Posté : lun. 21 mars 2005, 14:44
Il essuie dans la neige ses mains rougies de sang. Une nouvelle fois, il n’a pas pu résister à ses impulsions meurtrières. Il retourna dans la chaumière et tira le corps de la vieille dame hors de la maison. La neige serait la meilleure des sépultures. Puis, il arpenta l’habitation. Une petite table ronde aux pieds tordus, deux chaises maintes fois rapiécées, des assiettes ébréchées noyées dans une bassine, un lit minuscule … Un objet en particulier attire son attention. Là, dans un coin de la pièce un berceau. Il s’approcha doucement. Un petit être le regardait fixement. Des immenses yeux d’un bleu cyan, des joues rondes, quelques cheveux châtains ébouriffés sur le sommet du crâne. Il doit avoir un an. Que faisait il ici dans cette cabane ? Personne ne pourrait plus lui dire à présent. Dans tous les cas, il venait de tuer la seule personne capable de s’occuper de lui. Que peut il donc faire ? Mettre un terme à sa vie misérable ? Il s’avance encore. L’enfant tend ses bras vers lui. Une partie de son être trésaille. Il recule comme effrayé. La vie débutante le fixe d’un air vaguement accusateur.
« Aide moi, toi qui fus humain » semble t’il lui dire.
Il secoue la tête. Non, il ne fera rien. Il s’assoie sur une chaise, la tête entre ses mains
***
Aifé regardait la nuit tomber par le hublot. Le ciel se parait de bleus profonds et de poussière d’étoiles. Pour la première fois, elle le contemplait de derrière une fenêtre. Etre enfermée l’ennuyait au plus haut point.
« Il faut que je sorte d’ici »
Kieran se tourna vers elle.
« M’avez-vous parlé ? » demanda t’il.
Elle croisa les bras et secoua la tête.
Alors votre état est plus grave que je le pensais si vous parlez toute seule » crût il bon de faire remarquer. Elle ne prit pas la peine de répondre.
Il prit un livre abandonné sur une table de nuit et entreprit de lire. Mais les phrases lui semblèrent un assemblage de mots monotones et sans suite. Il se tourna à nouveau vers la jeune fille.
« Nous avons manifestement démarré sur de mauvaises bases. Je n’aurais pas dû dénigrer votre mode de vie. Je le trouve surprenant …
-Comment cela surprenant ?, demanda t’elle avec un soupçon d’agressivité dans la voix, il est surprenant pour des personnes arriérées voila tout
-Nous ne sommes pas arriérées, se récria t’il, au contraire, nous savons voir le monde
-A travers des livres, se gaussa t’elle, il est vrai que vous le voyiez beaucoup
-Mais nous avons des bateaux. Vous, les Primeluniens vous ne seriez même pas capables de mettre au point la plus simple de nos machines
-Oui, ce sont encore des cages mais des cages volantes. Cela ne change pas beaucoup. Vous vous protégez de tout…
-Il est vrai que nous ne sommes pas des pillards et des va nu pieds comme vous »
Un oreiller atteignit Kieran en pleine tête. Il voulut répliquer mais son projectile ne rencontra que le vide. Aifé était déjà sortie en claquant la porte.
***
« Je propose que nous nous surveillions mutuellement. Le danger est majoré du fait qu’il peut provenir de nous. Marzhevenn n’avait aucunement l’intention de tuer Gwenaël. Telle est ma certitude
-Alors comment expliquez vous que nous l’avons surpris avec un couteau ? Il a peut être inventé son rêve pour se disculper » demanda Isolina.
Maïwenn sursauta. L’espace de quelques instants, elle s’était imaginée que l’innocence de son frère était une évidence pour tout son entourage. Elle releva la tête interloquée. Son regard rencontra celui d’Aelis aussi surprise qu’elle. Toutes les deux se tournèrent vers Isolina. Leur adversaire appuyée contre Diwenn de manière provocante garda un visage impassible.
« Je ne pense pas que Marzhevenn ait eu l’intention de tuer, répondit Maïwenn en essayant de calmer le tremblement de ses mains, je le connais bien mieux que vous »
Elle tenta d’accrocher le regard de Diwenn à la recherche d’un peu de soutien. Elle ne rencontra que des yeux froids et sans expression. Elle baissa les yeux. C’est alors qu’un éclat argenté attira son attention.
Isolina portait un pendentif autour du coup.
« Attendez, s’exclama t’elle, c’est le talisman de Marzhevenn, où l’avez-vous trouvé ? »
La jeune fille lui tendit le bijou.
«Par terre à coté des cabines, répondit elle avec un sourire, je ne savais pas qu’il était à lui »
***
Le bébé suce son pouce. Il ne l’a pas quitté des yeux. Toujours ce même regard accusateur qui semble chercher au tréfonds de son âme. Qu’y trouvera t’il ? Il se lève lentement. Le petit homme tend les bras vers lui. Il hésite quelques secondes. Dans un passé si lointain qu’il lui semble appartenir au domaine du rêve, un enfant l’avait appelé « père ». Se souviendrait il des gestes et des mots, lui qui n’était même plus humain ?
Ils se penchent. Le petit être semble sourire quand il le soulève dans ses bras.
« Ne te réjouis pas trop vite. Tu n’es pas tiré d’affaire pour autant »
***
Aifé s’accouda au bastingage. Sa tête lui tournait. L’espace de quelques secondes, elle était sortie sans réfléchir. Tout cela à cause du jeune homme et de ses considérations abruptes. Comme elle lui en voulait ! Au moins, maintenant, elle était dehors. Elle regarda autour d’elle. Jamais elle n’avait navigué … La mer s’étendait à perte de vue. Elle qui n’avait jamais vu que ses grands arbres. L’espace d’un instant, elle songea à Primelune. Ce cher pays qui l’avait vu naître, qui avait accueilli ses premiers pas, ses premiers rêves, ses premières peines et ses premières amours. Cela sonnait comme un adieu. Déracinée. Emportée par le vent.
« Mais que faites vous dehors ? Vous devriez être au lit et vous reposer »
Elle se retourna. Maïwenn lui faisait face les bras croisés.
« Peut être, répondit elle, mais je n’ais plus sommeil…J’étouffe dans votre cabine »
Maïwenn fronça les sourcils.
« Vous étouffez dans la cabine, souffla t’elle perplexe, il est vrai que vous aimez la vie au grand air …
- Oui, répliqua t’elle, je la préfère à vos espaces confinés. Et je suis bien assez grande pour savoir ce qui est bon pour moi
- Vous ne semblez pas le discerner si je ne m’abuse. Retournez dans votre lit »
Elle croisa les bras et prit son habituel air buté.
« Et si je ne le veux pas ? Abusez de votre autorité avec qui vous voudrez mais pas avec moi »
Elle sentit sa tête lui tourner.
« Aifé, retourne te coucher »
Elle se retourna vers Angus. Comment osait il lui donner tort devant cette étrangère. Elle voulut lui parler mais sa vue se brouilla. Il la rattrapa juste avant qu’elle ne s’écroule.
***
Le pont se reforma lorsqu’ils s’approchèrent du gouffre. Eudaimon tenant la main de Hanna s’avança prudemment. Du sang coulait le long de son bras. Sa tête le lançait. Il luttait pour rester conscient. Emmener Hanna loin de Quarlune était sa seule préoccupation. Enfin, leurs pieds se posèrent sur le territoire des êtres fées. Il retrouva enfin ses grands arbres. Son cher pays. Il tomba à genoux. Hanna se pencha au dessus de lui, inquiète. Il se força à sourire.
« Ne t’en fais pas. Je vais bien. J’ai juste besoin d’un peu de repos »
« Aide moi, toi qui fus humain » semble t’il lui dire.
Il secoue la tête. Non, il ne fera rien. Il s’assoie sur une chaise, la tête entre ses mains
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Aifé regardait la nuit tomber par le hublot. Le ciel se parait de bleus profonds et de poussière d’étoiles. Pour la première fois, elle le contemplait de derrière une fenêtre. Etre enfermée l’ennuyait au plus haut point.
« Il faut que je sorte d’ici »
Kieran se tourna vers elle.
« M’avez-vous parlé ? » demanda t’il.
Elle croisa les bras et secoua la tête.
Alors votre état est plus grave que je le pensais si vous parlez toute seule » crût il bon de faire remarquer. Elle ne prit pas la peine de répondre.
Il prit un livre abandonné sur une table de nuit et entreprit de lire. Mais les phrases lui semblèrent un assemblage de mots monotones et sans suite. Il se tourna à nouveau vers la jeune fille.
« Nous avons manifestement démarré sur de mauvaises bases. Je n’aurais pas dû dénigrer votre mode de vie. Je le trouve surprenant …
-Comment cela surprenant ?, demanda t’elle avec un soupçon d’agressivité dans la voix, il est surprenant pour des personnes arriérées voila tout
-Nous ne sommes pas arriérées, se récria t’il, au contraire, nous savons voir le monde
-A travers des livres, se gaussa t’elle, il est vrai que vous le voyiez beaucoup
-Mais nous avons des bateaux. Vous, les Primeluniens vous ne seriez même pas capables de mettre au point la plus simple de nos machines
-Oui, ce sont encore des cages mais des cages volantes. Cela ne change pas beaucoup. Vous vous protégez de tout…
-Il est vrai que nous ne sommes pas des pillards et des va nu pieds comme vous »
Un oreiller atteignit Kieran en pleine tête. Il voulut répliquer mais son projectile ne rencontra que le vide. Aifé était déjà sortie en claquant la porte.
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« Je propose que nous nous surveillions mutuellement. Le danger est majoré du fait qu’il peut provenir de nous. Marzhevenn n’avait aucunement l’intention de tuer Gwenaël. Telle est ma certitude
-Alors comment expliquez vous que nous l’avons surpris avec un couteau ? Il a peut être inventé son rêve pour se disculper » demanda Isolina.
Maïwenn sursauta. L’espace de quelques instants, elle s’était imaginée que l’innocence de son frère était une évidence pour tout son entourage. Elle releva la tête interloquée. Son regard rencontra celui d’Aelis aussi surprise qu’elle. Toutes les deux se tournèrent vers Isolina. Leur adversaire appuyée contre Diwenn de manière provocante garda un visage impassible.
« Je ne pense pas que Marzhevenn ait eu l’intention de tuer, répondit Maïwenn en essayant de calmer le tremblement de ses mains, je le connais bien mieux que vous »
Elle tenta d’accrocher le regard de Diwenn à la recherche d’un peu de soutien. Elle ne rencontra que des yeux froids et sans expression. Elle baissa les yeux. C’est alors qu’un éclat argenté attira son attention.
Isolina portait un pendentif autour du coup.
« Attendez, s’exclama t’elle, c’est le talisman de Marzhevenn, où l’avez-vous trouvé ? »
La jeune fille lui tendit le bijou.
«Par terre à coté des cabines, répondit elle avec un sourire, je ne savais pas qu’il était à lui »
***
Le bébé suce son pouce. Il ne l’a pas quitté des yeux. Toujours ce même regard accusateur qui semble chercher au tréfonds de son âme. Qu’y trouvera t’il ? Il se lève lentement. Le petit homme tend les bras vers lui. Il hésite quelques secondes. Dans un passé si lointain qu’il lui semble appartenir au domaine du rêve, un enfant l’avait appelé « père ». Se souviendrait il des gestes et des mots, lui qui n’était même plus humain ?
Ils se penchent. Le petit être semble sourire quand il le soulève dans ses bras.
« Ne te réjouis pas trop vite. Tu n’es pas tiré d’affaire pour autant »
***
Aifé s’accouda au bastingage. Sa tête lui tournait. L’espace de quelques secondes, elle était sortie sans réfléchir. Tout cela à cause du jeune homme et de ses considérations abruptes. Comme elle lui en voulait ! Au moins, maintenant, elle était dehors. Elle regarda autour d’elle. Jamais elle n’avait navigué … La mer s’étendait à perte de vue. Elle qui n’avait jamais vu que ses grands arbres. L’espace d’un instant, elle songea à Primelune. Ce cher pays qui l’avait vu naître, qui avait accueilli ses premiers pas, ses premiers rêves, ses premières peines et ses premières amours. Cela sonnait comme un adieu. Déracinée. Emportée par le vent.
« Mais que faites vous dehors ? Vous devriez être au lit et vous reposer »
Elle se retourna. Maïwenn lui faisait face les bras croisés.
« Peut être, répondit elle, mais je n’ais plus sommeil…J’étouffe dans votre cabine »
Maïwenn fronça les sourcils.
« Vous étouffez dans la cabine, souffla t’elle perplexe, il est vrai que vous aimez la vie au grand air …
- Oui, répliqua t’elle, je la préfère à vos espaces confinés. Et je suis bien assez grande pour savoir ce qui est bon pour moi
- Vous ne semblez pas le discerner si je ne m’abuse. Retournez dans votre lit »
Elle croisa les bras et prit son habituel air buté.
« Et si je ne le veux pas ? Abusez de votre autorité avec qui vous voudrez mais pas avec moi »
Elle sentit sa tête lui tourner.
« Aifé, retourne te coucher »
Elle se retourna vers Angus. Comment osait il lui donner tort devant cette étrangère. Elle voulut lui parler mais sa vue se brouilla. Il la rattrapa juste avant qu’elle ne s’écroule.
***
Le pont se reforma lorsqu’ils s’approchèrent du gouffre. Eudaimon tenant la main de Hanna s’avança prudemment. Du sang coulait le long de son bras. Sa tête le lançait. Il luttait pour rester conscient. Emmener Hanna loin de Quarlune était sa seule préoccupation. Enfin, leurs pieds se posèrent sur le territoire des êtres fées. Il retrouva enfin ses grands arbres. Son cher pays. Il tomba à genoux. Hanna se pencha au dessus de lui, inquiète. Il se força à sourire.
« Ne t’en fais pas. Je vais bien. J’ai juste besoin d’un peu de repos »