Posté : ven. 11 mars 2005, 18:31
"Venez, posez la sur le lit. Marzhevenn, va me chercher de l’eau et des compresses. Kieran, tu vas chercher dans mon traité sur les dragonides quel poison est utilisé pour imbiber les lames. J’ai dû inscrire quel poison est utilisé pour imbiber leurs lames et quel antidote le combat. Une fois que tu l’auras, prépare le. Aelis et Angus, occupez vous d’Aifé. Tenez la éveillée. Quant aux autres, j’ai besoin de vous pour faire décoller la Patience. Nous devons mettre de la distance entre nous et ces sauvages »
Une nouvelle fois, Maïwenn donnait des ordres mais personne n’eût le loisir de le remarquer. La situation était urgente. Angus déposa délicatement Aifé sur son lit. Ne restèrent bientôt avec eux que Kieran et Aelis. Le jeune homme, devant une immense étagère remplie de livres cherchait fébrilement le recueil demandé mais les titres défilaient, désespérément inutiles.
« Voulez vous que je vous aide ? » lui demanda Aelis consciente de l’ampleur de la tâche. Il hocha fébrilement la tête. Elle se leva pour chercher avec lui. Chaque ouvrage était soigneusement classé par ordre alphabétique. Elle trouva sans mal celui qu’ils recherchaient. Mais Kieran resta sans bouger devant l’étagère. Elle passa plusieurs fois sa main devant ses yeux pour le faire réagir.
« J’ai tué un homme, balbutia t’il, je ne voulais pas »
Son cœur se serra devant cet être à l’innocence à jamais perdue. Il fallait qu’elle l’aide.
« Réagissez, lui dit elle en le prenant par les épaules, vous avez une occasion de vous racheter. Aifé va mourir si vous ne l’aidez pas. Alors, dépêchez vous de trouver cet antidote »
Passablement réconforté, il se dépêcha d’obéir.
Aelis alla s’asseoir à coté d’Aifé. Un infime sourire naquit sur le visage de la jeune fille. Elle l’entendit murmurer : « Ma confidente »
Elle la regarda émue.
« Et dire que je croyais que vous n’existiez que dans ses délires. Votre venue a été la seule perspective qui l’a tenue en vie »
Le vieil homme avait parlé. Aifé lui fit un petit clin d’œil.
« Alors vous allez vite vous rétablir » dit elle.
« Voila, annonça fièrement Kieran en brandissant son livre, j’ai trouvé la formule. Nous devrions avoir ce qu’il faut sur le bateau »
Aifé sourit et ferma les yeux. Angus la secoua doucement.
« S’il te plait, ne t’endors pas »
***
La Patience s’éleva à nouveau et plana en direction du territoire des êtres-fées. Maïwenn, au poste de pilotage tenait fermement le gouvernail en essayant d’oublier les craintes qui l’assaillaient. L’aventure allait trop vite pour elle. En quelques jours, sa vie avait changé du tout au tout. De simple apprenti médecine, elle était devenue une personne sur pouvait reposer la survie du monde. De plus, si elle venait à bout de sa mission, elle devrait aider Ombrelune à se reconstruire. La tache lui paraissait immense. Insurmontable. Mais le pire était qu’elle entraînait sa fille et ses frères dans sa folle équipée. Que pouvait elle faire d’autre ? Les laisser aux bons soins des prêtres ? Non, la famille de Lochnohan devait rester unie quelles que soient les circonstances. Andarta allait sûrement les protéger une fois de plus. Elle se promit de lire une ou deux prières avant de s’endormir. Elle sourit apaisée.
***
« Aifé, je vous prie, réveillez vous » Kieran tapota doucement les joues de la troisième damnée qui gémit doucement avant d’ouvrir les yeux. Il lui tendit un gobelet de terre duquel s’échappait une fumée âpre. Elle plissa le nez et recula la tête.
« Buvez, lui conseilla t’il, cela devrait éradiquer le poison »
Les yeux noirs d’Aifé devinrent brillants. Elle esquissa un petit sourire sûrement heureuse de voir son calvaire arriver à sa fin. Kieran se sentit troublé. La jeune fille avait une sorte de beauté sauvage et insoumise. Troublante …
« Qu’attendez vous pour la faire boire espèce d’imbécile. Vous ne voyez pas qu’elle lutte pour garder les yeux ouverts ? »
Il sursauta. Le vieil homme s’impatientait. Il se sentit devenir écrevisse. L’autre lui arracha le gobelet sans ménagement mais c’est avec une infinie tendresse qu’il prit sa protégée dans ses bras pour la faire boire.
« Avec cela, votre fille devrait être rapidement sur pieds » dit il, histoire de se montrer aimable. Un grognement lui répondit.
« Ce n’est pas ma fille. Tout le monde sait qu’Aifé de Gorneval est orpheline. Renseignez vous avant de tenir des propos idiots »
Blessé dans son amour propre, il croisa les bras.
« Ne restez pas sans rien faire, le gronda le vieux, reprenez le gobelet et apportez nous de l’eau »
Il se dépêcha d’obéir.
Une fois qu’il eût claqué la porte, Aelis se tourna vers Angus.
« Vous ne devriez pas être trop dur avec lui » le prévint elle.
Il voulut répliquer qu’il n ‘en avait cure, que le gamin n’était qu’un incapable mais Aifé hocha la tête. Il soupira.
On frappa à la porte et Marzhevenn entra.
« Mon frère Kieran s’excuse de ne pas pouvoir revenir mais il doit s’occuper d’affaires urgentes, lança t’il négligemment en posant un pichet d’eau sur une table à coté du lit, n’hésitez pas à m’appeler si vous avez besoin de moi »
Angus se tourna vers lui, les yeux écarquillés. Il se dépêcha de sortir.
« Tu leur fais peur, vieux gredin » souffla Aifé.
***
« Non Isolina. Je ne peux accéder à votre demande. C’est au dessus de mes forces »
Une moue contrite se dessina sur le visage poupin de la compagne de Diwenn, la rendant on ne peut plus attendrissante. Emu, il prit ses mains.
« Isolina, promit il, je le ferai. Ne serait ce que pour retrouver votre sourire »
Elle parut satisfaite. Se détournant de lui, elle sortit un miroir de sa poche et entreprit de ce peigner. Le métal argenté refléta la lumière dansante des rayons du soleil.
***
Milo ne revint que tard dans la soirée. Hanna s’était endormie, roulée en boulle sur un des lits. Assis à coté d’elle, Eudaimon ne la quittait pas des yeux. Il ne se rendit compte de sa présence que lorsqu’il lui tapa sur l’épaule.
« Voici l’uniforme que vous m’avez demandé, dit il visiblement fier de son geste »
Il eût à peine un petit signe de tête pour le remercier.
« Tu ne peux pas t’imaginer à quel point elle a souffert »
Milo prit une chaise et alla s’asseoir près d’eux.
« Je l’admire, murmura t’il, nous lui devons beaucoup. Sans elle les résistants ne se seraient jamais rassemblés. Et les enfants qu’elle a sauvé de l’esclavage …
- Et j’imagine que tu veux suivre le même chemin qu’elle maintenant que tu en as l’occasion »
Il sursauta. Eudaimon venait de l’interrompre froidement. Il se força à soutenir son regard et hocha la tête.
« J’ai l’avantage d’être connu comme soldat. Je pourrais récolter des informations importantes pour le réseau »
Les résistants eurent un murmure d’approbation.
« Attends, s’exclama Eudaimon, tu connais le sort qu’ils réservent aux espions ! Tu ne peux pas les rejoindre. »
En trois grandes enjambées, Jonas fut sur lui. Il croisa les bras à l’imposante musculature sur son poitrail et le considéra des pieds à la tête avec mépris. Eudaimon se tint prêt à esquiver un coup.
« Et toi ?, demanda t’il, qui es tu pour lui interdir de nous aider alors que toi et tes semblables nous laissez périr dans l’indifférence la plus totale ? »
La remarque lui alla en plein cœur mais il ne laissa rien paraître.
« Je suis la preuve vivante qu vous n’êtes pas seuls, dit il lentement pour retrouver son calme, je suis venu emmener votre amie hors du danger »
Jonas cracha à ses pieds.
« Et quand elle sera loin, personne ne reviendra. Vous faites autant de gestes pour nous que les allié d’Afang »
Eudaimon renifla avec mépris. Il lui donna une bourrade pour le faire reculer. Autour d’eux, les résistants s’assemblèrent pour encourager leur camarade. Depuis trop longtemps, ils erraient dans le noir. Ils n’étaient plus des hommes mais des bêtes traquées, cherchant un responsable à leurs maux.
Maintenant qu’ils l’avaient trouvé, il fallait qu’il paye. Jonas sortit un couteau. Il lui sourit. L’autre allait se jeter sur son adversaire quand Hanna s’interposa entre eux.
Elle les regarda tour à tour. Regard de fragile écureuil contre regards de félins. Ils baissèrent les yeux et rangèrent leurs armes, soudain honteux. L’altercation mourut dans la honte, le silence lui fit place.
***
La Patience filait rapidement entre un ciel gris et une mer agitée, poussée par une bise fraîche. Parfois, des vagues plus hardies que les autres venaient caresser la proue du bateau, faisant naître des embruns de leur fugitive étreinte.
Aelis, assise sur le beaupré se laissait griser par la vitesse. Son visage, trempé d’eau de mer ruisselait de larmes.
« Je savais que je te trouverais ici »
Elle ne se retourna pas. Guielin s’assit à coté d’elle. Epaule contre épaule, ils regardèrent les nuages défiler au dessus de leurs têtes.
« Que vois tu ? »
Guielin sourit. Durant leur age tendre, les deux amis, perchés dans leur cabane n’avaient cessé de s’inventer des histoires en regardant le ciel. Aelis venait de prononcer le sésame de chacune d’entre elles. Sa main vint se poser dans la sienne.
« Je vois une jeune femme aux cheveux roux, commença t’il en caressant tendrement ses longs doigts, les malheurs de sa vie l’ont rendue fragile. Si fragile qu’un voile de pluie s’est posé sur ses yeux. Mais l’espoir sommeille au fond d’elle. Je ne connais pas la suite »
Il s’arrêta. Aelis le regardait avec attention.
« La connaîtrais tu ? »
Elle acquiesça en silence.Il caressa sa joue.
***
Marzhevenn passa devant le couple sans le voir. Dans sa main, le couteau laissait une emprunte glacée. Il se dirigea à petits pas vers la cabine où reposaient les enfants et entra sans un bruit. Enonra dormait à points fermés. Il s’avança doucement.
« On t’a envoyé me tuer n’est ce pas ? »
Il sursauta et fit volte-face. Gwenaël le regardait. Ses yeux immenses le toisaient avec tendresse. Il se contenta de hocher la tête. L’enfant recula. Son agresseur resserra ses mains autour de la lame. La lune éclaira son regard inhumain. Il n’était pas lui-même mais possédé par une âme sombre.
« Tu n’es pas un meurtrier mais un enfant pur et doux. Tu dois lutter »
Mais Marzhevenn s’avança et l’attrapa par le col. A ce moment, un cri suraigu surgit de l’autre lit. Enora réveillée par la conversation appelait sa mère. Marzhevenn eût un mouvement de recul.
« Tue » lui ordonna la voix dans sa tête.
Un bruit de précipitation se fit entendre de l’autre coté de la porte. Quelqu’un actionna la poignée.
« C’est fermé de l’intérieur »
Et soudain, les gonds de la porte sautèrent. Maïwenn, Aelis, Guielin, Diwenn et Isolina entrèrent dans la pièce. Marzhevenn lâcha son arme et tomba inanimé sur le sol.
***
« Je vous en prie respirez »
Kieran, l’oreille contre le nez d’Aifé guettait le moindre souffle. Quelques instants auparavant Angus l’avait appelé affolé. La respiration de sa protégée s’était arrêtée.
« C’est ma faute, répétait le vieil homme en se tordant les mains, je me suis assoupi. Je l’ais découverte ainsi en me réveillant »
Kieran l’écouta d’une oreille distraite. La situation était critique. Il ne devait pas perdre un instant. D’abord, vérifier que le cœur bat. Elle vivait. Maintenant, voir si quelque chose retient le souffle prisonnier. Ce n’était pas le cas. Il remarqua qu’un oreiller avait été déplacé. Pour le moment, ce détail importait peu. Il devait se rappeler les gestes que lui avait appris Maïwenn en cas d’asphyxie. D’abord, relever la tête, boucher le nez. Cinq insufflations.
Il eût un frisson quand sa bouche se posa sur celle d’Aifé. Surtout, ne pas penser. Souffler.
« Que faites vous ? » demanda Angus paniqué.
Il ne répondit pas. Se concentrer sur ces gestes qui sauvent.
Et tout à coup, Aifé ouvrit la bouche pour respirer. Sauvée. Il s’éloigna pour reprendre son souffle.
« Je ne sais pas ce que vous lui avez fait mais vous l’avez sauvée » parvint à articuler le vieil homme.
Aifé ouvrit les yeux et regarda autour d’elle.
«Reposez vous, lui murmura Kieran, vous revenez de loin »
***
« Incapables, hurla Morgrevann, il suffit que je m’absente pour que vous laissiez filer la troisième damnée. Que vais-je faire de vous ? »
Les compagnons d’Ulrich se serrèrent les uns contre les autres comme des enfants apeurés. Il désigna l’un d’eux.
« Toi, approche »
Sa victime désignée s’avança de deux pas prudents. Il saisit sa longue épée et le décapita sans autre forme de procès. Ce fut aussi simple que cela.
« Voila ce qui arrive aux incompétents, ils finissent par perdre la tête »
Guerec de Vortiguern , à quelques pas de son nouvel allié avait assisté à sans broncher à la scène. Du moins, s’il n’avait rien laissé paraître, ce qui venait de se passer l’avait ébranlé jusqu’aux tréfonds de son être. Il saisissait trop tard l’ampleur du pacte qu’il venait de passer. Marié à l’horreur et au mal. Mais tout retour en arrière était impossible.
Un garde arriva en courant.
« Maître, cria t’il sans prendre le temps de reprendre son souffle, nous avons localisé le bateau »
Morgrevann sourit. Cette fois, les damnées ne lui échapperaient pas.
Une nouvelle fois, Maïwenn donnait des ordres mais personne n’eût le loisir de le remarquer. La situation était urgente. Angus déposa délicatement Aifé sur son lit. Ne restèrent bientôt avec eux que Kieran et Aelis. Le jeune homme, devant une immense étagère remplie de livres cherchait fébrilement le recueil demandé mais les titres défilaient, désespérément inutiles.
« Voulez vous que je vous aide ? » lui demanda Aelis consciente de l’ampleur de la tâche. Il hocha fébrilement la tête. Elle se leva pour chercher avec lui. Chaque ouvrage était soigneusement classé par ordre alphabétique. Elle trouva sans mal celui qu’ils recherchaient. Mais Kieran resta sans bouger devant l’étagère. Elle passa plusieurs fois sa main devant ses yeux pour le faire réagir.
« J’ai tué un homme, balbutia t’il, je ne voulais pas »
Son cœur se serra devant cet être à l’innocence à jamais perdue. Il fallait qu’elle l’aide.
« Réagissez, lui dit elle en le prenant par les épaules, vous avez une occasion de vous racheter. Aifé va mourir si vous ne l’aidez pas. Alors, dépêchez vous de trouver cet antidote »
Passablement réconforté, il se dépêcha d’obéir.
Aelis alla s’asseoir à coté d’Aifé. Un infime sourire naquit sur le visage de la jeune fille. Elle l’entendit murmurer : « Ma confidente »
Elle la regarda émue.
« Et dire que je croyais que vous n’existiez que dans ses délires. Votre venue a été la seule perspective qui l’a tenue en vie »
Le vieil homme avait parlé. Aifé lui fit un petit clin d’œil.
« Alors vous allez vite vous rétablir » dit elle.
« Voila, annonça fièrement Kieran en brandissant son livre, j’ai trouvé la formule. Nous devrions avoir ce qu’il faut sur le bateau »
Aifé sourit et ferma les yeux. Angus la secoua doucement.
« S’il te plait, ne t’endors pas »
***
La Patience s’éleva à nouveau et plana en direction du territoire des êtres-fées. Maïwenn, au poste de pilotage tenait fermement le gouvernail en essayant d’oublier les craintes qui l’assaillaient. L’aventure allait trop vite pour elle. En quelques jours, sa vie avait changé du tout au tout. De simple apprenti médecine, elle était devenue une personne sur pouvait reposer la survie du monde. De plus, si elle venait à bout de sa mission, elle devrait aider Ombrelune à se reconstruire. La tache lui paraissait immense. Insurmontable. Mais le pire était qu’elle entraînait sa fille et ses frères dans sa folle équipée. Que pouvait elle faire d’autre ? Les laisser aux bons soins des prêtres ? Non, la famille de Lochnohan devait rester unie quelles que soient les circonstances. Andarta allait sûrement les protéger une fois de plus. Elle se promit de lire une ou deux prières avant de s’endormir. Elle sourit apaisée.
***
« Aifé, je vous prie, réveillez vous » Kieran tapota doucement les joues de la troisième damnée qui gémit doucement avant d’ouvrir les yeux. Il lui tendit un gobelet de terre duquel s’échappait une fumée âpre. Elle plissa le nez et recula la tête.
« Buvez, lui conseilla t’il, cela devrait éradiquer le poison »
Les yeux noirs d’Aifé devinrent brillants. Elle esquissa un petit sourire sûrement heureuse de voir son calvaire arriver à sa fin. Kieran se sentit troublé. La jeune fille avait une sorte de beauté sauvage et insoumise. Troublante …
« Qu’attendez vous pour la faire boire espèce d’imbécile. Vous ne voyez pas qu’elle lutte pour garder les yeux ouverts ? »
Il sursauta. Le vieil homme s’impatientait. Il se sentit devenir écrevisse. L’autre lui arracha le gobelet sans ménagement mais c’est avec une infinie tendresse qu’il prit sa protégée dans ses bras pour la faire boire.
« Avec cela, votre fille devrait être rapidement sur pieds » dit il, histoire de se montrer aimable. Un grognement lui répondit.
« Ce n’est pas ma fille. Tout le monde sait qu’Aifé de Gorneval est orpheline. Renseignez vous avant de tenir des propos idiots »
Blessé dans son amour propre, il croisa les bras.
« Ne restez pas sans rien faire, le gronda le vieux, reprenez le gobelet et apportez nous de l’eau »
Il se dépêcha d’obéir.
Une fois qu’il eût claqué la porte, Aelis se tourna vers Angus.
« Vous ne devriez pas être trop dur avec lui » le prévint elle.
Il voulut répliquer qu’il n ‘en avait cure, que le gamin n’était qu’un incapable mais Aifé hocha la tête. Il soupira.
On frappa à la porte et Marzhevenn entra.
« Mon frère Kieran s’excuse de ne pas pouvoir revenir mais il doit s’occuper d’affaires urgentes, lança t’il négligemment en posant un pichet d’eau sur une table à coté du lit, n’hésitez pas à m’appeler si vous avez besoin de moi »
Angus se tourna vers lui, les yeux écarquillés. Il se dépêcha de sortir.
« Tu leur fais peur, vieux gredin » souffla Aifé.
***
« Non Isolina. Je ne peux accéder à votre demande. C’est au dessus de mes forces »
Une moue contrite se dessina sur le visage poupin de la compagne de Diwenn, la rendant on ne peut plus attendrissante. Emu, il prit ses mains.
« Isolina, promit il, je le ferai. Ne serait ce que pour retrouver votre sourire »
Elle parut satisfaite. Se détournant de lui, elle sortit un miroir de sa poche et entreprit de ce peigner. Le métal argenté refléta la lumière dansante des rayons du soleil.
***
Milo ne revint que tard dans la soirée. Hanna s’était endormie, roulée en boulle sur un des lits. Assis à coté d’elle, Eudaimon ne la quittait pas des yeux. Il ne se rendit compte de sa présence que lorsqu’il lui tapa sur l’épaule.
« Voici l’uniforme que vous m’avez demandé, dit il visiblement fier de son geste »
Il eût à peine un petit signe de tête pour le remercier.
« Tu ne peux pas t’imaginer à quel point elle a souffert »
Milo prit une chaise et alla s’asseoir près d’eux.
« Je l’admire, murmura t’il, nous lui devons beaucoup. Sans elle les résistants ne se seraient jamais rassemblés. Et les enfants qu’elle a sauvé de l’esclavage …
- Et j’imagine que tu veux suivre le même chemin qu’elle maintenant que tu en as l’occasion »
Il sursauta. Eudaimon venait de l’interrompre froidement. Il se força à soutenir son regard et hocha la tête.
« J’ai l’avantage d’être connu comme soldat. Je pourrais récolter des informations importantes pour le réseau »
Les résistants eurent un murmure d’approbation.
« Attends, s’exclama Eudaimon, tu connais le sort qu’ils réservent aux espions ! Tu ne peux pas les rejoindre. »
En trois grandes enjambées, Jonas fut sur lui. Il croisa les bras à l’imposante musculature sur son poitrail et le considéra des pieds à la tête avec mépris. Eudaimon se tint prêt à esquiver un coup.
« Et toi ?, demanda t’il, qui es tu pour lui interdir de nous aider alors que toi et tes semblables nous laissez périr dans l’indifférence la plus totale ? »
La remarque lui alla en plein cœur mais il ne laissa rien paraître.
« Je suis la preuve vivante qu vous n’êtes pas seuls, dit il lentement pour retrouver son calme, je suis venu emmener votre amie hors du danger »
Jonas cracha à ses pieds.
« Et quand elle sera loin, personne ne reviendra. Vous faites autant de gestes pour nous que les allié d’Afang »
Eudaimon renifla avec mépris. Il lui donna une bourrade pour le faire reculer. Autour d’eux, les résistants s’assemblèrent pour encourager leur camarade. Depuis trop longtemps, ils erraient dans le noir. Ils n’étaient plus des hommes mais des bêtes traquées, cherchant un responsable à leurs maux.
Maintenant qu’ils l’avaient trouvé, il fallait qu’il paye. Jonas sortit un couteau. Il lui sourit. L’autre allait se jeter sur son adversaire quand Hanna s’interposa entre eux.
Elle les regarda tour à tour. Regard de fragile écureuil contre regards de félins. Ils baissèrent les yeux et rangèrent leurs armes, soudain honteux. L’altercation mourut dans la honte, le silence lui fit place.
***
La Patience filait rapidement entre un ciel gris et une mer agitée, poussée par une bise fraîche. Parfois, des vagues plus hardies que les autres venaient caresser la proue du bateau, faisant naître des embruns de leur fugitive étreinte.
Aelis, assise sur le beaupré se laissait griser par la vitesse. Son visage, trempé d’eau de mer ruisselait de larmes.
« Je savais que je te trouverais ici »
Elle ne se retourna pas. Guielin s’assit à coté d’elle. Epaule contre épaule, ils regardèrent les nuages défiler au dessus de leurs têtes.
« Que vois tu ? »
Guielin sourit. Durant leur age tendre, les deux amis, perchés dans leur cabane n’avaient cessé de s’inventer des histoires en regardant le ciel. Aelis venait de prononcer le sésame de chacune d’entre elles. Sa main vint se poser dans la sienne.
« Je vois une jeune femme aux cheveux roux, commença t’il en caressant tendrement ses longs doigts, les malheurs de sa vie l’ont rendue fragile. Si fragile qu’un voile de pluie s’est posé sur ses yeux. Mais l’espoir sommeille au fond d’elle. Je ne connais pas la suite »
Il s’arrêta. Aelis le regardait avec attention.
« La connaîtrais tu ? »
Elle acquiesça en silence.Il caressa sa joue.
***
Marzhevenn passa devant le couple sans le voir. Dans sa main, le couteau laissait une emprunte glacée. Il se dirigea à petits pas vers la cabine où reposaient les enfants et entra sans un bruit. Enonra dormait à points fermés. Il s’avança doucement.
« On t’a envoyé me tuer n’est ce pas ? »
Il sursauta et fit volte-face. Gwenaël le regardait. Ses yeux immenses le toisaient avec tendresse. Il se contenta de hocher la tête. L’enfant recula. Son agresseur resserra ses mains autour de la lame. La lune éclaira son regard inhumain. Il n’était pas lui-même mais possédé par une âme sombre.
« Tu n’es pas un meurtrier mais un enfant pur et doux. Tu dois lutter »
Mais Marzhevenn s’avança et l’attrapa par le col. A ce moment, un cri suraigu surgit de l’autre lit. Enora réveillée par la conversation appelait sa mère. Marzhevenn eût un mouvement de recul.
« Tue » lui ordonna la voix dans sa tête.
Un bruit de précipitation se fit entendre de l’autre coté de la porte. Quelqu’un actionna la poignée.
« C’est fermé de l’intérieur »
Et soudain, les gonds de la porte sautèrent. Maïwenn, Aelis, Guielin, Diwenn et Isolina entrèrent dans la pièce. Marzhevenn lâcha son arme et tomba inanimé sur le sol.
***
« Je vous en prie respirez »
Kieran, l’oreille contre le nez d’Aifé guettait le moindre souffle. Quelques instants auparavant Angus l’avait appelé affolé. La respiration de sa protégée s’était arrêtée.
« C’est ma faute, répétait le vieil homme en se tordant les mains, je me suis assoupi. Je l’ais découverte ainsi en me réveillant »
Kieran l’écouta d’une oreille distraite. La situation était critique. Il ne devait pas perdre un instant. D’abord, vérifier que le cœur bat. Elle vivait. Maintenant, voir si quelque chose retient le souffle prisonnier. Ce n’était pas le cas. Il remarqua qu’un oreiller avait été déplacé. Pour le moment, ce détail importait peu. Il devait se rappeler les gestes que lui avait appris Maïwenn en cas d’asphyxie. D’abord, relever la tête, boucher le nez. Cinq insufflations.
Il eût un frisson quand sa bouche se posa sur celle d’Aifé. Surtout, ne pas penser. Souffler.
« Que faites vous ? » demanda Angus paniqué.
Il ne répondit pas. Se concentrer sur ces gestes qui sauvent.
Et tout à coup, Aifé ouvrit la bouche pour respirer. Sauvée. Il s’éloigna pour reprendre son souffle.
« Je ne sais pas ce que vous lui avez fait mais vous l’avez sauvée » parvint à articuler le vieil homme.
Aifé ouvrit les yeux et regarda autour d’elle.
«Reposez vous, lui murmura Kieran, vous revenez de loin »
***
« Incapables, hurla Morgrevann, il suffit que je m’absente pour que vous laissiez filer la troisième damnée. Que vais-je faire de vous ? »
Les compagnons d’Ulrich se serrèrent les uns contre les autres comme des enfants apeurés. Il désigna l’un d’eux.
« Toi, approche »
Sa victime désignée s’avança de deux pas prudents. Il saisit sa longue épée et le décapita sans autre forme de procès. Ce fut aussi simple que cela.
« Voila ce qui arrive aux incompétents, ils finissent par perdre la tête »
Guerec de Vortiguern , à quelques pas de son nouvel allié avait assisté à sans broncher à la scène. Du moins, s’il n’avait rien laissé paraître, ce qui venait de se passer l’avait ébranlé jusqu’aux tréfonds de son être. Il saisissait trop tard l’ampleur du pacte qu’il venait de passer. Marié à l’horreur et au mal. Mais tout retour en arrière était impossible.
Un garde arriva en courant.
« Maître, cria t’il sans prendre le temps de reprendre son souffle, nous avons localisé le bateau »
Morgrevann sourit. Cette fois, les damnées ne lui échapperaient pas.