La Couronne de Cuivre

Il poursuivit donc sa route, tandis que le soleil déclinait à l'horizon. Le ciel se marbrait de rouge et d'orangé, et le soleil serait couché dans moins d'une demi-heure, lorsqu'il parvint au pied de l'éminence. En la contournant par la droite, il rejoindrait le piège dans lequel il était tombé ; par la gauche, il retrouverait, tout proche, le passage qu'il avait emprunté pour ressortir. En haut, le cercle de pierre.
La louve n'avait pas vraiment retrouvé la trace. Tout juste avait-elle signalé, une fois ou deux, percevoir une odeur ténue, la même que précédemment, dont il n'avait pas la certitude qu'elle était la bonne. Il n'y avait aucun bruit alentour, comme si la nature retenait son souffle... et, à bien y réfléchir, ce silence était presque suspect.

Kasumi encouragea Première Neige à continuer ses recherches en l'entraînant vers le haut de l'éminence tandis que lui-même scrutait attentivement les parages, s'attendant à devoir déjouer une embuscade à tout instant. Et même sans cela, s'il pouvait surprendre un mouvement ou même un léger indice, ce serait toujours ça de pris !

Il ne perçut nul mouvement, ne vit aucun indice. Sa louve ne détecta rien, elle non plus. Mais ses poils se hérissèrent alors qu'ils approchaient du sommet de l'éminence et du cercle de pierre. Kasumi sentait, tout comme elle, le mal qui en émanait, plus fort peut-être que le jour où il l'avait découvert. Alors qu'ils n'en étaient plus qu'à quelques toises, la louve se mit à gémir et se coucha, refusant de s'approcher davantage.
A l'ouest, le soleil se disparaissait à l'horizon, illuminant les lieux de ses derniers rayons. Kasumi eût l'impression que les roches se trouvant au centre du cercle de pierre avaient été nettoyées, qu'elles étaient plus lisses.

Le rôdeur sentit un profond abattement l'envahir : le lieu de culte transpirait le mal alors qu'il avait tenté de le purifier seulement quelques jours plus tôt, comme la résurgence dans les bois. Pour ne rien arranger, Première Neige ne voulait pas continuer et il se demandait s'il était bien sage de persévérer de son côté : il était déjà venu ici et même ces pierres polies ne voulaient rien dire au final, sinon que ses ennemis était repassés par là. Mais il n'y avait toujours aucune trace de l'enfant. Il se rapprocha tout de même du cercle de pierres sans vraiment s'attendre à trouver le moindre indice encourageant ou alarmant...

Il sentait clairement le maléfice qui pesait sur les lieux, plus fort au fur et à mesure qu'il s'approchait du centre du cercle et de ces pierres fraîchement polies. Il ne vit, pour autant, rien d'alarmant. Rien autour ne semblait changer, même si la Mal pesait de plus en plus.
Mais en regardant mieux ces pierres si nette, il acquis bientôt la certitude que la pierre centrale, une sorte de dalle particulièrement plate, avait été légèrement déplacée. Bien sûr, toute trace de mousse ou de terre avait disparu de la surface polie mais sur les rebords, là où la pierre était en contact avec ses voisines, il en subsistait un peu. Et les maigres filaments de mousse étaient rompus, comme si on avait tiré dessus.

Kasumi se sentait mal à l’aise et déplora de n’avoir pas pensé à emporter sa petite réserve d’eau bénite qu’il avait laissée à la clairière. Mais le peu dont il disposait n’aurait sans doute pas servi à grand-chose d’autant qu’il n’avait guère le temps de mener un rituel.

Il avança en murmurant une prière à l’adresse de sa déesse et s’intéressa rapidement à la pierre centrale : se pouvait-il qu’elle dissimule l’issue secrète qu’il avait recherchée plusieurs jours auparavant ?

Pour s’en assurer, il allait devoir trouver le mécanisme d’ouverture car il doutait sérieusement de pouvoir déplacer une pierre aussi lourde par sa seule force. Il chercha donc les traces d’un quelconque levier ou mécanisme tout en essayant de peser sur la pierre.

Il observa donc la pierre et ses abords, à la recherche de...quelque chose. Un mécanisme quelconque. Mais les systèmes d'ouverture des portes secrètes n'étaient pas spécialement dans ses compétences. Pourtant, à peine eut-il touché la pierre qu'il sentit un mouvement sous ses doigts. Il n'eut que le temps de se reculer d'un pas : la pierre s'était mise en mouvement, se soulevant légèrement pour glisser sur sa voisine, révélant un trou béant où il distinguait quelques marches.

En regardant l'ouverture et en songeant à quel point il avait été facile de la trouver et de l'ouvrir, le rôdeur songea qu'il aurait fallu être le plus extrémiste des lathandrites pour ne pas y voir aussitôt la marque d'un piège. Mais il n'avait décidément pas le choix : ses ennemis l'avaient indubitablement attiré sur leur terrain et avaient très certainement laissé de mauvaises surprises à son intention mais la vie d'un enfant était en jeu et - même sans cela - il en avait assez de courir après des ombres fuyantes.

S'il fallait affronter la bête au cœur de sa tanière pour l'éliminer, il devait s'y résoudre. C'est donc avec la plus grande prudence, arme en main et sens aux aguets qu'il s'engouffra dans l'escalier en prenant bien le temps de tester chaque marche de la pointe de son épée avant de s'y appuyer.

Nulle marche ne se déroba sous ses pas. Il put descendre l'escalier sans encombre. Il faisait sombre, mais sa vision de demi-elfe lui suffisait pour percer les ténèbres, aidées par le maigre faisceau de lumière provenant de l'ouverture. Les marches, du reste, n'allaient pas loin : Il arriva très vite à un pallier où s'ouvraient trois ouvertures, et au centre duquel se trouvait une solide trappe de bois, fermée habituellement par un solide verrou... mais celui-ci était ouvert.

Avant de foncer tête baissée dans la gueule du loup, le demi-elfe chercha aux alentours des empreintes ou d'autres traces qui pourraient peut-être lui indiquer si les autres ouvertures avaient récemment été empruntées. Mais il commençait à penser que tout cela ressemblait à un défi : peut-être les malarites s'étaient-ils lassé de leur menu gibier et que leur dieu fou exigeait un plus grand sacrifice. Et quelle plus belle proie pouvaient-ils traquer dans les environs qu'un serviteur de leur ennemie atavique ?

L'ensemble du réseau de galeries était taillé dans la roche, et il ne releva aucun empreinte, aucune trace de passage. Aucune, autre que ce verrou ouvert.
Il n'entendait aucun bruit en-dessous, ni rien en provenance des trois ouvertures sur lesquelles donnait le palier. Tout était complètement sombre... et tout semblait désert. Et pourtant, quelqu'un était venu et avait ouvert ce verrou récemment. Il le devinait à l'absence de poussière sur la serrure et sur la trappe : elle avait probablement été soulevée.

Puisque les lieux étaient manifestement déserts, Kasumi décida de renoncer à une partie de sa discrétion en se penchant par-dessus l'ouverture pour appeler à plusieurs reprises et écouter si on lui répondait. Et si ce n'était pas le cas, il tenterait de saboter la trappe, idéalement pour éviter qu'on parvienne à la refermer sinon pour éviter qu'on ne la verrouille dans son dos... Ultime précaution et pas des moindres, il chercherait à sonder la hauteur du trou.

Lorsqu'il souleva la trappe, il sentit un léger picotement dans sa main, ténu... Il eut le temps d'entrapercevoir, au-dessous de lui, la pièce qu'il avait découverte près d'un mois auparavant, celle où se trouvaient les deux tapis fais de peaux de bête, vers lesquels descendaient des marches en colimaçon... puis ce fut subitement l'obscurité totale autour de lui : il n'y voyait goutte.
" Nous vous attendions, fit une voix au-dessus de lui. Descendez donc jusqu'au bout... à tâtons, vous devriez y arriver."

Il s'était bel et bien fait piégé... Comme un débutant qui plus était : la trappe avait été piégée et il avait été trop stupide pour l'anticiper. Il avait déjà eu affaire à ce sortilège des plus angoissants, autrefois dans les montagnes. Une autre vie. Mais il avait alors été soutenu par une alliée alors qu'il était désormais seul face à des ennemis impitoyables.

Sentant la colère monter en lui, il tenta de la museler. Car s'il avait perdu l'usage de ses yeux, il était plus que jamais temps de se servir de sa raison et de ses autres sens. En commençant par tenter de localiser l'ennemi au son ou d'en apprendre le plus de choses :

- Et pourquoi vous obéirais-je ? Vous qui êtes trop lâches pour m'affronter sans vous cacher comme des mulots ?

" Il s'agit simplement d'être à égalité, répliqua la voix, péremptoire. Vous voyez dans l'obscurité ordinaire. Les humains, eux, ne le peuvent pas."
L'inconnu était au-dessus de lui, à l'extérieur peut-être? Mais il n'avait rien détecté avant de descendre. Il se pouvait aussi qu'il soit à l'intérieur, juste au départ de l'escalier, dans une cavité dissimulée jusque-là à ses sens.
" Mais vous n'avez pas d'autre choix que de descendre. Nous avons un otage. Et on vous attend en bas."

Sa tactique semblait donner de premiers fruits : ses adversaires étaient donc humains et surtout ils prétendaient détenir un otage. Se pouvait-il qu'il s'agisse du garçon disparu comme le suggéraient les apparences ? Il savait qu'il ne pouvait pas vraiment tergiverser sous peine de devoir en payer le prix mais il répondit tout de même avec une certaine morgue : que les malarites en déduisent ce qu'il voudraient :

- A égalité ? Les malarites ont décidément une vision déformée de la réalité à ce que je vois : deux contre un, sur votre terrain et avec un otage que vous n'hésiterez pas à tuer si je parviens malgré tout à vous menacer... Et qu'est-ce qui me prouve d'ailleurs que cet otage est encore en vie ?

Il n'espérait rien d'autre que confirmer ses hypothèses, notamment en ce qui concernait le nombre de ses ennemis et l'identité de ce fameux otage.

" Hum... Vous croyez vraiment que nous ne sommes que deux ?"
Il y eut des rires, en bas. Plusieurs. Mais il ne put savoir s'ils étaient deux, trois, ou davantage...
" Le gosse sera libéré. Il n'est pas une proie valable. Tout juste un appât. Vous, en revanche... Vous convenez parfaitement pour notre Grande Chasse."
Au-dessus de lui, il entendit le mouvement de la pierre sur la pierre. Le couvercle rocheux se refermait.

Le point positif était qu’il avait obtenu ce qu’il cherchait à savoir : la mention de Grande Chasse confirmait son hypothèse quant à l’allégeance de ses ennemis et il savait désormais qu’il aurait affaire à au moins quatre adversaires et probablement pas plus d’une demi-douzaine.

Mais cela ne contribuait en rien à le rassurer sur la situation qui était maintenant la sienne : il se retrouvait piégé et sans aucun moyen d’avertir Sylvia ou les villageois : même Première Neige ne se risquerait certainement pas à approcher de Peyregorde à cause des risques que cela comportait pour sa propre sécurité. Non, il était seul et aveugle, face à un ennemi de beaucoup supérieur en nombre et sur un terrain qu’il connaissait probablement parfaitement contrairement à lui.

- Vous parlez d’une Grande Chasse ? Les exercices que l’on confie à nos jeunes débutants représentent plus de défi que ce simulacre… Votre maître dégénéré doit bien se rire de vous si tant est qu’il accorde la moindre attention à vos jeux pathétiques.

Il avança néanmoins dans l’escalier en se fiant au bref aperçu qu’il en avait eu avant de perdre la vue.

Ni son interlocuteur, ni ses comparses se trouvant au bas de l'escalier, ne réagirent à sa tirade. L'un d'eux se mit à psalmodier, brièvement, en louange au Seigneur Bestial.
" L'un des nôtres emmène l'enfant au pied de l'éminence, à côté du trou dans lequel vous étiez tombé. Il fait presque nuit, dehors, et la forêt regorge de dangers, comme vous le savez. Il serait sage que vous demandiez à votre familier de le raccompagner jusqu'à des lieux plus... civilisés. Bien sûr, s'il s'avérait que votre louve attaque notre ami, vous seriez immédiatement tué. Et nous serions contraints de chercher une autre proie."
La voix venait cette fois-ci d'en-dessous, mais assez loin du pied de l'escalier. Il se souvenait vaguement que l'escalier était à l'une des extrémités de la salle, que six couloirs y donnaient, rejoignant un couloir circulaire où se trouvait un escalier menant aux niveaux inférieurs.

Kasumi aurait été bien tenté de prononcer lui aussi une prière à l'adresse de la Dame de la forêt mais ça aurait été presque sacrilège de le faire en un endroit aussi vicié et il ne voulait surtout pas donner l'impression de céder à la peur ou même à la panique.

Au lieu de cela, il chercha à contacter Première Neige pour lui faire part de ses consignes : se rendre à l'endroit du rendez-vous qu'il visualisa parfaitement, protéger l'enfant humain et l'escorter jusqu'à la cabane et ne surtout pas se montrer au malarite...

Il ne consentit pas l'effort de répondre à celui qui lui avait livré ces instructions, préférant tenter de se remémorer la configuration des lieux qu'il avait explorés de long en large mais il y avait de cela bien des jours déjà.

Il revoyait assez nettement la pièce centrale avec les six couloirs équitablement répartis, et l'escalier montant vers la trappe, tout au bout, là où il se trouvait. Le premier couloir ne devait pas être très loin,sur sa droite. Les six galeries menaient toutes à une galerie circulaire. Quelque part, presque à l'opposé, un escalier menait vers l'étage en-dessous. et là, il y avait davantage de galeries, certaines étroites, d'autres larges, qui se croisaient... c'était nettement plus flou dans sa mémoire. Il y avait au niveau du dessous deux puits par lesquels il ne pourrait sortir sans aide. Et un autre, moins profond, dont il était sorti l'autre fois en se bricolant une corde avec ses vêtements.
" Une fois que notre compagnon nous aura signifié que l'enfant est parti avec votre louve, vous serez libre de vos mouvements. Vous pouvez demander à revêtir une armure, ou nous pouvons vous fournir des armes si vous n'en avez pas... ou quoi que ce soit d'autre. Nous vous laisserons un peu d'avance, le temps de prier... Puis nous nous mettrons en chasse. La règle est la suivante : si vous parvenez à survivre une nuit et une journée complète, alors la chasse sera terminée, et, de surcroît, vous pourrez faire à notre chef une requête, celle que vous voulez. Si c'est en son pouvoir... et bien sûr cela exclut le meurtre de l'un des nôtres."
Le ton était docte, comme celui d'un professeur expliquant un exercice à un élève.

Heureusement, il portait son armure de cuir et ses épées car il se serait méfié de tout ce que ces dégénérés homicides auraient pu lui fournir s'il avait été contraint à en demander. Quant aux autres termes de la "chasse", il comptait bien envoyer tous ses prédateurs dans la tombe au cours de la nuit.

Mais c'était sans doute illusoire tant qu'il n'avait aucun moyen de voir. Il lui fallait trouver une stratégie moins ambitieuse le temps d'aviser... Le sortilège serait-il permanent ou devait-il commencer par chercher à gagner du temps en se cachant à un endroit qu'il pourrait défendre même contre plus d'un adversaire ? Il chercha aussi à se remémorer les endroits où il pourrait trouver des objets utiles dans le complexe. A commencer par du gravier ou de petite pierres qui trahiraient la progression de ses ennemis.

Pour l'heure, tout ce qu'il pouvait faire était de retenir le son des voix qu'il avait perçues, celles de ceux qu'il devrait abattre en priorité. Particulièrement la première qui avait de bonnes chances d'appartenir au chef en question.

Kasumi eût beau se creuser la tête, il ne se souvenait pas d'objet marquant. La plupart des galeries étaient creusées à même le roc, ne conservant aucune empreinte. Elles étaient en bon état, il ne se souvenait pas particulièrement avoir vu de gravier. Il était facile d'y avancer silencieusement, et si bruit il y avait, il serait répercuté par les roches et difficile à localiser.
" De même, la chasse sera terminée si vous parvenez à sortir du territoire de chasse avant le coucher du soleil demain, poursuivit l'homme. Et celui-ci ne se limite pas au réseau de galeries dans lequel vous vous trouvez. Il est très peu probable que vous parveniez à en sortir vivant, mais si vous y parvenez, sachez que le terrain de chasse s'étend à l'est jusqu'au fleuve, à l'ouest jusqu'à la lisière de la forêt, au sud, jusqu'au niveau du sentier où nous avons capturé l'enfant -il y a une sente de cervidés qui le relie au cercle de pierre qui se trouve au bord du fleuve. Et au nord, la limite sera à la hauteur de la résurgence empoisonnée que vous connaissez bien..."

Il mémorisa ces éléments à tout hasard même s'il ne doutait pas un seul instant qu'ils étaient destinés à entretenir une illusion d'espoir chez les victimes et que s'aventurer au dehors serait redonner un avantage énorme aux humains qui ne seraient alors plus handicapés par la pénombre des tunnels alors que lui-même souffrirait toujours de sa cécité.

De toute façon, tout ceci était un jeu de dupe : le terrain de chasse n'avait pas de limites ni dans l'espace ni dans le temps : tant qu'il ne serait pas mort, lui ou l'ensemble de la secte, le combat continuerait. Un combat sans merci, sans règle, sans pitié. Il se garda bien de le verbaliser toutefois. Il se garda d'ailleurs de la moindre parole : il n'épuiserait pas sa force mentale en vaines palabres et ne donnerait pas ce plaisir à ces fous !

" Avez-vous une requête à formuler avant que le rituel ne commence ? Besoin de quelque chose ?"
La voix était tout ce qu'il y a de plus polie, mais d'une froideur totale. Il avait du mal à évaluer combien d'hommes se trouvaient là. Il y avait la voix qui lui parlait, celle qui psalmodiait, les deux se trouvant à quelques mètres devant lui. Il lui semblait deviner une présence, au moins, plus à droite, et une autre davantage à gauche. Et pouvait-il y avoir des hommes en embuscade dans le réseau de galeries ?

Il fallait se rendre à l’évidence : il n’avait que très peu de chances de survivre à cette nuit – sinon aux premières minutes – dans les conditions qui lui étaient imposées.

Kasumi s’efforça donc de ne pas penser à Sylvia qu’il allait laisser en arrière, à tous leurs projets, à l’enfant à naître et au Bosquet qu’il avait entrepris de ressusciter mais qui dépérirait sans doute sans ses soins. Non, il ne devait surtout pas penser à tout cela sous peine de sombrer dans le désespoir.

Alors, pour tenter de mieux y parvenir et peut-être les pousser à quelque imprudence, il répondit à la voix indistincte d’un ton glacial :

- J’ai une requête et une question, oui. Ma requête : que vous alliez tous prendre un bain dans la résurgence car cela améliorerait considérablement votre odeur actuelle. Ma question : que devrais-je inscrire sur vos tombes quand j’en aurai fini avec vous ?

Un rire froid lui répondit.
" Quelle arrogance ! Sachez que jusqu'à aujourd'hui, aucune victime de nos grandes chasses n'a su nous échapper ! Mais je peux vous promettre d'exposer votre cadavre à la résurgence... une fois que nous aurons bu votre sang comme le veux la coutume..."
Kasumi sentit un frôlement dans son esprit : un contact de sa louve, l'informant qu'elle avait rejoint l'enfant et qu'il la suivait. Un cor de chasse se fit entendre au-dehors, quelques instants plus tard. Un son bref.
" Nous allons maintenant prier le Seigneur des Bêtes. Vous disposez de quelques minutes avant que la chasse commence, annonça alors le malarite. " Vous êtes libre d'en faire ce que bon vous semble... et libre de vos mouvements, bien entendu.

Dix minutes. Même s'il ne se faisait aucune illusion - comment ne serait-ce que parvenir à se repérer dans ce dédale alors qu'il était privé de vue et qu'il ne pourrait pas compter sur son ouïe pour entendre le danger approcher ? - il entendait bien profiter de ce laps de temps pour s'éloigner de la salle centrale et aussi adresser une courte prière à sa déesse.

Non pas pour lui-même mais bien pour tout ce qu'il allait laisser derrière lui à commencer par Sylvia. La rôdeuse était forte mais le choc risquait néanmoins d'être trop difficile à encaisser alors qu'ils venaient tout juste de se retrouver, alors que le bonheur avait été à deux doigts de leur tendre les bras, alors qu'elle était fragilisée nerveusement et physiquement par son état.

Le demi-elfe pressa le pas en recherchant l'un des couloirs latéraux pour tenter d'atteindre un endroit où il pourrait se défendre sans être irrémédiablement acculé : s'il n'espérait pas survivre à la nuit, il entendait bien emporter avec lui le maximum de ses ennemis et en libérer cette région où il avait voulu s'installer.

Il fit quelques pas, la main droite le long du mur, dans l'obscurité totale, et sentit rapidement le vide indiquant le début d'un embranchement. Le couloir était un peu bas de plafond -il manqua se cogner la tête- mais suffisamment large, apparemment, pour que deux personnes puissent se croiser.
Il put faire deux ou trois pas dans le couloir... et sortit subitement de la zone d'obscurité. Il faisait noir, certes, mais il y voyait suffisamment pour ne pas se cogner et repérer les prochains embranchements, grâce à sa vision elfique. Derrière lui, la zone d'obscurité totale subsistait. Mais il n'était pas aveugle, contrairement à ce qu'il avait cru. Il s'agissait simplement d'un sort agissant sur une large zone.
Quelques mètres plus loin, il pourrait rejoindre le long couloir circulaire.

Il fut soulagé de cette découverte mais c'était sans doute là un artifice supplémentaire mis en place par les malarites pour lui faire baisser sa garde. Il se garda bien de le faire mais puisa tout de même une certaine motivation dans l'idée qu'il aurait peut-être les moyens de se défendre. Pas contre de nouveaux sorts dont devaient être bardé certains des chasseurs bien sûr mais il pourrait au moins lutter contre les autres et prouver à ces séides du mal et du chaos qu'il n'était pas dépourvu de certains talents.

Mais cela ne servait qu'à lui faire perdre un temps précieux que de faire de tels plans. Pour l'heure, il avait l'intention de se diriger vers le niveau inférieur où il serait moins exposé pour se battre que dans ces larges tunnels. Et se diriger loin de la sortie où la plupart de ses ennemis se précipiteraient pour le chercher et le bloquer n'était pas forcément une mauvaise idée. S'il devait tenter une sortie plus tard, il attendrait d'avoir affaibli ou quelque peu dispersé les chasseurs.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Peyregorde