais il n'est pas un fey ombreux. Oui, je suppose que c'est compliqué. Mais il n'est pas prévu que les Matériels puissent comprendre notre monde, pas plus que nous ne comprenons le leur. Imaginer le contraire serait présomptueux. Nous n'avons pas de commune mesure... Même avec les elfes de chez vous."

Astrée laissa errer son regard vers Kerun.
" Déjà que nous, humains, nous n'avons pas de commune mesure avec les elfes... Alors avec les feys... "
Le sentiment d'infériorité et de médiocrité qui la saisissait parfois en présence des elfes, ne pouvait qu'être exacerbé en présence des feys. Mais malgré tous ses efforts, elle avait du mal à voir en Dimitri l'un de ces êtres parfaits. Certes, il était exceptionnel, mais en même temps, il avait eu l'air tellement... humain. Tellement loin de l'arrogance du père d'Aranmil, par exemple.
" Mais finalement, c'est presque une revanche de me dire que même les elfes ne peuvent pas vous comprendre. En fait... on ne pourrait vous comparer qu'à des divinités. Enfin, sauf que vous, vous n'intervenez pas dans notre monde et vous n'avez pas de disciples... Hum, je risque de m'attirer la colère des dieux à oser des comparaisons pareilles..."

" Non, nous ne sommes effectivement pas des divinités, dit Cyfnos. Nous sommes autres, simplement. Mais vous vous leurrez si vous pensez que nous n'intervenons pas dans votre monde. Un certain nombre de fées diverses y ont établi leurs quartiers. Et d'autres s'y rendent ponctuellement pour chasser."
Il remit du bois sur le feu. Kerun semblait ailleurs, peut-être profitait-il de la conversation pour glisser discrètement en Rêverie. Lae, par contre, suivait avec attention.
" Nous nous connaissons trop bien pour pouvoir tous nous contenter de notre Plan."

" J'ai effectivement croisé des êtres féériques dans mon monde, dans une forêt que nous appelons Lorien. Des petits êtres qui ressemblaient à des centaures miniatures, et surtout un grand cerf noir qui pouvait prendre une forme humanoïde. Je ne sais pas si c'était un fey, mais je le suppose. Il avait un statut à part, il était presque considéré comme une divinité par les elfes qui peuplaient cette forêt. Il était... très particulier. Il avait juste... des instincts primitifs, qu'il suivait. Il était là pour tuer, et séduire des femmes pour se reproduire."
Elle frissonna, se souvenant encore de la peur qu'elle avait éprouvée.
"Cela ne colle pas avec l'image que j'ai des feys d'ici, tous très civilisés. Quoique, finalement, votre homme-pluie est tout à fait spécial lui aussi... Et nous avons eu affaire à la karina, comme créature étrange. Mais ce n'est peut-être pas une fey."

" Le terme fey n'a pas de frontières très claires. Je ne considérerais pas la karina comme une fey, mais peut-être est-ce ainsi qu'elle se perçoit."
Il haussa les épaules.
" Dans le fond, le nom qu'on donne aux êtres n'a pas grande importance. Leurs élans comptent davantage."

Astrée acquiesça, et laissa passer quelques instants de silence, songeuse. Elle pensait à Dimitri, se demandant quel genre de fey il était, espérant qu'il accepterait de lui raconter ce qui l'avait amené à s'exiler dans le monde matériel. Encore fallait-il qu'ils ne le mettent pas en danger en trahissant son secret... Ce qui, en l'occurrence, dépendait beaucoup de Mathieu.
" Nous ne rencontrons guère de voyageurs dans votre monde, reprit-elle. J'avais fini par m'imaginer que tous les feys disposaient de moyens magiques pour se déplacer rapidement, montures ou autres... ou de capacités permettant de plier le temps et la distance à leurs besoins, tout simplement. Mais vous, vous êtes juste à pied..."

" Certains d'entre nous sont voyageurs par essence, dit Cyfnos. Nous poser n'aurait pas beaucoup de sens. Nous sommes chacun régi par des lois essentielles... plus ou moins malléables.
— Et quelle loi vous régit ? demanda Lae, curieuse.
— Je suis en mouvement, répondit le fey. En rencontre. Un peu comme maintenant."

" Donc vous... vous êtes en errance, la plupart du temps, et allez de rencontre en rencontre..."
Elle avait du mal à bien saisir ces concepts, et tentait de les rapprocher de l'organisation des centaures, où chacun avait un rôle assorti à son caractère. Mais cette répartition des rôles était leur seul point commun, sans doute.
" Ce doit être plutôt intéressant, comme vie. Enrichissant. Enfin, cela dépend des rencontres, bien sûr.... Mais vous avez dû apprendre énormément de choses en voyageant ainsi. Sur ce qui se passe dans votre monde, ou même dans d'autres plans quand vous rencontrez des gens venus d'ailleurs."

" Cela dépend toujours de ce que les gens sont prêts à me confier, dit le fey d'un air tranquille. Parfois leurs malheurs, parfois pas grand chose. Il n'est pas forcément aisé de se raconter à un inconnu. Même si ça a l'avantage de ne pas porter à conséquence... Demain, vous et moi reprendrons chacun notre route..."
Lae étouffa un bâillement, puis un frisson. La nuit rafraichissait, l'averse demeurait dense : on voyait à peine au-delà du feu.
" Mais je parle et vous devez être fatigués. Votre ami est déjà dans son songe d'elfe."
Kerun ne broncha pas, le regard fixe, toujours assis.

" Oui, je pense qu'une bonne nuit de sommeil nous serait profitable à tous. Mais il faut organiser un tour de garde, j'imagine, surveiller qu'il n'y ait pas de créatures hostiles, et entretenir le feu. Mes deux compagnons ont la chance de n'avoir pas besoin de longs temps de repos, contrairement à moi. Mais je ne sais pas ce qu'il en est des feys... Est-ce que vous avez le même genre de rêveries que les elfes ?"
Elle se souvenait que Dimitri avait une endurance exceptionnelle et passait une partie des nuits à veiller. Il ne semblait pas dormir plus que les elfes.

" Non. Mais nous n'avons pas forcément besoin de dormir non plus... ou en tout cas pas à un rythme régulier. Une fois encore, cela dépend des feys. Personnellement, je n'ai pas besoin de me reposer ce soir."
Lae tendit les mains vers le feu.
" Tu peux dormir, Séléna, je vais veiller encore un moment, puis Raevan sortira de sa transe. Il n'y est qu'à demi, d'ailleurs, sans quoi il aurait fermé les yeux."

Astrée acquiesça, avec un coup d'oeil de biais vers Kerun.
" D'accord..."
N'être qu'à demi en transe, ce devait être un peu comme ne dormir que d'un oeil. L'elfe restait certainement sur ses gardes. Et sans doute plus ou moins en permanence vu son métier.
" Je crois qu'il nous faut remercier Tymora de vous avoir mis sur notre route, fit-elle d'un ton déjà ensommeillé en se recroquevillant contre l'un des troncs d'arbres.
Une prière à la Dame de la Chance s'imposait, pour la remercier de cette rencontre inespérée et bénéfique... en espérant qu'elle ait gardé quelques-unes de ses faveurs pour Mathieu, qui devait bien se trouver quelque part.

Astrée s'éveilla au point du jour, alors que la pluie avait cessé. Son sommeil avait été agité de rêves confus, sans qu'elle s'éveille cependant. S'y étaient mêlés les événements récents, mais aussi beaucoup d'autres, du très lointain passé en Dorrandin, de la mort d'êtres aimés, de Montéquine et de Kasumi, comme si tous les drames de sa vie s'étaient donné rendez-vous pour la secouer dans sa torpeur. Si bien qu'elle se sentait complètement ankylosée et somme toute très peu reposée. A ses côtés, Kerun et Lae étaient déjà réveillés et devisaient près du feu nourri. Leur mine tirée révélait qu'ils n'avaient pas bien dormi, eux non plus, transe elfique ou pas. Cyfnos, quant à lui, semblait s'être volatilisé.

Astrée se demanda si la présence de Cyfnos avait pu avoir des effets imprévus sur sa qualité de sommeil : il était inhabituel que ce genre de souvenirs lui revienne en mémoire, surtout ici où rien ne venait les lui rappeler. Rien, enfin.. sauf la remarque du fey concernant des blessures du passé. Lisait-il dans les rêves ? Faisait-il remonter de mauvais souvenirs chez ses compagnons de nuitée ?
Son état d'esprit ce matin était totalement différent de la paix qu'elle avait pu ressentir lors de ses réveils précédents en Féérie, ou même lors de son expédition alors que Dimitri veillait sur eux... Elle en était venue à supposer que Féérie avait un effet apaisant sur elle. Ce n'était visiblement pas le cas aujourd'hui.

Elle se leva sans grand enthousiasme et s'approcha de ses compagnons d'infortune.
" Vous semblez aussi peu reposés que moi... Mais au moins, la pluie a cessé."

" Oui, dit Lae. C'est déjà ça."
Elle poussa un petit soupir mais sourit bravement.
" Un petit creux ? On a essayé de cuire des tubercules bizarres et... c'est pas mauvais, au final."
Kerun avait l'air nerveux et il se leva pour faire quelques pas en dehors de leur abri, sans s'éloigner cependant.

" Ça doit bien se manger. Les gens d'ici cuisinent bien ce qu'ils trouvent... A moins qu'ils ne se nourrissent que magiquement, comme les clercs qui peuvent faire apparaître un repas complet ? Non, ça ne colle pas, puisqu'ils chassent aussi."
Elle haussa les épaules.
" Allez, fais-moi goûter ça, je te crois sur parole quand tu dis que c'est bon !", fit-elle avec un enthousiasme forcé.
Ses compagnons avaient certainement des blessures passées, eux aussi. Et sans doute profondes. Leur moral à tous allait s'en ressentir... Elle songea qu'il leur aurait fallu Mathieu pour jouer les boute-en-train et alléger l'atmosphère. Elle en était bien incapable.
Penser à Mathieu n'était certes pas fait pour lui remonter le moral, et elle laissa échapper un profond soupir. Mais ils avaient tous un côté Lathandrite : tôt ou tard, ils chasseraient les idées grises.

Le gruau improvisé avait un petit goût sucré qui n'était pas mauvais, mais ils mangèrent en silence et quand ils eurent terminé, ils éteignirent les vestiges du feu avant de se relever. Personne ne fit le moindre commentaire sur l'atmosphère, la forêt luisait de fraîcheur, de multiples fleurs et champignons avaient profité de l'averse pour se révéler, mais il était difficile d'échapper à l'avalanche de souvenirs induite par la nuit. Astrée elle-même songeait sans cesse à sa fille et son mari disparus, aux injustices de son propre père, au moment qu'elle avait passé entre les mains d'esclavagistes, aux pires instants de la lutte entre les centaures et les gens de Montequine, aux autres épisodes difficiles et marquants de sa courte vie humaine, qui lui paraissait étrangement fragile, étrangement douloureuse, et peut-être même franchement inutile, en réalité. Elle essayait de se souvenir de moments chéris, et elle ne parvenait pas à les saisir, ou mal, et ils paraissaient ternes et imprécis, comme vécus par quelqu'un d'autre, un imposteur, qu'elle ne parvenait plus à se représenter.
Mais ce sentiment pénible s'estompa peu à peu, à mesure que le soleil reprenait ses droits dans les hauteurs...

Astrée se raccrocha de son mieux aux côtés positifs de son existence, mais ils lui paraissaient ternes et dérisoires. Toute sa vie ne lui semblait qu'une succession de pertes et de deuils, d'injustices et d'échecs. Elle avait perdu sa mère... Puis elle avait eu un mari formidable et une fille merveilleuse, et la mort les lui avait arrachés. Elle avait retrouvé l'amour avec Kasumi, puis avec Reynald, mais elle les avait perdus, tous deux par sa faute, et ces courts moments de bonheur semblaient ridiculement absurdes au regard de la souffrance qui avait suivi. Neffen était mort, ainsi que la harde des centaures, de façon tellement injuste, et l'espoir de voir renaître une nouvelle harde lui semblait totalement illusoire. Plus récemment, elle n'avait pas su gagner la confiance ni d'Elros Voronwë, ni de Palen, et ressentait encore vivement le sentiment d'injustice du débarquement forcé à Ullualyn. Et Nremyn... il ne pouvait pas s'intéresser à une humaine, elle l'avait toujours su d'ailleurs, et il en irait de même de Dimitri : maintenant qu'elle savait ce qu'il était, elle n'oserait même pas envisager de chercher à le revoir, malgré la fascination qu'il continuait à exercer sur elle. Et de toute façon, son secret allait être éventé, et là encore c'était de sa faute : si elle n'avait pas voulu trop bien soigner Kerun, ils n'en seraient pas là. Désormais, Mathieu était en danger... parce qu'elle avait voulu les freiner. Il parlerait, tôt ou tard, et Dimitri ne lui pardonnerait jamais de ne pas avoir su empêcher cela. Il allait être en danger, par sa faute... et puis, c'était de sa faute également si Kalju était dans cet état, de sa faute si le cerf du jeune Eyri s'était fait dévorer. Tout ce qu'elle entreprenait tournait mal, et elle se demandait bien pourquoi vivre encore une vie si vaine...

Ce n'était pas la première fois qu'elle sombrait dans la morosité, et elle s'était toujours raccrochée à la nature autour d'elle pour ne pas s'effondrer. C'est ce qu'elle fit, là encore, par habitude, bien que sans conviction. Lorsque la lueur dorée du soleil perça les branchages, elle se souvint, peu à peu, quelle devait s'appliquer à écouter l'oiseau solitaire qui pépiait, observer une fleur s'ouvrant au soleil, respirer les senteurs des bois, ressentir la chaleur du soleil sur la peau... juste s'obliger à savourer à l'excès chaque minuscule instant de douceur ou de bien-être. Cela lui demanda un effort de volonté, et l'effet était dérisoire. Mais peu à peu, une forme d'apaisement vint l'envahir, jetant un maigre voile d'oubli sur ces deuils, ces remords et ces regrets. Elle se rappela, également, que les lieux pouvaient receler des dangers, et qu'elle devait se concentrer, rester vigilante. Que la sécurité de ses compagnons pouvait en dépendre... Elle n'avait pas le droit de se laisser aller ainsi à la morosité. Plus tard, une autre fois, lorsqu'elle serait seule...

Ils cheminaient depuis déjà au moins une heure, dans une ambiance qui allait en s'allégeant à chaque pas, lorsque Kerun leur fit signe de s'arrêter. Devant eux, entre les arbres, se dessinait le contour d'un petit étang. Ce n'était pas encore le lac, non, mais un plan d'eau plus petit, à l'eau claire, couvert de nénuphars et bordé de roseaux. Ainsi posé entre les arbres, il était idyllique. Sur la berge, à une dizaine de toises d'eux, se trouvait une femme. Ou plutôt une petite fille. Elle était brune, vêtue d'une longue robe blanche, et sautillait, les cheveux défaits, sur le bord de l'eau, semblant y suivre quelque chose du regard.

Une enfant...
Lunn avait dit de se méfier des femmes. Cette petite fille était-elle une illusion ? Cachait-elle une sorcière quelconque ? Ils n'avaient vu aucun enfant dans ce monde, et pourtant, il devait y en avoir, puisque certains feys avaient des fils et des filles.
Malgré elle, elle songea à sa propre fille dont le souvenir avait été ravivé par la magie du fey. Le tableau idyllique lui rappelait Aurore, sur la plage...
Elle leva les yeux vers Kerun avec un haussement d'épaules indécis.
" Ne la dérangeons pas", souffla-t-elle en indiquant du menton une direction plus à droite permettant de contourner l'étang sans être vus.

Il acquiesça et ils commencèrent leur contournement. La petite fille s'était agenouillée près de l'eau et elle s'amusait à admirer son reflet, une fleur cueillie dans les cheveux. Il y eut soudain de grandes éclaboussures et un cri. La gamine était tombée en avant dans l'étang et se débattait, les mains accrochées aux roseaux. L'eau autour d'elle formait comme des tentacules qui l'attiraient vers les profondeurs.
" Est-ce que Lunn a dit quelque chose sur les enfants ?" demanda Lae d'une voix blanche.
Mais Kerun courait déjà à son aide.

" Non... Je ne sais pas..."
Mais son coeur lui disait que Kerun avait raison de se précipiter à son secours : la petite fille était entraînée sous leurs yeux par ces espèces de tentacules... Elle était victime d'une créature des profondeurs, certainement.
Et Astrée commença à se précipiter à la suite de Kerun, incapable de résister au tableau qu'elle avait devant les yeux.

Elle se souvint à mi-chemin qu'il fallait absolument faire preuve de prudence : ce pouvait être une illusion. Et surtout, Kerun était parfaitement apte à secourir l'enfant sans elle. Elle cessa de courir et resta un peu en retrait. Confiante dans les capacités de l'elfe à tirer l'enfant de ce mauvais pas, elle s'obligea à détourner quelques instants ses yeux de la scène pour observer les alentours, cherchant des signes d'un piège éventuels.
Cependant, malgré sa méfiance, toute une partie de son attention restait concentrée sur Kerun et l'enfant, et elle était prête à intervenir en renfort si Kerun se trouvait en difficulté.

Et Kerun était en difficulté. Il avait planté les pieds fermement sur le sol, attrapé la gamine par la taille, mais l'eau tentaculaire continuait de tirer et l'elfe avait beau s'arcbouter de toutes ses forces, il ne parvenait pas à l'extirper de l'étang dévoreur. Elle était même en train de lui glisser des bras et il semblait que ses mouvements de lutte ralentissaient : la tête sous l'eau, peut-être était-elle en train de se noyer...
" J'ai besoin d'aide !" s'exclama l'elfe.

HRP : et un d20

HRP : 12

Astrée oublia la prudence, la petite voix rationnelle qui lui disait qu'il y avait certainement un piège là-dessous. Peut-être était-ce un piège, mais s'il y avait une chance, une seule, pour qu'il y ait réellement un enfant en train de se noyer, elle devait agir. Et de toute façon, piège ou pas, Kerun avait besoin d'aide...
Elle se précipita donc au secours de l'elfe : ils ne seraient pas trop de deux pour lutter contre cette eau maléfique.

La Couronne de Cuivre

[Féérie] Sur la piste de Kaljivahu...