La Couronne de Cuivre

Podrick ne se fit pas prier. Leur escapade aux thermes l'avait visiblement affamé et, comme tant de fois alors qu'il terminait en compagnie de la magicienne une dure journée de labeur, il engloutit le contenu de son assiette sans qu'il en subsistât la moindre trace. Souffrant encore d'un "petit creux", l'enfant règla promptement son sort à une imposante part de tarte puis, repus, se laissa aller contre le dossier de sa chaise. Il ne tarda pas à sombrer dans son habituelle somnolence digestive... et même à dodeliner de la tête. Signe qu'aujourd'hui, il n'essayerait pas de veiller. N'en aurait pas la force.

La magicienne regarda un moment Podrick se laisser aller doucement dans les bienfaits qu'apportent un ventre plein et une douce chaleur. L'enfant était épuisé, mais pour une fois, ce n'était pas d'avoir endurer une interminable journée de labeur, mais des jeux qui en étaient la cause. Surtout, il n'aurait pas à affronter le froid glacial. Doucement, elle le sortit de sa torpeur, sans le brusquer, sans le presser.

Viens, il est temps que tu te reposes, ta journée a été bien remplie, nous allons monter dans la chambre.

Podrick ne se fit pas prier, il se leva et suivit Arya sans même vraiment sortir de sa somnolence et dès qu'il fut couché, il s'endormit aussitôt, sommeil calme et paisible bien au chaud sous la couette.

Après avoir vérifié les devoirs qu'il avait fait dans la matinée, Arya le voyant endormit et n'ayant aucun doute que jusqu'au petit matin il ne se réveillerait pas en profita pour passer quelques heures à l'université da la magie. L'enfant lui prenait beaucoup de temps, mais elle ne le regrettait pas, pourtant alors qu'il dormait, qu'il n'avait pas besoin de sa présence, elle avait ressentit le besoin de se plonger dans ses recherches.

Lorsqu'elle revint après plusieurs heures, l'enfant dormait toujours et elle s'allongea près de lui pour le peu de temps qu'il restait avant qu'il ne s'éveille se laissant partir dans une transe qui la verrait en pleine forme pour la journée qui s'annonçait déjà.

Arya fut tirée de ses rêveries par un coup léger contre son épaule.
-Oh, pardon... fit la voix navrée de Podrick.
Au dehors, le jour se levait à peine ; toutefois, le gamin paraissait déjà tout ce qu'il y avait de plus réveillé; Ce n'était guère étonnant, à la réflexion : il s'était toujours levé aux aurores. Et la veille, il avait sombré très tôt, profitant d'une longue et paisible nuit de repos...
-J'ai pas fait attention que vous étiez là... poursuivait l'enfant. Et quand j'me suis étiré... J'vous ai pas réveillée, j'espère ? Ah bah non, j'peux pas, vous avoir réveillée, puisque les elfes dorment pas...

De retour de la Quête : Mauvaise mine, Dorian entra dans la taverne où il devait retrouver les Nains. Il héla le tenancier :

"Dites-moi messires auriez-vous vu par ici 3 de vos clients, 3 Nains en fait ? Nous avions rendez-vous ici pour quelques bonnes chopines" demanda le forgeron.

Arya regarda tendrement Podrick tout en s'étirant elle aussi longuement.

Comme tu le dis, tu n'as pas pu me réveiller puisque je ne dormais pas, je m'étais allongée un peu en attendant que tu te réveilles. As-tu bien dormi ?

Elle se leva et ouvrit le rideau, le ciel était limpide et l'astre du jour qui se levait le faisait rougeoyer, c'était une superbe journée qui s'annonçait et dans quelques heures la température serait bien plus agréable et ils pourraient alors en profiter pour aller se balader.

Et bien, je te propose de faire tes ablutions, ensuite nous irons prendre notre petit déjeuner, je travaillerai un peu avec toi. Lorsque tu feras tes exercices, j'irai chez le matelassier et le brocanteur dans le quartier du port, ensuite ... nous irons nous promener, ce programme te convient-il ou aurais-tu préférpé faire quelque chose d'autre ?

-Aucun problème ! fit Podrick en se redressant. D'accord pour se promener, d'accord pour les devoirs pendant que vous allez faire des courses... J'suis même d'accord pour en faire plus qu'hier, si vous voulez ! Tout c'que je demande...
Il dévisagea Arya, à la fois malicieux et plein d'un espoir réel.
-Tout ce que j'demande, si vous êtes d'accord, c'est une dispense pour les ablutions. Franchement, ça sert à rien ! Vous avez oublié de me le demander hier soir, pis moi j'ai oublié hier matin... Et pourtant, j'ai toujours l'air propre et j'sens même pas mauvais !

Le regard enjoué, Arya regarda Podrick en fronçant les sourcils. <o>

</o> Et bien ! Que voilà un jeune homme qui n’est pas bien propre. Voyons la sanction …pour hier matin, je crois ne pas te l’avoir dit, alors tu es excusé, pour hier soir tu étais bien propre vu le temps que tu as mariné dans le bassin des thermes et l’excellente douche froide qui a suivit, mais ce matin, tu n’y couperas pas …

L’elfe avait attrapé l’enfant qui ne s’y attendant pas n’eut pas le temps de disparaître et l’emmenait déjà devant la cuvette qu’elle se hâta de remplir et continua sur un ton amusé.<o>

</o> Commence déjà, le temps que je réfléchisse s’il ne te faut pas un bon bain glacé pour te donner de l'appétit, car la douche d'y hier t'a vraiment donner la dalle, c'est vraiment une remède efficace …

Cependant, Podrick ne semblait pas décidé à rendre les armes. Il se tourna vers Arya et, les mains sur les hanches, l'observa crânement.
-Une minute, m'dame ! Hier, vous avez dit que j'ai l'droit de donner mon avis et qu'on discuterait des choses ! Alors j'veux discuter... Pis comprendre. Comment que je peux être pas bien propre si hier soir je l'étais, propre ? J'ai pas pu me salir pendant la nuit, j'ai rien fait à part dormir. Et les draps y sont pas sales, donc ça peut pas être à cause d'eux... Donc, j'vois pas à quoi ça sert, les ablutions.

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Le tavernier sourit à Dorian et lui désigna le coin de la cheminée. Là, TraÎn, Dwaïr et Dwaïn étaient déjà installés sur une table à laquelle il restait encore une place de disponible...
-Je crois qu'ils vous attendet impatiemment... fit l'aubergiste.
De fait, ils lorgnaient avec avidité quatre pintes bien pleines qu'ils semblaient avoir bien du mal à ne pas vider dans l'instant...

La mutinerie de son petit protéger ravit l’elfe sentant l’enfant en totale confiance, rien ne serait simple désormais, mais lorsqu’il ferait quelque chose, il saurait pourquoi et surtout, il aurait moins de craintes à aborder les sujets de sa future vie. Il était évident que pour Arya habituée à une hygiène parfaite, qu’il serait incontournable que Podrick devrait également être sur ce point là irréprochable ... ou presque.<o>

</o> Tu as raison Podrick, je t’impose quelque chose sans que tu en connaisses la raison et tu as droit à une explication. Alors hier soir tu était presque bien propre, en sortant des thermes tu l’étais vraiment, mais déjà sur le chemin de retour nous avons marché vite, malgré le froid nous avons transpiré, donc nous étions déjà un peu moins propres en arrivant à la taverne, le temps du repas, nous l’étions encore moins. La nuit est une période pendant laquelle, sans que nous en prenions conscience et sans que nous puissions faire autrement, nos corps travaillent, alors imagine, un travail de plus de dix heures, même dans des draps propres, cela ne peut que salir. Évidement, ce ne sont pas de traces de saleté comme la suie lorsque tu ramonais une cheminée, disons que c’est une saleté qui ne se voit pas, mais qui existe vraiment et ceux qui n’y prennent pas garde ont vite fait de dégager une odeur peu agréable. Souriante et amusée, elle prit le gant, le trempa dans l'eau, y mit du savon et le tandis à l’enfant. Voilà, la minute que tu as demandée est passée et à moins que tu aies d’autres questions, enlève vite ses traces de saleté qui ne se voient pas mais qui te donnent une odeur bizarre que jene saurais supporter. <o></o>

Pas encore tout à fait décidé à obéir, le gamin se mit à renifler, cherchant visiblement à percevoir l'odeur bizarre qu'il était censé émettre.
-Ben, moi, m'dame, j'sens rien. Rien de rien. A part peut-être le propre.
Il soupira, lorgna le gant.
-Heureusement que j'suis pas un elfe, moi. J'aurais pas pu survivre dans les taudis. Parce que si pour vous, là, j'sens bizarre, j'préfère pas savoir ce que vous auriez dit d'autres fois...
Il jeta un nouveau regard à Arya, comprit qu'il n'y aurait aucun moyen d'échapper à son triste sort et, sur un nouveau soupir, entreprit de se débarbouiller sommairement.
-J'aurais dû rester avec Iltara le demi-ogresse... marmonna-t-il, plus mutin que sérieux. Elle, j'aurais pu être noir de crasse qu'elle aurait rien dit... Elle aurait même toujours trouvé que je sentais bon. Ce qui est pas forcément bon signe, quand on a affaire à un ogre, parce que les ogres, ça aime bien la chair humaine, paraît...

Alors que Podrick loin d’être convaincu faisait tout de même l’effort d’une très sommaire toilette, l’elfe en fit autant, en plus consciencieux, après avoir verser de l’eau dans la deuxième cuvette. Son sourire et le ton de sa voix laissant entendre qu’elle recevait les paroles de l’enfant sans plus de sérieux que lui même les avait émises.
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Et bien, je n’aurai jamais pensé que tu pourrais préféré dormir avec les puces plutôt que de consacrer quelques minutes par jour pour les ablutions, là je pense qu’il nous faudra discuter de cette question et peut-être même récupérer une botte de paille bien infectée qui te servirait de couche. Se tournant vers son petit protéger, elle abordait une grimace de dégoût. Ce que tu sentais les autres fois … non, il vaut mieux que je ne te le dise pas et c’est certain que sauf circonstance exceptionnelle, cette odeur est totalement bannie de ta vie, promesse d’elfe.
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Un peu le cœur serré de devoir aborder le sujet dès le saut du lit, pourtant incontournable discussion qu’ils devaient avoir, la magicienne profita du sujet présent pour questionner l’enfant sur ce passé qui semblait tant le tourmenter parfois.
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Je pense tout de même que lorsque tu étais avec tes parents, ta maman surveillait que tu te laves tous les jours?

Podrick observa un instant la magicienne puis secoua la tête.
-Ma mère ? fit-il d'un ton étrangement dégagé. Je l'ai jamais connue, ma mère. Elle est morte quand j'étais tout p'tit. Donc... Non, elle pouvait pas vérifier. Et mon père... Y s'en souciait pas vraiment. Dans les Taudis, vous savez, y a pas beaucoup de gens qui se lavent tous les jours. Ou qui peuvent le faire. Enfin, aujourd'hui, c'est différent, avec les thermes. Mais tous les jours... c'est un peu beaucoup quand même, je trouve. Même quand on peut. Y a plein de gens qui se lavent presque jamais et qui pourtant sont en bonne santé et vivent longtemps...

Le regard de la magicienne semblait stupéfait, attristé, son petit protéger n’avait aucun souvenir de sa mère et bien qu’elle s’en doutait un peu, il n’avait jamais connu autre chose que les taudis.Ce qui lui paraissait étrange, c'était ce détachement totale pour sa mère, cela pouvait être compréhensible du fait qu'elle était décédée alors qu'il fut vraiment très jeune, mais qu'elle ne lui ait pas manqué semblait invraisemblable à l'elfe qui portait un grand amour à ses parents. Malgré ses sentiments, Arya continua sur un ton enjoué.

Peut-être longtemps, mais pas aussi longtemps que les elfes et puis, cela n’est pas fait pour vivre plus longtemps, mais par respect pour soi-même et pour les autres. Ton père devait beaucoup travailler pour ne pas avoir le temps de s’occuper de toi, je suppose que ton frère ne se lavait pas non plus.

Le gamin posa sur la magicienne un regard pénétrant, puis luis sourit.
-Comme j'vous ai dit que j'aimais pas trop en parler le soir, vous essayez de m'faire raconter ça au sot du lit ? C'est l'mieux, sans doute, remarquez...
Il reposa le gant.
-Mon père bossait quand il avait du travail. Et de ce que j'm'en souviens, il en avait pas souvent. Il passait surtout son temps à boire. Mon frère... Lui et moi on faisait comme on pouvait, et on s'lavait certainement pas tous les jours, mais on s'lavait quand même.

Le regard d’Arya était très tendre, il enveloppait l’enfant de l’amour qu’elle lui portait, pour elle, il était un membre à part entière de sa famille, elle voulait l’aider, le protéger, lui offrir ce qu’il n’avait jamais eu. Mais pour ce faire, elle devait avoir le courage d’aller droit au but, Depuis son arrivée en Helonna, elle n’avait cessé de faire des découvertes qui l’attristaient, elle avait toujours trouvé un moyen de les aborder, de les contourner, une fois encore elle saurait le faire, mais cette fois, elle savait qu’elle risquait d'être chamboulée à tout jamais, mais pour cet enfant innocent, elle devait l'accepter.<o>

</o> Cet instant qu’elle redoutait, elle ne devait pas l'éluder pour qu’il puisse être derrière et non plus dans le silence. Il aurait été facile de dire plus tard, lorsque tu le voudras... Elle prit Podrick dans ses bras, posa ses lèvres sur ses cheveux avant de s’assoire sur le pied du lit, l’attirer vers elle et l’entourer de ses bras. Sa voix se fit douce et rassurante, tendre et encourageante.<o>
</o>Je pense que le moment est venu de me parler de ces événements qui te donnent des cauchemars, n’ait aucune crainte de mon jugement, ni de mon ressentit, je suis une grande personne et je saurai faire face sans que tu n’aies à t’en apercevoir. Je t’aime énormément Podrick et pour pouvoir te comprendre et t’accompagner sur le chemin que nous allons faire ensemble, il faut que j’aie connaissance ces tristes faits qui ont douloureusement marqué ta vie. Je sais que tu auras mal, mais je suis là maintenant, tu n'es plus seul.<o></o>

Dans un coin de son âme, la magicienne tenait prêtes ses images qui pourraient la laisser sereine quoique dise l’enfant, pourtant au fond d’elle-même elle se voulait rassurante, ce n’était que des peurs d’enfants comme celle qui avaient fait fuir Podrick, peurs sans vrai fondement, juste la crainte de décevoir, de ne plus être aimé.

Podrick demeura silencieux, l'air un peu perdu. Sans doute ne s'était-il pas attendu à devoir aborder un tel sujet de si bonne heure, surtout après avoir badiné sur un thème léger tel que les ablutions. Probablement, aussi, n'était-il pas encore tout à fait habitué aux marques d'affection que lui témoignait la magicienne, ne savait trop comment y réagir.
Il finit cependant par hocher la tête.
-Bon, si vous y t'nez... Mais j'sais pas très bien raconter les choses, j'vous préviens. j'risque d'oublier des trucs. Alors hésitez pas à me poser des questions...
Il fronça les sourcils, cherchant visiblement par où commencer.
-Moi, j'me souviens qu'on a toujours habité dans les taudis. Mon frère, y m'a raconté qu'avant on habitait ailleurs, un coin mieux, et qu'encore avant on habitait pas à Luménis mais à la campagne. Mais moi, j'me souviens que des taudis. On vivait à l'étage d'un vieil immeuble... On avait deux pièces à nous. Y avait mon père, mon frère et moi. Ma mère, comme j'vous l'ai dit, elle est morte quand j'étais petit.
L'enfant reprit sa respiration. Il avait commencé son récit sur un ton dégagé mais, déjà, imperceptiblement, Arya le sentait se tendre.
-Mon père... L'était bizarre. Les gens, pour se ficher de lui, ils l'appelaient "messire". Parce qu'il avait l'air prétentieux, qu'il les prenait de haut. Même nous, fallait qu'on lui dise "vous" et qu'on l'appelle "père". Enfin voilà, y f'sait des manières, alors que franchement on avait pas d'quoi faire des manières. Des fois il travaillait, je sais pas vraiment ce qu'il faisait. Il partait toute la journée, parfois il restait absent plus longtemps... et revenait avec un peu d'argent. L'a jamais dit ce qu'il faisait comme travail, mais en tout cas, il disait qu'il s'abaisserait jamais à faire ce que les autres faisaient, bosser sur les docks, nettoyer les écuries... C'est parce qu'y faisait tant de manières qu'il avait presque jamais du boulot, j'imagine.
Il soupira, hésita une seconde, puis reprit.
-Il était pas très gentil, en tout cas. Et très dur. Y rigolait jamais. Des fois, il buvait trop. Il voulait pas aller dans les tavernes, disait que c'était pas assez bien pour lui, mais il ramenait des trucs à boire. Alors, il devenait plus bavard. Il disait qu'il se vengerait, que nos ennemis y verraient. Qu'on se relèverait. Que mon frère, y reprendrait le flambeau... Autant moi il se préoccupait pas beaucoup, autant mon frère... Il l'adorait. L'était pas tendre pour autant, mais ça se voyait, quand même; IL passait du temps avec lui, il lui apprenait des trucs. Sur le passé, je crois. Pis aussi à se battre à l'épée. Pas de vraies épées, des trucs en bois qu'il avait bricolés... Il en avait une, d'épée, une vieille et toute rouillée, mais il la sortait jamais. Enfin voilà, mon frère, il l'adorait... Et c'est pas étonnant : tout le monde l'aimait, mon frère.
La voix du gamin se fit soudain plus basse, plus tremblante. Autant il avait parlé de son père avec une certaine sécheresse, autant évoquer son frère semblait le remuer profondément.
-Il était beaucoup plus vieux que moi. De dix ans, peut-être, ou un peu moins. J'le trouvais vachement grand, et tout le monde disait qu'il le serait encore plus. Pis vach... très fort, aussi. Et beau. Y en avait même qui disaient qu'il avait l'air elfique... Enfin, moi, ce que je me souviens surtout, c'est qu'il était gentil. Vraiment, lui. Il l'était autant que mon père l'était pas. Y a plein de grands frères qui embêtent leurs cadets, ben pas lui. Il s'occupait de moi, il me ramenait des trucs, il m'amenait faire des tours... J'avais pas peur, avec lui. C'était chouette. Et puis...
Il grimaça, se mordit les lèvres.
-Puis il y a eu la Nouvelle; La Grande Nouvelle, même. Celle qui a fait que mon père il a souri. Et rigolé, même, tellement il était content. Un jour, il est revenu à la maison et il a dit à mon frère qu'il avait trouvé quelqu'un pour l'embaucher. Qu'il allait être l'écuyer d'un chevalier. Que grâce à lui, on allait "se refaire". Mon frère, il était content, même si ça l'ennuyait de me laisser... Mais il est quand même parti pour servir son maître. J'suis resté avec mon père, mais... Il avait un peu changé. Il était plus sympa, il disait que tout allait s'améliorer. Il avait peut-être raison, j'sais pas... En tout cas c'est pas arrivé, puisque mon frère est mort.
IL serra les dents, se força à poursuivre.
-J'sai spas exactmeent comment ça c'est passé, mais... Un type est venu dire à mon père que mon frère et son maître avaient été zigouillés... Mon père... IL a pas volu le croire, il est parti de la maison pour en savoir plus. Et il est rentré complètement ivre le lendemain, en disant que c'était vrai. Et ap... après ç-ça...
Il se tut pour de bon, cette fois. Il avait les poings crispés à en faire blanchir les jointures, battait des paupières dans un effort désespéré pour refouler ses larmes, ne pas se laisser aller... Une chose était sûre, cependant : malgré tout son courage, il ne pourrait pas reprendre avant quelques minutes...

Dès que Podrick commença à parler, Arya l’écouta attentivement cherchant à le rassurer du regard, elle ne pouvait que se demander ce qui avait pu arriver à la famille de l'enfant qui aurait fait que celle-ci finisse dans les taudis, mais dans ce monde, il semblait que peu de chose pouvait faire basculer une vie et que bien qu'attristée, elle se dit que cela était plausible.
Lorsqu’elle sentit que l’enfant entrait dans des souvenirs qui allaient le faire souffrir, elle l’enserra un peu plus. Son récit démontrait qu’il n’avait jamais reçu l’amour dont tout enfant a besoin et l’elfe luttait pour ne pas montrer son ressentit, elle tentait de se répéter que c’était le passé, mais si elle n’eut cette habitude de trouver dans ses souvenirs la capacité de prendre du recul par rapport à ses sentiments, son regard se serait certainement embrumé alors que son petit protéger en arrivait à la mort de son frère seul personne qui lui avait apporté de l’affection, de l’attention. <o>

</o> Lorsqu’il se tut, qu’elle sentit sa souffrance silencieuse, douleur extrême de l’âme qu’il voulait encore une fois dominer, la magicienne ne put retenir une larme qui s’échappa alors qu’elle serrait l’enfant contre elle, posant sa tête sur la sienne, le caressant doucement, embrassant sa chevelure, elle-même était incapable de dire un mot tant elle ressentait intensément que cette partie de sa vie avait dû être difficile. <o></o>

Maintenant que son petit protéger était si proche d’enfin pouvoir se délivrer de ce qu’il avait dû ne jamais dire à personne, garder prisonnier au fond de lui le plus enfoui possible pour tenter ainsi d’oublier sans que ce fut évidemment possible, elle ne pouvait plus reculer, il devait se libérer, entendre que ce qu’il avait vécu était injuste et qu’il avait souffert.<o>

</o> Elle prit doucement sa main dans la sienne, la caressa, cherchant à défaire ce poing qui était la marque du dernier rempart de l’enfant avant qu’il ne laisse enfin sortir ses terribles souvenirs, qu’il se raccroche à elle pour trouver du réconfort, connaître la tendresse et accepter l’amour protecteur. Elle finit par murmurer avec une grande douceur.<o>

</o> Il faut laisser tes larmes couler, ne retiens pas ce qui te torture, tu as le droit de montrer que tu as eu mal, que ce que tu as vécu est triste et douloureux et que ta souffrance a été grande. Tu as besoin de pleurer. Elle souleva doucement son visage, lui sourit pour l’encourager, posant son regard tendre dans le sien. Je t’aime Podrick, ne lutte plus. Puis elle enlaça l’enfant d’un geste protecteur.<o></o>

Taliesin a écrit :Le tavernier sourit à Dorian et lui désigna le coin de la cheminée. Là, TraÎn, Dwaïr et Dwaïn étaient déjà installés sur une table à laquelle il restait encore une place de disponible...
-Je crois qu'ils vous attendet impatiemment... fit l'aubergiste.
De fait, ils lorgnaient avec avidité quatre pintes bien pleines qu'ils semblaient avoir bien du mal à ne pas vider dans l'instant...

Dorian se hâta de gagner la table de ses amis Nains et salua chacun tour à tour.

"Quelle joie de vous revoir messires Traïn, Dwaïr et Dwaïn" fit le vampire. Il prit la choppe, la porta à ses lèvres :

"A la nôtre messires et à notre retour sains et saufs et victorieux", fit le vampire.

Podrick ne résista pas et se laissa aller dans les bras de la magicienne. Pourtant, il finit par se redresser et, la dévisageant de ses yeux humides, il secoua la tête.
-Vaut mieux pas que j'me laisse aller maintenant, souffla-t-il, sinon, vous êtes pas près d'avoir la fin de l'histoire...
Il déglutit péniblement, s'essuya le visage du revers de la main puis, tant bien que mal, reprit son récit d'une voix blanche.
-Après ça... Mon père il a encore plus bu. Il était tout le temps ivre. Et soit il arrêtait pas de se lamenter, de pleurer, de dire qu'on était maudits, que nos ennemis nous lâcheraient pas, que c'était pas juste... Soit il était en colère, furieux, insultait les dieux, les ennemis que j'savais même pas qui c'était. Et fallait pas que je traîne dans les parages, quand il était comme ça. Parce qu'il cognait sec. Il l'a jamais dit, mais j'crois bien qu'il aurait préféré que ça soit moi qui y passe. Parce qu'avec mon frère, tout avait l'air possible, tout pouvait r'dev'nir "comme avant". Et comme il était mort...
Il poussa un soupir tremblant, battit un instant des paupières.
-Quand Nwalk est arrivé... IL a encore changé. C'est son côté colère qui a gagné. Il disait que c'était une chance, qu'il allait pouvoir se venger. Alors il a tout de suite fait partie des gens qui ont aidé Nwalk. Il était dans la milice, pis y voulait devenir un garde rouge. Et il arrêtait pas de dénoncer des gens, des gens qui nous avaient fait du tort, il disait. Il venait quasiment plus à la maison, moi j'devais m'débrouiller comme je pouvais... Et puis y s'est fait tuer. J'sais pas comment ça c'est passé, mais j'crois qu'y a eu une bagerre... Enfin il est mort. Et après ça...
Il se mordit les lèvres, crispa les poings à nouveau, combattit les larmes qui s'étaient mises à ruisseler sur ses joues.
-Un type est v'nu à la maison. Il a dit que mon père lui devait de l'argent. Alors il a pris toutes nos affaires, mais il a dit que ça suffirait pas, alors il m'a emmené aussi. Il a dit... il a dit que j'allais travailler pour lui. Pour rembourser... Et là...
Il observa un instant Arya, puis se détourna.
-J'me suis enfui un ou deux mois après. Et il s'est fait tuer pendant la libération d'la ville. Alors c'est à ce moment là que j'ai commencé à travailler. Mais pas le genre de travail qu'il voulait qu'on fasse.
Sa carcasse fut parcourue d'un grand frisson, et il demeura silencieux, recroquevillé sur lui-même.

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Les nains accuillirent chaleureusement le forgeron. Et tout aussi chaleureusement son toast, buvant à longues lampées la bière qu'on leur avait généreusement servi.
-Victorieux, victorieux, faut l'dire vite ! s'exclama cependant Traïn. J'aurais bien aimé qu'on règle leur sort à ces saletés d'orques et qu'on puisse exploiter la mine... Mais c'est qu'partie remise ! Et on trouvera de quoi s'occuper, les neveux et moi, en attendant...

Taliesin a écrit :Les nains accuillirent chaleureusement le forgeron. Et tout aussi chaleureusement son toast, buvant à longues lampées la bière qu'on leur avait généreusement servi.
-Victorieux, victorieux, faut l'dire vite ! s'exclama cependant Traïn. J'aurais bien aimé qu'on règle leur sort à ces saletés d'orques et qu'on puisse exploiter la mine... Mais c'est qu'partie remise ! Et on trouvera de quoi s'occuper, les neveux et moi, en attendant...

Dorian posa sa choppe sur la table et se montra interessé par les derniers propos de Traïn :

"Ah oui ? Vous avez des projets ? Serait il indiscret de demander de quoi il retourne ?" demanda le forgeron.

Les mots le Podrick venaient happer la sensibilité de l’elfe, cette méconnaissance qu’elle avait de la déchéance de certains êtres humains, de leur violence et de leur malveillance, cela lui avait été enseigné, mais se furent des leçons vite survolées et souffrances balayées par une âme vivant dans l’amour et l’abondance qui n’avait su comprendre que des êtres innocents en pâtissaient, que des vies se voyaient noyées, pillées de leur innocence et les cœurs restaient traumatisés.<o>

</o> Mais là, face à elle, il y avait un petit enfant qui lui était cher, un être qui était le fruit meurtri de cette cruauté et de cette malveillance. Tout en l’elfe hurlait contre cette injustice, cette douleur palpable que représentait son petit protéger, elle ne pouvait détacher son regard de son visage, empêcher les larmes de couler de ses yeux. Cela lui semblait déjà impossible qu'on n'entoure pas d’amour un enfant, mais qu’on vienne lui prendre le peu qui lui reste alors que le voilà orphelin, qu’on l’oblige à travailler … quel travail avait-il dû faire pour qu’il n’ose le dire.<o>

</o> Elle serrait Podrick contre son cœur, la gorge nouée, le regard mouillé, le sentant épuisé par ses souvenirs traumatisants trop longtemps gardés au fond de son âme. Incommensurable douleur qui émanait de l’enfant et qu’elle aurait voulu pouvoir prendre sur elle pour alléger son fardeau. Pourtant, ce qui semblait le pire à l’enfant était le travail qu’il avait dû faire, celui qu’il n’avait pas eu le loisir de refuser, celui dont il avait peur de parler comme s’il fut responsable de ce qu’il avait fait. « Ça ne vous plaira pas avait-il dit ». Vol, pillage, espionnage ou autres crimes dont il se sentait coupable.<o>

</o> Dans ses bras, un corps inerte et pourtant tremblant, elle ne devait pas faiblir, il avait besoin qu’elle lui apporte son réconfort, sa force. Il ne restait plus que quelques paroles à entendre, plus qu’une innocence à démontrer, elle devait l’encourager à aller jusqu’au bout, parler de ces trois mois de misère pour l’âme.<o>

</o> Ne pas flancher maintenant, juste encore un peu, l’elfe était torturée par ce qu’elle apprenait, affligée par la douleur qu’elle réveillait chez l’enfant, mais il fallait que la plaie se vide pour pouvoir guérir, viendrait ensuite l’application du baume pour atténuer la douleur et que la cicatrisation se fasse. Jamais, Arya n’avait eu autant de difficultés pour retrouver assez de sérénité afin d’offrir à son petit protéger un visage calme et souriant, les minutes s’étaient écoulées dans le silence et lorsqu’elle souleva doucement le visage de l’enfant, elle se sentait à nouveau forte pour affronter avec lui ce secret qui le torturait. Elle parla doucement, lentement.<o>

</o> Podrick, tu n'es pas coupable de ce que cet homme t’a obligé à faire, tu n’étais qu’un tout petit enfant, tu n’avais pas le choix. Ce n’est qu’un scélérat qui après t’avoir volé le peu qui t’appartenait, c’est servi de toi par méchanceté et cupidité. N’aie pas peur de te libérer enfin de ce que tu veux garder au fond de toi, laisse sortir les mots, tu n’es qu’une victime, il est le seul responsable, toi tu es innocent. C'est un pas difficile, mais c'est le dernier, courage Podrick.<o>

</o> Il fallait que l’enfant aille jusqu’au bout, qu’il puisse ensuite en parler librement, chercher un appui pour se rassurer encore et encore si cela était nécessaire. Ensuite viendrait le temps où dans ce fatras de souffrance, ressortiraient les quelques souvenirs heureux de sa vie auxquels il pourrait se raccrocher, qu’il pourrait faire revivre et qui viendrait l’apaiser. <o></o>

-Il disait qu'il tenait un orphelinat... dit Podrick d'une toute petite voix. Qu'il veillait sur ses protégés... Y avait plein d'enfants. Et des plus vieux, aussi, oui. Mais dans un orphelinat, on vous force pas à travailler. Et lui... Lui il voulait que je d'vienne un voleur. Que j'fasse les poches des passants, que j'coupe les bourses. Ou que j'fasse le guet pendant que d'autres y cambriolaient les maisons... Il a dit à quelqu'un de m'apprendre. Mais moi, j'ai pas voulu. J'voulais pas d'venir un voleur. J'sais pas ce que mon père faisait comme métier... Mais mon frère, lui, il avait jamais volé. Et il était d'venu écuyer. J'voulais pas qu'il ait honte de moi... Alors j'y ai mis d'la mauvaise volonté. Il arrêtait pas d'dire ça, le type. "Tu y mets de la mauvaise volonté". Et il disait aussi qu'il allait ma mater. Alors il cognait, ou il inventait d'autres trucs. Mais j'ai quand même pas obéi.
Il se recroquevilla sur lui-même.
-A la fin... Il en a eu vraiment marre. Il a gueulé que j'étais aussi têtu qu'mon père. Et que comme j'refusais de travailler, d'être utile, il allait s'rembourser autrement, qu'c'était tant pis pour moi si j'étais idiot. Un... Un jour, il m'a d'mandé de m'laver, il m'a filé des habits propres. Après, il m'a regardé et il a dit qu'il tirerait de moi un bon prix. Un gros sac d'or, même. Et il m'a emmené dans une maison. Là où qu'les Rouges y s'amusaient, il a dit, après leur travail. Et...
Le gamin hésita. Longuement. Jeta à la magicienne un regard en coin.
-Mais j'me suis enfui... souffla-t-il, à peine audible.
Puis il se hâta de poursuivre, avec un empressement manifeste.
-Que j'le veuille ou non, j'avais appris des trucs de voleur, pour être discret et tout. Alors j'me suis enfui. Et j'me suis caché. J'ai un peu été aidé par des gens qui nous connaissaient, avant... j'ai un peu travaillé... Pis après ça a été lé libération et j'ai plus eu à m'cacher, puisqu'y avait plus ni Nwalk, ni les Rouges, ni ce sale type.

La magicienne entendait à peine le récit de l’enfant, elle eut un moment un minime espoir, elle voulait se rassurer, elle avait mal pour ce petit être qu’elle aimait et qui revivait les affres cruelles de sa vie. Il y eut cette lumière, son frère, être qui lui était cher, son modèle. Son petit protéger avait toujours été une âme pure, un être intelligent et honnête, l’esprit de l’elfe hurlait vengeance contre cet homme abominable qui avait osé profiter d’innocents enfants, qui s’était permis de vouloir corrompre Podrick, de porter violemment la main sur lui. Elle était incapable de savoir réellement la souffrance endurée, mais elle la vivait au travers de l’enfant.<o>

</o> Lorsqu’elle sentit l’enfant à nouveau disparaître dans sa souffrance, elle fut à deux doigts de tout arrêter, de cesser que remontent ses souffrances, ces jours, ces mois, ces années qui étaient sa petite enfance. Mais, elle savait qu’elle ne devait rien faire ou plutôt qu’il devait aller jusqu’au bout, qu’elle devait rester calme, douce, être les bras qui recevaient.<o>

</o> Pourtant, alors que la fin du récit aurait dû la rassurer, que c’était enfin terminer, il y avait eu ce regard et ce long silence, qui ressemblait à une ultime prière pour ne pas dire quelque chose, moment terrible qui semblait torturer l’enfant. Ce regard en coin, la magicienne l’avait soutenu, elle avait sourit encourageante, aimante, pourtant il s’était tu, juste des mots d’une bravade pour se rassurer lui-même, on avait voulu lui apprendre à voler, il avait sauvé sa vie en s’en servant, manière de contourner une autre souffrance. Arya avait peur, son empathie lui renvoyait un mur, rempart contre l’infernale douleur de son petit protéger. Mais quelle douleur ?<o>

</o> S’arrêter là était rendre inutile toute cette souffrance par laquelle était passé l’enfant, pourtant Arya hésitait, elle venait de découvrir les horreurs d’un monde et elle ne savait probablement pas le pire. L’avait-on obligé à tuer un autre enfant ? Leur demandait-on de combattre jusqu’à la mort des adversaires et peut-être que pour fuir, il aurait mit le feu à la bâtisse, n’avait-il été plus qu’un petit esclave battu et obligé de travailler jour et nuit. Elle frémissait de ce que ces hommes avaient pu exiger de ce petit enfant. Saurait-elle faire face, elle qui n’avait vécu qu’un seul drame, qui de surcroît touchait sa race plus qu’elle-même directement et qui avait pu laisser sortir sa douleur dans des bras aimants, elle ne savait pas, elle sentait qu’elle perdait pied, avait de plus en plus de mal à se raccrocher aux bouées de sa vie, à ce bonheur qui lui offrait repos et sérénité. Ultime rempart, le visage de son père, sa voix rassurante, son autorité toute puissante « n’abandonne jamais, ce que tu veux, tu peux le faire, tu es une elfe » et la douceur de sa mère pour puiser encore et encore des forces.
 <o></o>
Elle serra un peu plus l’enfant dans ses bras, sa voix toujours calme, douce, comme si rien ne pouvait l’ébranler, comme si les mots que l’enfant allait prononcer, elle les connaissait déjà.

Tu peux être très fier de toi Podrick, tout ce que tu m’as dit montre que tu es un enfant merveilleux, que tu t’es battu pour ta liberté. Mais, ton récit n’est pas complet, il manque ce temps écoulé entre le moment où tu es arrivé dans la maison où il y avait les rouges et celui où tu es parti, que c’est-il passé pour que tu n’aies d’autre choix que fuir ? Courage Podrick, il faut que tu sois fort, tu dois tout dire, si difficile que cela puisse être. <o>

</o> La tête vide à chercher ce qui pouvait tant traumatiser l’enfant, incapable d’entrevoir ce qui avait pu se passer dans cette maison qui était si redoutable à dire. Le cœur d’Arya s’accéléra, elle avait envie de hurler de la douleur qu’elle ressentait chez l’enfant, pourtant, elle ne bougea pas, elle enserra un peu plus Podrick dans ses bras comme le faisait sa mère, elle posa avec plus de tendresse encore des baisers sur ses cheveux. <o>

</o> Il faut tout me dire Podrick, tu ne peux garder au fond de toi ce qui c’est passé dans cette maison, tu dois te libérer du mal qu’on t’a fait.

Le gamin était recroquevillé sur lui même, les muscles tendus, la respiration rapide.
-Des... des choses pas bien... souffla-t-il. C'est là qu'on s'est moqué...
Sa phrase s'acheva dans un sanglot convulsif, et il retomba dans un mutisme profond, avant de finalement pousser un soupir tremblant. Il ne faisait plus même un effort pour retenir ses larmes. Il n'en avait plus la force.
-J'peux pas en parler... Et... ç-ça sert à r-rien. hoqueta-t-il. Y sont tous morts. Pis moi je suis vivant. C... C'est du p-passé...

La magicienne mit du temps avant de comprendre ce que le peu de mots prononcés par Podrick voulait démontrer. Invraisemblable, inimaginable acte des humains, ce fut un éclair déchirant, une douleur insoutenable lorsqu’elle saisit ses dires, un hurlement intérieur de colère, ce n’était pas la peine qu’il en dise plus, ils avaient osé abuser de lui. <o>

</o> Cette ignominie lui coupa le souffle, elle eut l’impression qu’elle allait se pâmer, ses larmes se mêlèrent à celles de l’enfant qu’elle serrait désespérément contre elle comme si cela pouvait le protéger de ce qu’il avait vécu. Elle aurait voulu l’apaiser, mais elle était incapable de parler. Tout ce qui l’entourait semblait noir et menaçant, ne restait qu’une faible lueur, l’enfant qu’elle tenait dans ses bras, son regard ne pouvait se détacher de ce petit corps recroquevillé, secoué par les sanglots trop longtemps retenus, elle ne pouvait se laisser aller à perdre la raison, elle devait se battre pour lui, retrouver le plus possible son calme et sa sérénité pour que finisse cette torture.<o>

</o> Elle détacha son esprit de l’instant présent, ne chercha pas des images heureuses, mais celles qui étaient rassurantes, qui lui apporteraient de pouvoir croire encore en ce monde où elle avait rencontré tant d’horreurs liées aux actes humains. Il y avait aussi de l’amour, de la bienveillance et de la bonté. Il y avait surtout Podrick, son petit protéger.<o>

</o> Après quelques minutes d’un silence que seules les sanglots brisaient, la voix affectée, le regard brillant de douleur et de tendresse, Arya souleva le visage de Podrick.

Ce ne sont que des monstres qui aujourd’hui brûlent dans les abysses de l’enfer. Elle posa doucement un baiser sur son front. Pauvre petit ange, ce que tu as vécu est vraiment très dur. Elle continua tout en caressant son visage. Jamais plus personne ne pourra se permettre de te faire souffrir, cela je ne l’accepterai pas. Elle l’enserra dans ses bras et doucement murmura. Je sais que de parler de tout cela fut très dur pour toi, tu as été fort et courageux comme tu l’as été dans ses durs moments de ta vie. Les tristes souvenirs vont pouvoir s’effacer, ils se mêleront aux larmes pour quitter ton esprit, alors pourront revenir les souvenirs qui te feront sourire. Je t'aime petit Podrick.<o>

</o> La magicienne ressentait le besoin de retrouver la nature, de puiser en elle la force et d’y retrouver la paix, mais elle ne voulait pas brusquer l’enfant, il fallait le laisser doucement revenir à l’instant présent, lui démontrer que sa souffrance était réelle, lui laisser le temps de pleurer tout son saoul. Lui apportant silencieusement tout l’amour qu’elle avait pour lui, l’elfe se mit à chanter doucement en elfique, telle que le font les siens, l’histoire triste et douloureuse d’un petit enfant sur lequel les malheurs s’étaient acharnés, mais que rien n'avait pu détruire.<o></o>

Au bout d'un moment, le gamin se retourna dans les bras de la magicienne.
-Je vous aime aussi, m'dame... souffla-t-il en levant vers elle son visage encore ruisselant.
Ses yeux gonflés s'écarquillèrent lorsqu'il remarqua le trouble d'Arya, et il demeura un instant décontenancé, avant de l'étreindre spontanément.
-Faut pas être triste pour moi, m'dame... murmura-t-il, d'un ton embêté. C'est passé, c'est fini, ça a plus d'importance. J'suis vivant, j'suis pas d'venu comme ils voulaient que je d'vienne.
Se redressant, il déposa un baiser fugace sur sa joue, rougit brusquement puis se pelotonna à nouveau tout contre elle.
-Oui, ça a pas été toujours drôle. Mais y a eu des trucs chouettes. Et ça fait oublier le reste; Y avait mon frère. Pis y a vous, maintenant. Alors soyez pas triste, d'accord ? ça sert à rien...

L'émotion de la magicienne fut décuplée à ce premier geste de tendresse de l'enfant, son regard s'embruma, son sourire se fit surpris et tendre. Lorsqu'il se pelotonna contre elle, elle sentit qu'il avait dépassé une partie des affres de sa vie, qu'il allait maintenant pouvoir s'ouvrir à cette tendresse qui avait dû cruellement lui manquer et que pourrait lui apporter du réconfort. Pourtant, Arya était surprise qu'après cette ultime souffrance qu'elle pensait que l'enfant avait subie, il puisse si vite la dépasser. Un espoir qu'elle voulait réalité se faisait en elle, peut-être s'était-elle trompée, elle l'espéra sans vraiment y croire tout en répondant émue à l'enfant.

Oui, c'est le passé, mais cela est tout de même ta vie et c'est terrible. Elle le serra contre elle et caressa ses cheveux. Oui, il y a eut ton frère, il est dans ton coeur et il t'a envoyé une grande soeur pour te protéger.

Elle prit doucement son visage dans ses mains et posa sur lui un regard plein d'espoir de cet avenir qu'elle voulait merveilleux pour son petit protéger.

L'enfant lui sourit. Un sourire pâle, tremblant, mais un sourire tout de même.
-Dites, à propos d'ça... souffla-t-il. Est-ce que... Est-ce que vous croyez qu'un jour j'pourrai arrêter d'vous appeler m'dame et d'vous dire "vous" ? Parce que là, ça va me faire un peu bizarre, vu... Vu que vous savez tout c'qui m'est arrivé... Et vu comme... comme vous m'prenez dans vos bras et tout...
Il baissa les yeux, intimidé, comme s'il craignait d'avoir poussé trop loin la familiarité.
-Mais... mais si vous voulez que j'continue, j'continuerai. C'est pas un problème du tout...

Le regard tendre de la magicienne entourait l'enfant, elle avait toujours vouvoyer son père et n'avait même jamais pensé qu'il puisse la tutoyer. Mais à cet instant, elle se souvint de ses paroles lorsqu'il parlait sans comprendre pourquoi son père exigeait une préséance qui lui paraissait déplacée. Cela n'avait aucune importance, ce qui comptait c'était qu'il se sente bien, qu'il soit heureux.

Surtout, il semblait que les sanglots et les tremblements avaient disparus, l'elfe ne pouvait que se réjouir que Podrick en vienne à un sujet plus terre à terre. D'autres questions viendraient plus tard, une autre fois. Elle lui caressa doucement la joue.

Si je te prends dans mes bras, c'est que je t'aime et si tu m'as raconté ta vie, c'est que tu as confiance en moi, alors un jour, je ne sais pas, mais tout de suite je pense que tu peux m'appeler Arya et me tutoyer, d'ailleurs qui a vu un petit frère vouvoyer sa grande soeur, personne, alors il ne faudrait pas que nous soyons les premiers.

Elle enlaça l'enfant, se sentait plus calme, était profondément heureuse de ce pas qui venait d'être franchit, mais pourtant, elle avait besoin de ce qui était incontournable pour elle, puiser dans la nature la vie qu'elle offrait généreusement même en cette période où elle végétait.

Je te propose d'aller prendre notre petit déjeuner et puis ensuite, vu le soleil merveilleux qui brille de tous ces feux dehors, d'essayer de louer un cheval et d'aller nous promener dans la nature aux environs de Lumenis. Qu'en penses-tu ?

Le gamin haussa les sourcils.
-A cheval ? Mais j'sais pas faire du ch'val, moi !
Il sourit.
-Enfin, monter sur un cheval, ça doit pas être beaucoup plus dur que monter sur un toit. Pour les deux, le tout, c'est de pas tomber...
Il se releva.
-Bon ben allons-y, alors... C'est vrai que j'ai la da... vach... heu, très faim.

-------

Le nain haussa les épaules.
-Oh, j'voudrais bien vous dire, mais le souci, c'est qu'on sait pas encore. On avait beaucoup misé sur la mine. Mais on va rebondir ! Les opportunités ne manquent pas pour trois gaillards travailleurs et qu'ont pas froid aux yeux. Cette expédition aura été une bonne petite mise en jambe... On va peut-être aller fouiner dans le sanctuaire secret des géants des montagnes, qui sait !
Il éclata de rire, leva sa pinte, et s'en envoya une formidable lampée, imité en cela par ses neveux.

La Couronne de Cuivre

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