La Couronne de Cuivre

L'endroit où Lothringen avait décidé de les téléporter se trouvait à une journée de marche au sud-est de Graëlon, non loin de la lisière de la grande forêt du Bosquet. Il s'agissait d'une modeste clairière au coeur d'un petit bois aisément repérable sur la plaine. On n'y trouvait rien d'autre qu'un puits asséché, aux rebords recouverts de runes antiques dont quelques motifs, il n'aurait su dire pourquoi, étaient durablement restés ancrés dans la mémoire du semi-drow.

Le voyage magique sur une telle distance, par-delà les plaines et la Cordillière, avait causé une sérieuse commotion, perturbant pour un temps les esprits, les sens, les estomacs, l'équilibre. En se rematérialisant, Lothringen était tombé vers l'avant et s'était rattrapé sur un genou, une main au sol. Il avait regardé avec perplexité l'homme dont il tenait un pan de manteau dans sa main. Quel était donc ce grand guerrier blond qu'il distinguait difficilement dans le flou d'une vision encore trouble? Un garde du corps, un compagnon d'armes, un ami, moins que cela, davantage? Il se souvenait de sa propre identité, mais que faisait-il là? Le contrecoup d'une téléportation sans doute... ça allait lui revenir...

Comme ses perceptions se remettaient progressivement en place, il remarqua qu'ils n'étaient pas seuls. A vrai dire, il avait même le poids d'une épée sur la nuque, et on l'avait appuyée suffisamment fort pour qu'elle commence d'entamer le cuir chevelu. Puis des voix... On s'invectivait en elfique. Les tuer tout de suite ou les interroger?

"Que fais-tu ici, sur nos terres, pourriture drow?"lui lança-t-on en elfique.

Des elfes ici?! Des... Des elfes de cuivre dans la forêt du Bosquet? Pourquoi se manifestaient-ils en dehors? La pourriture en question ayant peu à peu recouvré la mémoire, elle jugea que la vérité n'avait aucune chance de succès auprès de ses interlocuteurs. Il connaissait cette race arrogante... Si l'elfe noir et le guerrier passaient pour complices, ils allaient y passer tous les deux. Lothringen s'enfouit plus profondément dans sa cape, afin de mieux y dissimuler ses armes et ses bras, et, sans relever la tête, répliqua du ton le plus humble qu'il put prendre:

"Parlez plutôt avec mon maître, seigneurs."

Combien étaient-ils? Un derrière lui, un qui pointait une épée sur la poitrine de Mornagest, deux devant eux avec des arcs... Il en entendit encore un autre dans leur dos. Les elfes reportèrent leur attention sur Mornagest et lui répétèrent leur question en langue commune.

"Pourquoi t'es-tu téléporté précisément ici? Quels étaient tes projets sacrilèges? Où sont tes complices? Tu utilises de la magie drow! Parle, avant que..."

Ils parlaient avec tant de colère qu'ils n'entendirent pas l'elfe noir incanter rapidement sous cape, ni parler à voix basse.

Lothringen = = > message = => Mornagest

Une petite voix se fit entendre dans l'esprit du mélandien.

"Je leur ai dit que j'étais ton esclave, les illithids vendent parfois des mages drows soumis par des colliers de contrôle. Gagne du temps. Et s'ils te laissent la moindre ouverture... je suis prêt."

Lothringen serrait les phalanges sur le manche de ses armes. Il n'avait jamais eu de bons rapports avec les communautés elfiques, et il commençait à trouver qu'il en avait assez de faire profil bas.

L'ambassadeur avait à peine eu le temps de contenir tant bien que mal ses violentes nausées post-téléportatoires, qu'il se voyait à terre avec une lame dont l'estoc lui chatouillait désagréablement l'abdomen. A croire qu'il ne pourrait jamais entreprendre un voyage sans immédiatement s'attirer les foudres des autochtones.

Bien disposé à répondre à cet impétueux elfe au ton plus que désagréable, Mornagest entendit alors la voix de Lothringen résonner doucement dans son esprit, comme s'il lui parlait à voix basse. Son maître ? Comment pourrait-il passer pour un magicien ? Il n'avait strictement aucune connaissance en la matière... mais combattre en position défavorable ne pourrait que les mener à l'échec et à la mort.

"J'ai acheté ce drow pour qu'il m'accompagne durant mes voyages. Je recherche des minéraux rares pour fabriquer une nouvelle poudre entrant dans la composition d'un sortilège de soins. Je ne suis pas apte à extraire de gros blocs de pierre, ce manant m'aide grâce à ses sortilèges."

Il espérait avoir été suffisamment convaincant que pour ne pas être proprement égorgé sans aucune autre forme de procès. Peut-être allaient-ils hésiter, et pourraient-ils en profiter pour attaquer. Mais il se méfiait de ces elfes. Etaient-ils doués en magie ?

Tout en continuant de baisser le visage pour ne pas trop attirer sur lui l'attention des elfes, Lothringen se mordait les lèvres. Se faire passer lui-même pour un mage! Quelle idée saugrenue était donc passée par la tête de Mornagest? Avec sa carrure, son équipement et l'épée longue qui lui battait les flancs, il sentait le guerrier à des lieues! Le stress de la situation? Ou bien il avait mal compris ce que lui avait dit le semi-drow. Dans tous les cas, il lui allait falloir rattraper la bourde avant qu'elle ne les rattrape...

Les elfes fronçaient les sourcils et l'épée qui visait son coeur ne bougea pas d'un pouce. Savoir que le drow était un isolé asservi les calmait un peu, car ils en étaient déjà à imaginer une déferlante punitive derrière un duo d'éclaireurs, et l'idée d'une éventuelle alliance entre humains et noireauds n'était pas pour leur plaire. Néanmoins, les raisons que donnait l'humain à sa présence en ces lieux leur semblaient pour le moins étranges...

"Des minéraux, hein?" jeta l'un d'eux, un elfe aux cheveux blonds, l'air intéressé: un des archers. "Et tu espères les trouver par ici mieux qu'ailleurs? Desquels s'agit-il?"

Les autres cachaient à peine leur dégoût. Eux-mêmes avaient volontiers recours aux plantes médicinales, mais ils laissaient les roches aux nabots...

Mornagest s'aperçut rapidement que la ruse était plutôt maladroite, mais l'elfe semblait néanmoins y croire un peu... il fallait essayer d'exploiter cela au mieux.

L'ambassadeur avait parcouru la listes des minéraux que Melandis produisait, et étaient disponibles en quantités suffisants pour pouvoir être exportés vers Manost, qui en manquait. Il put donc citer une roche sans doute introuvable en surface.

"Je cherche l'or du fou. L'on m'a indiqué un filon ici, mais j'ignorais en revanche qu'il se situait sur le territoire des elfes. Je n'aurais jamais eu l'audace d'empièter sur vos terres, messire."

Il tentait de rester calme. Allait-il marcher ? Le guerrier avait pris son ton le plus conciliant, même s'il n'était guère d'humeur à parlementer. Leur survie dépendait uniquement de lui, et de sa façon de mentir.

Maintenant que la première colère était un peu retombée, les elfes se regardèrent, perplexes. Ils étaient en réalité dans la totale incapacité de vérifier ses dires. La roche existait dans les parages, l'inconnu avait l'air de s'y connaître un peu, en tout cas un peu mieux que l'aventurier de base; c'était tout ce qu'on pouvait affirmer. Il n'avait pas l'air de savoir quelle importance avait pour eux la fontaine qu'il avait choisie comme point de repère...

Néanmoins il ne leur était pas sympathique. C'était un esclavagiste, et il frayait avec un drow! Ils le laissèrent se relever, le regardant avec défiance, se demandant ce qu'ils allaient faire de ces intrus. Les laisser repartir? Que des complications...

- Vous n'êtes pas réellement sur nos terres, expliqua l'un d'eux avec embarras, l'archer de tout à l'heure. En règle générale nous ne quittons pas la forêt et...

Tous ses compagnons se tournèrent aussitôt vers lui pour le foudroyer du regard.

-La ferme!

Le mélandien sourit intérieurement. Belle bourde, mais qui allait leur coûter cher. Ils cherchaient à se faire passer pour les maîtres des lieux alors qu'il n'en était rien, à en croire ce maladroit ? Ils allaient sentir passer leur impétuosité...

Tandis que tous jetaient un regard lourd de reproches et de mécontentement à leur coupable camarade, Mornagest décida de profiter de cet instant d'inattention. Il dégaina le plus rapidement possible, s'écarta d'un pas de la pointe de la lame de l'elfe et cria :

"A l'assaut, Lothringen !"

en espérant que ce dernier puisse suivre. Le guerrier partit sur la gauche et porta vivement un coup en direction de l'elfe, qui avait immédiatement tourné la tête en sa direction, et regardait à présent le mélandien avec des yeux un rien surpris. Il voyait une lame froide s'abattre sur son épaule droite, pourrait-il l'éviter ?

Cela faisait quelques temps déjà que Lothringen, toujours un genou en terre, méditait à la meilleure façon de passer à l'attaque. Pour cela, il lui fallait d'abord s'affranchir de l'épée qui pesait sur sa nuque. Celui qui la tenait était de tous les elfes le plus proche de lui, et le mieux placé pour lui trancher la tête. Depuis le début de la conversation, le manostien avait progressivement ramené sur l'arrière le pan de cape qui risquait d'entraver le mouvement de son bras. Et il attendait...

A l'appel de Mornagest, le semi-drow plongea en avant et en biais, tout en projetant le bras gauche en arrière: la hache faucha les chevilles de l'elfe surpris, lui coupant le tendon d'achille. La victime s'effondra en hurlant.

Lothringen put alors se relever et rejoindre Mornagest. Ce dernier connaissait un incident de parcours: il avait si bien encastré son épée dans l'épaule d'un archer qu'il peinait à l'en retirer. Un autre archer l'avait pris pour cible et le criblait de flèches. Deux autres avaient saisi leur épée et reportaient leur attention sur l'elfe noir.

La douleur provoquée par les flèches qui avaient fait mouche augmentait la rage de combattre du guerrier mélandien, au détriment de toute prudence. Aussi, après avoir reçu un trait à l'épaule gauche, ne chercha-t-il pas à éviter un second qui se ficha dans son bras droit, l'engourdissant aussitôt. Ses mouvements devenaient plus lents, et, heusement, il devait combattre des archers, et non des guerriers experts au combat rapproché.

Le guerrier hurlait des imprécations à l'encontre de leurs agresseurs, par simple envie de faire rejaillir sa fureur sur ces maudits elfes.

Tandis qu'il parait un assaut de son adversaire le plus proche, Mornagest aperçu le conseiller venir à son secours au combat. Ragaillardi par le soutien de l'elfe noir, le mélandien contrattaqua et exécuta une fente sur l'elfe qu'il toucha aussitôt à l'abdomen. Il s'écroula. Il ne restait déjà plus que deux elfes debout.

Pendant ce temps, l'hémorragie s'accentuait, et le bras de Mornagest devint rapidement brûlant, poisseux de sang et douloureux.

L'effet de surprise avait joué à plein, puisqu'il leur avait permis de se débarrasser de deux adversaires dès le début du combat. Peut-être les elfes avaient-ils été d'autant plus surpris qu'ils s'attendaient à avoir affaire à de purs lanceurs de sorts... Toujours est-il que Lothringen et Mornagest se retrouvaient dans la situation improbable de n'avoir déjà plus que deux adversaires en pleine possession de leurs moyens.

Lothringen = = > peau de pierre = = > Lothringen

L'elfe noir prit un des combattants pour soi et ils se mirent à échanger coups rapides et mal ajustés. Jamais Lothringen ne se sentait plus drow que lorsqu'il devait lire la haine dans le regard de ses cousins de surface. Ils se blessèrent mutuellement au flanc. Donne-moi ta haine et je ne serai pas en reste...

Lothringen = = > image miroir = = > Lothringen

Tout ceci était confus et passablement brouillon. Lothringen était certain de venir d'enfreindre une bonne demi-douzaine des règles de combat que les sergents instructeurs inculquaient en vain à leurs recrues à grand renfort de beuglements... du temps où il faisait partie de leurs recrues... Le guerrier-mage enrageait de ne pas venir plus rapidement à bout du guerrier elfe. Mieux valait que l'affrontement ne se prolonge pas trop. Mornagest faiblissait...

De son côté, l'ambassadeur enchaînait les coups contre son adversaire, mais à chacun d'entre eux, il puisait davantage dans ses forces, et bientôt, il eut la vision constellée de petites étoiles noirâtres, le désorientant passablement. Mornagest perdait son sang, sa concentration, et bientôt, son combat, s'il ne parvenait à porter à l'elfe un coup fatal.

Une feinte de ce dernier fit à nouveau mouche, et il fut gratifié d'une splendide ligne rouge le long de sa cuisse droite. Serrant maintenant les dents pour s'empêcher de crier sa douleur, le guerrier choisit le quitte ou double : attaquer brutalement en avant, et tenter d'embrocher son ennemi.

Il se lança soudain, malgré la douleur crurale qui lui paralysait presque tout le membre, estoc en avant, visant la poitrine de l'elfe. Ce dernier parvint à dévier la lame du pommeau de son épée, mais la violence du coup, désespéré mais puissant, n'empêcha guère l'acier de transpercer avec un bruit écoeurant le poumon gauche de l'elfe, qui poussa un cri étouffé, tandis que la lame ressortait dans son dos.

Presque sur le point de sombrer dans l'inconscience, Mornagest ne tenait debout que par la force de son poignet, toujours agrippé à sa garde, tandis que l'elfe se mourrait devant lui, et chutait à terre, élargissant davantage la plaie béante qui ornait son torse malingre.

S'appuyant sur son épée, le guerrier restait debout, le regard dans le vide, contemplant sans le voir le contenu de la cage thoracique de son ennemi encore agité de soubresauts, tel un pantin manipulé avec maladresse sur une scène de marionnettes.

Brusquement, Mornagest s'assit, le teint pâle, le visage froid et en sueur, tandis que sous la croûte de sang à peine séché sur ses membres tailladés, bouillonnait sa circulation activée par l'effort et l'énorme afflux d'adrénaline qui s'en était suivi. En pleine chute de tension, le guerrier ne put retenir une violente contraction de l'estomac, et régurgita sur lui-même le peu de restes de son pourtant solide déjeûner.

Le cri d'agonie de son camarade avait perturbé un instant la concentration du guerrier elfe qui affrontait Lothringen, et cette erreur lui fut fatale: il ne put éviter les deux haches qui se décroisèrent au niveau de sa gorge, faisant sauter sa tête à quelques pas de là... Un joli coup, que Lothringen ne tentait guère que lorsqu'il était certain que l'adversaire n'aurait pas le temps de contre-attaquer sur ses flancs découverts.

Pendant que l'elfe noir prenait le temps de retrouver son souffle, il balaya du regard le champs de bataille. Trois elfes morts, Mornagest en sale état, en tout cas hors d'usage; deux elfes grièvement blessés. L'un, qui clopinait, avait rejoint l'autre, qui perdait son sang en abondance d'une plaie à l'épaule et s'adossait péniblement à un arbre. Lothringen les couva du regard avec inquiétude. Il répugnait à les tuer dans l'état où ils étaient, blessés et inoffensifs. Mais s'ils repartaient chez eux, ces deux elfes n'allaient-ils pas leur ramener toute une horde vengeresse? Lothringen avait finalement pris le parti de les capturer -bien qu'il doute des chances de survie de l'elfe qui subissait une hémorragie à l'épaule - et il fit quelques pas dans leur direction pour le leur annoncer. Le regard haineux des deux elfes se voila comme il commençait de leur adresser la parole: le semi-drow vit alors un filet de bave verdâtre couler de leurs lèvres qui devenaient d'une blancheur surnaturelle... et il comprit que les deux survivants venaient de s'empoisonner.

Encore quelques spasmes, puis plus rien. Le manostien haussa les épaules. Victimes de leurs préjugés raciaux, ces deux imbéciles avaient choisi leur mort. La preuve n'était plus à faire: la bêtise tue.

Lothringen revint lentement vers Mornagest. A mesure que l'exaltation du combat retombait, il commençait de mieux ressentir la plaie encore chaude à son flanc. Il perdait du sang en abondance... Pour l'instant, il ne sentait presque rien. Dans peu de temps viendraient la faiblesse, le flou, le déséquilibre... L'elfe noir prit les devants en s'adossant de lui-même à un arbre, avant de se laisser tomber assis sur le sol.

Le guerrier, frissonnant et brûlant à la fois, n'avait que vaguement compris que les deux elfes étaient morts selon leur propre volonté. Sa vue brouillée lui montra simplement Lothringen qui marchait calmement, mais d'un pas mal assuré. Il le vit s'asseoir non loin de lui, puis ferma les yeux.

Plus un bruit ne perturbait la tranquillité des lieux après le combat, sinon leur respiration halletante et le bruissement des feuilles dans le vent. Un champ de bataille sanglant se déroulait entre les deux guerriers, vainqueurs mais gravement blessés.

Mornagest articula péniblement, à l'adresse du drow :

"Pas mal, pour un esclave"tout en étouffant un rire. La douleur qui s'empara de son corps le rappela aussitôt à l'ordre. Il se tenait l'épaule, de son bras meurtri. Il serait temps de penser à soigner ces blessures, sans quoi il se viderait de son sang comme un porc égorgé.

Il déchira sa tunique avec fébrilité, et entreprit de panser ses plaies du mieux que son état pouvait le lui permettre. Même ses membres atteints étaient en meilleur état que le côté de Lothringen, qui ornait un trou sinistrement entaché de pourpre.

Ses bandages de fortune effectué, Mornagest se releva lentement, afin d'éviter une nouvelle chute de tension. Il devrait bientôt manger, et beaucoup, sans quoi il tomberait d'inanition. Ses pas le menèrent devant l'arbre contre lequel le drow s'était appuyé, puis il s'affala au sol, épuisé.

"Je... vais essayer de te soigner."

Perdu dans un état de semi-conscience où toutes les perceptions se trouvaient comme amorties par une conséquente épaisseur de ouate, Lothringen remarqua tout de même que Mornagest venait de le tutoyer. Et d'ailleurs, il venait de faire de même tout à l'heure... hé bien... Tout bien réfléchi, c'était très bien comme ça. Ils avaient perdu un peu trop de sang pour s'encombrer du reste.

Lothringen écarta lentement la main qu'il avait enfoncée avec un pan de cape dans la plaie pour endiguer l'hémorragie. Le sang coulait encore, bien qu'avec moins d'abondance que tout à l'heure. Il vit bientôt Mornagest se pencher sur lui. Cette vision lui inspira un bref sursaut de panique - qui passa. N'était-il pas trop tard pour éprouver de la défiance... beaucoup trop tard...

"Ce n'est pas que je doute de tes talents en magie curative, hein... articula-t-il en un souffle... mais à défaut de pyrite tu devrais essayer ceci..."

Et il tira péniblement de son sac une trousse de secours ordinaire. Le mouvement tira sur la blessure, rouvrant une croûte de coagulation: il hoqueta et dut fermer les yeux.

"Une si jolie clairière... si loin des prêtres... si paisible..." railla-t-il en forçant un demi-sourire.

Le guerrier afficha un rictus douloureux sur son visage. Il s'était trompé, en effet. Il aspira au calme, et les voilà laissés pour morts, attaqués sur simple base de leur origine étrangère aux elfes. Cruelle ironie, il se trouvait souvent plus mal en point en dehors de l'empire mélandien qu'au sein de la Cité. Comme quoi, les préjugés quant à l'insécurité qui y règnait étaient à revoir...

"Il fait calme, maintenant. Un peu d'aménagement, et nous voilà tranquilles." Il sourit plus franchement, mais était inquiet de la blessure de Lothringen. Il avait perdu beaucoup de sang, et rien ne disait qu'un organe n'était pas atteint. Mornagest s'activa, le temps pressait.

Il sortit des bandages de la trousse, épongea le sang avec sa tunique, puis s'affaira à nettoyer la plaie du mieux qu'il le pouvait. Le plus délicat restait de ne pas faire souffrir davantage Lothringen, qui, bien que restant muet, serrait les mâchoires de temps à autre, lors d'un mouvement un peu brusque.

"Je ne suis pas très tendre. Je n'ai pas l'habitude de soigner les autres, à vrai dire..."

Tandis qu'il oeuvrait, un moment de gêne s'installa entre les deux guerriers. Le mélandien ne savait trop que dire, et Lothringen semblait fuir son regard, comme s'il en avait peur. S'il l'avait désiré, Mornagest aurait pu s'en débarasser et rentrer tranquillement à Manost en accusant ces elfes. Mais que voulait-il, au fond ? Pas cela, c'était certain. Il brisa le silence :

"Il ne t'a enlevé qu'un peu de viande, rien de mortel je pense. Je vais serrer le bandage, attention..."

Il serra effectivement, et la douleur devint beaucoup plus intense, mais heureusement de courte durée. Le bandage était prêt.

"Il tiendra si tu ne bouges pas trop.", annonça-t-il en s'asseyant enfin.

Haletant, Lothringen écouta son coeur qui battait la charge ralentir peu à peu, puis se faire oublier. La blessure n'était pas mortelle, non; l'elfe avait dû toucher une artère rhénale, provoquant ce grand afflux de sang qui se perdait par saccades vermeilles. Le bandage serré avait coupé net l'hémorragie, et ce définitivement, on pouvait l'espérer... Il était faible mais c'était fini... fini... jusqu'à la prochaine... Cela ne faisait guère que deux jours qu'ils s'étaient fait déchiqueter par des gobelins. Il avait toujours tellement de chance... Un jour, c'était certain, sa déesse se lasserait...

Quand il se sentit suffisamment remis pour reporter son attention hors de soi, Lothringen vit que Mornagest était assis tout près, en train de récupérer lui aussi. Autour d'eux, éparpillés, cinq cadavres et une tête. Dommage qu'il ne soit pas encore en mesure de bouger. Il avait des projets de reconversion rapide pour tous ces corps... Pour l'heure, il ne pouvait faire mieux que de laisser venir le soir en leur paisible compagnie. La soirée avançait. Les oiseaux entamaient leur concert crépusculaire... Les odeurs mélangées de sang et de vomi lui tournaient la tête.

"Tu devrais trouver une ou deux rations de survie en fouillant dans mes affaires... Prends tout, je ne pourrais rien avaler."

Tandis que le mélandien se mettait à chercher, il ajouta plus bas, les yeux dans le vague:

"Tout à l'heure, devant les elfes... Tu aurais pu sans peine détourner leur hostilité sur moi... Quoi que tu dises, si tu accusais un elfe noir, ils ne demandaient qu'à te croire... Apparemment, tu n'y as même pas pensé... alors que moi... N'est-ce pas étrange?"

Alors qu'il cherchait les rations de nourriture dans le sac, Mornagest s'arrêta lorsque Lothringen lui parla. Il venait de soulever une question très sensible, intéressante... sa réaction avait été incompréhensible. Cela ne pouvait être lui, ce fier et cruel guerrier qui n'épargnait personne, pour autant qu'il puisse en tirer un intérêt... comme celui, fondamental, de sa survie. Car Lothringen avait raison : en accusant un drow, il se serait mis hors de cause, gagnant peut-être même la gratitude des elfes, et se débarassant par là même d'un puissant dirigeant manostien.

"Je... si. Je ne sais pas. Je n'y ai même pas songé. C'est parce que tu m'en parles. Je...."

Il ne savait que dire. Qu'aurait-il pu dire ? Il ne savait ce qu'il s'était passé depuis son arrivée à Manost, ce qui lui avait fait prendre conscience de son existence pathétique, emplie de violence, dénuée de sens. Il s'était demandé s'il pourrait un jour connaître autre chose que la cruauté, le meurtre, la défiance... c'était chose faite. Il découvrait l'amitié, la confiance. Tout du moins cela y ressemblait. Car, aider un rival politique en combat, alors qu'il n'y était pas forcé...

"Peut-être n'avais-je pas envie de t'accuser."

Il avait dû fournir un gros effort pour lâcher cette phrase, mais il en ressentit un soulagement immense. Car il le pensait. Il le sentait. Il le savait.

"Et je ne vais pas m'en plaindre..."

Lothringen sourit faiblement.

"Quand un drow s'en vient vivre en surface, la défiance, la violence et le meurtre l'accompagnent si naturellement que l'on croirait insulter en vain l'ordre des choses en essayant de s'y soustraire. Et pourtant..."

Son regard flotta avec dégoût sur le carnage. Ces elfes n'étaient pas maléfiques. En principe. Lui avaient-ils laissé le choix? Où étaient la logique, la nécessité de leur mort?

"Comme on s'en lasse... Me tenir toujours prêt au pire, ne dormir que d'un oeil, soupçonner mon prochain, toujours du pire, en permanence, m'est devenu si familier que j'ai pu à tort le confondre avec la foi du Vigilant. Tiens, sais-tu pourquoi je me suis attaché à la personne du Grand Emissaire, en dépit de nos différents? Parce que ce grand fou m'a parlé de confiance, et que je ne demandais pas mieux que de soustraire au moins un nom à l'interminable liste de mes soupçons. Il était sincère et me donnait envie... Une trêve, un sanctuaire, si limités soient-ils, entre deux hommes, sont-ils possibles? Je voudrais tant."

Le semi-drow fronça les sourcils. Voilà ce que c'était que de se retrouver cloué à l'écorce d'un arbre avec un trou de la largeur d'une paume au niveau du thorax: ça vous rendrait presque expansif.

"Sais-tu déchiffrer l'écriture elfique?" demanda-t-il abruptement.

A peine méditait-il sur les paroles de Lothringen que ce dernier lui posa une question pour le moins inattendue. Il y reviendrait plus tard avec lui, car son discours l'avait troublé. Il se sentait concerné par cela : la confiance en quelqu'un d'autre que soi-même, vitale pour survivre. Dans le fond, ils vivaient la même chose. Devoir se battre pour rester en vie. Leur différence résidait dans leurs origines.

"L'elfique ? Je crains que non..."

Il parut embarrassé. Il n'avait jamais jugé nécessaire de compléter sa maigre instruction littéraire et linguistique. Tout au plus savait-il lire et écrire le commun, bien sûr. Mais il avoua sa cruelle inculture comme une faiblesse pour un homme qui occupait pareil poste.

"Alors il nous faudra attendre un peu avant de savoir ce que racontent les inscriptions du puits. Elles nous auraient peut-être appris ce que les elfes faisaient ici? A moins que..."

Lothringen replia les jambes avec précaution et, tout en crispant une main sur le côté et l'autre sur l'écorce, entreprit de se redresser avec lenteur le long du tronc d'arbre. Mais l'opération semblait lui retirer tout le sang du visage; le pied tremblait, la tête lui tourna et il dut rapidement renoncer. Tout en retombant en position assise, il murmura avec résignation:

"Pas cette fois..."

... Avant de laisser sa tête retomber sur son épaule et de sombrer pour de bon dans l'inconscience.

Mornagest aurait déconseillé au drow de se relever, s'il en avait eu le temps. Un brusque changement de position risquait seulement de refaire saigner les plaies par augmentation de pression artérielle. Le vil... fort heureusement, les pansements tinrent bon, et le guerrier n'eut qu'à allonger Lothringen dans une position qui ne lui casserait pas le dos au réveil.

Quant à lui, il s'aménagea une couche non loin de là, entassant quelques touffes d'herbes arrachées à la hâte, et s'allongea sur son matelas de fortune.

Il n'eut guère le temps de ressasser les récents évènements qu'il s'endormit rapidement, sombrant dans un sommeil profond mais empli de cauchemars grotesques.

Il combattait des gens. Il ne savait qui ils étaient. Il ne voyait pas leur visage, jusqu'à ce qu'il parvienne à les tuer... chaque fois, il s'agissait de l'un de ses proches. Sigurd, son vieux tuteur, gisait devant lui, mort, le corps découpé en deux par sa lame. Helena, massacrée par lui, sans raison. Lothringen, baignant dans son propre sang, la gorge ouverte formant comme un sourire figé et sardonique...

Il se réveilla en sursaut. Il faisait déjà pleine nuit, et, malgré la chaleur relative, il tremblait de froid. Son corps dégoulinait de sueur, lui piquant désagréablement les blessures. Il jeta un coup d'oeil en direction de Lothringen. Ce dernier dormait, apparemment. Il n'avait guère bougé depuis tout à l'heure.

Mornagest se leva doucement, et péniblement, et alla s'assurer que le drow était toujours en vie. Il entendit alors sa respiration régulière et profonde. Rassuré, le guerrier se recoucha, mais ne put retrouver le sommeil ; l'idée de revoir ces horreurs à nouveau l'incommodait, et il garda les yeux grands ouverts jusque potron-minet...

Peu de temps après le lever du jour, Mornagest entendit le bruit lointain d'une cavalcade, encore difficile à identifier à pareille distance. Le mélandien tenta bien de secouer Lothringen, mais ce dernier tardait à reprendre conscience...

Le guerrier s'énervait. L'arrivée de cavaliers n'annonçait sans doute rien de bon, et ils ne pourraient sans doute guère expliquer facilement la présence de cinq cadavres d'elfes sans attirer sur eux de lourds soupçons de meurtre - soupçons fondés, même s'il s'agissait de légitime défense. D'autant que ces cavaliers étaient peut-être des compagnons de leurs victimes...

Tout en écartant les pensées de torture qui lui vinrent à l'esprit, Mornagest cessa de secouer Lothringen. Ses yeux ne s'ouvraient toujours pas, et il semblait totalement amorphe. Regardant autour de lui, il avisa les taillis non loin d'eux, et prit rapidement sa décision.

Il mit un genou en terre et souleva le drow dans ses bras endoloris. Il grimaça. Ses muscles tiraient désagréablement, et il avait l'impression que la coupure de la veille se rouvrait brusquement. Mais il n'avait guère le choix. Il se releva, tenant fermement le conseiller dans ses bras. Heureusement que les rôles n'étaient pas inversés... Il imaginait mal Lothringen le porter ainsi.

Mornagest ramassa le sac à dos de Lothringen, et se dirigea le plus rapidement possible vers les fourrés, en boîtillant.

Il soufflait fort, et ses membres écorchés ne lui facilitaient pas la tâche, mais il attint les taillis au bout d'une trentaine de secondes de marche éprouvante, s'y engouffra et déposa vivement mais doucement Lothringen, qui était toujours inconscient.

S'efforçant de reprendre son souffle sans trop faire de bruit, Mornagest écoutait à présent, essayant de savoir si les chevaux approchaient.

Les chevaux suivaient la route de la forêt, laquelle passait au beau milieu de la clairière; difficile donc pour les trois cavaliers qui approchaient de rater les cinq corps étalés par terre. Mornagest en ressentit quelques sueurs froides, jusqu'à voir que les inconnus qui faisaient halte portaient des uniformes de l'armée manostienne.

Ils marquèrent un temps de silence en découvrant la scène.

- On dirait que nous ne les avons pas trouvés les premiers...
- Je ne vois que des corps d'elfes!
- Ils ont dû être enlevés?!
- Il faut retourner à Graëlon en avertir nos supérieurs!

Tout en disant ces mots, le soldat tira sur la bride pour reprendre le galop en sens inverse.

Furieux contre lui-même, Mornagest jura tout haut lorsqu'il vit repartir les cavaliers. Trop tard pour les ratrapper, maintenant... Il était seul à pouvoir aider Lothringen, qui ne se réveillait toujours pas. Son souffle était pourtant régulier, et calme. Qu'avait-il donc ? Pourquoi était-il inconscient ?

Les maigres connaissances en médecine du guerrier mélandien ne lui permettaient pas de répondre à cela. Tout au plus pouvait-il passer un peu d'eau sur le visage du drow, ce qu'il fit, après avoir trouvé une gourde dans la besace de son compagnon.

Il trempa un morceau de sa tunique, puis épongea le front de Lothringen, qui fronça les sourcils, sans pour autant ouvrir les yeux.

"Lothringen ?" appela-t-il doucement.

Il y avait une brume opaque qui planait avec obstination sur le marais où il pataugeait, les narines et les poumons en feu. Des voix appelaient au-delà de la brume, mais elles n'avaient pas la moindre réalité. La seule chose qui conservait de la réalité dans ce cauchemar, mais alors une réalité qui vous poursuivait au-delà de la conscience de vivre un cauchemar, c'était l'épaisseur du bourbier où il commençait de s'enliser. Il fallait remonter la pente, une petite pente de rien du tout, mais ses forces allaient déclinantes et il se savait faible à présent, si faible qu'il se sentait incapable de lever seulement les bras pour articuler le moindre sort... En avait-il encore le souvenir? Privé de sa ville, de sa force et des siens, qu'était-il? D'ailleurs, il n'y avait plus rien à espérer au-delà du brouillard, rien à attendre du monde des conscients sinon la douleur plus aiguë et la perte plus vive...

Une pluie que l'acidité du marais ne soullait pas mouilla son front. Une voix se fit entendre par-dessus les autres. Plus proche, plus pressante. Reconnaissable.
Le semi-drow grommela quelque chose d'incompréhensible, dodelina de la tête, puis ouvrit péniblement les yeux.

Mornagest soupira. Enfin se réveillait-il ! Mais il n'eut pas le cœur à lui faire des reproches, lui qui venait de commettre une bourde monumentale.

"Ça va mieux ? Tu as l'air encore faible."

Il jeta un coup d'œil sur les blessures pansées du drow. Apparemment, le saignement n'avait pas repris, malgré le déplacement forcé. Une bonne chose.

"Tes plaies se referment. Si tu t'épargnes d'autres tentatives d'acrobaties, ça devrait aller."

Il lui sourit, amusé mais aussi, pour masquer son désarroi face à la situation. Mieux valait lui avouer de suite qu'il s'était trompé dans son jugement.

"J'ai commis une erreur."

Au moment où il prononça ces mots, il rougit. C'était stupide, mais incontrôlable. Puis, aussitôt, une question lui vint à l'esprit : comment ces soldats savaient-ils qu'ils se trouvaient tous les deux dans les parages ? Qui, à part Lothringen et lui-même, était au courant ? Même Althéa n'était pas entrée dans les confidences de son ami elfe noir.

La honte laissa la place à la fureur, un sentiment beaucoup plus familier, et réconfortant pour le fier guerrier du nord.

Se remettre les idées en place fut l’affaire de quelques lents frottis sur ses paupières lourdes. En regardant Mornagest, Lothringen le trouva penché si près de son visage que lorsqu’il le vit rougir il lui vint l’envie soudaine de l’embrasser. L’idée lui semblait si absurde, si hors contexte qu’elle lui soutira à son tour un sourire d’amusement. Qui passa vite. La situation n’était pas très plaisante, à en croire l’air inquiet du mélandien... Que se passait-il, déjà ? Ah oui, l’émeute, la téléportation, le puits d’Inselwenn, les elfes, le combat, le sang perdu, la douleur au côté. La douleur surtout, qui lui arracha une grimace quand il voulut se hisser sur les avant-bras. Bienvenue parmi les vivants... Impossible de se lever, ce matin encore, sous peine d’aller refaire un tour dans le marais de ses songes. Il n’y tenait vraiment pas. On n’était jamais certain d’en revenir…

« Je dois être à peu près aussi indispensable qu’un ilmate élu de Beshaba, à part ça tout va bien. Une erreur, tu dis ? » Il regarda quelques instants autour de lui, comme s'il s'attendait à voir cette dernière lui faire un signe. " Hum, en effet, tu viens de vider la gourde et nous n'avons plus d'eau..."

Au lieu de détendre le guerrier, cette dernière remarque rajouta au trouble de Mornagest, qui s'empourpra à nouveau, de colère contre lui-même, de honte, et de toutes sortes de sentiments dont il n'avait jamais fait l'expérience avant. Comme s'il ne savait comment réagir face à la situation, alors qu'elle était loin d'être aussi désespérée qu'avant le combat contre les elfes.

"Je... non, c'est plus grave que cela. Des soldats manostiens sont arrivés, mais je pensais que c'étaient des elfes. Je nous ai cachés ici, croyant bien faire... et j'ai seulement pris conscience de mon erreur quand ils repartaient."

Il regardait un peu partout, n'osant affronter les yeux sombres du drow. Il avait mal réagi, son instinct de guerrier n'aurait normalement pas dû lui dicter pareil comportement. Que s'était-il passé ?

"Et... j'ignore comment ils savent que nous sommes dans les parages.", ajouta-t-il, la mine plus sombre. Il fixa alors Lothringen dans les yeux.

"Ce n'est pas très difficile à expliquer. J'ai laissé une marque sur la carte avant de nous téléporter... Le général aura envoyé un message, magique ou non, à Graëlon, pour prévenir de l'endroit où nous nous trouvions. Peut-être ont-ils voulu vérifier que nous ne manquions de rien... Et, à vrai dire, une potion de soin n'aurait pas été de refus."

Tandis qu'il prenait le temps de s'adosser plus confortablement à l'arbre le plus proche, le semi-drow fronça les sourcils en sentant que le regard de Mornagest continuait de peser sur lui.

"M'est avis que tu supposais autre chose."

Le guerrier parut embarrassé par la demi-question de Lothringen. Certes, il s'était méfié, lorsque sa déconvenue était passée.

"Je l'avoue. J'ai pour habitude de me méfier de tout le monde, et j'ignorais que tu avais marqué la carte. J'ai sans doute des tendances trop paranoïaques, et en l'occurrence, cela ne nous facilite pas la tâche. Je suis à cran ; dès que je ne suis pas à Melandis, on dirait que le monde se ligue contre moi..."

Il parlait plus pour lui-même. Il avait tout autant la sombre impression d'attirer les ennuis comme un cadavre des insectes nécrophages.

"Tu parlais de Beshaba, mais je ne suis pas mal dans le style non plus... enfin, pas sur le plan physique" ajouta-t-il en souriant de sa stupide blague. Il avait besoin de se décrisper, et n'importe quelle occasion était bonne à prendre, en ce moment.

"Il doit bien y avoir un cours d'eau non loin d'ici... je remplirai la gourde. Si tu veux te reposer encore ?"

La Couronne de Cuivre

[Quête] Rapports diplomatiques: La fontaine d'Inselwenn

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