La Couronne de Cuivre

[Quête d'admission de Zéphirah]

Suite de la taverne des Bas-Quartiers.

Au petit matin, la voleuse n’avait prit aucun repos. Elle avait distraitement erré dans ces rues nouvelles et s’étais surprise à regretter les luxueuses demeures de son enfance. Une pensée qu’elle éclipsa aussitôt de son esprit. Toute la nuit, elle avait repensé à la missive, calligraphiée de lettres sanglantes. Toute la nuit, elle l’avait passé en revue silencieusement, tout en fourbissant son plan.
L’image même de la feuille pâle ressurgissait tandis qu’elle rassemblais les plantes, ingrédients aux propriétés alchimiques colorantes, dont elle aurait besoin pour accomplir sa besogne.
Ces connaissances alchimiques allaient bien au delà de l’empoisonnement ; l’art du déguisement exigeait de ressources bien plus vastes.
Sans compagnie pour la troubler, accroupie sur le toit d’une battisse, surplombant le quartier de la haute noblesse, elle vaquait à ses préparations.
Le mélange qu’elle obtient devint un liquide brunâtre homogène, qu’elle appliqua sur sa chevelure d’argent dont les scintillements irradient.
Des mèches sombres encadraient à présent son visage, ses cheveux encore humides exaltaient une odeur finement reconnaissable pour des narines aguerries, qu’elle dissimula à l’aide d’un parfum fruité.
Quelques base de maquillage, de déguisement, elle était fin prête.
Au beau milieu d’une ruelle déserte, elle atterrit d’un souple fléchissement de jambes, méconnaissable sous l’apparence d’une jeune fille brune, vêtue d’une robe noire aux reflets pourpres. Elle glissa sa main dans les plis soyeux de sa robe, et frôla le métal froid, réconfortant, avant de se recouvrir la tête d’un fin voile noir. D’une démarche hésitante et saccadée, elle avança vers les rues bourgeoises…

La rue sentait le parfum bon marché, et les fleures, aussi... les fleurs en provenance du jardin dispersaient leurs senteurs douçâtre.
Elle reconnue sans mal le riche habitat de sa victime, comme on le lui avait décrit sur la lettre, avec ses deux piliers surplombé des statues de singes. Elle semblait à la mesure de son propriétaire, riche et gonflée d’orgueil, une perle dans un écrin de verre, un joyau de concision.
Elle marcha le long des barrières, pour ensuite parvenir au portail qu’elle examina avec soin sous la capuche de son châle noir rabattue sur sa tête.
Cette entrée était certainement étroitement surveillée, et bénéficiait sans doute d’une puissante aura magique, prévenant ainsi toute tentative d’intrusion à des fins malveillantes.
La jeune fille dissimula un sourire mauvais tout en cheminant à l’écart de la battisse…disparaissant dans une étroite venelle. Voilà qui promettait

La vaste demeure de Gradel Thadil était bordée par un large jardin parsemé de massifs fleuris, ces derniers ne parvenaient cependant point à faire oublier les quelques gardes déambulant entre les parterres florissant. Il y avait même un petit marais peuplé de nénuphars que le vent baladait à sa guise sous le chant des grenouilles. De nombreux arbres fruitiers emplissaient le reste de l’endroit. La bordure externe de ce somptueux verger se délimitait par un mur de briques finement alignées arrivant à demi hauteur d’homme, cependant de longs barreaux de fer aux aspérités acérées parachevaient cette opulente barrière. Au quatre coin du parc rectangulaire un imposant pilier de pierre rompait l’harmonie de la grille ; il y avait en plus de cela le portail principal, où les étranges sculptures simiesques dévisageaient de leurs yeux gemmés les passants.

L’étroite ruelle qu’avait empruntée la roublarde la faisait passer juste à côté de la maison, elle pouvait vaguement apercevoir au travers des interstices entre les barreaux l’intérieur du domaine, ainsi que les soldats faisant leur ronde d’un pas fatigué. Au vu de leur posture nonchalante, aucun ne faisait attention à elle. Quant à lui, le passage continuait de s’enfoncer dans la jungle des luxueuses résidences de la noblesse, si bien qu’il n’était pas possible de faire le tour de la maison, car le mur marquait également la frontière avec d’autres terrains de la classe dirigeante.

La voleuse reporta son attention sur la fastueuse bâtisse. Sa blancheur albâtre étincelait sous le soleil matinal, visiblement elle devait avoir trois étages ainsi que probablement un grenier. De larges fenêtres aux encadrements sculpturaux donnaient sur l’extérieur. Un garde se tenait devant la porte principale. Mais d’où elle était, Zéphirah ne pouvait apercevoir l’arrière de la demeure, pour y accéder il faudrait impérativement passer par le jardin d’une maison voisine…

Les ruelles se vidaient des manants, l’heure tardive annonçait la progression de l’obscurité dans les rues sombres, et seul les lueur des bougies et des chandelles brillaient au delà des fenêtres offusquées.
L’elfe apparue dans l’ombre d’une veine latéral de la demeure Thadil, et d’une battisse voisine, entourée d’un mur qu’elle jaugea du regard. Aucune paroi n’était trop lisse, aucun mur trop haut, pour l’elfe. Déterminée, elle s’assura qu’elle était seul, d’une dernière ronde, une dernière fois… ;
A la faveur des ténèbres, elle entreprit l’ascension avec un soin tout particulier, mue du désespoir ; si on l’apercevait, s’en était fini d’elle. Les gardes seraient immédiatement alertés et accouraient aussitôt pour la mener à sa perte. Une mort atroce, en perspective.
Le soin qu’elle y mit récompensa ses efforts ; elle atterrit sans un bruit de l’autre côté du muret, amortie par la luxuriante végétation qui garnissait le somptueux jardin. A première vue, le paysage qui s’offrait à elle était similaire à n’importe quel jardin de ces nobliaux, bien qu’il paraissait plus tranquille. Elle eu un sourire amer.

Tel un chat, elle se faufila entre les arbres, tout ses sens en alerte, et s’accorda une pause à la base du tronc ombragé d’un chêne à l’imposant feuillage.
Son souffle n’avait pas changé d’un iota ; elle devait à tout prix faire silence, sans ça la potentielle présence des propriétaire lui serait confirmée…
A l’abri d’un talus, elle entreprit sa traversée, à demi courbée, afin d’atteindre le mur de séparation des deux jardins...qu’elle frôla à peine avant de lever les yeux vers l’édifice qui la surplombait. Elle s’y hissa de façon à apercevoir l’arrière du domaine Thadil, laissant ses yeux pour seul témoin…

Grâce à son agilité et sa discrétion acérées, personne ne remarqua l’Elfe franchir discrètement la muraille. L’opulente maison jouxtant le jardin dans lequel elle s’était aventurée semblait déserte, bien souvent les riches propriétaires Melandiens partaient se divertir dans des confréries aux mœurs pour le moins douteuses. Mais la roublarde n’était pas naïve au point de croire que de telles richesses étaient laissées sans protection, il fallait faire preuve de la plus extrême circonspection.

La cloison séparant le massif jardin de sa cible et celui dans lequel elle se situait ressemblait fortement à celle qu’elle avait aperçue dans la ruelle, mis à part qu’une sorte de lierre vivace entourait les barreaux métalliques dans une étreinte passionnée, établissant peu à peu un empire végétal sur la construction humaine. La chance était avec elle, cette barrière naturelle la dissimulait parfaitement, elle pouvait ainsi jeter de petits coups d’œil par les interstices laissées par les feuilles envahissantes sans risque d’être vue.

Une petite porte, visiblement en bois, se trouvait à l’arrière de la bâtisse Thadil, elle ne paraissait pas être gardée en permanence, bien que les quelques soldats passent de temps à autre devant. Soudain, Zéphirah s’immobilisa, un étrange grognement avait alerté son oreille fébrile. Elle attendit quelques secondes qui lui parurent durer une éternité. Plus rien ne se passa, le mutisme sépulcral était revenu, seul le lugubre bruissement du vent sur le feuillage des arbres résonnait dans l’atmosphère tendue. Alors seulement elle osa darder un discret regard sur l’origine de son émoi.

Sans sa vision elfique, elle aurait uniquement aperçu les ombres torturées des chênes massifs se tordre sur le sol dans des postures effroyables au gré du cycle solaire, mais elle la vit. Cachée derrière un large tronc, dans l’angle du jardin, une niche de bois trônait fièrement. Mais le plus inquiétant était sans conteste l’énorme molosse qui se prélassait au soleil, tout en couvant d’un œil distrait les alentours, un filet de bave écumait entre ses dents menaçantes et un os rongé traînait entre ses pattes ; il n’était pas attaché...

Ce robuste canidé serait sans conteste un obstacle contraignant.

Da sa cachette, l’elfe l’observait, un feu sombre exaltait de son regard.
A sa manière, elle ne semblait pas réagir, comme soudain figée derrière la barrière végétale qui assurait son rôle protecteur et la gardait de tout regards.
Elle n’y avait pas pensé, et cette sentinelle représentait un obstacle de plus vers son but. Elle ne se laissa pas pour autant distancer par ses inquiétudes et descendit de son perchoir, mettant fin à sa torpeur, afin de trouver un autre point d’observation pour mieux l’espionner.
L’affronter n’était pas une solution envisageable. Elle aurait pu en venir à bout, mais la présence des gardes ne lui laissait guère le choix. De plus, elle avait besoin de mettre autant de chances que possible de son côté ; sans éveiller les soupçons. Sa décision fut rapide et sans appels.

Elle chercha consciencieusement l’endroit le plus sûr pour traverser le jardin, sans se faire voir des gardes qui déambulaient dans le jardin.
Respirant quelques goulées d’air frais avant de s’élancer sur la pointe des pieds, elle retomba grâcilement de l’autre côté du grillage, vers la niche inoccupée, dans un coin du jardin.
Comme elle l’avait apprit, elle se força à faire le néant dans son esprit, ne gardant en tête qu’une seul et unique petite chose : le canidé.
Dissimulée par la niche, bénissant souverainement cette cachette providentielle, elle s’appuya sur celle-ci et risqua un coup d’œil vers le chien, niché dans un coin du jardin ou l’immense chêne trônait et le dissimulait du reste de l’étendue verdoyante.
Immobile, elle attendit que son attention s’écarte de sa cachette pour pouvoir en sortir. La vue perçante de l’animal la forçait à se faire plus petite qu’elle ne l’était déjà, et la redoutable sentinelle commençait déjà à faire battre son cœur à un rythme croissant, bien qu’imperceptible.
Sa main glissa jusqu’à sa botte… elle s’élança sur sa victime. D’un geste souple, d’un leste mouvement du bras, elle lui trancha la gorge, et sa tête retomba sans un bruit entre ses deux pattes velues.
L’ignoble vision vermeille qui en résultait s’écoula lentement du cou du canidé, comme le poison d’un serpent d’une plaie.
L’elfe avait à peine fait coulé le sang, qu’elle était déjà revenue à sa position initiale, à l’ombre de la niche.
Les gardes n’avaient rien vu de son petit manège, la position lasse du chien ne trahissait pas sa mort ; on l’aurait cru dévoré de sommeil.

Elle guetta l’approche du garde, mais celui-ci tourna à un angle et disparut derrière les murs…
Zéphirah bondit en avant, et soutint la vitesse durant la traversée, désireuse d’en finir au plus vite et d’atteindre cette fichue porte.
Elle se plaqua au mur et vérifia la serrure avant de poser la main sur la poignée. Le danger faisait bondir son cœur dans sa poitrine, sans aucune idée de ce qui l’attendait derrière ces murs, elle sentie l’excitation transfigurer les traits fins de son visage.

La porte n’était même pas verrouillée, sa cible devait visiblement se sentir en sécurité avec sa cohorte de gardes patrouillant dans le somptueux jardin. Cependant, au moment où la roublarde allait entrebâiller un peu plus la porte de bois, elle se rendit compte que les gonds étaient affreusement rouillés, ce qui risquait de produire un véritable hurlement strident qui ne tarderaient guère à rameuter les soldats en faction. Sortant une potion de sa combinaison, elle huila rapidement les enchâssements, puis, retenant son souffle, elle ouvrit avec délicatesse la cloison. Cette dernière resta aussi muette qu’une tombe, et la voleuse se glissa subrepticement dans l’imposante demeure, avant de refermer soigneusement la porte, et de relâcher enfin son souffle.

Zéphirah se situait dans un petit vestibule sobre par chance désert, plusieurs vêtements étaient suspendus à une série de crochets, et quelques maigres chandelles accrochées aux parois d’un blanc délavé diffusaient un pâle halo lumineux dans la pièce. En face d’elle se trouvait une autre porte légèrement entrouverte, à première vue elle donnait sur un couloir parallèle à sa position.

Ses deux orbes bleutés luisantes à la lueur des candélabres, elle se glissa jusqu’à la porte qui lui faisait face, assez entrebâillée pour qu’elle puisse y distinguer un couloir.
Assujettie à la sangle étreignant sa cuisse droite, BriseAme attendait son heure, enduite de poison pour l’occasion.
Sur celle pensée réconfortante, la jeune elfe jeta un regard à travers la fente.
A première vue, le couloir semblait vide, seulement traversé par une raie de lumière fine provenant du vestibule. Elle se glissa par la fente et entreprit sa progression au sein de la demeure…

De l’intérieur, la demeure paraissait tout bonnement labyrinthique, un véritable dédalle de couloirs et de pièces se ressemblant tous comme deux gouttes d’eau. Zéphirah progressait avec prudence sur les lattes de bois soigneusement cirées, de temps à autre, le bruit d’un domestique la faisait se plaquer avec agilité contre un mur ou disparaître dans une chambre jouxtant sa position.

Cette morne succession de pièces semblables reliées par des couloirs désuets fut soudainement interrompue lorsqu’elle déboucha dans une vaste salle au sol marmoréen, recouvert par d’innombrables tapis aux fils dorés. Il aurait été difficile de décrire la richissime opulence du lieu, plusieurs petites colonnes d’un marbre scintillant de pureté s’élevaient de façon disparate, de somptueux tableaux représentant des scènes grandioses reposaient fièrement sur les parois étincelantes, le clapotis cristallin d’une fontaine résonnait parmi les austères bustes de penseurs aux regards perçants, une pléthore de coussins sur lesquels avaient été cousues des arabesques exotiques emplissaient l’endroit, instillant une dose de confort dans cette prodigieuse architecture. Mais c’était sans parler de la colossale table de bois lustré qui trônait sur un promontoire royal, surplombant ainsi tout ce foisonnement de trésors.

Après un examen aussi circonspect qu’attentif, la roublarde constata qu’un garde à la mine patibulaire surveillant d’un œil las l’incessante déambulation des serviteurs apportant de faramineuses victuailles sur la massive table. Visiblement un dîner se préparait.

La voleuse remarqua également qu’au centre d’une des cloisons de la pièce, un escalier recouvert d’une monumentale descente rougeâtre montait vers les étages supérieurs tandis qu’un autre disparaissait vers les profondeurs opaques…

Zéphirah jaugea les serviteurs et leur incessant va et viens du regard.
Comme aiguillonnée par la pensée qui fit surface dans son esprit, elle sursauta imperceptiblement.

Lorgnant d’un air mélancolique le garde qui se trouvait non loin de la table garnit de victuailles, elle prit soin de se délester de ses doutes et de ses incertitudes, et se faufila le long du mur, s’arrêtant parfois derrière un fauteuil aux coussin moelleux, ou d’un meuble afin de se dissimuler du mieux qu’elle le pouvait.
Les pas réguliers des servants vibraient sur le sol miroitant, et lui indiquait leur progression au sein de la pièce. Elle baissa les yeux pour mieux se concentrer, et rencontra son propre regard dans le dallage lustré, un reflet flou des courbes douces de son visage et d’un sourire qui la transfigurait et lui donnait un air enfantin.

L’elfe se laissa à nouveau envelopper par les ombres et se dirigea en grande hâte jusqu’à la cloison du grand escalier qu’elle avait aperçut plus tôt, mais fut contrainte de s’arrêter de nouveau lorsque le regard du soldat de garde rencontra le sien. Elle cru d’abord qu’il l’avait repérer, mais comme il ne semblait pas réagir et que ses prunelles ne trahissait aucune autre émotion que la lassitude et un profond ennui, elle reporta son attention sur la cloison, toute proche, à quelques pas de sa cachette.
Elle guetta l’instant propice, et lorsque celui-ci fut venu, elle bondit avec l’agilité d’une chatte jusqu’à l’ouverture. Tout en se dirigeant vers l’étage supérieur, elle écoutait les bruits, une oreille plaquée contre la cloison, ses bottes glissant régulièrement sur les marches, à une ou deux secondes d’intervalle.

Le massif escalier était un endroit particulièrement dangereux pour un intrus. Il était vide de cachettes, ainsi que le passage forcé de nombreux domestiques pour circuler dans la maisonnée, ce qui n’incitait guère à s’y attarder. Au milieu de son parcours, il se tordait sur lui-même et repartait en sens inverse, de façon à ce que son départ soit quasiment sur la même verticale que son arrivée au premier étage.

Zéphirah fondit soudainement vers l’escalier, avant de gravir peu à peu les marches avec une agilité surnaturelle. Le garde ne remarqua même pas la tâche obscure passer un bref instant dans son univers visuel, exténué par des heures de surveillance, uniquement peuplées par un ennui sempiternel.

Cependant, la malchance se décida enfin à sourire à la roublarde, qui, en pleine ascension, entendit avec effroi des menus bruits de pas descendant à sa rencontre. Il aurait été suicidaire que de rebrousser chemin, si bien que la voleuse se plaqua vivement contre la paroi, en proie à un violent afflux d’adrénaline. Le temps paraissait soudain s’accélérer. L’état de fébrilité de son esprit, torrent à l’eau troublée de chaos, noyait la moindre de ses pensées.

Mais il était déjà trop tard, une frêle femme de chambre à l’air insouciant, portant un large panier d’osier vide, déboucha en face d’elle. La jeune fille interrompit brutalement le refrain qu’elle chantonnait en apercevant l’elfe, aussi sombre que la nuit dans son châle.

L’expression précédant caractéristiquement un hurlement strident commença à s’esquisser sur les traits juvéniles de la servante…

Légère et silencieuse, la voleuse progressait avec prudence, s’apprêtant à contourner l’angle de l’escalier, lorsqu’elle perçu un bruit. D’abord, elle se figea, totalement paralysée à la pensée soudaine de verser le sang avant l’heure…

Faisant corps avec le mur, elle attendit...d’une attente pénible qui lui sembla durer une éternité, l’esprit tout entier tourné vers le moment ou elle devrait frapper. Lorsque enfin apparut une jeune femme, un panier dans les bras, totalement inconsciente du danger qui la guettait, Zéphirah resserra son étreinte sur la garde de sa dague. Leurs regards se croisèrent. Avec une mélancolie non feinte, elle y lut, la surprise, la peur… autant de marques et de faiblesse qu’elle avait apprit à exorciser.

Elle se jeta sur sa proie à l’instant ou celle-ci s’apprêtait à exhumer sa peur. Une main plaquée sur sa bouche étouffa le cri qui lui montait aux lèvres, mais attisa la terreur dans son regard.
Un sentiment étrange pinça la cœur de l’elfe, une chose inavouable, dont elle aurait voulu se défaire au plus vite. L’innocence et la pureté de la jeune femme lui étaient familières, de même que ses gestes, inutiles et fébriles.

Reprenant ses esprits, elle se détesta d’avantage pour ce qu’elle allait faire.
D’une voix tendre et grave, elle murmura contre son oreille :

« Tu n’auras pas mal »

Fermement maintenue par la poigne de la voleuse, la femme de chambre cessa un instant de se débattre… Zéphirah profita de ce moment pour agir le plus rapidement possible, et d’une simple traction du poignet, glissa la lame effilée de Veldriss contre sa gorge chaude et menue de la jeune femme.
Le corps de celle-ci s’affaissa dans ses bras, comme prise d’une soudaine fatigue ou de lassitude.
L’elfe essaya tant bien que mal de dissimuler le corps, les cachettes manquaient, le temps aussi...

Car le temps lui était à présent compté, il en restait tout juste avant qu’on ne découvre le cadavre encore chaud de la jeune femme et que l’alarme ne soit donnée.
Elle reprit sa marche silencieuse vers l’étage suivant…

Arrivée sur le palier, la roublarde s’immobilisa pour s’orienter. L’endroit était baigné d’une étrange quiétude en comparaison à l’agitation régnant en bas. L’adrénaline de l’excitation croissait peu à peu en elle, dopant ses sens et embrouillant ses pensées. Il fallait être rapide et prudent.

La demeure était vaste, plusieurs couloirs partaient dans toutes les directions, menant sans doute à diverses chambres et salles. L’opulence était toujours aussi omniprésente, de riches décorations meublaient les parois, et de précieux tapis constellés de fines arabesques recouvraient le sol marbré. Quant à lui, l’escalier continuait de monter vers les étages supérieurs. Le maître des lieux pouvait se trouver n’importe où, mais comment le savoir sans perdre trop de temps à de vaines recherches ?

[désolé pour le retard]

La voleuse s’arrêta sur son seuil, afin d’étudier le nouveau terrain de chasse qu’on lui offrait. Bien plus intéressant, plus vaste et ambitieux. Chaque pas la rapprochait du but, et pourtant, elle ne baissa pas la cadence et se faufila jusqu’à la première piece à sa porté.
Elle pouvait continuer ainsi, oreille contre battant, guettant le moindre souffle, ou bien s’en aller directement à l’étage supérieur.

Elle s’offrit le luxe de quelques coups rapides d’œil par les serrures, pour en vérifier le contenu de la chambrée. Elle ne cherchait pas de simples chambres, il lui fallait les plus belles pièces de la demeure, de beaux lits, de la soie, l’odeur d’un parfum cher… un indice qui puisse la mettre sur la bonne voie.
Il lui restait un étage ainsi qu’un probable grenier. Un étage…et une multitude de possibilités.

[Hrp : J’aimerais savoir ce que contiennent certaines chambres, pour savoir ou continuer. Merci ^ ^]

L’étage semblait contenir une pléthore de chambres et de pièces d’utilité commune. La plupart de ces salles paraissaient être dévouées aux domestiques, en effet, malgré les splendides atours dont la maisonnée entière était parée, une certaine impression de frugalité s’exhalait de ces pièces. Ici, point de bustes marbrés ni d’opulentes soieries, simplement des draps propres et quelques meubles taillés dans un bois grossier. La roublarde aperçut même plusieurs fois les traditionnels habits des membres de la caste des jocrisses, suspendus dans des armoires désespérément dénuées d’ornements. Le lieu, quant à lui, était quasiment vide, les valets devant sans doute s’affairer à la préparation des victuailles ; la voleuse dut juste éviter quelques caméristes en plein ouvrage.

A moins que le maître des lieux ne se fut vu la proie d’une subite affliction de valetage, il ne devait guère se trouver à cet étage de la bâtisse.

Bien qu’il fût inutile d’entreprendre une exploration plus poussée des lieux, elle jeta un dernier regard en arrière, amère de ses funestes pensées, se promettant d’y repasser, au cas ou tout cela n’avait été qu’un subterfuge visant à masquer la vérité. Quoi qu’avec pareille garde, le maître des lieux ne devait pas se causer tant de soucis sur sa propre sécurité. Elle eu une pensée mauvaise pour lui, ce qui n’atténua en rien sa profonde et suintant haine, celle qu’elle réservait aux mages, et à bien d’autre engeances… Se satisfaisant de ce qu’elle avait vu, elle regagna en grande hâte l’escalier et dévala quatre à quatre la volée de marche.
Elle n’eu pas une seule pensée pour ce qui l’attendait en haut, bien qu’elle fut certaine d’être sur la bonne voie… sa dernière chance…, elle se forgea un masque d’impassibilité, propre à atténuer ses émotions, et déambula jusqu’au prochaine seuil.

A peine la roublarde avait-elle franchi quelques marches qu’elle perçut clairement un changement. Les opulentes soieries décorant les parois se faisaient plus riches, de somptueux chandeliers aux formes sibyllines baignaient l’escalier d’une lueur douce. Le doucereux parfum de la noblesse s’exhalait de chaque objet ayant le privilège de figurer dans cette descente mirobolante.

Zéphirah débarqua finalement sur le pallier, un couloir partait directement sur la gauche et rien d’autre à première vue. Le maître était-il un adepte des passages secrets ? L’étage devait sans doute être intégralement occupé par une luxueuse suite. Elle était sur la bonne voie, ce n’était plus qu’une question de secondes. Sa proie ne devait être qu’à quelques mètres, elle sentit l’adrénaline resurgir en elle, tel un flux aussi brusque que roboratif.

Elle risqua un rapide coup d’œil dans le couloir, et ses craintes furent vite confirmées. Un corpulent mercenaire dont les proportions rappelaient plus celles d’un gorille que d’un être humain campait devant une massive porte de bois. La bête humaine ne semblait porter pour armure qu’un mince survêtement de cuir, sa masse graisseuse ou musculeuse selon les interprétations devait sans doute faire le reste, mais l’impressionnante masse qu’il brandissait dans sa main gauche ne laissait aucun doute quant à sa fonction.

Le colosse arborait l’air patibulaire de celui que l’argent a rendu fainéant.

A la vue du garde, debout devant la lourde porte, les prunelles de Zéphirah luisirent d’une excitation proche de l’extase. Traquer sa proie sur son propre terrain, et enfin, toucher au but, lui apportait ce même plaisir qu’on les mages à jouer de leur mains aux grands Arts, tout comme celui qu’on les guerrier à l’issue d’une bataille sanglante … elle tenta du mieux qu’elle pu de maîtriser les tremblement qui la parcouraient, et d’apaiser le feux de son regard, trop repérable.

Sur un signe de lassitude, renvoyé par le garde, elle resserra d’avantage son étreinte sur Shalany, gardant bien la dague enduite de poison sous les plis de sa robe. Elle mourrait d’envie de délester le garde de son gras avec la lame effilée de Veldriss, mais celle-ci était réservée à l’attention du mage, enduite d’un fulgurant poison pour l’occasion.

S’humectant les lèvres, elle mesura la distance qui les séparait. Elle ne devait pas faillir, si proche du but… elle se sentie soudain une pensée angoissante, l’ombre d’un doute planant sur elle, et quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’elle entendit son propre cœur, battre la chamade dans sa poitrine, produisant un boucan affreux. Jetant un regard apeuré en direction de l’homme, de sa cachette, elle s’exerça à faire le vide en elle, atténuant ses craintes, ses peurs et rattrapant la mesure de son souffle.
Elle parvint tout de même à reprendre le contrôle d’elle-même, au prix d’un intense effort.
Glissant contre les tapisserie qui décoraient le mur, sans souffle ni bruissement, elle bondit sur l’humain, sa valdris cisaillant l’air dans un sifflement aigue, et fendit le crâne de l’homme, avec un bruit sec, le tuant net.
Il glissa tout contre la porte, des miasmes sanglants sillonnant le bois riche et sombre. L’écartant du pied, elle se pencha sur la serrure qu’elle étudia avec intérêt, afin d'en écarter tout piège, aussi magique fut-il…

La roublarde inspectait soigneusement la massive porte de chêne. Cette dernière était finement ouvragée, comme en témoignait les reliures argentées qui la sillonnaient, formant d’élégants motifs dans la plus pure tradition aristocratique. Malheureusement, la porte semblait être verrouillée. Elle jeta alors un bref coup d’œil à travers l’interstice de la serrure, mais elle ne perçut que le relief de nombreux mécanismes noyés par l’obscurité, sans doute d’un cache vue. Zéphirah soupira, qu’il était ardu que de se concentrer sur une tâche minutieuse, exigeant un sang-froid inhumain, alors que l’ardent brasier de l’excitation palpitait dans votre chair.

La voleuse fut soudainement interrompue dans ses réflexions par une voix doucereuse, nappée d’arrogance et d’orgueil, dont la suffisance perçait aisément le large vantail de bois. Elle sut immédiatement à qui elle avait affaire, et son cœur se mit à battre la chamade.

« Barlok ! Va me chercher cette jeune servante dont je t’ai parlé ce matin ! Tout de suite ! »

La voix, impatientée, répéta sur un ton courroucé, qui exhalait encore plus la sournoiserie.

« Barlok ?! Fainéant, réponds-moi ! »

La tension monta d'un cran dans l'esprit de Zéphirah...

Hrp : Excusez moi pour le retard... c'est bien long mais j'ai oublié de prévenir que j'étais absente durant quelques semaines :notme:

La proximité de la voix, ses doigts sillonnant le bois du seul obstacle se dressant encore sur sa route, n’altérait en rien son excitation, qui, bien au contraire, nourrissait son cœur tapageur.
L’elfe se figea, et ne dit rien, préférant le silence à l’action, non sans une once d’indécision, elle piétina maladroitement le cadavre du garde malchanceux et vint se coller au mur latéral.
Elle du faire appel à tout son sang-froid pour gendarmer ses réflexes, qui aurait pu facilement causer sa perte, comme le contact rassurant du métal glacé entre ses doigts l’aurait poussé à bondir.
De nouveau, la voix s’éleva, insistante, poussant Zéphirah au paroxysme du doute. Elle ne semblait pas vouloir réagir, et même, se priver d’air ne semblait pas la déranger outre mesure.
Ses talents d’imitation, qu’elle exerçait chaque jour, s’étaient révélés convaincants, mais pas infaillibles. Un seul faux pas, et ses cordes vocales trop tendues la trahiraient.
A cette unique pensée, elle se crispa douloureusement, le sang cognant rudement à ses tempes. Elle n’avait jamais envisagé l’échec, trop sûre d’elle, car bien jeune.
Elle attendit, avec appréhension, une réaction du mage…

L’homme, loin de paraître véritablement inquiet quant à la cause de l’absence de son domestique, fit mine de se renfrogner. Puis, soudainement, la roublarde perçut le cliquetis familier d’une clé que l’on tourne dans une serrure finement ciselée. Le déclic providentiel du verrou ne tarda guère à se faire entendre, marquant sa quête d’auspices des plus favorables.

L’heure était venue…

Le thaumaturge tira la lourde porte, qui s’ouvrit vers lui dans un gémissement sépulcral. Durant ces brèves secondes précédant le paroxysme de violence, tout exhalait la Mort, même les habituels chatoiements des flamboyantes tapisseries avaient pris des airs de linceuls funèbres, les splendides chandelles parsemées dans le couloir semblaient désormais endosser le rôle de candélabres éclairant le dernier voyage du moribond.

Malheureusement, dans sa fougue, la voleuse avait oublié de dissimuler l’imposant corps du colosse, suintant d’hémoglobine. Si bien que la première chose que vit sa proie par l’entrebâillement de la porte mi-ouverte fut une moitié de corps vautrée dans une mare de sang qui imbibait les veinures du bois lustré, tout comme la peur envahit brusquement le cœur aride du sorcier.

Ce dernier, mû par une vivacité démentant avec sa démarche patibulaire, se rua en arrière tout en tentant de refermer la cloison. Mais Zéphirah, aux aguets, se rua dans l’ouverture, l’arme au point, prête à couper une nouvelle fois le mince fil de la vie…

C’était bien lui, une frêle barbe grisonnante, un nez busqué, des cheveux noirs, vêtus de milles artifices et entichés de pierreries, empestant par-dessus tout cette arrogance bien propre à la caste aristocratique. Il se ressaisit dans un effort surhumain pour se contrôler et harangua la tueuse avec un empressement teinté d’angoisse. Il avait plus d’un tour dans son sac, et sa voix mielleuse marquait des talents diplomatiques certains.

« Eh ! Attendez, je vous en supplie, je vous offre 1000 pièces d’or contre ma vie ! »

Amer Thadik s’était réfugié dans les tréfonds de son opulente chambre, aussi immense que débordant d’une richesse frôlant l’obscène, en tout cas vis-à-vis des gueux mourant de faim dans les méandres dédaléens de certains quartiers Mélandiens. Mais il n’y avait pas d’issue parmi tous ces trésors et cette débauche de luxe, hormis un plongeon par la fenêtre, qui lui aurait sans doute remis les pieds sur terre…

Il était là, tout prêt d’elle, et puait l’aristocratie à cent lieux…
La voleuse avait déjà la main sur la garde de sa Veldriss, prête à bondir, ses pensées entières tournées vers lui.
Elle lui lança un regard chargé de mépris, comme si sa proposition avait de quoi l’étonner, mais reprit bien vite contenance. Un échec, un seul de sa part et son sort n’aurait rien d’enviable si ce n’était la mort elle-même.

Elle esquissa un sourire, bien qu’en elle, rien ne riait…, s’appliqua à le rendre rassurant, et fit mine d’avancer, les bras détendus le long du corps, d’une démarche souple et sensuelle.
Les humains… comme cette race parasite, sensible et éphémère pouvait-elle rassembler autant d’or, de pierres, de luxe et prospérer sur ces terres de pouvoirs.
Tout à ses sombres pensées, elle remarqua qu’il reculait à mesure de sa progression, vers ses possessions ; d’opulentes richesses qui lui soulevèrent le cœur…
Elle garda le même calme, si atypique, et minauda :

« Allons monseigneur… si vous voulez retenir mon bras, il vous faudra faire mieux. »

Dans un élan de colère elle plongea sur la droite de l’homme, l’assise souple de sa main sur le pommeau de sa dague, et roula jusque dans son dos. Une main brûlante, plaquée sur ses lèvres dans un geste brusque, elle enfonça l’arme enduite de poison jusqu’à la garde, sans verser le sang, fouillant très peu au travers des chairs ciselées. Le fulgurant venin eu raison de lui rapidement.
Il s’effondra sans un gargouillis, fixant sur la voleuse un regard apeuré… celui d’une proie traquée.
Elle ne prit même pas la peine de le fouiller, et rebroussa chemin laissant le cadavre ou il avait chu.

Alors que la roublarde descendait en trombe l’escalier menant au premier étage, celui aux florilèges de chambres et bibliothèques, de soudaines exclamations terrifiées retentirent dans la maisonnée, parvenant du bas. Elle sut immédiatement qu’une telle panique ne pouvait être mue que par l’angoissante vision d’un cadavre encore chaud, triste pantin désarticulé au faciès défiguré par les maléfices de la Faucheuse. La juvénile domestique n’avait pas tardée à être dérangée de son long et si profond sommeil.

La roublarde réfléchit au quart de tour, dans quelques instants, de nombreux soldats patrouilleraient de fond en comble l’opulente demeure, et découvriraient rapidement le macabre destin du maître des lieux. L’ombre des abominables sévices infligés aux meurtriers capturés planait en arrière-fond dans son esprit fébrile, telle une tumeur maligne grossissant au cœur de ses pensées. Il fallait faire vite, chaque seconde comptait, la moindre hésitation pouvait être fatale.

Deux opportunités s’offraient à elle, elle pouvait tenter de trouver une issue à l’étage même, dans le dédale de luxueux salons et autres antichambres de la bourgeoisie, ou bien tenter sa chance par la force dans l’escalier…

Le doute l'avait instantanément foudroyé sur place, telle une statue privée de conscience.
Mue par une impulsion subite, elle dévala quatre à quatre l'étroite volée de marche, mais s'arrêta dans le couloir, ou elle avait fouillé, il y'avait à peine quelques minutes, les pièces à la recherche de sa proie défunte.
Revenue sur ses pas, elle reconnue la suite de luxueuses tapisseries, habillant les murs, et les hauts candélabres d'argent à branches multiples, produisant une lumière luxuriante.
Elle cherchait avec la frénésie issue d'un esprit enfiévré par l'angoisse, tout en se repaissant du danger qui galvanisait ses forces, et la gardait plus éveillée que jamais.
Une seconde, ses yeux s’agrandirent ; des bruits lui parvenaient d'en bas ;
Encore loin, espérait-elle.... Elle détourna rapidement la tête, et se concentra sur ses recherches.

Fenêtre, fenêtre… Le mot palpita dans son esprit, nimbant d’un baume salvateur sa frénésie de liberté. La roublarde se rua dans la succession de pièces aux tapisseries alambiquées de frivolités. Elle priait silencieusement pour qu’aucun barreau ne vienne entraver sa fuite, de telles armatures peuvent autant retenir que contenir. Il fallait faire vite, l’inéluctable Ennemi temporel était contre elle. Déjà les murmures affolés s’étaient mus en vengeurs grondements. Les fureurs et outrages propres à un meurtre gratuit. La violence des réactions n’aurait d’égale que la célérité avec laquelle l’oubli frapperait les mémoires…

Zéphirah poussa un soupir de soulagement, un vitrail dénué de protection se dessinait aux confins de son champ visuel, elle y était presque. Elle brisa la fine vitre avec une délicatesse aussi prononcée que possible dans l’urgence des événements. L’ampleur du bruit lui sembla cependant suffisante à rameuter une armée de sourds. Ensuite, d’un pas agile, elle se glissa prestement dans l’interstice par laquelle le vent hululait son requiem funèbre, puis se laissa tomber des quelques mètres qui la séparaient du sol terreux.

Elle jeta un œil circonspect dans le jardin désert, tout respirait une paisible quiétude, une sérénité aux airs bien trop sinistres. Mais déjà les cris la rattrapaient…

Le jardin présentait des lieux d’une sérénité accentuée par le murmure du vent, en décalage par rapport aux cris qui perçaient haut et fort à l’intérieur de cette demeure prison.
Zéphirah roula sur le côté pour mieux observer les horizons silencieux, tout en gardant une oreille attentive aux éventuels bruits d’extérieur.
Elle se savait prise entre le grillage et la sortie principale, au sud, ou des gardes menaient une ronde ininterrompue.
Déjà le froid soleil du matin parvenu à son zénith, réchauffait vaguement le gazon fleuri, et projetait des ombres moindres ou elle pouvait dissimuler sa frêle silhouette.
Elle déambula avec sa grâce féline jusqu’au grillage qu’elle avait franchit à son arrivée, et escalada la paroi, le souffle court, terrifiée à l’idée que les éclats de voix s’intensifiaient derrière elle. Après avoir menée la pire ascension de son existence, elle retomba de l’autre côté, entre les herbes folles, et courut à en perdre haleine, jusqu’au prochain mur végétal. Ses doigts effilés agrippèrent par poignée les feuillages et elle retomba en un prodigieux saut dans la ruelle étroite, dominée par les ombres même en plein cœur du jour.

Le fin voilage sombre avait glissé sur ses épaules, dévoilant des mèches ébène, flottantes dans sa course effrénée comme divers sillons. Elle s’arrêta à l’abri d’une gouttière, et s’appuya contre le mur noirci, afin de reprendre la mesure de son souffle qui, elle en avait l’impression, allait déchirer sa poitrine, tant celle-ci se soulevait démesurément.

Une fois calmée, elle se risqua un coup d’œil à l’extrémité de la ruelle, qui semblait parfaitement vide de vie et de voix. Seul une sourde rumeur parvenait à ses oreilles tendues à l’extrême. Galvanisée d’une nouvelle assurance, elle s’élança jusqu’à une venelle parallèle à la sienne, et s’enfonçait déjà dans les quartiers moins fastes, si peu exubérants mais si familiers. Son cœur cessa de rouler tambour et elle s’appliqua à courir, toujours à vive allure, mettant une distance plus que suffisante entre la propriété du noble défunt et elle.

La sombre messagère avait exécuté son contrat, elle pouvait désormais retourner à la taverne des Bas-Quartiers. Le mystérieux commanditaire serait sans doute rapidement informé du succès de son entreprise.

Une ineffable impression planait dans son coeur alors qu'elle se dirigeait vers l'antre des miséreux...

La Couronne de Cuivre

[Quête] Assassinat