[Lieu] Temple de Sunie

[Galathée]

Le jeune prêtre fronça ses jolis sourcils et lui désigna la sortie vers les jardins.
" Que diriez-vous d'aller au soleil... et vous me reraconterez tout ça un peu plus lentement... Je ne suis pas sûr de bien comprendre... et si je ne comprends pas bien, je serai un mauvais témoin de la bienveillance de Sunie..."
Il lui offrit son bras.
" De ce que vous m'avez dit, cependant, la malédiction est rompue. Et si elle est rompue, votre ami ne saurait pas en être la continuité. Puis-je vous demander d'où émanait cette malédiction ?"

[Althéa]

Amélie sentit de nouveau les larmes affluer alors que la bulle de chagrin diminuait sous l’influence des paroles apaisantes du clerc de Sunie. Sans trop d'hésitation, elle prit le bras secourable qu'il lui tendait et se laissa guider vers les jardins. De retour au soleil, elle cligna des yeux dans la lumière vive pour en chasser la trace de ses pleurs. Elle avait de la chance, pour le moment son hoquet la laissait miraculeusement en paix. Elle reprit plus calmement.

"La malédiction venait d'ici, du temple du Sunie. Et c'est ici qu'elle a été rompue. A ce moment, personne ne savait que que mon ami existait. Alors, il s'est dit que peut-être. Et la personne prisonnière de cet amour pendant des années, il n'ose pas imaginer ce qu'il a dû ressentir en recevant sa lettre. A ce moment, il ne savait pas. Et je ... il regrette."

[Galathée]

" Je sais de qui vous parlez." dit alors le clerc de Sunie, avec un souci sincère dans le regard.
Il l'avait entraînée jusqu'à un banc, derrière d'impressionnants massifs d'hortensias bleus.
" Votre ami ne devrait pas se sentir coupable d'avoir commis une maladresse, dictée seulement par son désir d'aimer plus. Ni regretter de l'avoir fait. Il ne doit pas non plus penser que parce qu'il a blessé quelqu'un, par inadvertance, la souffrance est éternelle. Je pense qu'elle... qu'il doit surtout se demander d'où vient sa démarche... et si sa démarche vient du coeur... Pourquoi renoncer au premier écueil ?"

[Althéa]

"Elle vient du cœur, oui ..."

La réponse avait fusé, spontanée. Amélie avait repris après un silence.

"Avant que ma mère biologique ne vienne, j'étais heureuse. Bien sûr, je savais que mes parents n'étaient pas véritablement les miens et je faisais semblant de ne rien savoir, même s'ils savaient que je n'étais pas dupe. Peut-être être parce que je pensais qu'il n'y avait plus personne. Et puis elle est venue avec ses secrets et ses silences. Elle est restée trois jours avec moi. Quand je lui ai demandé qui était mon père, elle n'a rien voulu me dire, pour m'épargner sans doute. Et puis elle est morte en emportant avec elle ses secrets. Ce n'est que récemment que j'ai entendu parler de mon père. Les silences sont mortifères vous savez, surtout quand ils sont emplis de chagrin et d'actes manqués. Mon compagnon m'a demandé en mariage il y a peu ... Mais certains liens me manquent pour avancer, une partie de mes racines, une partie de l'histoire. Et peut-être que j'ai peur de trouver de nouveau du vide, peur d'avoir blessé une personne importante pour moi, par la simple raison que je suis là. Et j'ai peur qu'en insistant pour le voir, je ne fasse que retourner le couteau dans la plaie."

[Galathée]

" Et c'est sans doute un peu ce que vous faites, dit le Sunite. Mais ce n'est pas forcément grave."
Il pinça les lèvres.
" Vous avez des parents, qui vous aiment, c'est déjà chose formidable. Ce que vous cherchez... Cette réponse... C'est un besoin de savoir qui vous êtes. Mais dans le fond, ça ne changera rien à qui vous êtes, si vous y réfléchissez bien. L'étincelle de vie, un jour... C'était il y a très longtemps. Cela ne vous définit pas, vous étiez poussière, vous n'avez eu aucune prise sur les événements. Que Sunie ait voulu que quelque chose de beau naisse d'une malédiction, par contre, cela signifie quelque chose. Pour moi, c'est comme si la déesse avait voulu s'excuser d'être la source de souffrances, elle qui n'est qu'amour et beauté. Et vous êtes capable de voir en quoi il y a de la beauté dans cette situation, de la beauté potentielle, à venir... Votre père le peut moins. Je pense que vous pouvez le lui montrer... mais vous devez aussi accepter que vous avez déjà des parents et que quoi qu'il puisse devenir pour vous, il ne sera jamais vraiment votre père. Ce qui, à nouveau, n'est pas forcément grave."

[Althéa]

Amélie resta un moment silencieuse pour assimiler les paroles du clercs. Elle n'avait pas envisagé la situation sous cet angle et cette perspective la rassura.

"Vous avez raison. Même si je me demande toujours si c'est une bonne idée de chercher à le voir, surtout maintenant que je sais ce qu'il en est pour lui. Vous avez dit que vous saviez de quoi je parlais. Etiez-vous là quand la malédiction a été levée ? Est-ce que vous le connaissez ?"

Depuis qu'elle connaissait son existence, elle l'avait imaginé de bien des manières différentes. Un portrait parcellaire sûrement bien loin de sa réalité. A cette image floue se superposa sans mal l'image de son "papa". Grand, en bedaine et en barbe, le plus souvent hilare. C'était lui qui lui avait appris chacune des ficelles de son métier. Le "magicien" qui faisait naître les fragiles bulles de verre en soufflant. Lui aussi qui avait insisté pour rajouter "Et fille" à son enseigne. Lui enfin qui lui avait demandé d'effectuer le voyage jusqu'à Luménis afin de sélectionner les meilleurs pigments, une marque de confiance absolue. Tout en sachant qu'il lui offrait un prétexte pour partir à la recherche de son père véritable. Elle l'avait vu dissimuler ses larmes lorsqu'elle était partie. Elle se rendit compte à quel point cela avait dû être difficile. Elle décida que lorsqu'elle rentrerait, quoi qu'il se passe, elle lui dirait à quel point il était important.

[Galathée]

" Oui, je le connais. Tout le monde le connait, à Luménis, au moins de vue. Mais les cultes de Tymora et de Sunie sont amis, en nos murs. L'ombre du soleil est pesante et il faut se serrer les coudes pour s'épanouir dans la lumière sans brûler. Mais je n'étais pas présent lors de la rupture de la malédiction : c'était chose privée et j'en sais désormais beaucoup plus, puisque je vous connais, vous. Mais nous ne sommes pas de la même génération, lui et moi. Il est à Eredhun, on vous l'a peut-être dit ? Je ne sais pas s'il a l'intention de revenir à Luménis, et quand. Les Tymorans en sauront davantage... si vous décidez de le retrouver."

[Althéa]

"Eredhun ...Non, je ne savais pas. Et ce n'est pas tout près si je me souviens bien."

Amélie hésita d'autant plus. Il n'était pas en ville. C'était peut-être le signe qu'il ne fallait pas le suivre plus loin.

"Je ne sais pas ... Vous qui le connaissez, qui connaissez notre histoire, qu'auriez-vous fait à ma place ?"

Elle se sentait totalement perdue.

[Galathée]

Il écarquilla les yeux et lui prit la main.
" Dame, je ne vous connais pas. Je le connais à peine, et pas dans ce contexte. Je pense que votre envie de le rencontrer est bien naturelle. Eredhun est à une dizaine de jours à la voile... Evidemment... Votre promis doit se languir de vous... Je ne sais que vous conseiller. Vous seule savez si vous pourrez remiser ces questions... ou si elles vous hanteront. Elles me hanteraient, j'aurais la sensation d'avoir renoncé alors que j'étais près du but, mais je suis Sunite, et nous ne sommes pas des êtres qui se plient aisément à la raison."

[Althéa]

"Dix jours à la voile. C'est loin ... Mais pas tant que ça."

Marvin savait déjà qu'elle s'apprêtait à passer un long moment à Luménis. Totalement casanier, il avait les voyages en horreur alors qu'elle ne perdait jamais une occasion de changer d'horizon. Au fil du temps, ils avaient trouvé un équilibre. Elle s'absentait moins souvent et il lui arrivait de quitter l'abri de sa tour de mage pour venir la voir. Cette fois, Luménis était trop éloignée mais ils savaient tous les deux à quel point ce périple était nécessaire.

Quelque peu rassérénée, elle sourit au beau clerc de Sunie.

"Après tout, les Lliirians ne sont pas connus pour notre bon sens non plus. Et je crois qu'il faut refermer cette boucle."

Restait à savoir si Angèle voudrait l'accompagner. Sans elle, elle n'était pas sûre de trouver la force d'aller là-bas. Angèle dans la vie de laquelle elle avait fait irruption sans crier gare. Angèle qui avait pris sur elle pour tout lui raconter qu'elle avait abandonné au milieu d'un petit-déjeuner auquel elle n'avait pas touché et qui, telle qu'elle connaissait devait se faire un sang d'encre. Elle se sentit coupable pour le coup.

"Et je crois que j'ai de la chance, j'ai le meilleur des chaperons qui m'accompagne. Vous la connaissez peut-être, c'est elle qui a levé la malédiction."

[Galathée]

" Ça me dit vaguement quelque chose... une grande femme un peu... revêche, non ?"
Il grimaça.
" Mais c'est évidemment mieux pour un chaperon..."
Il fronça les sourcils.
" Ça me revient ! C'était la bonne amie de Soren. Oui, oui, je vois maintenant, très bien."

[Althéa]

"Revêche ..."

Le mot avait fait sourciller Amélie. Mais elle dut reconnaître que même si elle avait appris à voir derrière la carapace glaciale, c'est ce qu'elle était. Du moins pour ceux qui s'arrêtaient à la barrière.

"Mais quand on a apprend à la connaître, ou à l'apprivoiser avec du thé c'est quelqu'un d'extrêmement gentil."

La suite la laissa stupéfaite.

"La bonne amie de Soren ?"

Dans sa tête, elle entendit raisonner la phrase fétiche d'Angèle comme quoi "elle ne voulait rien savoir".

[Galathée]

Le Sunite gloussa.
" Diantre, il semblerait que j'ai trahi un secret d'alcôve ! Ahum. Oubliez ça."
Il paraissait peu désolé, en réalité.
" Soren est notre célébrité locale, un sculpteur de renom. Je suppose... que c'était juste une relation artistique."

[Althéa]

"Oui, juste artistique !" avait repris Amélie avec plus d'enthousiasme qu'elle ne l'aurait voulu.

Tout bien réfléchi, elle préférait vraiment ne pas savoir. Ce qui s'était passé entre les murs du temple de Sunie avec ce certain Soren - a présent, elle comprenait mieux la présence des deux petites figurines sur son échiquier - devait rester entre les murs du temple de Sunie. Aussi elle se dépêcha de détourner la conversation.

"Elle a aussi évoqué une certaine Moïra qui adorait les romans d'Angélique Mystéria."

[Galathée]

Le Sunite rit joyeusement.
" Mais tout le monde aime les romans d'Angélique Mystéria ! Au Temple, c'est un pré-requis du noviciat, il faut en lire au moins sept, et en écrire le compte-rendu, plus trouver deux nouvelles idées. Ensuite, il s'agit bien évidemment de suivre la production au fur et à mesure de sa sortie. La vérité vraie, c'est que le fan-club d'Angélique s'étend bien au-delà des murailles du temple : tout le monde l'adore, mais certains nient, au nom d'une improbable respectabilité. Si vous n'en avez encore rien lu, sachez que c'est un scandale !"
Son expression redevint plus sérieuse.
" Mais je me souviens que notre Belle Amoureuse avait désigné Moïra comme... chaperon, oui, de votre chaperon. Comme quoi, être sage n'est pas obligatoire pour ce type de tâche."

[Althéa]

Amélie rit à son tour, heureuse de retrouver un endroit où l'on pouvait parler de ses lectures sans se cacher.

"Sept livres ? Voyons ... "La barbare blonde", "Les lueurs de l'aube", "La belle et le barde", "Étrange rencontre à Manost", je suis loin du compte. J'ai beaucoup perdu le fil depuis que j'ai quitté Cojum. Ils en avaient un bon rayonnage dans notre bibliothèque."

Et encore, elle avait prêté "La barbare blonde" à Léonard qui lui avait emprunté afin d"en relever toutes les incohérences" et ne lui avait jamais rendu. Et "La belle et le barde" qu'elle avait oublié en haut d'un échafaudage sur lequel elle aidait à installer un vitrail et qui le lendemain avait disparu.

"A Manost, les gens se cachent pour la lire et on en parle pas. Du moins pas en public. De toute façon, là-bas rien ne dépasse, pas un son, pas une couleur. Et c'est pire encore si vous êtes une femme."

Mais elle n'avait pas envie de penser à Manost, du moins pas maintenant.

"Le chaperon de mon chaperon. Hé bien, je lui rappellerai à l'occasion."

[Galathée]

Le prêtre croisa les bras.
" Et bien, je ne pensais pas qu'Angélique était lue de votre côté de la mer, dit-il avec un sourire. Vous avez bon goût, mine de rien."
Il redevint plus sérieux.
" Et... qu'est-ce qu'on fait aux gens qui dépassent ? Aux gens qui... osent mettre du son, ou de la couleur ?"

[Althéa]

"Ils ont un organisme qu'ils appellent la Bienveillance culturelle. C'est notamment là qu'ils décident si les bardes peuvent recevoir ou non leur agrément. Et plus globalement, c'est là qu'ils veillent à ce que rien ne dépasse. Ils décident de ce qui se lit et de ce qui ce créée, les couleurs que l'on doit porter. Par exemple, si vous êtes une femme et que vous avez l'outrecuidance de vouloir travailler le vitrail ... Ils vous font rapidement comprendre que vous n'êtes pas du bon sexe. Bien sûr, dans la pratique les femmes mettent aussi la main à pâte. Mais il ne faut pas que cela se sache. Sinon, on vous convoque très gentiment pour vous rappeler à l'ordre. Il paraît que la discipline était moins pesante avant la guerre mais depuis la défaite et surtout l'arrivée de Torm et de la Cavalière Rouge au conseil, on encourage les gens à plus de rigueur."

Elle se souvenait encore de son passage à la Bienveillance culturelle avec une ... émotion certaine. Heureusement, elle avait de nombreux prétextes pour rentrer à Cojum le plus souvent qu'elle le pouvait.

[Galathée]

" Et qu'est-ce qu'on fait aux gens qui refusent de rentrer dans le rang ? Qu'est-ce que vous appelez... rappeler à l'ordre ? demanda le Sunite, interdit. Et pourquoi cette rigueur ? Pour la prochaine guerre ?"

[Althéa]

"Disons que les tribunaux fonctionnent bien à Manost même si pour la plupart du temps, une amende suffit. Pour les autres, les tyrites sont très souvent sollicités. En général, ils assurent la défense des accusés contre les tormites. Et croyez-moi, ça n'a pas l'air d'être de tout repos, déjà parce que les lois ne prennent pas en compte tous les cas. Et on les sollicite très souvent pour rédiger tel ou tel amendement qui verront les libertés s'amenuiser un peu plus. Alors, ils se débrouillent pour apporter des nuances pour rendre la loi moins pénible et altérable par des jurisprudence. Et c'est épuisant."

De nombreuses fois, elle avait été réveillée par Angèle travaillant ses plaidoiries en dormant. De nombreuses fois, elle l'avait sentie au bord de la rupture, rentrant déconfite du tribunal où elle avait été commise d'office. C'était notamment pour cela qu'elle restait, pour la rattraper au cas où elle tomberait. Heureusement, Luménis faisait un sursis parfait.

"Mais en général, les gens se cachent bien. Au début, cela paraît difficile. Mais ensuite ... On apprend à nier, à enfiler son masque chaque fois que l'on sort. Même si parfois très difficile comme le fils d'une des juges qui ne se sent bien que dans des vêtements de dame et voue un culte à Sunie. C'est beaucoup plus difficile à changer qu'un manteau d'une mauvaise couleur. Quant au pourquoi de cette rigueur, j'ai l'impression qu'ils ne le savent plus eux-mêmes. Mais la plupart refusent de quitter la cité parce qu'ils pensent encore pouvoir faire évoluer les choses ou tout du moins les rendre moins pénibles. Et pour ce qui est de la guerre, ils le sont toujours mais contre eux-mêmes, contre ceux qui ne leur ressemblent pas."

[Galathée]

" Vous éludez ma question, dit le Sunite. Ils font quoi, avec les gens ? Ils les mettent en prison ? Ils les envoient en redressement ? Ils les... punissent physiquement ?"
Il avait l'air franchement scandalisé par ce qu'elle lui apprenait.

[Althéa]

"Je ne sais pas vraiment mais d'après ce que m'a dit Angèle, ils les emprisonnent. Ils ne les torturent pas, du moins pas physiquement. Mais chaque jour, une personne de la Bienveillance culturelle vient leur parler. Il n'y a aucune torture ou les tyrites seraient montés au créneau, simplement des paroles. Quand ils sortent, ils sont suivis pendant une période de probation."

[Galathée]

" C'est de la rééducation, quoi." dit le Sunite avec un reniflement de mépris.
Il secoua la tête.
" Quand je pense qu'on a été prêter main forte à ces enflures sur le champ de bataille... Nos dirigeants sont parfois complètement à côté de la plaque."
Il soupira.
" Enfin, ce n'est pas votre faute, bien sûr. Mais vous comptez vraiment retourner là-bas ? Vous seriez franchement mieux ici."

[Althéa]

"Je sais.", soupira Amélie.

Elle s'était posé de nombreuses fois la question, à vrai dire chaque fois qu'elle s'apprêtait à franchir les portes de la cité du vigilant.

"Chaque fois que je quitte Manost, je me demande si c'est une bonne idée de retourner là-bas. Mais Angèle ne quittera pas la ville tant que l'on en aura pas interdit l'accès aux tyrites."

Et elle s'était fait la promesse, peut-être insensée qu'elle veillerait sur elle.

[Galathée]

" Angèle est une femme de principes, si je me souviens bien." dit le Sunite en haussant les sourcils.
Il pinça les lèvres.
" Et bien, quand vous rentrez... N'hésitez pas à inviter ceux qui ne veulent pas s'assimiler à venir jusqu'ici. Avec la dictature, nous avons perdu un bon morceau de notre population et nous serions ravis de nous remplumer ! Il y a de la place à Luménis, et nous accueillerons avec plaisir vos citoyens les plus colorés et les plus rebelles ! Et quand votre dictature tombera à son tour... Elles tombent toujours, croyez-moi... et bien ils pourront rentrer."

[Althéa]

"Et elle ne baissera pas les bras tant qu'elle sera sûre qu'elle ne peut pas aider. Ses plaidoiries pour défendre "ceux qui ne sont pas conformes", c'est sa façon de résister face au pouvoir en place. Même si j'ai peur qu'elle ne laisse sa santé et que je sais qu'elle refuse de m'écouter quand je lui en parle. Les autres tyrites sont comme elle. Et pour certains, le mot "dictature" leur fait mal aux oreilles quand il est associé à leur cité. Ils se disent qu'elle est mieux ce qu'elle est maintenant que sous le joug mélandien. Mais je parlerai de Luménis autour de moi, je vous le promets."

[Galathée]

" Sauf que le joug mélandien provoquerait d'office une révolte, tandis que ce... joug tormite... Il laisse croire aux gens que c'est acceptable."
Il croisa les bras.
" Je ne comprends pas comment c'est possible, en fait. Je n'adore pas les Tormites, mais les vrais Tormites sont... généralement en bons termes avec les Lathandrites... Votre version manostienne a l'air... dévoyée. C'est le dieux des paladins, mais c'est un dieu bon... Il a tué Baine, le dieu de la tyrannie... Comment ses serviteurs peuvent-ils à leur tour, sans ciller, s'engager dans une voie dictatoriale ? Ça n'a aucun sens."

[Althéa]

"Peut-être parce que la Cavalière Rouge est venue se mêler à l'équation, compléta Amélie avec une grimace, ce sont eux qui ont permis que Manost ne soit pas assaillie par les mélandiens. Depuis, le culte ne cesse de gagner des sympathisants. Aucunes de ces divinités n'est mauvaise en soi. Mais la défaite a accentué ce "besoin" de rigueur auquel les représentants des deux cultes ont répondu. Et comme c'est à Helm qu'ils succèdent à la tête de la ville et qu'ils sont rivaux, chacun tente de montrer plus de fermeté que l'autre. Tout en se persuadant qu'ils apportent à leur ville ce qu'il y a de mieux. Même si c'est tout l'inverse."

[Galathée]

" Les gens sont incompréhensibles dans leur désir de se faire du mal, dit le Sunite. Je suis surpris que nous n'ayons pas un influx plus important de réfugiés : la mer est ouverte, les voyages autorisés... Enfin... C'est votre problème, je suppose : on ne peut pas toujours aider les gens contre leur gré. J'en suis navré pour vous, vraiment. Après, il est toujours nécessaire d'organiser une résistance... mais croyez-moi, on ne la gagne pas dans le papier. Votre Angèle va juste s'épuiser jusqu'à s'éteindre. Peut-être que je devrais lui envoyer Soren, pour la secouer un peu... Vous logez où ?"

[Althéa]

"Mais ce serait une excellente idée !", s'exclama Amélie à qui la perspective inattendue sembla totalement séduisante, et pas seulement parce qu'elle émanait d'un beau sunite.

"Angèle est totalement bornée, surtout avec moi. Elle ne me parle jamais de ses soucis ou de sa fatigue mais je les vois bien. En même temps, à Manost, elle est au milieu d'autres tyrites aussi têtus qu'elle. Quand elle s'est rendue à Cojum il y a peu, je me suis dit qu'elle allait prendre du recul. Mais sitôt revenue, elle est retournée à ses plaidoiries. Alors oui, peut-être que Soren pourrait la secouer un peu ... Mais en douceur alors. Et nous sommes à la Bienveillance, du moins jusqu'à demain matin."