La Couronne de Cuivre

Peu à peu, son adversaire dut s'épuiser, car ses esquives devinrent un peu plus lentes, un peu moins efficaces. Kasumi finit par réussir à le toucher une fois, lui arrachant un sifflement étrange, de colère. Puis une seconde fois, qui lui trancha quasiment le bras. La troisième touche fut la bonne : le torse transpercé, le nécrophage s'effondra à genoux en gémissant et Kasumi n'eut plus qu'à l'achever d'un coup bien ajusté qui lui trancha la gorge.
Lorsqu'il se retourna, il put constater que Sylvia avait elle aussi grièvement blessé son adversaire, mais celui-ci gardait encore suffisamment d'énergie pour esquiver ses attaques, et même tenter de contre-attaquer : la rôdeuse échappa de peu à un coup de griffe qui aurait pu être mortel.
Le troisième nécrophage était harcelé par un Léo fou de rage, et Tilmandil en profitait pour le contourner, dague en main, s'apprêtant à lui porter un coup par derrière.
Eärundra, quant à elle, gisait au sol, sans mouvement.

Kasumi n'avait pas pris une seconde pour savourer cette victoire bien trop longue à venir à son goût. Et, en se retournant, il constata que le tableau offert par la bataille en cours lui donnait plus que raison : Sylvia était passé à un cheveu de se faire décapiter sous ses yeux par un coup de griffe vicieux et Eärundra était visiblement hors de combat, voire pire. Si l'urgence de la situation et le besoin de protéger son frère et sa compagne ne l'aidaient pas à repousser l'accablement, il se serait probablement laissé aller au désespoir. Mais la druidesse pouvait peut-être encore être sauvée à condition d'agir vite et il fallait avant tout éviter que les autres ne soient blessés par ces monstres. Il se précipita vers la créature qui attaquait Sylvia et lui tournaient le dos avec la ferme intention de l'achever par derrière. Ensuite, ils pourraient concentrer et coordonner leurs efforts.

Tilmandil le devança et frappa la créature au beau milieu du torse, lui arrachant un gémissement étranglé. Le coup du rôdeur la mit à genoux, et Sylvia n'eut plus qu'à la décapiter d'un coup d'épée.
Léo avait bien du mal face à son adversaire, mais une fois épaulé par les deux rôdeurs, il reprit un peu d'assurance et de vigueur. Il ne leur fallut que quelques coups bien ajustés, tandis que le nécrophage s'épuisait à éviter les morsures du lion, pour en venir à bout.
Tilmandil, pendant ce temps, s'était précipité vers la druidesse.
- Elle... Elle respire. Je crois. Mais elle est salement amochée.
Le sang s'écoulait abondamment d'une grave blessure au flanc droit, et sans soins conséquents, il était probable qu'elle ne survive pas plus de quelques minutes encore.

Kasumi s'agenouilla à côté de la druidesse et écarta les pans de tissus de sa tunique en lambeau sans soucis de bienséance dans le but de prendre la mesure de la blessure. Elle était très profonde, trop large et surtout mal placée pour qu'un simple point de compression puisse endiguer l'hémorragie. Il s'efforça cependant à appliquer les gestes que lui avait appris la druidesse en soignant Léo et Tilmandil avant lui. Cela ne suffirait pas à la sauver mais cela ferait peut être gagner quelques minutes supplémentaires.

- Sylvia, il y a une fiole bleue dans mon sac. Va me la chercher s'il te plait. Ensuite j'aurai besoin de ton aide.

Il n'avait pas d'autre choix : le génie avait promis que son don pourrait tout guérir et le mal de son père était une perspective bien lointaine en comparaison de l'état de la druidesse agonisante qui les avait tant aidé gracieusement.

Kasumi parvint à endiguer l'hémorragie, au moins en apparence. Mais il était probable, vu la profondeur de la blessure, que des organes vitaux aient été touchés. Et que l'hémorragie soit également interne...
Tilmandil revint presque aussitôt, la fiole bleue en main.
- C'est celle que t'a donnée le génie..., commenta-t-il en lui tendant le récipient. Tu as raison, ça devrait marcher.
Il ne fit aucun commentaire sur le fait que ça leur manquerait, peut-être, pour sauver leur père.

Kasumi avait lui aussi balayé cette considération. Une part de lui n'avait jamais cru en la simplicité de cette solution : il y avait de bonnes chances que les clercs ayant examiné son père l'avait tenté d'ailleurs. Et comment aurait-il trouvé la volonté de poursuivre s'il n'avait pas tout tenté pour sauver l'un de ses compagnons dans le besoin ? Avec en plus le risque de découvrir au final que la potion était inefficace à soulager son père... L'inverse pouvait être vrai évidemment : la potion avait été créée pour soigner son père et était peut-être prévue pour ne fonctionner que pour lui. Non, il ne devait pas y songer. Pas alors qu'Eärundra, agaçante par certains aspects mais une bonne amie et une indéfectible alliée se mourrait sous ses yeux. Il laissa le soin à Sylvia le soin de poursuivre le point de compression pour s'appliquer à déboucher la potion et la vider lentement dans la gorge de la druidesse en lui redressant la nuque pour éviter qu'elle ne s'étouffe et en la forçant à déglutir pour éviter qu'elle ne régurgite son contenu.

La druidesse but une gorgée. Toussa, manqua s'étrangler. Puis avala une seconde gorgée. Elle semblait conserver assez de conscience pour déglutir, ou peut-être était-ce un réflexe spontané. Petit à petit, elle semblait avaler plus facilement la potion, comme si son corps fonctionnait mieux.
Elle finit par ouvrir les yeux. De grands yeux verts étonnés.
- M... Merci, balbutia-t-elle en se redressant doucement, portant son regard autour d'eux, apercevant les restes de leurs adversaires définitivement morts. Elle semblait avoir un peu de mal à retrouver ses esprits.

Kasumi fut soulagé de constater que la potion avait l'effet escompté. L'angoisse et les efforts du combat profitèrent de son relâchement passager pour réclamer leur dû et il sentit la tête lui tourner durant un instant devant l'ampleur de la tâche qui les attendait. Sans plus aucun droit à l'erreur qui plus était. Il identifia sans peine l'origine de ces pensées défaitistes dans la forêt environnantes, toujours aussi hostile et pernicieuse malgré la mort de trois des créatures qu'elle abritait sous son couvert obscur.
Un peu gêné par la promiscuité avec la druidesse, il se redressa à son tour pour observer les environs, cherchant à détecter la présence d'autres menaces qui auraient pu profiter de ce moment d'inattention pour approcher furtivement.

- Ce n'était rien. Je suis soulagé de constater que la potion était efficace. Prenez quelques instants pour récupérer. Ne cherchez pas à vous relever tout de suite, vous avez perdu quantité de sang.

Il prit seulement conscience de celui qui lui maculait les mains et qu'il avait copieusement maculé les cheveux de la druidesse.

- Il va nous falloir trouver à nettoyer tout ça sinon nous risquons d'attirer toutes sortes de prédateurs de cet acabit...

Sylvia et Eärundra hochèrent simultanément la tête.
- Oui...
- J'ai entendu de l'eau pas très loin, juste avant qu'on soit attaqués.
En effet, en tendant l'oreille, Kasumi reconnut le bruit caractéristique de l'eau courant sur les pierres. Il leur suffit de poursuivre leur avancées sur quelques dizaines de mètres pour apercevoir un petit bief dévalant la pente de la colline avant de longer leur sentier. A cet endroit-là, la végétation était plus clairsemée, moins "agressive", et sans doute pouvaient-ils en profiter pour se sustenter.

HRP : je modifie très légèrement la couleur de Sylvia, pour me libérer plus de couleurs "basiques" pour les pnj ultérieurs...

Kasumi se rinça les mains pour les débarrasser du sang qui les maculait puis rejoignit Tilmandil pour laisser les deux jeunes-femmes, et notamment Eärundra, procéder à leurs ablutions. Sylvia ne semblait pas en avoir davantage besoin que lui mais ils s’accordaient tacitement sur le fait que personne ne devait rester seul dans cet environnement hostile.

Le rôdeur rejoignit donc son demi-frère, hors de portée de voix et sortit de quoi déjeuner de son sac. Ils devraient se contenter de manger froid et rapidement : le rôdeur ne voulait pas prendre le risque d’ajourner plus que nécessaire l’exploration du nid des ettercaps. Si la druidesse était toutefois en mesure d’y participer.

- Je suis désolé pour la potion… Mais rien ne garantit qu’elle aurait soigné notre père. Je ne regrette pas néanmoins : sans elle, nous n’aurions pas pu sauver Eärundra. Tu n’as pas été blessé ?

Tilmandil secoua la tête.
- Non, ne t'inquiète pas. Ils étaient trop occupés avec vous trois, j'ai pu lancer mes sorts tranquille et sans risque.
Il sourit.
- Et je sais bien que cette potion n'aurait sans doute pas pu sauver notre père. Les clercs ont bien dû essayer tout ce qui était possible... Et le sylvanien, Celd, semblait songer à une malédiction, mais il n'a pas voulu m'en dire plus.
Il soupira.
- J'espère qu'on les rejoindra bientôt...
Entre-temps, leurs deux compagnes avaient achevé leurs ablutions, enfilé des tuniques de rechange et s'en revenaient vers eux. Eärundra semblait légèrement affaiblie, on devinait que sa démarche était moins souple. Mais cela mis à part, elle semblait plutôt bien remise de sa blessure.

Kasumi s'était contenté de dédier un sourire rassurant à son demi-frère, partageant son espoir et son impatience de ces retrouvailles. Un peu d'angoisse aussi en songeant que les ettercaps et les nécrophages n'étaient certainement pas les seules horreurs à sévir dans les parages. L'arrivée de la druidesse et de sa compagne le détournèrent heureusement de ces perspectives déprimantes avant qu'elles ne minent trop son moral. Il adressa un sourire à Sylvia avant de s'adresser à l'elfe d'un ton amical :

- Vous vous sentez d'attaque, Eärundra ? J'ai l'impression que vous êtes un peu pâlotte...

- Ça ira, ne vous en faites pas... Je suis au moins en état de lancer des sorts, même si je reste un peu faible pour combattre.
Eärundra eut un sourire rassurant. Mais elle était effectivement un peu pâle.
- Mangez, ça vous fera du bien.
- Oui... et ensuite on ferait mieux de se remettre en route rapidement. Des nuées d'araignées grouillantes et leurs toiles visqueuses nous attendent !
Remarque qui fit nettement pâlir Tilmandil... Il s'empressa de se détourner pour qu'on ne voit pas son trouble. Mais les filles étaient heureusement trop occupées à casse-croûter pour remarquer quoi que ce soit.

La perspective de devoir livrer un nouveau combat mortel dès le déjeuner achevé et le bel excès d'enthousiasme affiché par Sylvia auraient presque pu prêter à sourire tant ils paraissaient déplacés après être passé si près de la catastrophe quelques minutes plus tôt. Cependant, le rôdeur se força à manger convenablement malgré son angoisse de ce qu'ils pourraient trouver dans la grotte et des risques qu'ils allaient tous prendre. Il avait un peu trop conscience de leur mortalité en cet instant, de celle de ses compagnons bien plus que de la sienne. Et pourtant c'était là le lot de tout aventurier. Il se fit la réflexion que ce genre de pensées ne lui serait jamais venu à l'esprit à l'époque où il arpentait seul les sentiers de la vie et de l'errance. Un regard en direction de Sylvia le fit sourire à la pensée qu'il n'avait pas été aussi heureux qu'en cet instant, malgré la simplicité de sa vie d'alors. Il finit son repas et donna le signal du départ avec entrain :

- Allons donc purifier quelque autre partie de la forêt. Et si la chance nous sourit, nous tomberons bien sur quelque antre du mal en soirée pour finir la journée en beauté !

Sa déclaration provoqua un sourire enthousiaste chez Sylvia, un regard au ciel chez Eärundra, et une grimace chez Tilmandil. Mais tous se remirent en route sans tarder, pressés d'arriver à destination.
Du reste, celle-ci n'était plus très éloignée. Moins d'une heure après leur repas, les premières toiles d'araignées, pendues aux arbres, firent leur apparition. Eärundra fut la première à les apercevoir. Elle passa en tête de leur groupe et en silence, montra aux deux rôdeurs le mince fil de soie, au sol, qui déclenchait le piège. Plus loin, c'est toute une zone qu'elle leur fit éviter : les feuillages cachaient traîtreusement une énorme toile qui les aurait instantanément emprisonnés.
Kasumi et Sylvia, une fois dûment instruit des signes à rechercher, se montrèrent suffisamment attentifs pour repérer à leur tour quelques pièges de soie. Ils notèrent que kla plupart semblaient concentrés le long du chemin qu'ils suivaient, celui qui avait été taillé à la hache pour Elryndel. Bien sûr, il y avait quelques toiles en-dehors du chemin, mais très peu.

La disposition des toiles laissaient à penser que la colonie avait tenté de profiter de la piste dégagée pour piéger de nouvelles proies. Un effet d'opportunisme et une nouvelle preuve d'intelligence qui incitaient le rôdeur à se méfier tant et plus. Il était tout à fait envisageable que le groupe d'Elryndel ait pu passer sans encombre cependant puisque la piste se poursuivait alors qu'elle avait du être taillée au fur et à mesure de leur progression. Mais rien ne permettait d'exclure qu'ils aient pu être piégés plus loin et qu'ils fassent partie des captifs des arachnides. Plus ils approchaient et plus Kasumi sentait son impatience de résoudre ce mystère croître. Fort heureusement, la détection des pièges vicieux sur leur passage réclamait l'essentiel de son attention et il ne pouvait ainsi pas mobiliser son imagination.

Après quelque longues minutes encore de progression, ils virent enfin les traces tant attendues -tant redoutées-. Au détour du chemin, subitement, des empreintes différentes, celles de corps qu'on traîne au sol, quittèrent le sentier pour se diriger vers la gauche. Des débris de soie étaient restés accrochés aux ronces : vraisemblablement, des proies avaient été piégées puis emmenées, probablement jusqu'au refuge des ettercaps.
Néanmoins, la piste d'Elryndel se poursuivait au-delà, parfaitement nette.
- Je dirais que ça remonte à un jour ou deux, pas plus, fit Sylvia à voix basse en examinant les traces.
- Ce sont des corps de grande taille, ça peut très bien être des humains ou des elfes... mais pas forcément.
- De toute façon, ça ne peut pas être notre père et ses compagnons puisque leurs traces se poursuivent au-delà !
- Sauf s'ils se sont fait prendre sur le chemin du retour..., répliqua sombrement la druidesse.

Le rôdeur s'exprima à son tour à voix basse :

- Cela ne change rien de toute manière : nous ne pouvons pas décemment passer notre chemin alors qu'il est peut-être encore possible de sauver quelques vies. Tilmandil, il est temps de nous montrer tes talents en matière de déguisement. Je suis certain de faire un ettercap très convainquant avec ton aide. Mais avant, j'ai besoin de savoir combien de temps durera le sort et si je pourrai continuer à me battre normalement au besoin... Si nous tombons sur des créatures isolées, autant s'en défaire dès que possible.

- L'effet durera un peu moins d'une heure... Et il persiste si vous combattez.
- Mais il faudra vous méfier : des ettercaps ne sont pas sensés posséder des épées...
- Et surtout, si vous êtes en contact physique avec un autre ettercap, ou une araignée, ils découvriront probablement que vous n'avez pas la forme qu'ils croient voir et devineront qu'il s'agit d'une illusion.
- Je pense qu'il faut approcher encore, au maximum, et attendre d'avoir repérer leur nid pour se dissimuler.
- D'autant que l'invisibilité dure certainement moins longtemps, c'est ça ?
Tilmandil hocha la tête.
- Quelques minutes seulement... Donc à utiliser vraiment au dernier moment

Le rôdeur hocha la tête et chercha inconsciemment à évaluer l'état de son demi-frère. Il s'agissait de ne pas l'obliger à approcher si près que sa peur risque de le paralyser mais il semblait encore maître de son esprit et de ses capacités. Kasumi se rangea donc à l'avis des deux jeunes femmes : attendre de voir l'entrée du nid et peut-être de récolter d'autres informations avant de mettre la première partie de leur plan à exécution.

- Je ne comptais pas vraiment donner d'accolade à l'une de ces créatures. Mais je tiendrai compte de ces paramètres : mieux vaut en effet les connaître avant de les expérimenter par nous-mêmes. Ne perdons pas de temps et avançons. Et espérons que le nid ne sera pas si profond qu'il nous faille plus de quelques minutes pour l'explorer... Même si j'ai quelques craintes à ce sujet.

Quelques dizaines de mètres plus loin, ce ne fut pas le nid qu'ils découvrirent, mais une araignée. Immense. Sylvia et Kasumi avaient repris la tête de l'expédition, aussi l'aperçurent-ils les premiers. Ils avaient avancé si discrètement qu'elle ne semblait pas les avoir vus. Tilmandil, à quelques mètre derrière eux, ne l'avait pas encore aperçue. Mais Eärundra, juste à côté de lui, devina probablement ce qui se passait puisque Léo s'arrêta net, aux aguets. Elle leur jeta un coup d'oeil interrogateur.
Derrière la créature, la colline s'élevait en pente plus raide, plus rocheuse également, dissimulant certainement des cavernes. Il était donc probable qu'il s'agisse de l'une des gardienne du nid des ettercaps. Mais celui-ci leur était toujours invisible, pour le moment.

Kasumi hésita sur l'attitude à adopter face à cet obstacle : d'un côté il pouvait craindre que la créature n'avertisse ses congénères s'ils se contentaient de l'attaquer, d'un autre il ne voyait pas comment l'éviter et éliminer une menace alors qu'ils se trouvaient encore hors du nid pouvait être une aubaine à ne pas laisser passer. Il restait également la possibilité de tester leurs déguisements mais il dut écarter cette hypothèse car il serait impossible de dissimuler Eärundra et il était trop tôt pour épuiser cette précieuse ressource. La solution la plus évidente consistait donc à attirer la créature le plus loin possible de son nid et l'éliminer aussi furtivement que possible. Un premier pari des plus risqués. Le demi-elfe chercha du regard une toile qui pourrait l'attirer si il y jetait un objet suffisamment lourd pour faire penser à une proie prise au piège. Ensuite il faudrait faire preuve d'une bonne dose d'habileté pour l'abattre à l'aide de leurs trois arcs.

Des toiles, ce n'était pas ce qui manquait dans les environs. Kasumi n'eût aucun mal à en repérer une, suffisamment éloignée de la paroi rocheuse pour entraîner l'araignée loin du nid et des renforts potentiels. Mais elle présentait l'inconvénient d'être très proche de leur position actuelle. Il allait leur falloir revenir quelque peu sur leurs pas, et choisir une position depuis laquelle guetter. Et aussi, sans doute, éloigner davantage Tilmandil qui commençait à regarder les rôdeurs d'un air interloqué, se demandant la cause de leur brutal arrêt.
Quant aux objets suffisamment lourds pour faire penser à une proie, ils en avaient plusieurs à leur disposition : leurs provisions, ou leurs tentes, par exemple. Ils pouvaient difficilement prendre le risque de couper une branche lourde destinée à cet usage : le bruit attirerait immanquablement le prédateur.

Kasumi chercha tout d’abord à évaluer la possibilité de récupérer facilement ce qu’ils jetteraient dans la toile avant de mettre la manœuvre à exécution. S’il c’était faisable, il choisirait de « sacrifier » leurs tentes, pas immédiatement utiles en cas d’imprévu. Leurs provisions étaient bien trop vitales dans cette forêt où tout laissait à penser que l’approvisionnement serait difficile voire hasardeux.
Ayant avisé un taillis d’épineux qui leur fournirait une position leur offrant une protection physique comme visuelle, le rôdeur revint en arrière pour expliquer son plan aux deux elfes : ils reculeraient tous se mettre en position avant qu’il ne jette les tentes dans la toile et se replie avec eux avant l’arrivée, il l’espérait de la grosse araignée hideuse.

Ses compagnons se rangèrent à son plan. Eärundra préféra cependant se réserver une autre cachette pour guetter, arguant qu'ils risquaient de se gêner avec leurs arcs s'ils étaient tous groupés, et que l'araignée serait plus déstabilisée si les flèches venaient de deux endroits différents. Elle en profita pour lui montrer les deux fils qui, au sol, déclenchaient la chute de la toile sur les malheureuses proies : il suffisait qu'un objet lourd tombe sur l'un de ces fils et le piège s'enclencherait.
Tilmandil était un peu trop pâle, mais la cachette désignée était suffisamment loin de la toile qui devait attirer l'araignée pour qu'il puisse espérer ne pas se trouver en contact proche avec celle-ci. Il valait mieux, néanmoins, ne pas compter sur lui pour des sorts quelconques : il était probable qu'une fois en vue de l'araignée, il ait quelques difficultés à se concentrer...

Ensuite, tout alla très vite. Kasumi lança la plus lourde des tentes sur l'un des filaments de soie, vit la toile se décrocher de l'arbre et battit immédiatement en retraite, courant rejoindre Sylvia dans sa cachette. Le bruit de sa propre course l'empêchait d'entendre celui de la toile tombant au sol, ou celui de l'araignée qui, sans doute, se précipitait voir ce qui était tombé dans son piège. Il vit la rôdeuse bander son arc, et sa flèche partit au moment même où il la rejoignait. Déjà, elle encochait une autre flèche. Il entendit un cri étrange, intermédiaire entre un sifflement et un feulement. L'araignée avait été touchée. Se retournant, il la vit se précipiter vers eux. Une flèche d'Eärundra la frôla, la manquant de peu. Vu la rapidité de la créature, ils avaient encore le temps de tirer chacun une flèche ou deux, guère plus...

Le rôdeur visa les plus gros des yeux du monstre arachnide, espérant l’aveugler avant, si elle survivait à ces attaques combinées, de la combattre au contact. Après avoir décoché sa première flèche, il s’adressa à Sylvia tout en bandant à nouveau son arc pour viser un autre de ses yeux :

- Couvre-moi, je vais devoir l’attirer à moi !

Les flèches pleuvaient sur le monstre, mais l'araignée était rapide, souple et très fine : l'atteindre était loin d'être évident. Pourtant, la première des flèches de Kasumi fit mouche, crevant l'oeil monstrueux. Ainsi qu'une autre des flèches de Sylvia qui se planta dans son abdomen. Eärundra l'atteignit à son tour, brisant net sa charge en direction des deux rôdeurs. La créature parut hésiter un instant sur la cible à attaquer, laissant l'opportunité aux rôdeurs de tirer encore chacun une flèche. Elle chargea à nouveau, droit sur Kasumi, trop proche désormais pour qu'il puisse encore user de son arc. Mais elle était désormais partiellement aveugle, et le sang coulait abondamment de ses blessures. Quasiment agonisante, elle poussait l'équivalent arachnéide de rugissements de douleur.
- Vas-y, je te couvre, murmura Sylvia.
Léo bondit au même moment... mais en direction d'une toute autre bête : une seconde araignée se lançait à la rescousse de la première. Eärundra, qui l'avait déjà aperçue, laissa aux rôdeurs le soin d'achever la première et concentra ses tirs sur la seconde. Et Tilmandil... avait disparu.

hrp : je te laisse achever la première...

Kasumi avait relâché son arc pour sauter souplement par-dessus le taillis et attaquer l’araignée moribonde au contact. Il n’avait malheureusement pas le temps de s’interroger sur l’endroit où s’était caché Tilmandil et ne pouvait qu’espérer qu’il ne se soit pas exposé en fuyant loin des horreurs. En arrivant à quelques mètres de l’araignée, le rôdeur se laissa rouler de son côté aveugle, choisissant d’attaquer de côté pour éviter de s’exposer aux mandibules de son adversaire et laisser une ligne de tir dégagée à Sylvia. Profitant de sa mobilité et du handicap de l’araignée, il tranché net une de ses pattes avant de rouler de nouveau de côté pour éviter sa riposte. Il vit le monstre tressauter à deux reprises, signe des efforts de sa compagne pour l’aider et porta rapidement une attaque qui transperça l’abdomen gonflé de fluides visqueux. Dégoûté, il évita de justesse d’être couvert des pieds à la tête en bondissant hors de portée. Pas le temps de jubiler toutefois car la deuxième partie du combat faisait encore rage. Plutôt que de retourner prendre son arc, il se porta au secours de Léo, espérant que Sylvia et Eärundra sauraient affaiblir ce nouvel ennemi.

Il était temps qu'il intervienne. Léo venait de rouler au sol, sérieusement blessé, et, à en juger par sa démarche, probablement empoisonné. Eärundra continuait à tirer flèche sur flèche, désormais secondée par Sylvia.
L'araignée était gravement blessée, mais ses blessures la rendaient folle de rage. Négligeant le lion à terre, elle se rua en direction du rôdeur. Il put noter qu'Eärundra avait appliqué la même tactique que lui et avait veillé à crever les yeux de la créature. Elle était quasi aveugle... mais paraissait pressentir, néanmoins, l'endroit où se trouvait son adversaire.

Kasumi avisa l’état du lion et esquissa une grimace : il allait avoir rapidement besoin de soins. Cependant, il adopta une tactique prudente, attirant les coups de la créature pour se replier aussitôt sans vraiment chercher à riposter. Pas à pas, il cherchait à l’éloigner de Léo tandis que les deux jeunes femmes continuaient de la harceler. A elles deux, elles allaient bien finir par l’achever sans qu’il ait besoin de se risquer au contact cette fois-ci. S’il sentait une faille, il était toutefois en position pour en profiter rapidement.

La Couronne de Cuivre

[Haute-Forêt] Quête : Racines