[Haute-Forêt] Quête : Racines

[Voyageuse]

L'araignée, folle de douleur, n'avait rien perdu de sa vivacité, et plusieurs des flèches ne faisaient que l'effleurer. Mais sa cécité partielle rendait ses coups très imprécis, et Kasumi n'eût aucun mal à les esquiver. il eut même l'opportunité de trancher une patte, puis une seconde, ce qui lui fit peu à peu perdre de sa mobilité. Les flèches eurent donc moins de mal à atteindre leur cible... et subitement, le monstre s'effondra. Kasumi n'eut que le temps de s'écarter pour ne pas être aspergé par le flot de sang visqueux giclant de l'abdomen transpercé.
Léo, au sol, ne bougeait plus, et c'est vers lui qu'Eärundra se précipita.

[Kasumi]

Avait-il trop attendu ? Trop fait durer le combat. Angoissé, le rôdeur se précipita lui aussi vers Léo après avoir balayé les environs du regard pour vérifier qu’il ne restait plus aucun adversaire et peut-être repérer Tilmandil. Son absence devenait inquiétante maintenant que l'action était retombée et qu'il pouvait à nouveau mobiliser son esprit à autre chose. Bien que sachant la druidesse bien plus capable de s’occuper de Léo, il était tout à fait prêt à lui prêter main forte. Si son aide pouvait être encore utile. Il l'interrogea du regard, contrit.

[Voyageuse]

Eärundra incantait déjà. Léo était couvert de sueur et de sang, mais ses blessures ne paraissaient pas très graves. C'est le poison qui l'affaiblissait de minute en minute.
Une lumière verte jaillit des mains de la druidesse et sembla envahir tout le corps du fauve, qui poussa un profond soupir. Sa respiration devint moins hachée. Eärundra fronça néanmoins les sourcils, inquiète, et incanta une seconde fois. Cette fois-ci, le lion ouvrit les yeux et papillonna du regard. Et sa maîtresse poussa un immense soupir de soulagement.
Sylvia les avait rejoint. Et Tilmandil réapparaissait également, l'air peu assuré.
- Ca va, tu n'as rien ?

[Kasumi]

Kasumi s’était tenu quelques pas en retrait du lion tandis que sa maîtresse incantait. Quand Léo parut recouvrer ses forces, il poussa lui aussi un soupir de soulagement. En quelques jours il s’était attaché à l’animal malgré leurs rapports parfois délicats. Et plus que tout il savait combien le lion était important pour Eärundra. Autant sans doute que l’avait été Première Neige pour lui-même. Il s’étonna de cette pensée soudaine et surtout de la considérer sous l’angle du passé, comme si leur relation était révolue. C’était un risque évidemment : que la louve ait trouvé son propre chemin en son absence. Mais il ne l’avait encore jamais envisagé ainsi et ressentit une pointe de nostalgie. Le retour de son demi-frère et surtout l’approche de Sylvia le détournèrent de ces états d’âme et lui adressa un sourire :

- Non, pas une égratignure, mon amour. Et ce grâce à tes tirs précis : tu t’es très bien battue. Mais il nous reste du pain sur la planche. Espérons que les autres araignées seront moins robustes que ces deux-là.

Il s’approcha d’elle, une lueur mutine dans le regard, pour ajouter dans un murmure afin qu’elle soit la seule à l’entendre :

- Mais si tu veux tout de même t’assurer que je n’ai été blessé absolument nulle part, je te devrais pouvoir te donner satisfaction ce soir.

[Voyageuse]

Sylvia leva les yeux au ciel en secouant la tête, amusée, mais ne dit rien.
Eärundra jeta un coup d'oeil à Tilmandil qui s'approchait, notant, comme tout le monde, son teint un peu blême.
- Je crois que c'est une bonne chose que vous montiez la garde, là-bas... Et que c'est une bonne chose qu'on ait éliminé les deux guetteurs qui auraient pu vous importuner. Léo vous tiendra compagnie, il n'est pas en état de combattre une seconde fois.
Perspective qui n'enchantait pas particulièrement le barde à en juger par sa grimace. Il préféra ne rien répondre, un peu penaud de son attitude. Heureusement, les rapports entre le lion et lui s'étaient un peu adoucis, ces derniers jours. Et il en avait nettement moins peur que des araignées, finalement.
- Est-ce que tout le monde est en état de repartir ?
La druidesse veillait à ne pas élever la voix : ils étaient certainement tout près du nid.

[Kasumi]

Kasumi était désolé pour son demi-frère qu’il sentait extrêmement mal à l’aise. Mais lui faire remarquer son état ne contribuerait pas à ce qu’il se sente mieux. Bien au contraire probablement. Il se tourna néanmoins vers lui, répondant tacitement à la question de la druidesse sans élever la voix :

- Oui, et je pense que nous sommes assez proches pour nous préparer. Tilmandil, si tu veux bien nous montrer tes talents : je suis certain que tu transformes aussi bien la réalité que dans tes histoires !

[Voyageuse]

Tilmandil eut un pâle sourire, sensible à la plaisanterie mais un peu trop éprouvé récemment pour l'apprécier pleinement.
Mais la druidesse secoua la tête.
- Mieux vaut attendre qu'on soit réellement en vue du nid, au moins pour moi. Je n'aurai que quelques minutes, et c'est ce qu'il nous faudra pour le trouver si on se transforme tout de suite... Pour vous, c'est moins important, vous disposez de temps...
Elle réfléchit un instant.
- Je propose qu'on attende vraiment la toute dernière minute, lorsqu'on aura repéré le nid. Puis que vous transformiez d'abord nos deux rôdeurs en magnifiques ettercaps.
- Sans oublier de se rouler dans l'humus, avant, pour l'odeur, rappela Sylvia.
- Oui. Et ensuite, vous vous dirigerez vers le nid, tranquillement, et Tilmandil me rendra invisible juste avant que vous l'atteigniez. Je cours vite... Je vous rejoindrai et je me faufilerai dedans au moment où ils seront distraits par votre présence, et je l'explorerai aussi vite que possible. Vous serez contraints de vous comporter de manière plus... discrète je pense, pour ne pas éveiller leur méfiance. Dès que j'ai repéré leurs prisonniers, je vous indique à voix basse leur position, et je ressort avant que le sort ne prenne fin. Bon, tout ça, bien sûr, c'est s'il n'y a qu'un seul nid, qu'une seule entrée... Donc mieux vaut attendre d'être sur place, peut-être, pour affiner ce plan. Qu'en dites-vous ?

[Kasumi]

Kasumi se sentit un peu pris en faute mais il était bien plus sensible aux arguments de ses compagnons et devait convenir que c’était un meilleur plan : rien de pire que se retrouver démunis en perdant leurs déguisement en plein milieu du nid. Si la douzaine ou plus d’araignées peuplant le nid étaient aussi coriaces que les deux sentinelles, il n’avait rien moins qu’envie de les affronter toutes sans possibilité de fuite. Sans même parler des ettercaps qui pourraient faire tourner l’issue du combat d’un seul jet de toile.

- Faisons ainsi en effet. Mais on devrait peut-être se rouler maintenant dans l’humus, à l’abri de regards hostiles. Il parait que c'est très bon pour la peau à défaut de favoriser les relations sociales ! Puis nous nous mettrons en route.

[Voyageuse]

Sylvia acquiesça et déposa son sac au sol, ainsi, après réflexion, que son manteau. Il ne faisait pas si froid dans ce secteur, et elle tenait à l'épargner.
Avec un soupir peu enthousiaste, elle s'allongea sur le sol et se roula dans l'humus, en maculant copieusement ses cheveux qu'elle avait soigneusement attachés en natte serrée. Puis, jugeant sans doute que son compagnon se se salissait pas assez, elle s'empressa de saisir à pleine main de la terre sombre mêlée de détritus de feuille pour l'en barbouiller copieusement.

[Kasumi]

Kasumi ne put se retenir de rire tout en faisant attention à ne pas le faire bruyamment. Il se laissa cependant faire de bonne grâce avant d’intervenir d’un ton faussement indigné :

- C’est pour que je ressemble un peu plus à un vrai rôdeur que tu me barbouilles ainsi ou alors c’est Tilmandil qui te la demandé ? Hors de question qu’il écrive une ligne sur cet épisode dans ses chansons ! Sinon il subira le même sort, je le garantis !

Leurs « ablutions » terminées, les rôdeurs se délestèrent du matériel dont ils pouvaient se passer et le dissimulèrent pour éviter à Tilmandil d’avoir à le ramener loin du nid. Espérons que ce dernier ne serait plus très loin, désormais.

[Voyageuse]

Ce furent deux rôdeurs passablement sales, un barde enfin déridé et une druidesse toujours parfaitement calme qui se remirent en route quelques minutes plus tard.
Progressant lentement, précautionneusement, ils eurent cette fois-ci la chance de ne pas faire de nouvelle mauvaise rencontre. La pente devenait plus raide, et, ça et là, des rochers affleuraient. La végétation se fit un peu moins dense, et ils purent voir que la colline en pente douce se transformait, à cet endroit, en paroi rocheuse, percée de trois grottes qui, peut-être, communiquaient entre elles. Ou peut-être pas.
La piste qu'ils suivaient menait au trou de droite, le plus petit des trois orifices. Il était trop petit pour qu'on puisse y pénétrer debout : sans doute y avait-on fait glisser les corps en position couchée. Il leur serait possible d'y pénétrer en rampant s'ils le souhaitaient. Le trou du milieu, le plus large, s'ouvrait probablement sur le nid des ettercaps. Juste à l'entrée se trouvait l'un d'entre eux, lorgnant d'un air suspicieux la piste par laquelle ils arrivaient - et par laquelle avaient disparu les deux araignées qui montaient la garde précédemment. Pour le moment, il ne les avait pas aperçus.

[Kasumi]

Le rôdeur grimaça en découvrant les trois orifices qui compliquaient sérieusement leur plan mais cette fois, ils ne pouvaient plus remettre la mise en œuvre de leur plan sans donner l’alerte. Ils allaient devoir compter en partie sur la chance à partir de là et ne pouvaient qu’espérer que les tunnels communiquent entre eux. Kasumi chuchota à ses compagnons l’idée qu’il avait en tête :

- Il va falloir nous séparer pour passer en revue ces différentes entrées : je propose que Sylvia et moi explorions la caverne du centre pendant qu’Eärundra ira vérifier celle de droite. Mais cela ne me plait guère : nous ne pourrons plus communiquer sans ressortir si les galeries ne se rejoignent pas. Nous n’aurons que quelques minutes l’un et l’autre de toute façon.

[Voyageuse]

Eärundra acquiesça.
- De toute façon, il paraîtrait étrange que deux ettercaps se rendent dans la caverne de droite sans avoir une proie avec eux. Il est probable que ce soit leur... garde-manger en quelque sorte. Et je n'ai pas l'intention de me déguiser en proie, précisa-t-elle avec un clin d'oeil.
- Mieux vaut agir comme deux ettercaps le feraient, en effet, et donc nous rendre dans la caverne centrale. Avec un peu de chance, les cavernes communiquent : ça m'étonnerait qu'ils ressortent à chaque fois qu'ils veulent aller chercher l'un des cocons.
- Bon peut-être qu'on se trompe complètement sur la destination des cavernes. mais il faut bien décider quelque chose, donc votre idée est bonne. Simplement Tilmandil, mieux vaut attendre qu'ils soient sur le point d'entrer dans la caverne pour me rendre invisible. J'ai vraiment peu de temps...
Le barde hocha la tête, et surmontant sa répulsion, se mit à étudier attentivement l'ettercap qui se trouvait à l'entrée de la caverne.
- Etes-vous prêts ? Ou y a-t-il une dernière chose dont nous devons parler avant ? par exemple, je ne sais pas... qu'est-ce que je fais si vous ne revenez pas ? Ou si un gros danger approche ?

[Kasumi]

Kasumi se tourna vers son demi-frère et lui posa une main sur l’épaule, ne sachant pas vraiment comment répondre à sa question tout en le rassurant :

- Espérons que ni l’un ni l’autre n’arrivera mais si tu n’as pas les moyens de te rendre invisible, mieux vaut que tu ne te risques pas à l’intérieur. Au pire, calque ton attitude sur Léo car Eärundra saura lui transmettre des instructions. Elle sera de toute façon de retour dans quelques minutes. Pour Sylvia et moi, cela peut être un peu plus long. Oh, et nous devrions convenir d’un signe de reconnaissance pour quand nous reviendrons vers toi. Pour ne pas que tu nous prennes à tort pour l’un d’entre eux. Nous lèverons la patte droite à deux reprises puis la gauche une fois. Cela te convient ?

[Voyageuse]

Tilmandil esquissa un sourcil en regardant son demi-frère d'un air un peu interdit, se demandant visiblement s'il plaisantait ou non. Sylvia, elle, souriait franchement.
- Bon, on va faire plus simple... On va t'appeler par ton nom en approchant !
Le barde soupira.
- D'accord... Allez, tenez-vous prêts. Je vais d'abord transformer Kasumi. Ça lui évitera d'avoir la tentation de faire de l'humour... mais venez, éloignons-nous, je ne voudrais pas qu'ils m'entendent.

Une fois à distance raisonnable, il se mit à incanter, longuement, et une lumière blanche jaillit de ses mains, se muant en une sorte de brume qui vint envelopper le rôdeur. Lorsqu'elle se dissipa, baissant la tête, il put voir le ventre proéminent et les membres fins et disgracieux d'un ettercap, terminés par deux énormes pinces. Ses vêtements, bien sûr, avaient disparu. Mais il les sentait encore sur lui, signe que tout ceci n'était qu'une hallucination. Sylvia le contemplait d'un air narquois, mais ne pipa mot.
Tilmandil incanta à nouveau, et Sylvia se transforma à son tour, en un ettercap légèrement plus petit que Kasumi. Il ne poussa pas la curiosité jusqu'à vérifier si leur sexe respectif avait été respecté...

[Kasumi]

L’ettercap-Kasumi détailla longuement sa compagne avant de risquer une plaisanterie juste pour éprouver sa facilité de s’exprimer et essayer de se mettre plus facilement dans la « peau » de sa nouvelle apparence :

- Tilmandil avait raison : Sylvia est la plus jolie ettercap que j’aie jamais vue ! Est-ce que mes mandibules bougent quand je parle ? Sinon il vaut mieux éviter… Et y aller !

Avant de recevoir une réponse à ses questions, il tenta d’imiter la démarche des créatures telle qu’il s’en souvenait.

[Voyageuse]

- Oui, confirma Sylvia, tes mandibules bougent. Et pour la démarche, c'est pas mal non plus.
- Mais vos voix sonnent trop humaines. Il vaudrait mieux parler le moins possible, ou essayer de les changer un peu... tenez, là, par exemple, j'imite la voix d'un ettercap, ajouta Tilmandil d'une voix de gorge, rauque et cassée.
- Oui, c'est à peu près ça, approuva Eärundra. Mais je doute que vous y arriviez aussi bien... donc mieux vaudra éviter de parler autrement que quelques onomatopées je pense. De toute façon, ces créatures ne sont guère bavardes...
- Mais allons-y vite, inutile de perdre trop de temps...
Devant la grotte, l'ettercap scrutait toujours le sentier, inquiet certainement de ne pas voir revenir les araignées.

[Kasumi]

Kasumi se mit aussitôt en route, espérant que Tilmandil se mettrait rapidement à l’abri après avoir rendu la druidesse invisible. Mais pour l’heure il devait se concentrer sur sa propre prestation : gravir la colline vers la grotte de la démarche sautillante des ettercap sans paraître ni trop pressé ni trop nonchalant. Il s’interrogea sur l’opportunité de prendre l’initiative de la « conversation » avec le guetteur mais jugea préférable d’improviser s’ils étaient interrogés. Il pourrait toujours soutenir avoir vu que les araignées poursuivaient une proie dans une fausse direction.

[Voyageuse]

Sylvia suivait Kasumi de près, imitant de son mieux la démarche disgracieuse des ettercaps.
Comme ils s'y attendaient à moitié, le "garde" posté à l'entrée les interpella.
- Hey... Vous avez vu les araignées par là ?
Il ne sembla pas surpris de les voir, ne sembla pas se dire qu'il s'agissait là de deux ettercpas inconnus. Soit ils ressemblaient suffisamment à ceux qui les avaient agressés, soit ils avaient l'habitude de voir des ettercaps inconnus. Soit tous les ettercaps se ressemblaient sans avoir réellement d'identité distincte.

[Kasumi]

Kasumi prit l’initiative de répondre avant sa compagne, pesant chacun de ses mots en s’efforçant de prendre un ton enroué et un brin crissant mais surtout en faisant l’économie de longues phrases qui le trahiraient à coup sûr.

- Par là, z’ont vu un cccerf !

Le demi-elfe avait pris soin de désigner la direction du sentier mais à l’opposé d’où ils étaient venus et de la position probable de Tilmandil et Léo. A supposé que l’ettercap y envoie des renforts.

[Voyageuse]

Le garde fronça les sourcils.
- Sont parties de ce côté, pas là. Les ai vues.
Avait-il suffisamment de logique pour songer que ses deux congénères ne pouvaient pas les avoir croisées si la direction donnée par Kasumi était exacte ?
Quoiqu'il en soit, il ne s'attarda pas à essayer de résoudre cet étrange mystère, et se contenta de hausser les épaules, reprenant sa surveillance sans plus s'occuper d'eux.

[Kasumi]

Kasumi espérait ne pas avoir à affronter les conséquences d’éventuels soupçons de l’ettercap. Plutôt que de se lancer dans de longues explications risquées, il choisit de s’en remettre à l’apparente nonchalance du monstre. Peut-être était-il susceptible de croire qu’ils aient vu deux autres araignées ou qu’ils les aient vues à un autre moment. Ou qu’il s’en moqua en définitive.

Le rôdeur n’hésita plus en tous cas, de peur d’aggraver leur position et pénétra prudemment dans l’antre des arachnides, faisant attention à ne pas se laisser piéger par quelque toile. Dès qu’ils auraient passé le garde, il pourrait vérifier si l’obscurité n’handicapait pas trop sa compagne.

[Voyageuse]

L'intérieur de la caverne était sombre, mais pas complètement obscur : un brasero, contre un mur, éclairait quelque peu la cavité. Suffisamment pour que Sylvia puisse faire illusion en tout cas, et ne se cogne pas partout.
Ils purent constater que Tilmandil avait vraiment bien fait de rester à l'extérieur. Le nid était immense : une large cavité à peu près circulaire, avec, au fond, un immense nid de toile autour duquel se trouvaient plusieurs araignées. Certaines y entraient, d'autres en sortaient. Une minuscule bestiole à huit pattes s'en échappa et fut aussitôt ramenée au bercail par l'un des immenses monstres qui gravitaient autour.
Trois ettercaps se trouvaient non loin, occupés près du brasero. Un quatrième sortait d'une galerie, sur la droite, et portait un immense cocon de soie, enveloppant probablement une proie. Il l'approcha du nid d'araignées et deux d'entre elles le prirent entre leurs pattes pour l'amener derrière la paroi de toile.

[Kasumi]

Kasumi s’efforçait de prendre la mesure des lieux et surtout la disposition des différentes salles. Comme ils l’avaient soupçonné, la réserve de « nourriture » semblait se trouver sur la droite et relativement proche de l’entrée. Si le demi-elfe était partiellement tenté de poursuivre ses explorations vers l’endroit où l’on menait le cocon, sa complète immobilité lui laissait à penser que ce serait prendre un risque inutile et vain. Mieux valait, de son point de vue, diriger leurs recherches là où il y avait davantage d’espoir de retrouver des victimes encore en vie. Il s’engagea donc prudemment vers la galerie de droite d’où était sorti l’ettercap au cocon.

[Voyageuse]

Sylvia le suivit tandis qu'il se dirigeait d'un pas lent vers l'entrée de la galerie de droite. L'un des ettercaps qui se trouvait près du brasero les regardait avec attention. Mais dans un visage si étrange, il était difficile de savoir s'il trouvait leur comportement anormal, s'il se méfiait, ou s'il attendait tout simplement de voir ce qu'il allait leur ramener à manger...
- Il y a deux cocons humanoïdes dans la réserve, vivants, souffla subitement la voix d'Eärundra à son oreille, à voix si basse qu'il l'entendit à peine. Ils ne sont pas gardés. Ils viennent d'emmener le troisième, je les ai vus lui injecter une dernière dose de poison... Il est mort je pense...

[Kasumi]

Kasumi aurait blêmi si son apparence actuelle le lui permettait. Ils étaient arrivés trop tard pour au moins l’un des prisonniers et le fait de savoir qu’ils avaient attendu pour se rendre au nid rejetait une bonne part de la culpabilité sur eux-mêmes. Les captifs étaient trois, comme le groupe d’Elryndel. Que ferait-il s’il s’apercevait que c’était l’un d’eux qui venait de mourir pour prix de leurs hésitations. Son père, peut-être. Et pourtant il n’y avait plus rien à faire : la victime était plus que probablement morte quand on l’avait emmenée et les araignées la consommaient déjà si ça n’avait pas été le cas. Ils n’avaient aucun moyen d’en être certain et descendre dans le nid pouvait signifier leur mort à tous. Le rôdeur sentit la tête lui tourner et fit un gros effort pour se concentrer sur le sauvetage de ceux pouvant encore l’être. Une fois les deux survivants en sécurité, il serait toujours temps d’aviser ce qui pouvait encore être fait. Il continua donc à se diriger vers la « réserve » avant de murmurer :

- On va les faire sortir par où ils sont entrés. Il faut s’occuper de la sentinelle et surveiller le couloir. Eärundra, il vous reste une minute ou deux pour sortir et l’abattre avec votre arc sans vous montrer. Sylvia, tu ferais mieux de la suivre au cas où. Deux flèches valent mieux qu’une. Moi je reste ici pour et aider les prisonniers. Il ne faut surtout pas que l’ettercap donne l’alerte.

[Voyageuse]

- Non, je viens avec toi... Je n'aurai pas le temps de rejoindre le couvert des arbres, si je cours ça sera suspect. Et s'il me voit sortir mon arc, il donnera l'alerte aussitôt.
- Il se tient trop près de l'entrée, il est visible depuis la grotte. S'ils le voient attaqué, ils vont tous sortir. Il faut qu'il s'éloigne... par exemple, qu'il soupçonne quelque chose dans la réserve et s'approche de l'entrée. Essayez de faire un tout petit peu de bruit, une fois là-bas. Maintenant, je file dehors, il nous reste peu de temps...
Les deux rôdeurs devinèrent qu'elle s'éloignait, silencieuse comme une ombre.

[Kasumi]

Kasumi ne chercha pas à protester : c’était trop dangereux et ils n’en avaient pas le temps. Il se dirigea donc silencieusement vers la réserve, s’attendant à un bien sinistre spectacle. Une fois sur place, il tâcherait de repérer les deux victimes identifiées par la druidesse. Puis il tenterait de les amener près de la sortie s’ils étaient transportables. La présence de Sylvia était une bénédiction au final, car elle pourrait le prévenir de tout danger venant de l’intérieur de la grotte. En espérant que des abominations ne profitent pas de cet instant pour amener de nouveaux prisonniers. Il serait ensuite plus facile de mener les captifs à l’extérieur et enfin faire du bruit à l’entrée de la cavité pour attirer la curiosité de l’ettercap. Un grattement sur la roche, peut-être qui pourrait faire penser à la présence d’un prédateur. Mais il fallait commencer par pénétrer dans cette réserve et en appréhender les sombres secrets sans effrayer les prisonniers. Une gageure sous leur apparence actuelle et alors que l'un de leurs compagnons venait d'être emmené.

[Voyageuse]

La galerie menant à la réserve était basse de plafond, les obligeant à se courber en deux pour progresser. Sylvia n'y voyait goutte, mais il lui suffisait de suivre à tâtons la paroi. Au bout de quelques mètres seulement, ils débouchèrent sur une vaste cavité, toujours aussi basse de plafond, dans laquelle s'entassaient des dizaines de cocons de toute taille et de toute forme, certains allongés à même le sol, d'autres posés sur des sortes d'étagères. Les plus proches eurent une espèce de sursaut en les entendant entrer, sursaut qui se propagea comme une onde, de proche en proche, vers l'autre extrémité de la cavité. Mais bien sûr, étroitement bâillonnés par leur cocon quasi hermétique, ils ne pouvaient donner l'alerte.
Ils notèrent que la plupart des cocons étaient percés de trous permettant à la créature emprisonnée de respirer. Certains, parmi les animaux les plus petits, pouvaient même voir par le trou percé à l'extrémité de leur museau, et leur regard reflétait une terreur absolue. Tous les cocons étaient accrochés, par un épais brin de soie, à des anneaux de fer fixés dans la paroi rocheuse.
La pièce était éclairée par une lueur extrêmement faible provenant de la galerie donnant à l'extérieur, mais celle-ci était trop longue ou trop tortueuse pour que la lumière pénètre directement dans la grotte. Sylvia, n'y voyant pas suffisamment, resta à l'entrée de la galerie qu'ils venaient de franchir, hésitante. Kasumi, quant à lui, n'eut aucune difficulté à repérer deux cocons plus grands et plus longs que les autres, évoquant une forme humanoïde, allongés sur le sol et accrochés à un anneau. L'un d'eux, devinant une présence, tentait de se contorsionner. L'autre était immobile.

[Kasumi]

Kasumi eut le cœur soulevé par le triste spectacle qu’offrait cette cavité. Il était quelque part soulagé que Sylvia ne puisse pas en voir autant que lui. Mais il n’était pas temps de s’appesantir alors que le temps pressait plus que jamais. Si le demi-elfe avait l’opportunité de libérer de leur cocon les créatures qui semblaient encore vivantes, il choisit de remettre cette possibilité au moment où il serait prêt à faire quitter la grotte aux deux prisonniers des plus grands carcans. Le rôdeur s’approcha de la forme mobile et murmura dans un elfique parfait :

- N’ayez pas peur de nous, nous sommes venus vous libérer en prenant cette forme. Ne criez surtout pas ! Me comprenez vous ?

Il recommença ensuite en murmurant en langue commune avant de porter sa main au cocon, évaluant sa réaction avant de tenter de retirer une partie de la toile recouvrant ce qui devait être la tête du prisonnier. Si la manœuvre réussissait, il renouvellerait l’opération avec son comparse, refusant d’interpréter son absence de mouvement comme un très mauvais présage.