Posté : jeu. 17 févr. 2005, 18:43
Le feu crépitait joyeusement. Angus reposa une branche dans le foyer.
« La Patience vient de se poser sur la mer au Nord du territoire des fées. Ils ne tarderont pas »
Aifé avait parlé sans ouvrir les yeux et il avait dû se pencher pour l’entendre. La fin approchait. Une boulle se forma dans sa gorge. La mort allait finir par l’emporter. Ce n’était plus qu’une question de jours. Peut être d’heures.
« Aelis m’a promis qu’elle serait là à temps »
Sa main enveloppa doucement celle d’Angus.
« En fait, je n’ais pas peur de la mort, souffla t’elle, qu’elle vienne et je la combattrai. Si elle croît m’attraper aussi facilement »
Elle eût un petit rire, vitre remplacé par une quinte de toux. Il lui donna à boire.
« Ne t’agite pas inutilement. Garde tes forces pour monter sur le bateau »
Elle hocha la tête. La caverne replongea dans le silence. Le vieil homme crût qu’Aifé allait s’endormir mais elle reprit soudain la conversation.
« Je ne pense pas que la mort soit une absence de vie. Au contraire, elles sont si liées qu’elles se confondent. Peut être n’est ce qu’un long sommeil et qu’Andarta n’est qu’un conte pour endormir les enfants. Peut être sommes nous morts plusieurs fois sans nous en rendre compte. Cela peut être un voyage dans un autre monde »
Une larme roula sur sa joue.
« Ne pleure pas Angus, supplia t’elle, pas toi »
***
« Ton épaule est intacte. Je ne vois aucune lésion »
Gwenaël remit sa chemise et se leva.
« Tu peux aller dormir sans crainte »
Il secoua la tête.
« Pourrais-je vous parler ? »
Elle lui montra un siège et prit place en face de lui. Il attendit longtemps avant de se lancer.
« Notre mère à tous sait que notre monde court un immense danger mais elle m’a choisi pour le sauver. Je ne suis qu’un enfant ! Souvent, je pense que les prêtres du sanctuaire se sont trompés en interprètant les signes.
- Et tu te dis que si tel était le cas, nous courrons à notre perte »
Il hocha la tête. Elle lui sourit.
« J’ai les mêmes craintes depuis que l’on m’a désignée comme « damnée d’Ombrelune et je pense sincèrement qu’Aelis est ébranlée par les mêmes doutes. En fait, nous n’avons qu’une certitude : nous devons renouveler le pacte de nos aïeux. Et nous le ferons. Qu’importe ce qui se passera par la suite mais nous aurons accompli notre devoir de Cuarlunien »
Ses paroles le touchèrent. Alors, la pieuse Maïwenn doutait des desseins d’Andarta.
Mais elle avait raison. Si leur périple ne servait à rien, ils l’auraient accompli quelles que soient les conséquences.
« En fait, nous nous battons pour tous ceux qui ont porté en nous leur espoir. Du moins, c’est la raison qui me pousse à avancer »
***
« Je t’assure que je te dis la vérité. Cette femme a vaincu une dragonide à elle seule »
Marzhevenn secoua la tête. Kieran souffla exaspéré.
« C’est une guerrière de Tierlune, poursuivit il dans l’espoir de convaincre son frère, elle a remporté le tournois de Cuarlune cette année »
Les yeux de Marzhevenn s’éclairèrent.
«Au moins, toi tu t’intéresses à ce que je te raconte
-Normal, répondit Kieran en lui envoyant un oreiller sur la tête, je suis ton frère »
Il alla s’asseoir à coté de lui.
« Et que pense tu d’Isolina ? »
Kieran s’allongea sur son lit, les bras croisés sous sa tête. Marzhevenn trépigna d’impatience.
« Ce n’est pas une femme pour moi, laissa t’il tomber au bout d’un long moment, je la trouve belle et spirituelle mais sa façon de tourner autour de nous me déplait. Tout à l’heure, elle a embrassé Diwenn
-C’est normal, c’est son compagnon »
Il se tourna vers son frère, furieux d’avoir été interrompu en pleine réflexion.
« Oui, c’est normal. Mais ce qui ne l’est pas c’est la façon dont elle a posé la main sur mon genou pendant le repas. Et toi, elle t’a serré dans ses bras
-Ce fut un moment fort agréable » murmura t’il.
Kieran se jeta sur lui et lui frictionna la tête.
« Mon petit frère est tout émoustillé » dit il en riant.
Ils chahutèrent quelques minutes avant de retrouver leur calme. Kieran reprit sa position habituelle.
Marzhevenn s’assit en tailleurs près de lui.
« La femme que je recherche devra avant tout être douce, murmura t’il rêveur, elle devra être lettrée, polie et honnête »
Marzhevenn sourit. Son frère était toujours égal à lui-même.
Il lui dit, histoire de plaisanter :
« Moi, ce n’est pas compliqué. Il me faut une femme avec une énorme poitrine »
Il saisit deux oreillers et les fourra dans sa chemise.
«Comme ça »
Et il se mit à danser avec ses seins imaginaires. Kieran éclata de rire mais redevint soudain sérieux.
« Qu’y a-t-il Kieran, je ne te plais plus ? » demanda t’il surpris.
Une main furieuse attrapa son oreille.
« Petit imbécile, lui hurla Maïwenn pendant qu’il cherchait à se débattre, tu devrais avoir honte ! »
Quand elle le lâcha, ce fut pour se diriger à grands pas vers Kieran qui recula les mains sur les oreilles.
« Vous devriez avoir honte, corrigea t’elle, nous sommes des membres de la famille Lochnohan. Nous devons être respectables et vous … »
Elle laissa planer un silence lourd de reproches avant de reprendre.
« Je vous ais dit de dormir avant de prendre votre tour de garde et l’on vous entend hurler dans tout le bâtiment. Si vous continuez, je vous sépare »
Marzhevenn se jeta à genoux.
« Pardon, grande sœur chérie. Nous ne le ferons plus »
Ses grands yeux se firent suppliants. Elle ne put s’empêcher de sourire.
« D’accord. Mais c’est le dernier avertissement » Dit elle en sortant sans voir ses frères qui lui tiraient la langue.
***
Aelis et Guielin contemplaient le lever argenté de la lune depuis le gaillard d’avant de la Patience. Ils s’étaient proposés pour assurer la première garde. Si un être-fée se montrait, ils devraient s’empresser de réveiller Maïwenn. Mais pour l’instant, tout était calme comme pour inviter à la méditation.
Le sable violine, les rochers noirs, les arbres immenses aux teintes automnales, et ces étincelles dorées qui traversaient quelquefois la plage. Les chants étranges montant de la forêt. Tout était mystérieux.
« Aifé a de plus en plus de mal à communiquer avec moi. Elle ne va pas tenir longtemps »
Aelis avait parlé pour faire face au silence qui s’était immiscé entre eux.
« Elle va s’en sortir, promit Guielin, nous n’allons pas tarder à arriver. Maïwenn saura quoi faire »
Elle leva les yeux au ciel.
« Maïwenn, toujours Maïwenn, soupira t’elle, ne cesseras tu jamais de parler d’elle ? »
Il perçut dans sa voix un peu d’exaspération. De jalousie peut être.
« Elle est notre hôte et de surcroît un très bon capitaine, dit il calmement, tu ne devrais pas être si dure avec elle »
Elle haussa les épaules.
Ils replongèrent dans le silence. Cela faisait une vingtaine d’année qu’ils vivaient l’un sans se passer de l’autre. Mais subitement, ils se sentaient comme étrangers. Patauds, maladroits tout comme leurs mots. Pauvres hères touchés par le mal d’aimer.
« La Patience vient de se poser sur la mer au Nord du territoire des fées. Ils ne tarderont pas »
Aifé avait parlé sans ouvrir les yeux et il avait dû se pencher pour l’entendre. La fin approchait. Une boulle se forma dans sa gorge. La mort allait finir par l’emporter. Ce n’était plus qu’une question de jours. Peut être d’heures.
« Aelis m’a promis qu’elle serait là à temps »
Sa main enveloppa doucement celle d’Angus.
« En fait, je n’ais pas peur de la mort, souffla t’elle, qu’elle vienne et je la combattrai. Si elle croît m’attraper aussi facilement »
Elle eût un petit rire, vitre remplacé par une quinte de toux. Il lui donna à boire.
« Ne t’agite pas inutilement. Garde tes forces pour monter sur le bateau »
Elle hocha la tête. La caverne replongea dans le silence. Le vieil homme crût qu’Aifé allait s’endormir mais elle reprit soudain la conversation.
« Je ne pense pas que la mort soit une absence de vie. Au contraire, elles sont si liées qu’elles se confondent. Peut être n’est ce qu’un long sommeil et qu’Andarta n’est qu’un conte pour endormir les enfants. Peut être sommes nous morts plusieurs fois sans nous en rendre compte. Cela peut être un voyage dans un autre monde »
Une larme roula sur sa joue.
« Ne pleure pas Angus, supplia t’elle, pas toi »
***
« Ton épaule est intacte. Je ne vois aucune lésion »
Gwenaël remit sa chemise et se leva.
« Tu peux aller dormir sans crainte »
Il secoua la tête.
« Pourrais-je vous parler ? »
Elle lui montra un siège et prit place en face de lui. Il attendit longtemps avant de se lancer.
« Notre mère à tous sait que notre monde court un immense danger mais elle m’a choisi pour le sauver. Je ne suis qu’un enfant ! Souvent, je pense que les prêtres du sanctuaire se sont trompés en interprètant les signes.
- Et tu te dis que si tel était le cas, nous courrons à notre perte »
Il hocha la tête. Elle lui sourit.
« J’ai les mêmes craintes depuis que l’on m’a désignée comme « damnée d’Ombrelune et je pense sincèrement qu’Aelis est ébranlée par les mêmes doutes. En fait, nous n’avons qu’une certitude : nous devons renouveler le pacte de nos aïeux. Et nous le ferons. Qu’importe ce qui se passera par la suite mais nous aurons accompli notre devoir de Cuarlunien »
Ses paroles le touchèrent. Alors, la pieuse Maïwenn doutait des desseins d’Andarta.
Mais elle avait raison. Si leur périple ne servait à rien, ils l’auraient accompli quelles que soient les conséquences.
« En fait, nous nous battons pour tous ceux qui ont porté en nous leur espoir. Du moins, c’est la raison qui me pousse à avancer »
***
« Je t’assure que je te dis la vérité. Cette femme a vaincu une dragonide à elle seule »
Marzhevenn secoua la tête. Kieran souffla exaspéré.
« C’est une guerrière de Tierlune, poursuivit il dans l’espoir de convaincre son frère, elle a remporté le tournois de Cuarlune cette année »
Les yeux de Marzhevenn s’éclairèrent.
«Au moins, toi tu t’intéresses à ce que je te raconte
-Normal, répondit Kieran en lui envoyant un oreiller sur la tête, je suis ton frère »
Il alla s’asseoir à coté de lui.
« Et que pense tu d’Isolina ? »
Kieran s’allongea sur son lit, les bras croisés sous sa tête. Marzhevenn trépigna d’impatience.
« Ce n’est pas une femme pour moi, laissa t’il tomber au bout d’un long moment, je la trouve belle et spirituelle mais sa façon de tourner autour de nous me déplait. Tout à l’heure, elle a embrassé Diwenn
-C’est normal, c’est son compagnon »
Il se tourna vers son frère, furieux d’avoir été interrompu en pleine réflexion.
« Oui, c’est normal. Mais ce qui ne l’est pas c’est la façon dont elle a posé la main sur mon genou pendant le repas. Et toi, elle t’a serré dans ses bras
-Ce fut un moment fort agréable » murmura t’il.
Kieran se jeta sur lui et lui frictionna la tête.
« Mon petit frère est tout émoustillé » dit il en riant.
Ils chahutèrent quelques minutes avant de retrouver leur calme. Kieran reprit sa position habituelle.
Marzhevenn s’assit en tailleurs près de lui.
« La femme que je recherche devra avant tout être douce, murmura t’il rêveur, elle devra être lettrée, polie et honnête »
Marzhevenn sourit. Son frère était toujours égal à lui-même.
Il lui dit, histoire de plaisanter :
« Moi, ce n’est pas compliqué. Il me faut une femme avec une énorme poitrine »
Il saisit deux oreillers et les fourra dans sa chemise.
«Comme ça »
Et il se mit à danser avec ses seins imaginaires. Kieran éclata de rire mais redevint soudain sérieux.
« Qu’y a-t-il Kieran, je ne te plais plus ? » demanda t’il surpris.
Une main furieuse attrapa son oreille.
« Petit imbécile, lui hurla Maïwenn pendant qu’il cherchait à se débattre, tu devrais avoir honte ! »
Quand elle le lâcha, ce fut pour se diriger à grands pas vers Kieran qui recula les mains sur les oreilles.
« Vous devriez avoir honte, corrigea t’elle, nous sommes des membres de la famille Lochnohan. Nous devons être respectables et vous … »
Elle laissa planer un silence lourd de reproches avant de reprendre.
« Je vous ais dit de dormir avant de prendre votre tour de garde et l’on vous entend hurler dans tout le bâtiment. Si vous continuez, je vous sépare »
Marzhevenn se jeta à genoux.
« Pardon, grande sœur chérie. Nous ne le ferons plus »
Ses grands yeux se firent suppliants. Elle ne put s’empêcher de sourire.
« D’accord. Mais c’est le dernier avertissement » Dit elle en sortant sans voir ses frères qui lui tiraient la langue.
***
Aelis et Guielin contemplaient le lever argenté de la lune depuis le gaillard d’avant de la Patience. Ils s’étaient proposés pour assurer la première garde. Si un être-fée se montrait, ils devraient s’empresser de réveiller Maïwenn. Mais pour l’instant, tout était calme comme pour inviter à la méditation.
Le sable violine, les rochers noirs, les arbres immenses aux teintes automnales, et ces étincelles dorées qui traversaient quelquefois la plage. Les chants étranges montant de la forêt. Tout était mystérieux.
« Aifé a de plus en plus de mal à communiquer avec moi. Elle ne va pas tenir longtemps »
Aelis avait parlé pour faire face au silence qui s’était immiscé entre eux.
« Elle va s’en sortir, promit Guielin, nous n’allons pas tarder à arriver. Maïwenn saura quoi faire »
Elle leva les yeux au ciel.
« Maïwenn, toujours Maïwenn, soupira t’elle, ne cesseras tu jamais de parler d’elle ? »
Il perçut dans sa voix un peu d’exaspération. De jalousie peut être.
« Elle est notre hôte et de surcroît un très bon capitaine, dit il calmement, tu ne devrais pas être si dure avec elle »
Elle haussa les épaules.
Ils replongèrent dans le silence. Cela faisait une vingtaine d’année qu’ils vivaient l’un sans se passer de l’autre. Mais subitement, ils se sentaient comme étrangers. Patauds, maladroits tout comme leurs mots. Pauvres hères touchés par le mal d’aimer.