Posté : ven. 04 mars 2005, 16:49
"Aifé, s'il te plait, essayes de boire"
La jeune fille ouvrit avec peine ses yeux fiévreux. Angus l'aida à se soulever. Elle avala deux gorgées et détourna la tête.
"C'est bien" mentit il.
Elle se tourna lentement vers lui, s'appuya contre son épaule et lui glissa à l'oreille :
"Pourrais-je te demander une faveur ?
-Bien sûr, je ne refuserai rien à ma sale gamine"
Elle se laissa le temps de reprendre son souffle. Puis fit l'extrême effort de se redresser pour le regarder droit dans les yeux.
Et elle lui demanda :
"Si le bateau n'arrive pas dans deux jours, je voudrais que tu me tues"
Il la regarda atterré.
"Te tuer, mais tu n'y pense pas. Comment pourrais-je mettre fin à la vie d'une personne comme toi
-Ne me dis pas que cette idée ne t'a jamais effleuré" lui dit elle avec un petit sourire.
Bien sûr, il avait eût des envies de meurtre après chacun de ses coups pendables. Surtout que la gamine ne manquait pas d'imagination : uriner dans sa tarte aux pommes, déposer un têtard vivant dans son pot de confitures, voler ses habits quand il était à la rivière… Il avait été sa principale victime.
"C'était justifié, se défendit il, aujourd'hui c'est hors de question. Tu es la seule personne qu'il me reste"
Elle secoua la tête.
"J'ai trop mal Angus, se plaignit elle pour la première fois, je ne peux plus bouger, plus parler. Je n'ais plus la force de rien, juste d'attendre. Mon corps n'est qu'une prison en ruine. Si le bateau ne vient pas, il déclinera lentement. Et je ne veux pas vivre ça …
- Ne parle pas de cela, l'interrompit il brutalement, tu n'as pas le droit de parler ainsi"
Elle le regarda abasourdie quelques secondes avant de se mettre à pleurer.
"Pardonne moi" dit il doucement.
Elle se blottit contre lui comme un enfant effrayé par l'obscurité. Il la berça jusqu'à ce qu'elle s'endorme.
***
C'était la première fois que Morgrevann marchait dans les forêts de Primelune. En temps normal, il aurait pris le temps d'admirer le paysage mais l'heure était grave. Aucun des villageois alliés n'était parvenu à débusquer Aifé de Gorneval. Aucune trace, aucun indice. Il avait juste trouvé des traces de sang au pied d'un arbre. Visiblement, la jeune fille ne s'était arrêtée que pour soigner la blessure infligée par Feldorn. De toute façon, elle n'allait pas tenir longtemps à cause du poison. Le seul souci serait de retrouver son corps pour prouver à Afang qu'elle était bien morte. Il aurait alors droit à tous les honneurs. Les hommes de Primelune qui l'accompagnaient reculèrent devant son sourire carnassier.
"Qu'attendez vous pour poursuivre les recherches ? Nous nous sommes alliés à des hommes d'action. Pas à des fainéants"
Ils obéirent sans tarder sans doute pour mettre de la distance entre eux et lui.
"Idiots" souffla t'il.
***
Eudaimon foula du pied le sol de Quarlune. Derrière lui, le pont de rochers s'écroula dans le gouffre. Il se reconstruirait de lui-même à son retour. Du moins, s'il revenait.
Il pensa à sa mère qu'il avait laissée en larmes chez lui.
Après le conseil, elle avait tenté de le faire revenir sur sa décision. En vain. Tous les deux savaient que personne ne se serait jamais proposé d'aller à sa place et il n'aurait jamais pu se résoudre à la laisser partir…
Il regarda autour de lui. Le sol était couvert de sable noir. Des collines mornes et sombres tentaient d'atteindre le ciel. Tout baignait dans une brume orange âtre à forte odeur de souffre. Il frissonna. Il ne restait rien du splendide paysage de cascades et de verdoyantes collines qu'il avait connu dans sa jeunesse. Un poste de garde délabrait se dressait au milieu de la route. Il s'avança prudemment.
"Halte là. Qui êtes vous et où comptez vous aller ?"
Visiblement, sa technique pour passer inaperçu était inefficace. Peut être avait t'on prévenu qu'il allait arriver ?
Il devait donc faire face. Il abaissa son capuchon et se retourna lentement. Deux gardes armés de javelots l'observaient d'un air mauvais.
Il allait devoir appliquer les méthodes de combat qu'il avait tant peiné à apprendre. Il espéra qu'elles lui soient efficaces.
"Je suis un être fée et je viens chercher Hanna de Govannon. Vous n'avez pas d'autres choix que de me laisser passer"
Des éclats de rire saluèrent son sens de l'humour. Il profita de son effet pour sauter sur le toit du bâtiment. Les gardes se turent, surpris par le bond phénoménal.
"Alors, me laissez vous passer ou tentez vous de m'intercepter ?"
Il évita un javelot, fit mine de tomber à la renverse et atterrit sur le sol avec un sublime salto.
"C'est tout ?"
Les soldats tirèrent leurs épées et se ruèrent sur lui. Il se retrouva entre eux.
"Très amusant" ricana t'il en évitant les lames. Ses adversaires décontenancés redoublèrent de coups infructueux.
"Facilement manipulables" pensa t'il.
Il bouscula l'un des combattants et se jeta derrière lui. Le second garde le transperça en plein cœur. Il s'écroula dans la poussière.
"Dommage"
L'autre ramassa l'arme abandonnée par son compagnon.
"Moi aussi je préfère ce style de combat. Je le trouve plus distrayant même si je préfère mes mains"
Il se baissa pour éviter les lames et gratifia son adversaire d'un coup de pied dans le tibia.
"Toujours pas"
Il sauta en arrière pour éviter un coup.
"Décidément"
Un bond l'expédia sur les épaules de son adversaire.
"Pas assez rapide"
Ses jambes se rassemblèrent autour du cou de sa victime et commencèrent à serrer doucement.
"Pitié" hurla le garde.
Il souffla discrètement pour ne pas montrer que le combat l'avait éreinté.
"Qu'avez-vous dit ? Le bruit des lames m'empêche de vous entendre" dit il en resserrant sa prise. L'autre laissa tomber ses armes.
"Maintenant, nous pouvons négocier"
Il descendit de ses épaules et se glissa devant lui. Le garde désarmé le regarda apeuré. Il lui demanda :
"Tu es un humain mais tu sers les dragonides. Trouves tu cela normal ?
- Je n'ais pas le choix, couina le garde, si ne les aide pas, ils me feront esclave et je me ferai tuer inévitablement"
Il secoua la tête.
"Nous avons toujours le choix, et tu sais tout comme moi qu'il existe une autre alternative. La résistance a besoin d'hommes frais et je suis d'avis que tu vas les rejoindre. J'y veillerai personnellement"
Il fit craquer ses doigts.
"Es tu de mon avis ?"
Le garde se contenta de hocher la tête.
"J'en suis ravi"
Eudaimon passa ses mains sur son visage qui devint celui du garde qu'il avait tué au combat.
"Maintenant, nous allons pouvoir agir convenablement" dit il.
***
La Patience glissait sur l'eau, les ailes gonflées par un vent violent qui la poussait droit vers Primelune. Maïwenn, les mains crispées sur le gouvernail s'efforçait de maintenir le cap. Au moindre écart, le bateau pouvait heurter un récif ou pire encore, se retourner.
A coté d'elle, Isolina de Viermelim lui faisait la conversation.
"Il va sans dire que je vous suivrai jusqu'au bout de votre aventure. Je me considère comme un membre à part entière de votre équipage. Mais je ne pense pas que ce soit le cas d'Aelis et de Guielin. Ils vous tourneront le dos dès que votre mission sera achevée. Je trouve cela dommage car je sais que vous avez des sentiments pour lui. Je pense pourtant que vous n'avez pas perdu la partie. Aelis sera déstabilisée si elle voit en vous une rivale sérieuse"
Elle respira bruyamment pour l'interrompre. Remuer le couteau dans la plaie ne servait à rien. Seulement à lui faire mal.
"Je ne veux en aucun cas séparer deux êtres qui s'aiment, répondit elle en essayant de rester aimable, quant au fait qu'ils s'en aillent, c'est le cadet de mes soucis"
Elle évita un rocher de justesse.
"Regardez ce que vous me faites faire, s'insurgea t'elle, un peu plus et nous mourions tous.
- Pardonnez moi" répondit Isolina de sa voix la plus douce.
La cabine de pilotage retomba dans le silence.
"Je voulais vous assurer de ma loyauté, reprit soudain Isolina, s'il y a une personne à qui vous pouvez vous confier, c'est bien à moi"
Elle leva les yeux au ciel.
"Si je vous écoutais, je devrais me méfier de tous et ne me fier qu'à vous"
Isolina fit quelques pas dans sa direction. Elle fit mille efforts pour ne pas lâcher le gouvernail. Quelque chose dans cette femme l'effrayait.
"Vous ferais-je peur ?" demanda Isolina avec un grand sourire.
***
La porte s'ouvrit et Aelis entra dans la pièce. Elle venait de sortir du lit en chemise de nuit et les cheveux ébouriffés sans prendre le temps de s'apprêter decemment. Elle fronçât les sourcils en voyant Isolina tout prêt de Maïwenn. Son capitaine lui sourit mais quelque chose clochait : elle était d'une pâleur de neige.
Elle se tourna vers l'étrangère.
"Je voudrais m'entretenir en privé avec Maïwenn de Lochnohan, j'apprécierai énormément si vous nous laissiez seules. Leurs regards s'affrontèrent brièvement. Elle lut dans les yeux une expression de méchanceté qui la mit mal à l'aise mais c'est Isolina qui détourna la tête et sortit sans un mot.
"Que vouliez vous me dire ?" demanda Maïwenn en reprenant lentement ses esprits.
Elle s'assura qu'Isolina n'écoutait pas à la porte avant de répondre.
"Aifé de Gorneval a demandé à Angus de la tuer si nous n'arrivons pas à temps. Elle pense que le vieil homme finira par accéder à sa demande"
- Qu'Andarta l'assiste" murmura Maïwenn.
Elle tapa du poing sur la table, la faisant sursauter.
"Andarta, Andarta. Vous ne voyez qu'elle. Ce n'est pas d'Andarta qu'Aifé a besoin mais de vous et de votre talent de marin pour nous permettre d'arriver le plus vite possible. Et de vous et de votre talent de médecin pour la soigner
- Elle n'a pas non plus besoin de votre manque de foi. Notre mère à tous non plus. L'affaire est entre ses mains, ne l'oubliez pas" répliqua t'elle sèchement.
Aelis se laissa tomber dans un fauteuil.
"Vous n'avez pas à juger si j'ai ou non assez de foi. Ceci est entre Andarta et moi"
Maïwenn secoua la tête. Aelis avait perdu toute confiance en la déité, aveuglée par la peine et l'amertume.
"Vous devriez retrouver votre spiritualité, suggéra t'elle, si vous vouliez vous installer à Ombrelune avec Guielin, je pourrais vous y aider"
Aelis eût un petit rire qui ne disait rien de bon.
"Ne me parlez ni d'Ombrelune ni de religion pour le moment où vous risquez de le regretter"
Elle sursauta. Malgré le ton calme des paroles, elle entendait des menaces…
"Alors sortez de la cabine, dit elle d'une voix blanche, vous n'êtes plus la bienvenue ici"
***
Guielin, Kieran et Marzhevenn écoutaient la conversation, l'oreille contre la cloison. Quand Aelis sortit en claquant la porte, ils se dispersèrent comme si de rien n'était pour se retrouver sur le gaillard d'avant.
Guielin se sentait triste. Aelis était plus que jamais sur la défensive et refusait obstinément de voir qu'on lui tendait la main. Peut être allait elle à nouveau le repousser alors qu'il avait plus que jamais besoin d'elle.
"Ne sois pas triste, lui glissa Kieran en lui tapant gentiment sur l'épaule, ce n'est pas avec ma sœur qu'elle se mariera mais avec toi"
Marzhevenn pouffa.
"Aelis et Maïwenn, dit il entre deux éclats de rire, nous aurions tout vu"
Une main attrapa son oreille. Il sursauta.
"Je t'ais fait peur oncle Marzhevenn" lui dit Enora en lui sautant dans les bras.
"En attendant, souffla Kieran, nous sommes pris entre leurs deux feux"
Guielin hocha la tête, maussade.
La jeune fille ouvrit avec peine ses yeux fiévreux. Angus l'aida à se soulever. Elle avala deux gorgées et détourna la tête.
"C'est bien" mentit il.
Elle se tourna lentement vers lui, s'appuya contre son épaule et lui glissa à l'oreille :
"Pourrais-je te demander une faveur ?
-Bien sûr, je ne refuserai rien à ma sale gamine"
Elle se laissa le temps de reprendre son souffle. Puis fit l'extrême effort de se redresser pour le regarder droit dans les yeux.
Et elle lui demanda :
"Si le bateau n'arrive pas dans deux jours, je voudrais que tu me tues"
Il la regarda atterré.
"Te tuer, mais tu n'y pense pas. Comment pourrais-je mettre fin à la vie d'une personne comme toi
-Ne me dis pas que cette idée ne t'a jamais effleuré" lui dit elle avec un petit sourire.
Bien sûr, il avait eût des envies de meurtre après chacun de ses coups pendables. Surtout que la gamine ne manquait pas d'imagination : uriner dans sa tarte aux pommes, déposer un têtard vivant dans son pot de confitures, voler ses habits quand il était à la rivière… Il avait été sa principale victime.
"C'était justifié, se défendit il, aujourd'hui c'est hors de question. Tu es la seule personne qu'il me reste"
Elle secoua la tête.
"J'ai trop mal Angus, se plaignit elle pour la première fois, je ne peux plus bouger, plus parler. Je n'ais plus la force de rien, juste d'attendre. Mon corps n'est qu'une prison en ruine. Si le bateau ne vient pas, il déclinera lentement. Et je ne veux pas vivre ça …
- Ne parle pas de cela, l'interrompit il brutalement, tu n'as pas le droit de parler ainsi"
Elle le regarda abasourdie quelques secondes avant de se mettre à pleurer.
"Pardonne moi" dit il doucement.
Elle se blottit contre lui comme un enfant effrayé par l'obscurité. Il la berça jusqu'à ce qu'elle s'endorme.
***
C'était la première fois que Morgrevann marchait dans les forêts de Primelune. En temps normal, il aurait pris le temps d'admirer le paysage mais l'heure était grave. Aucun des villageois alliés n'était parvenu à débusquer Aifé de Gorneval. Aucune trace, aucun indice. Il avait juste trouvé des traces de sang au pied d'un arbre. Visiblement, la jeune fille ne s'était arrêtée que pour soigner la blessure infligée par Feldorn. De toute façon, elle n'allait pas tenir longtemps à cause du poison. Le seul souci serait de retrouver son corps pour prouver à Afang qu'elle était bien morte. Il aurait alors droit à tous les honneurs. Les hommes de Primelune qui l'accompagnaient reculèrent devant son sourire carnassier.
"Qu'attendez vous pour poursuivre les recherches ? Nous nous sommes alliés à des hommes d'action. Pas à des fainéants"
Ils obéirent sans tarder sans doute pour mettre de la distance entre eux et lui.
"Idiots" souffla t'il.
***
Eudaimon foula du pied le sol de Quarlune. Derrière lui, le pont de rochers s'écroula dans le gouffre. Il se reconstruirait de lui-même à son retour. Du moins, s'il revenait.
Il pensa à sa mère qu'il avait laissée en larmes chez lui.
Après le conseil, elle avait tenté de le faire revenir sur sa décision. En vain. Tous les deux savaient que personne ne se serait jamais proposé d'aller à sa place et il n'aurait jamais pu se résoudre à la laisser partir…
Il regarda autour de lui. Le sol était couvert de sable noir. Des collines mornes et sombres tentaient d'atteindre le ciel. Tout baignait dans une brume orange âtre à forte odeur de souffre. Il frissonna. Il ne restait rien du splendide paysage de cascades et de verdoyantes collines qu'il avait connu dans sa jeunesse. Un poste de garde délabrait se dressait au milieu de la route. Il s'avança prudemment.
"Halte là. Qui êtes vous et où comptez vous aller ?"
Visiblement, sa technique pour passer inaperçu était inefficace. Peut être avait t'on prévenu qu'il allait arriver ?
Il devait donc faire face. Il abaissa son capuchon et se retourna lentement. Deux gardes armés de javelots l'observaient d'un air mauvais.
Il allait devoir appliquer les méthodes de combat qu'il avait tant peiné à apprendre. Il espéra qu'elles lui soient efficaces.
"Je suis un être fée et je viens chercher Hanna de Govannon. Vous n'avez pas d'autres choix que de me laisser passer"
Des éclats de rire saluèrent son sens de l'humour. Il profita de son effet pour sauter sur le toit du bâtiment. Les gardes se turent, surpris par le bond phénoménal.
"Alors, me laissez vous passer ou tentez vous de m'intercepter ?"
Il évita un javelot, fit mine de tomber à la renverse et atterrit sur le sol avec un sublime salto.
"C'est tout ?"
Les soldats tirèrent leurs épées et se ruèrent sur lui. Il se retrouva entre eux.
"Très amusant" ricana t'il en évitant les lames. Ses adversaires décontenancés redoublèrent de coups infructueux.
"Facilement manipulables" pensa t'il.
Il bouscula l'un des combattants et se jeta derrière lui. Le second garde le transperça en plein cœur. Il s'écroula dans la poussière.
"Dommage"
L'autre ramassa l'arme abandonnée par son compagnon.
"Moi aussi je préfère ce style de combat. Je le trouve plus distrayant même si je préfère mes mains"
Il se baissa pour éviter les lames et gratifia son adversaire d'un coup de pied dans le tibia.
"Toujours pas"
Il sauta en arrière pour éviter un coup.
"Décidément"
Un bond l'expédia sur les épaules de son adversaire.
"Pas assez rapide"
Ses jambes se rassemblèrent autour du cou de sa victime et commencèrent à serrer doucement.
"Pitié" hurla le garde.
Il souffla discrètement pour ne pas montrer que le combat l'avait éreinté.
"Qu'avez-vous dit ? Le bruit des lames m'empêche de vous entendre" dit il en resserrant sa prise. L'autre laissa tomber ses armes.
"Maintenant, nous pouvons négocier"
Il descendit de ses épaules et se glissa devant lui. Le garde désarmé le regarda apeuré. Il lui demanda :
"Tu es un humain mais tu sers les dragonides. Trouves tu cela normal ?
- Je n'ais pas le choix, couina le garde, si ne les aide pas, ils me feront esclave et je me ferai tuer inévitablement"
Il secoua la tête.
"Nous avons toujours le choix, et tu sais tout comme moi qu'il existe une autre alternative. La résistance a besoin d'hommes frais et je suis d'avis que tu vas les rejoindre. J'y veillerai personnellement"
Il fit craquer ses doigts.
"Es tu de mon avis ?"
Le garde se contenta de hocher la tête.
"J'en suis ravi"
Eudaimon passa ses mains sur son visage qui devint celui du garde qu'il avait tué au combat.
"Maintenant, nous allons pouvoir agir convenablement" dit il.
***
La Patience glissait sur l'eau, les ailes gonflées par un vent violent qui la poussait droit vers Primelune. Maïwenn, les mains crispées sur le gouvernail s'efforçait de maintenir le cap. Au moindre écart, le bateau pouvait heurter un récif ou pire encore, se retourner.
A coté d'elle, Isolina de Viermelim lui faisait la conversation.
"Il va sans dire que je vous suivrai jusqu'au bout de votre aventure. Je me considère comme un membre à part entière de votre équipage. Mais je ne pense pas que ce soit le cas d'Aelis et de Guielin. Ils vous tourneront le dos dès que votre mission sera achevée. Je trouve cela dommage car je sais que vous avez des sentiments pour lui. Je pense pourtant que vous n'avez pas perdu la partie. Aelis sera déstabilisée si elle voit en vous une rivale sérieuse"
Elle respira bruyamment pour l'interrompre. Remuer le couteau dans la plaie ne servait à rien. Seulement à lui faire mal.
"Je ne veux en aucun cas séparer deux êtres qui s'aiment, répondit elle en essayant de rester aimable, quant au fait qu'ils s'en aillent, c'est le cadet de mes soucis"
Elle évita un rocher de justesse.
"Regardez ce que vous me faites faire, s'insurgea t'elle, un peu plus et nous mourions tous.
- Pardonnez moi" répondit Isolina de sa voix la plus douce.
La cabine de pilotage retomba dans le silence.
"Je voulais vous assurer de ma loyauté, reprit soudain Isolina, s'il y a une personne à qui vous pouvez vous confier, c'est bien à moi"
Elle leva les yeux au ciel.
"Si je vous écoutais, je devrais me méfier de tous et ne me fier qu'à vous"
Isolina fit quelques pas dans sa direction. Elle fit mille efforts pour ne pas lâcher le gouvernail. Quelque chose dans cette femme l'effrayait.
"Vous ferais-je peur ?" demanda Isolina avec un grand sourire.
***
La porte s'ouvrit et Aelis entra dans la pièce. Elle venait de sortir du lit en chemise de nuit et les cheveux ébouriffés sans prendre le temps de s'apprêter decemment. Elle fronçât les sourcils en voyant Isolina tout prêt de Maïwenn. Son capitaine lui sourit mais quelque chose clochait : elle était d'une pâleur de neige.
Elle se tourna vers l'étrangère.
"Je voudrais m'entretenir en privé avec Maïwenn de Lochnohan, j'apprécierai énormément si vous nous laissiez seules. Leurs regards s'affrontèrent brièvement. Elle lut dans les yeux une expression de méchanceté qui la mit mal à l'aise mais c'est Isolina qui détourna la tête et sortit sans un mot.
"Que vouliez vous me dire ?" demanda Maïwenn en reprenant lentement ses esprits.
Elle s'assura qu'Isolina n'écoutait pas à la porte avant de répondre.
"Aifé de Gorneval a demandé à Angus de la tuer si nous n'arrivons pas à temps. Elle pense que le vieil homme finira par accéder à sa demande"
- Qu'Andarta l'assiste" murmura Maïwenn.
Elle tapa du poing sur la table, la faisant sursauter.
"Andarta, Andarta. Vous ne voyez qu'elle. Ce n'est pas d'Andarta qu'Aifé a besoin mais de vous et de votre talent de marin pour nous permettre d'arriver le plus vite possible. Et de vous et de votre talent de médecin pour la soigner
- Elle n'a pas non plus besoin de votre manque de foi. Notre mère à tous non plus. L'affaire est entre ses mains, ne l'oubliez pas" répliqua t'elle sèchement.
Aelis se laissa tomber dans un fauteuil.
"Vous n'avez pas à juger si j'ai ou non assez de foi. Ceci est entre Andarta et moi"
Maïwenn secoua la tête. Aelis avait perdu toute confiance en la déité, aveuglée par la peine et l'amertume.
"Vous devriez retrouver votre spiritualité, suggéra t'elle, si vous vouliez vous installer à Ombrelune avec Guielin, je pourrais vous y aider"
Aelis eût un petit rire qui ne disait rien de bon.
"Ne me parlez ni d'Ombrelune ni de religion pour le moment où vous risquez de le regretter"
Elle sursauta. Malgré le ton calme des paroles, elle entendait des menaces…
"Alors sortez de la cabine, dit elle d'une voix blanche, vous n'êtes plus la bienvenue ici"
***
Guielin, Kieran et Marzhevenn écoutaient la conversation, l'oreille contre la cloison. Quand Aelis sortit en claquant la porte, ils se dispersèrent comme si de rien n'était pour se retrouver sur le gaillard d'avant.
Guielin se sentait triste. Aelis était plus que jamais sur la défensive et refusait obstinément de voir qu'on lui tendait la main. Peut être allait elle à nouveau le repousser alors qu'il avait plus que jamais besoin d'elle.
"Ne sois pas triste, lui glissa Kieran en lui tapant gentiment sur l'épaule, ce n'est pas avec ma sœur qu'elle se mariera mais avec toi"
Marzhevenn pouffa.
"Aelis et Maïwenn, dit il entre deux éclats de rire, nous aurions tout vu"
Une main attrapa son oreille. Il sursauta.
"Je t'ais fait peur oncle Marzhevenn" lui dit Enora en lui sautant dans les bras.
"En attendant, souffla Kieran, nous sommes pris entre leurs deux feux"
Guielin hocha la tête, maussade.
) (avec l'ADSL, c'est plus facile... :happy: )
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