La Couronne de Cuivre

" Hum... Tant qu'il n'a pas déposé sa plainte, il ne peut pas t'imposer de rester en ville, donc m'est avis qu'il va la déposer dès aujourd'hui pour ne pas risquer que tu sois déjà parti. Ensuite, un juge sera très vite désigné, dans les trois jours au maximum je pense. Mais je prendrai contact dès aujourd'hui avec un avocat, pour ne pas perdre de temps. Il fera les démarches à ta place, saura le nom du juge avant même qu'on te l'ai notifié par écrit, pourra le rencontrer, déposer une requête en ton nom pour que tu puisses quitter la ville... Peut-être que le juge voudra t'entendre une fois, mais ce n'est même pas certain."
Sur ces derniers mots, Elryndel lui servit à boire, un vin doux au goût de noix et de miel.
" Allez, ne te fais pas de souci, vraiment. Oublie tout ça pendant deux ou trois jours, jusqu'à ce qu'on ait du nouveau. Et goûte un peu ce vin de noix, tu m'en diras des nouvelles !"
A l'autre bout de la table, les conversations avaient cessé à son entrée, et ses cousines, tantes et grand-oncle semblaient un peu embarrassés d'assister à une discussion qui ne les concernait pas. Leur regard brillait de curiosité, mais ils eurent la politesse de ne pas poser de question. La dernière phrase d'Elryndel fut comme un signal de reprise des discussions, et un joyeux brouhaha s'installa bientôt.

Kasumi fut soulagé de ne plus être au centre de l'attention et goûta avec plaisir au vin servi par son père. Il y trempa les lèvres, prit le temps d'apprécier une gorgée puis s'exclama avec sincérité :

- Délicieux ! J'avais oublié combien Everaska recèle de merveilles ! Et je vais tâcher de profiter de ces quelques jours de vacances puis on avisera.

Il ne voulait pas insister sur le fait qu'il s'était engagé à rentrer en Haute-Forêt dans les jours prochains mais il tâcha de le laisser transparaître dans un regard rassurant destinée à sa voisine de table.

Sylvia, en effet, s'était visiblement renfrognée à la mention de l'interdiction probable de quitter la ville. Elle se détendit quelque peu en entendant le discours rassurant d'Elryndel, et tenta bravement de sourire en réponse au regard de Kasumi. Mais il devinait l'inquiétude dans ses yeux.
Elle ne dit rien, cependant, se contentant de grignoter en silence -et sans beaucoup d'appétit- quelques biscuits salés.

On amena bien vite la suite : bols de crudités, mélanges de sucré et de salé, salades et fruits mêlés, il y en avait pour tous les goûts. Un immense plat contenant de petits morceaux de viande émincés, accompagné de légumes et d'une sauce aigre-douce aux épices inconnues suivit. L'ensemble était véritablement délicieux, même si les elfes, habitués sans doute à ce genre de cuisine, engloutissaient leur assiette sans vraiment y faire attention.
Geoffray et Iris, quant à eux, ne tarissaient pas d'éloge. Et Sylvia n'avait pas autant d'appétit que d'ordinaire, du moins c'est ce qu'il semblait à Kasumi.

Kasumi pensait connaître la cause de son trouble et promit de tenter d'en discuter un peu avec elle après le repas : maintenant que les choses rentraient un peu dans l'ordre, il était tout naturel qu'ils puissent se mettre d'accord sur les sujets qu'ils avaient repoussés. Malgré le repas des plus appétissants, son appétit s'en ressenti par compassion envers Sylvia. Il lui avait déjà demandé de gros efforts et cette impossibilité de quitter ce monde de citadins étrangers devait lui peser lourdement à force. Il s'efforça également de participer aux conversations de ses voisins pour ne pas peser davantage sur l'ambiance mais il était évident qu'il n'y mettait pas vraiment d'enthousiasme.

Ce fut Geoffray qui s'efforça, le plus, d'amener un peu de légèreté dans la conversation. Tilmandil s'était installé près de leurs cousines, désireux sans doute de faire un peu connaissance : elles repartaient le lendemain matin et il voulait profiter certainement du peu de temps partagé. Mais le jeune diplomate avait presque autant de bagout que le barde, même s'il n'avait pas son humour, et petit à petit, il parvint à orienter la conversation vers d'autres sujets : leur vie à Eauprofonde, des questions sur Hélonna, les bonheurs et malheurs de la vie de père... et ce fut d'ailleurs le petit Tom qui parvint à dérider Sylvia, en s'installant d'autorité sur ses genoux pour jouer avec elle. Kasumi vit ses yeux sourire à nouveau et elle se remit à participer à la conversation comme le dessert arrivait enfin : une tarte aux pommes, à la crème et à la cannelle...
" Et sinon, quel est le programme pour cet après-midi?, finit par questionner Geoffray.

Kasumi jetait de fréquents regards attendris vers sa compagne apparemment très à son aise avec les enfants. Décidément, Sylvia serait certainement une mère épanouie et il ne pouvait que s'en réjouir et espérer que cet heureux événement qu'elle attendait depuis tant d'années puisse enfin se concrétiser. La légèreté des sujets abordés par Geoffray finit cependant par le ramener davantage dans la dynamique de groupe et il avait retrouvé tout son allant quand son ami diplomate aborda la question du programme à venir :

- Il faut juste que je passe faire des achats à une boutique que Riniel m'a recommandé puis j'avais dans l'idée de t'amener dans une autre mais c'est un secret qui devra resté entre nous. Et après ce sera selon tes envies jusqu'à quatre heures où nous retrouverons ces dames à la taverne.

Sylvia, qui n'avait pas perdu une miette de l'échange, rit joyeusement.
" Comment ça, un secret ? Alors, en fait, ça t'arrange que je reste ici avec Iris, c'est ça ? Espèce de cachottier... et moi qui avait peur de te manquer, que tu imagines que je t'abandonne... En fait tu avais tout combiné pour que je ne t'accompagne pas en ville !"
Elle secoua la tête, et poussa un soupir aussi exagéré que l'aurait fait Tilmandil.
" Ah, les hommes et leurs manigances...
- Hum... Qu'est-ce que tu m'offres pour que je te dévoile tout de leur programme ? questionna ingénument Tilmandil. N'oublie pas que je suis sensé les accompagner...
- Ah oui, c'est vrai... et bien... on négociera ça en privé, qu'en dis-tu ?
- Ca me va !" répartit Tilmandil.
La lueur dans leurs yeux indiquait clairement qu'il s'agissait d'une plaisanterie.

Kasumi était satisfait d’avoir obtenu l’effet qu’il avait recherché auprès de Sylvia et lui rendit son sourire ingénu avant de riposter en prenant Tilmandil à témoin :

- Non, mais je m’adapte à la situation puisque vous ne pouvez pas venir, Iris et toi. Mais méfies-toi, Tilmandil ! Je sais pouvoir compter sur la discrétion d’un diplomate mais si j’ai des doutes au sujet de mon propre frère, je pourrais renoncer à faire appel à ton expertise ! Parce que je comptais bien sur toi aussi mais j’ai soudain un énorme doute…

Son clin d’œil montrait qu’il n’en pensait pas un mot et qu’il savait pouvoir conserver son petit secret et la part de mystère qui l’entourait.

" Hum... Il faudra que je voie où est mon intérêt... garder ton secret ou le révéler... On verra, on verra... de toute façon, je suis certain que tu sauras trouver les arguments pour me convaincre de tenir ma langue si jamais j'étais tenté, au dernier moment, de trop en dire !
- Moi aussi j'aurai des arguments, lança Sylvia.
- Oui mais... il manque, dans ton cas, la solidarité familiale, la solidarité masculine... non, il a une longueur d'avance sur toi !"
Tandis qu'ils devisaient gaiement, on amena une infusion pour clore le repas, et même un petit verre d'alcool fort. Elryndel discutait avec sa soeur perdue de vue depuis des années, et les cousines s'étaient approchées, elles aussi, pour connaître cet oncle inconnu. Elvilith et son frère ne semblaient pas avoir grand-chose à se dire, se contentant d'écouter la conversation des autres. Le grand-oncle avait davantage d'affinité avec galawen, apparemment.
Mais l'heure avançait et iris se leva pour aller coucher Tom, marquant le signal de la fin du repas.

Kasumi avait opté pour l'infusion plutôt que pour l'alcool cette fois, signe qu'il s'était finalement bien remis de son entrevue matinale. Il se tourna vers ses futurs complices pour la première partie de l'après-midi et leur annonça qu'il les retrouverait dix minutes plus tard dans le salon. Dans l'intervalle, il avait l'intention de récupérer son sac dans sa chambre et le reste du pécule qu'il avait emporté pour son voyage. Il espérait que cela pourrait suffire à couvrir les dépenses qu'il avait en tête.

Sylvia, de son côté, avait accompagné Iris qui montait coucher Tom. Mais elle fut de retour au moment même où Kasumi s'apprêtait à prendre ses affaires.
" Elle a besoin de calme pour l'endormir... Je vais l'attendre en bas," expliqua-t-elle.
Il était manifeste qu'elle cherchait aussi, par la même occasion, à voir ce que Kasumi s'apprêtait à emporter. En vain... Elle lui emboîta le pas pour redescendre, lui prenant tendrement la main, profitant de ces quelques instants d'intimité. Elle lui vola un dernier baiser avant de le laisser rejoindre Tilmandil et Geoffray.
" On vous rejoint au bar où on s'était retrouvé l'autre fois, après la commanderie ? Ou tu préfères la pâtisserie de l'ami de ta grand-mère ?"

Kasumi fut ravi de la démarche de Sylvia et de ses marques d'affection mais il se garda bien de lui révéler ce qu'il comptait faire. Il était bien trop tôt pour cela...

- Plutôt au bar : on y sera plus à l'aise je crois. Et promis : on sera sage ! Enfin, je ne peux rien promettre pour Tilmandil bien sûr mais je surveillerai Geoffray !

Sur cette touche de bonne humeur, il lui vola un nouveau baiser à son tour avant de rejoindre les autres au salon.

Tilmandil et Geoffray étaient déjà prêts à partir.
" Par quoi voulez-vous commencer ? questionna Tilmandil. Par tes courses, peut-être, Kasumi, pour avoir le temps de visiter ensuite tranquillement la ville ?
- Ca me semble bien, répondit Geoffray. Tu voulais aller où exactement, Kasumi ? Tu peux le dire maintenant qu'il n'y a plus d'oreilles indiscrètes...
- Sauf moi, compéta joyeusement Tilmandil.

Puisqu'ils n'avaient pas encore quitté le domaine, le demi-elfe prit la précaution de se retourner pour éviter d'être entendu par un éventuel espion. Mais c'était bien davantage un jeu qu'une réelle inquiétude :

- Si cela ne vous ennuie pas de commencer par mes courses, je voulais passer dans une boutique qui vend des instruments pour artistes que m'a recommandé Riniel. Et ensuite, j'avais dans l'idée de me rendre chez un bijoutier. Tilmandil, je suis certain que tu saurais m'en conseiller un qui ne soit pas trop inabordable...

Tilmandil le fixa d'un oeil faussement outré.
" Ah mais tu veux rire ! je ne connais que des bijoutiers au sommet de leur art, ce qui implique qu'ils sont forcément hors de prix ! Tu ne voudrais tout de même pas te contenter d'un vulgaire bijou de contrefaçon ? Non, il te faut le meilleur bijoutier de la ville... enfin... si ton objectif est bien de lui faire une demande en mariage dans les règles, avec bague et tout le tintouin...
- Quoi, c'est ça que tu comptais acheter ?", questionna Geoffray, éberlué. Quel cachottier tu fais..."

Kasumi changea aussitôt de teint et il rendit un regard timide à ses deux compagnons, s'adressant surtout à son demi-frère :

- Ce n'est quand même pas papa qui t'en a parlé ? Non... mais c'est si évident que ça ?

Il marqua une pause puis ajouta d'un ton encore plus embarrassé :

- Mais j'ai bien peur de n'avoir pas des fonds illimités...

Tiilmandil rit joyeusement.
" Voyons, tu devrais savoir qu'un barde, ça devine tout ! Non, sérieusement... je lançais un ballon d'essai, un peu au hasard, pour voir ta réaction. Et je suis tombé juste apparemment ! Mais donc... il te faut un bijoutier pas trop hors de prix. Donc je ne t'enverrai pas chez les artistes bijoutiers les plus réputés d'Everaska. Ce serait vraiment inaccessible. Mais dis-moi, tu cherches quel genre de bague ? Je connais un spécialiste du travail de l'or, un autre qui fait surtout de l'argent, un autre qui est réputé pour savoir tailler les diamants... Ils ont un peu tous les prix, tu devrais trouver ton bonheur..."

Kasumi se redressa pour croiser le regard de ses deux conseillers improvisés, espérant sincèrement qu'ils puissent lui apporter leur aide avisée :

- Je ne sais pas trop... J'aurais voulu quelque-chose qui puisse éventuellement lui rappeler la forêt à laquelle elle est tant attachée. Je ne sais que c'est pas très commun alors je m'en remets à vos avis ! Peut-être aussi une émeraude pour s'accorder avec ses yeux.

" L'émeraude rappellera aussi bien la forêt que ses yeux..., fit tilmandil
- Il y a aussi l'ambre, pour la forêt.
- Non, ça n'est pas assez précieux pour une bague de fiançailles...
- Moi je n'ai pas fait dans l'originalité, j'avais pris un diamant... Il y a aussi l'agathe, sinon, qui est verte.
- Ecoute, on demandera conseil au vendeur, il doit avoir l'habitude. Et puis, les pierres ont leur symbolique, aussi, je crois... Bref. On va aller chez le spécialiste des pierres... et en plus ça n'est pas très loin du magasin où se fournit Riniel.
- Tu veux devenir peintre ?"

Le rôdeur répondit par un acquiescement enthousiaste et reconnaissant à l'excellente proposition de Tilmandil. Il espérait simplement que le vendeur se montrerait aussi compréhensif de ses demandes peu coutumières et que les prix resteraient dans ses moyens - une centaine de pièces d'or en comptant qu'il n'aurait plus guère de frais de voyage, ce qui n'était pas gagné. Mais comme il restait un peu de chemin à parcourir, il se fit un plaisir de satisfaire la curiosité de Geoffray. Le diplomate ne pouvait pas avoir entendu parler de son talent pour le travail du bois, après tout :

- Non mais je sculpte un peu. Et Sylvia m'a demandé un travail qui nécessite des outils un peu plus fins que ceux que j'emploie d'habitude.

" D'accord, acquiesça Geoffray. Mais... tu sais que j'aimerais bien voir une de tes œuvres un jour ? Enfin, si c'est pas trop indiscret...
- Il est très doué ! vanta Tilmandil.
- Je suis vraiment curieux de voir ça...
- Écoute, je te montrerai en rentrant celle qu'il m'a faite... Mais allons-y, maintenant, sinon nous serons encore ici à bavarder quand Tom se réveillera !"

Le bijoutier que Tilmandil connaissait était à l'autre bout de la ville, assez loin de la taverne où ils avaient rendez-vous. Lorsqu'ils arrivèrent, il était occupé avec une cliente, une femme de milieu aisé apparemment, choisissant des boucles d'oreilles pour sa fille, une jeune elfe dont Kasumi aurait été bien en peine de deviner l'âge. L'artisan était un elfe d'âge mûr, aux longs cheveux noirs et au teint pâle. il leur indiqua, avec un sourire, qu'ils pouvaient explorer la boutique pendant qu'il terminait.
Il y avait là des pierres de toute taille, de toute forme, montées en pendentif, en boucles d'oreille, en bagues, réunies en bracelets ou colliers. Au fond de la pièce se trouvait son atelier, avec des outils de taille plus fins que Kasumi n'en avait jamais vu -et encore moins utilisé.

Le demi-elfe n'était jamais entré dans un tel endroit et voir toutes ces richesses était assurément intimidant. D'autant plus que la précédente cliente semblait dotée de moyens qui surpassaient largement les siens, à n'en pas douter.

Et pourtant, le regard du rôdeur fut attiré vers certains des bijoux, les bagues en premier lieu. Il en admira la finition en se demandant si la sculpture seule pouvait permettre de créer des ensembles aussi parfaits de subtilité. Probablement pas. En tous cas, il avait réellement affaire à un maître-artisan. Alors qu'il s'approchait quelque peu timidement, son attention fut captivée par une série de bagues dont l'une était particulière : bien qu'en métal précieux, la structure de son anneau évoquait indéniablement une plante vivante et une petite pierre était soigneusement enchâssée, figurant une petite fleur magnifique. L'objet était merveilleux et Kasumi se dit immédiatement qu'il correspondait à ce qu'il avait imaginé pour Sylvia. Mais il était très certainement hors de prix...

Le commerçant finit par saluer ses deux clientes, leur tendant un minuscule paquet soigneusement enveloppé. Il s'approcha enfin de Kasumi et de ses deux compagnons, l'air affable.
Son regard suivit celui de Kasumi vers la bague évoquant une forme végétale.
" Bonjour, jeunes gens. Puis-je vous renseigner ? Vous semblez particulièrement attiré par les bagues... J'imagine que c'est pour offrir ? Pour une circonstance particulière ? Dites-moi tout..."

Le rôdeur se sentait un peu mal à l’aise et mis à nu dans ce projet si intime mais l’attitude affable du vendeur et son entrée en matière lui permirent de se lancer. A n’en pas douter, l’elfe avait l’habitude de ce genre de situations aussi était-il un peu plus aisé de se confier :

- Bonjour, vous pouvez certainement m’aider en effet. Les circonstances sont en effet particulières : je souhaite offrir une bague de fiançailles à ma compagne…

Il aurait bien précisé que la bague qui avait attiré son attention était exactement le genre d’objets qu’il recherchait mais il craignait qu’une telle œuvre soit tout simplement hors de prix. Autant que ce soit le vendeur qui aborde cette question si délicate.

" Dites-m'en plus... Que recherchez-vous exactement ? J'ai vu que vous regardiez cette bague... Dois-je en déduire que soit vous, soit votre compagne, êtes proche de la nature ? Et... quelle signification voulez-vous donner à votre don ? Le vert représente la vie, de rouge représente le feu, l'or la lumière... Le diamant est un amour éternel, l'émeraude est la fidélité et la fertilité, le rubis est la passion ardente, le saphir la confiance dans l'amour, l'améthyste est la sincérité... Il y a tout cela à prendre en compte. Le support peut être d'or ou d'argent, et sachez que je peux enchasser plusieurs petites pierres, dans une bague, ou une seule plus grosse, comme vous préférez.

Kasumi ignorait que tant de paramètres puissent être pris en compte dans son choix. Sans compter que le demi-elfe aurait été rassuré d'avoir un ordre d'idée des prix pratiqués par le vendeur : il ne voulait pas lui faire perdre son temps pour se rendre compte au final qu'il n'avait pas les moyens d'acheter l'une des bagues ou qu'il devrait se limiter aux plus modestes. Il répondit donc d'un ton plutôt hésitant :

- Nous sommes rôdeurs et très attachés à la forêt, tous les deux. Quant à la signification de ce cadeau... Je voudrais qu'elle sache que ce n'est pas une passion sans lendemain que je recherche et que je voudrais devenir le père de ses enfants.

Cela demandait un gros effort de se confier ainsi à un étranger, qui plus est devant son ami et son frère... Mais si cela pouvait contribuer à faire le meilleur choix possible...

Tilmandil et Geoffray s'étaient reculé légèrement, pour le laisser parler plus à son aise sans doute. Geoffray contemplait certains des bijoux, intéressé. Ou peut-être qu'il faisait semblant.
" Une émeraude serait peut-être la pierre qui vous conviendrait le mieux, dans ce cas. Ou un grenat, aussi, légèrement moins cher que l'émeraude, qui symbolise l'amour durable. Et vous aimeriez que le support soit travaillé un peu comme celui-ci... J'en ai trois autres, un peu dans le même genre, je peux vous les sortir. Et je peux vous faire, sur commande, en quelques jours, à peu près tout ce que vous désirez..."
Il sortit deux autres modèles : l'un, en or, avait la même forme végétale que celui repéré par Kasumi, mais sa pierre était d'ambre, et évoquait une feuille plutôt qu'une fleur. Un autre, en or, évoquait un rameau d'olivier enroulé, portant trois olives en diamant. Le troisième, en argent, évoquait une forme végétale un peu différente de la première, mais portant une fleur de grenat cette fois-ci.
" Je peux changer les pierres, mettre de l'émeraude là où il y a du diamant ou de l'opale... Le diamant est la plus chère des trois pierres et l'ambre la moins chère. Disons que le diamant vous coûterait entre quatre vingt et deux cent pièces d'or selon la taille de la pierre et le travail de l'anneau, cent-cinquante pour celui-ci. L'émeraude, c'est entre trente et cent pièces d'or... cet anneau-ci, par exemple, coûte soixante-cinq pièces d'or. le grenat un peu moins cher encore, l'ambre... vous pouvez l'avoir pour une bonne dizaine de pièces."

Rassuré sur les prix pratiqués - même si ceux-ci étaient très loin d'être anodins - Kasumi admirait la finition de ces œuvres d'art tout en précisant mentalement ses choix. Au final, ce qu'il avait envisagé dès le début semblait être le meilleur compromis.

- Je pense opter pour une émeraude ainsi que pour l'une de ces formes végétales... Cela dit, je n'ai pas de préférence entre l'or et l'argent. Qu'est-ce qui, selon vous ferait ressortit le mieux l'éclat de la pierre ?

Il désigna la première et la dernière qu'il avait vues, les examinant encore un instant avec davantage d'attention.

Le marchand laissa Kasumi observer les bijoux à son aide, et haussa les épaules à sa question.
" Avec l'émeraude, les deux conviennent. L'or la rend plus lumineuse, l'argent fait ressortir sa couleur. Et il existe plusieurs couleurs d'émeraude, aussi, du vert sombre au vert pastel, presque marin. L'or est préférable pour un vert sombre, l'argent convient à toutes les teintes. Et... pensez aussi à votre amie. Si elle a la peau claire des elfes, l'argent est préférable. L'or, au contraire, mettrait en valeur la peau mate de certains humains..."

Kasumi n'avait aucun mal à penser à Sylvia puisqu'elle ne quittait jamais vraiment son esprit. Il sourit au vendeur alors qu'il essayait d'imaginer les deux anneaux à son doigt :

- Je voudrais une émeraude assortie à la couleur de ses yeux. C'est exactement la même que la mienne en réalité. Et ma compagne est rousse. Je crois que l'or lui conviendrait donc le mieux.

Cette décision prise, il posa un regard neuf sur les deux anneaux aux formes végétales et en désigna l'un des deux sans plus hésiter :

- Cet anneau-ci m'évoque deux branches ou deux racines qui s'entremêlent. Je trouve que c'est une belle allégorie au mariage.

La Couronne de Cuivre

[Everaska] Quête: Racines