La Couronne de Cuivre

Ils débarquèrent alors que le crépuscule, tel un feu mourant, dardait ses dernières lueurs de braise sur l’horizon occidental. Malgré l’heure tardive, les quais étaient animés, et bon nombre de chalands s’approchèrent du navire. Ils ne s’en furent pas, même après avoir appris que les cales étaient vides : faute de marchandises, ils pouvaient au moins glaner des informations sur la situation à Luménis.
Galathée paya au capitaine la somme convenue pour le trajet et pour les trois chevaux qu’elle avait promis d’acheter. Puis ce furent des adieux pour le moins mitigés : si Victor se tint à l’écart tandis que Galathée se contentait de quelques remerciements et brèves formules d’au revoir, Taliesin échangea des plaisanteries avec les membres de l’équipage, leur promettant, un sourire en coin, de ne pas déchaîner les sept enfers sur la tranquille cité et leurs environs.
Le trio gagna ensuite une auberge : il leur restait tout juste assez d’argent pour louer s’offrir le gîte et le couvert. Sitôt celui-dernier englouti, ils se retirèrent, Victor et Galathée partageant une chambre, Taliesin s’isolant seul dans une autre, avec une solide provision de millepertuis.
Ils se retrouvèrent dès l’aube, dans la salle commune, et partagèrent un rapide petit déjeuner avant de se mettre en chemin. Ils quittèrent la cité par l’est et s’engagèrent sur une route large et rectiligne, guettant le premier croisement qui les mènerait dans des parages moins fréquentés. Victor,quoi que toujours un peu distant, se montrait plus loquace avec Galathée. Mais, pour Taliesin qui les suivait, en retrait, il n’avait que de rares regards, et encore étaient-ils chargés de rancœur et d’animosité. Les jours à venir ne promettaient guère de sérénité…

Pendant les premières heures, Galathée se contenta d’observer comment le petit équipage se comportait en selle. Les trois juments qu’ils avaient achetées étaient de bonnes bêtes, énergiques mais conciliantes, et elles cheminaient d’un bon pas sur le serpentin de la route. Taliesin était tendu, sans doute à la recherche de la position la moins inconfortable, mais la rôdeuse devinait à ses gestes qu’il était le meilleur cavalier d’entre eux. Victor était clairement malhabile, peut-être même un peu effrayé, bien que sa monture soit douce et attentive. Il avait juré être bon cavalier, mais la jeune femme devinait déjà les ampoules sur son postérieur rien qu’à la grimace qui déformait son visage lorsque la jument passait subrepticement au trot pour contourner un obstacle ou distancer un insecte vorace. Galathée avait été une bonne cavalière dans sa jeunesse, lorsqu’elle vivait encore chez son père adoptif, éleveur de profession. Les vallées avaient été luxuriantes, là aussi. Cela remontait à une éternité, à l’autre bout du monde.
Ne te laisse pas piéger par le passé, toi aussi, songea-t-elle.
Heureusement, elle n’avait pas perdu ses réflexes, même si elle se sentait encore un peu ankylosée. Elle retrouverait sa souplesse avec un peu d’entraînement. A la mi-journée, ils bifurquèrent dans un bosquet de hêtres isolé au milieu de la prairie, histoire de trouver un peu d’ombre et de permettre à chacun de se reposer.

Taliesin se laissa tomber plus qu’il ne descendit de sa monture et, en titubant, il alla s’affaler au pied d’un arbre. Si le début de la chevauchée s’était bien passé, les secousses n’avaient guère tardé à réveiller la douleur, dans ses plaies pas encore tout à fait guéries, et il avait dû serrer les dents pour n’en rien montrer, pour ne pas réclamer de halte. Il avait douté de pouvoir repartir, s’ils s’arrêtaient. A présent, il en était sûr : il ne remonterait pas de sitôt. D’autant que la chaleur avait cru tandis qu’ils s’éloignaient d‘Eredhùn et que le bosquet offrait une protection relative et bienvenue contre les rayons implacables du soleil à son zénith.
Jetant un regard autour de lui, l’elfe constata que Victor n’était pas en meilleur état que lui – à la différence près qu’il hésitait visiblement à s’assoir. Galathée, elle, s’était déjà mise en œuvre d’attacher les chevaux. Il lui faudrait également préparer le repas, il en avait peur : si le courage ne lui avait pas fait défaut, ses forces l'auraient trahi. Il n’était pas même certain de pouvoir se remettre debout.

Lorsque la jeune femme revint vers ses deux compagnons, elle comprit que la petite pause qu’elle avait projetée allait s’éterniser. Ils ne seraient ni l’un, ni l’autre capable de remonter en selle dans les heures à venir. Peut-être pas avant le lendemain. Elle soupira doucement et essaya de préserver son humeur vacillante en se consacrant à leur repas. Mais bientôt le silence qui régnait entre les arbres devint oppressant, et saisissant son arc et ses flèches, elle s’esquiva vers la prairie. Elle essaya de se convaincre qu’il était nécessaire de trouver de la viande, de toute façon, mais elle ne put pas se mentir longtemps, et lorsqu’elle atteignit enfin l’immense étendue verte, la tête lui tourna. Elle s’assit dans les graminées, sans cérémonies, et ferma les yeux. Son calme ne devait pas être si loin. Elle pouvait le retrouver. Elle devait le retrouver.

L’elfe et l’enfant observèrent Galathée tandis qu’elle s’éloignait puis, par réflexe, s’entreregardèrent. Victor se détourna aussitôt en frissonnant. Rien moins que désireux de demeurer seul avec Taliesin, il s’empressa de rejoindre la jeune femme. Parvenu à ses côtés, il l’observa un moment puis s’assit avec précautions.
-Ça va pas ? demanda-t-il en grimaçant et en lui posant une main légère sur le bras.

Galathée leva les yeux et sourit au petit garçon.
« Ça va déjà mieux. Viens t’asseoir là. »
Il lui décocha une grimace qui lui rappela ses soucis postérieurs.
« Allonge-toi, alors. »
Il s’exécuta.
« Je peux jeter un œil ? »
« Il n’en est pas question. » rétorqua Victor.
« Bon. »
La jeune femme haussa les épaules avec le sourire. A plat ventre dans l’herbe, l’enfant poussa un profond soupir et leva les yeux vers le ciel.
« Victor, y a-t-il une chose que je puisse faire, ou dire, pour que tu arrives à tolérer Taliesin ? »

L’enfant se rembrunit aussitôt.
-Ah, me disais bien que c’était ça… grommela-t-il.
Le menton dans les mains, il demeura silencieux un long moment, le regard perdu entre le ciel et les cimes immobiles des hêtres. Il n’y avait pas un souffle de vent : le soleil baignait joyeusement le paysage champêtre et, dans les hautes herbes, une myriade d’insectes menaient grand bruit.
Enfin, Victor soupira.
-Je suis désolé, murmura-t-il sans la regarder. Je te crois quand tu dis que c’est plus le Monstre, mais… il me fait peur. Il parle jamais, il mange tout le temps des plantes pour dormir, et puis… Je vois bien qu’il m’aime pas non plus. Il est en colère pour le bateau. Quand on en est descendus, il a plaisanté avec les marins, je voyais bien qu’il se moquait de moi.

« Je reconnais qu’il n’est pas d’excellente compagnie. Et je suis désolée de t’imposer sa présence… »
Elle caressa les herbes de la paume, songeuse.
« Mais je te demande juste un peu de patience. »
Elle ne pouvait pas expliquer à Victor pourquoi Taliesin était d’aussi mauvaise composition, pas en détail, il n’avait que huit ans.
« Si les choses n’évoluent pas, nos chemins se sépareront. Mais si personne n’y met du sien… »
La jeune femme se tut. Face aux affres suicidaires de l’elfe, elle avait tendance à perdre de vue que Victor était orphelin de fraîche date, qu’ils avaient quitté Luménis sans même chercher à retrouver le corps ou la trace de ses parents, que s’il avait l’air stoïque pour l’heure, ce n’était fatalement qu’un leurre, qu’une façade, que c’était juste un petit garçon perdu et malheureux. Elle n’avait pas le droit de faire passer Taliesin avant lui. C’était une injustice monstrueuse.
« Tu as le droit de le détester, de le haïr, je le comprends… Je ne te demande pas de l’aimer. Juste de… peut-être de l’ignorer. Je te protégerai de lui. Et il n’y a rien à craindre, sinon des sarcasmes… Mais en vérité… Je sais que c’est difficile à comprendre mais… ces sarcasmes ne visent que lui-même. Pas toi. C’est de lui qu’il se moque. C’est lui qu’il enterre. Et il sait que tu avais le droit de dire ce que tu as dit à Théodore. Que c’était la vérité. Simplement… Je te demande juste un peu de patience. »

Victor se redressa sur un coude et, perplexe, dévisagea la rôdeuse.
-Je comprends pas ce que tu veux que je fasse…fit-il après un moment de silence. Je peux pas l’ignorer plus: je lui parle jamais, déjà ! Et lui non plus, il me parle jamais, d’ailleurs…Alors faut juste que je fasse comme s’il existait pas jusqu’à ce qu’il parte ? Que je sois patient jusque là ?
Il grimaça.
-Et je comprends pas non plus pourquoi il vient avec nous s’il a pas envie. On le force pas ! Alors ça serait quand même à lui de faire un effort, non ? Ou de partir tout de suite, s'il a plus envie de voyager avec nous.

Elle se mordit les lèvres.
« Ce n’est pas si simple. » murmura-t-elle.
Un instant, elle hésita, puis renonça. Il n’avait que huit ans. Que huit ans.
« Je vais lui parler, tu as raison. Laisse-moi dix minutes. »
Elle se redressa puis baissa les yeux sur sa main.
« Aïe… J’ai une ampoule. » fit-elle. « Les rênes, sans doute. »
Son regard survola Victor, se posa sur les prés devant eux.
« Heureusement… Tu vois les fleurs, là ? » ajouta-t-elle en désignant du doigt une multitude de corolles jaunes et oranges qui parsemaient le vert de la prairie, en bordure du petit bois.
Victor opina, interdit.
« Ce sont des soucis. Si tu écrases les fleurs en pâte, c’est radical pour soigner les cloques et calmer la douleur. Une chance pour ma paume. »
Puis avec un léger sourire, elle s’esquiva, l’abandonnant dans l’herbe. Il ne restait plus qu’à espérer qu’il ait saisi la recette.

Tandis que le gamin, pas totalement dupe de la manœuvre, s’empressait néanmoins de s’adonner à la récolte des soucis, Galathée avait regagné le cœur du bosquet. Taliesin somnolait : mais il n’avait pas encore repris de ration de valériane ou de millepertuis et il se redressa vaguement à son approche. Il l’a dévisagea un instant, puis soupira.
-Te revoilà… et sans le môme. Rien qu’à voir ta tête, je sais que je vais en prendre pour mon grade. Alors, allons droit au but : qu’ai-je encore fait ?

La jeune femme fut prise au dépourvu par la véhémence des paroles de l’elfe, et cela lui ôta toute envie de le tancer. Elle s’accroupit devant lui, puis s’assit dans les feuilles mortes, les bras repliés autour des genoux. Malgré ses craintes, elle chercha son regard et le soutint.
« Taliesin… Rien n’a changé, n’est-ce pas ? Ces quelques jours en mer ? Est-ce que je me trompe en songeant que ta détermination à en finir n’en est que renforcée ? »

Le barde, qui s’était attendu à des reproches, demeura silencieux un court moment. Mais la réponse, il n’avait pas à aller la chercher bien loin.
-Tu ne te trompes pas, soupira-t-il. C’est pire que jamais. Les forces me revenant, il est moins aisé d’aller se réfugier dans l’inconscience. Et rester éveillé… C’est affronter tout ce que je veux fuir.
Il jeta un regard sur le bosquet qui les entourait, grimaça.
-Être là, vivant, ici, en ces lieux qui autrefois m’auraient charmé, alors que tant d’autres sont six pieds sous terre… Souvent par ma faute…Devoir porter le poids de mes crimes sous ce brillant soleil…Sans compter les conséquences de ma charmante compagnie…
Ses épaules s’affaissèrent et il sourit douloureusement.
-En bref, oui : je suis plus déterminé que jamais.

Galathée soupira, son regard dériva sur les troncs et un sourire douloureux lui déforma un instant les lèvres. Elle avait été stupide, prétentieuse et cruelle. Stupide de croire que quelques jours suffiraient à changer les choses. Prétentieuse de penser qu’elle pourrait y jouer un rôle. Cruelle de l’avoir forcé à rester en vie. Elle réalisait qu’elle avait compté sur le temps et sur la raison, simplement, pour qu’il reprenne le dessus. Mais désormais, il s’enfonçait, capable seulement de voir le noir, l’échec, les morts, et si peu les choses qui avaient tourné positivement. S’il y en avait… Elle ne savait rien de ce qu’il avait vécu.
Les ombres les avaient suivis. Galathée ne savait pas comment les distancer.
« Essaie de… essaie juste de ne pas passer ta colère sur Victor. Passe la sur moi, je la mérite. Et je te libérerai bientôt, je te le promets. »

Le barde écarquilla les yeux, incrédule.
-Passer ma colère sur… s’exclama-t-il, indigné. Mais je ne lui parle même pas, à ce gosse ! Et j’évite même de le regarder, j’ai peur qu’il s’oublie s’il s’en rend compte, tellement il est terrifié !
Il hocha la tête.
-Bon, je te promets de ne pas le faire cuire, de ne pas l’assassiner, bref : oui, je ne passerai pas ma colère sur lui. Rassurée ?

Galathée grimaça et pensa protester, puis se ravisa.
« Nous repartirons demain matin. Je pense que tu devrais pouvoir trouver les plantes dont tu as besoin aux alentours, tu sais à quoi elles ressemblent. » fit-elle simplement, la voix cassée.

Puis elle s’éloigna, épuisée par ce triste échange. Elle gagna les prairies qui s’étendaient de l’autre côté du bosquet, musarda un instant entre les fleurs et les épis, dérangea un couple de faisans qui s’envolèrent frénétiquement, puis balaya l’étendue végétale du regard. Le rouge du pavot se révéla le premier, criard sur la verdure, et elle le rejoignit tranquillement, presque hypnotisée, sereine. Ensuite, elle trouva les multiples petites fleurs de la reine des prés, tellement anodines et pourtant tellement violentes. Elle rangea sa cueillette précautionneusement, curieusement beaucoup plus calme à présent qu’elle disposait du nécessaire. Il fallait juste choisir le moment. Ou peut-être pas. Elle lui avait déjà tant pris. Elle devait pouvoir le laisser décider. Mais pas aujourd’hui.

Taliesin demeura un long moment immobile, les yeux rivés sur les arbres derrière lesquels Galathée avait disparu. Il s’en voulait d’avoir été dur, de ne pas lui avoir laissé entrevoir d’espoir : mais rien que converser lui était pénible, tant son esprit tourmenté aspirait sinon au repos éternel, au moins à l’inconscience dans les limbes de laquelle rien ne venait l’assaillir.
Il ne chercha d’ailleurs pas à lutter : il termina ses réserves de valériane, découragé rien qu’à l’idée de devoir les reconstituer, et ne tarda guère à dériver, à demi inconscient, appuyé au pied de son arbre.
Galathée reparut en fin d’après-midi, chargée d’un vieux faisan qu’elle sé’était décidée à abattre. Victor revint peu après, se frottant les yeux avec énergie : ne sachant où se trouvait la jeune femme, refusant de revenir près de l’ancien barde, il s’était trouvé un coin à l’ombre et avait tenté de récupérer quelques forces.
Comme ceux qui l’avait précédés, le repas qui s’ensuivit fut des plus silencieux. Taliesin mangea à peine et retourna se coucher, laissant les deux autres terminer seuls. Mais ils ne s’éternisèrent pas non plus : s’ils voulaient faire un peu de chemin le lendemain, il leur faudrait chevaucher autrement plus longtemps et, sans une bonne nuit de sommeil, ce serait chose impossible.
Au matin, l'ambiance était toujours aussi lourde, mais chacun se sentait plu ou moins reposé. Sans presque échanger un mot, ils rassemblèrent leurs affaires et montèrent en selle : la route leur ferait trouver moins lourd le silence qui régnait entre eux.

Après une heure de route, Galathée constata avec soulagement que la demi-journée de repos qu’ils s’étaient offerte avait porté ses fruits : Taliesin et Victor tenaient mieux en selle l’un et l’autre. De toute façon, ils n’étaient guère pressés. Ils erraient au hasard de la campagne, sans but précis. Les seuls enjeux les concernant étaient privés et ils se joueraient n’importe où, n’importe quand. Mais la rôdeuse avait l’impression qu’un environnement plus serein, qu’un refuge, leur permettrait de se reconstruire plus facilement. Si une telle chose était possible.

Mais l’elfe ne tiendrait pas jusqu’à ce que le hasard mette un havre sur leur route. Il fallait le chercher activement et le trouver, surtout.
Inconsciemment, Galathée porta la main à sa besace, puis frissonna et pressa sa jument. Puis elle laissa son esprit vagabonder dans les environs, à la recherche des oiseaux. Elle trouva un couple de pies trop occupées pour se soucier de sa requête, mais l’exposa à un faucon tranquille. Un vol d’étourneaux l’accueillit avec surprise, sa conscience à mille facettes tournoyant dans le ciel bleu, un troupeau d’oies sauvages se fit l’écho de son désir, et une chouette endormie l’écouta, silencieuse, sans rien manifester, ni mépris, ni bienveillance. Mais peu à peu, tout autour d’eux, sans que ni Taliesin, ni Victor ne s’en rendent compte, l’horizon se mit à bruire d’un message sans cesse relayé, d’une description sommaire d’un lieu qui n’existait peut-être pas mais que tous allaient rechercher, juste pour rendre service, parce que les petites cervelles des oiseaux étaient impressionnées par les volontés polies de l’homme. Il avait suffi d’essaimer… A présent, il ne restait plus qu’à attendre leur retour.

Victor et Taliesin continuaient à chevaucher en s’ignorant. L’enfant découvrait peu à peu les plaisirs de la selle, et Galathée souriait de le voir communiquer avec sa monture à grands renforts de caresses et de claquements de langue. Niché dans un repli de son manteau, le chat semblait nettement moins apprécier la promenade, bien qu’il dorme la majeure partie du temps. Quant à Taliesin, elle n'arrivait presque plus à le regarder. Il reflétait une culpabilité qu'elle pouvait de moins en moins affronter. Ils s’arrêtèrent à la mi-journée pour prendre un léger repas, se reposèrent pendant deux petites heures, puis remontèrent en selle.

En milieu d’après-midi, une grive vint se poser sur l’épaule de la rôdeuse, familière. Seul le chat de Victor la remarqua, mais le passereau ne s’attarda pas assez longtemps pour que le félin daigne passer à l’action. Environ une lieue plus loin, contre toute attente, la jeune femme bifurqua sur une route secondaire, moins marquée que la piste principale qu’ils suivaient depuis leur départ d’Eredhùn, et qui montait vers le Nord. Ni l’enfant, ni l’elfe ne prononcèrent le moindre mot, et ils lui emboîtèrent le pas sans même échanger un regard, comme si ce brusque changement de direction avait été décidé depuis toujours.

En fin de journée, ils atteignirent une petite rivière dont le cours paresseux traçait des ondulations sur la plaine. Ils bivouaquèrent à l’ombre d’un groupe de saules pleureurs, recrus, et mangèrent rapidement. Lorsque Galathée s’enroula dans sa couverture, elle se demanda s’ils avaient échangé plus de dix phrases sur la journée.
Mais pas encore aujourd’hui, songea-t-elle, avant de dériver.

Taliesin, pour sa part, ne réussit pas à s’endormir. Il était pourtant épuisé, mais le sommeil le fuyait obstinément. Ses blessures en train de cicatriser le démangeaient horriblement. Il avait chaud, sa gorge était sèche, et la tête lui tournait dès qu’il esquissait le moindre mouvement. Peut-être était-ce une insolation. Peut-être avait-il présumé de ses forces et aurait-il dû demander qu’on arrête la chevauchée bien plus tôt dans la journée. Sans doute était-ce un peu des deux…

Mais le pire, c'était les pensées qui lui tourbillonnaient en tête, passaient et repassaient inlassablement en une rengaine obsédante à laquelle il ne parvenait pas à mettre un terme. Bientôt, l’ancien barde finit même par se demander s’il ne devenait pas tout simplement fou. Cette idée le terrifia – non pas pour lui, mais pour ses deux compagnons de voyages, endormis plus loin, sous les saules – et, les dents serrées, concentrant tout ce qu’il lui restait de volonté, il parvint à s’arracher à ce demi sommeil et à ses songes enfiévrés.

L’elfe se releva tant bien que mal, tituba jusqu’à la rivière et, tombant à genoux, s’aspergea abondamment le visage. Alors que l’eau fraîche lui dégoulinait dans le cou et à l’intérieur de sa chemise, il réalisa à quel point il serait facile d’en terminer à l’instant. Il lui suffisait de s’étendre là, près de l’onde, d’avaler quelques racines et de se laisser glisser…

C’était tentant, mais il n’en avait pas le droit. Il avait donné sa parole. Mais celle-ci lui serait bientôt rendue : Galathée le lui avait promis. Elle ne pouvait que se rendre à l’évidence : il n’y avait pas de rémission possible. Quand elle aurait abandonné ses dernières illusions, compris que chaque jour, essayer devenait plus dur pour son ancien ami, alors elle mettrait fin à son supplice.

Réconforté par cet espoir, l’elfe quitta la berge et vint s’écrouler sur ses couvertures. Le sommeil, las de l’avoir fui, se laissa enfin conquérir, et les ténèbres estompèrent lentement le monde.

La journée suivante ressembla en tous points à la précédente. Ils cheminèrent tranquillement sur la piste de terre, dans un paysage de collines verdoyantes et de ruisseaux bondissants. Une brise agréable tempérait le poids des rayons solaires. Galathée était néanmoins surprise que la campagne ne soit pas plus sèche car l’été s’était installé sur la vallée depuis plusieurs semaines.

En fin de matinée, ils croisèrent une ferme cossue, installée dans un petit vallon. Quelques champs de blé mur l’encerclaient, limités par les pentes du terrain, lesquelles étaient couvertes d’une multitude de moutons blancs. La rôdeuse saisit l’opportunité de se changer les idées et de gagner un peu d’argent : elle leur proposa donc de s’arrêter pour faire une pause, tandis qu’elle irait à la rencontre des éleveurs. Victor se leva dans son ombre et l’accompagna, tandis que Taliesin s’installait à l’ombre d’un chêne solitaire, un peu en retrait de la route, avec leurs trois juments.

Les éleveurs, un couple déjà âgé, les accueillirent avec chaleur. Les visites étaient rares, la région tranquille, et Galathée et Victor n’avaient pas l’air de dangereux détrousseurs de pauvres gens. La rôdeuse leur expliqua ce dont elle était capable, et ils acceptèrent son offre avec grand plaisir. Elle fut donc conduite aux quatre coins de la ferme, du hangar à la bergerie, des prés à la porcherie, pour examiner une patte boiteuse, un œil larmoyant, un sabot fêlé, un ventre distendu, une plaie mal refermée. Elle termina par préparer une infusion pour la vieille qui souffrait des os, tandis que son époux remettait le salaire de la jeune femme à Victor : un peu d’or, un demi agneau salé et deux pelisses en laine tissée. Ils prirent ensuite congé, désireux de reprendre la route. Taliesin était déjà resté seul suffisamment longtemps, et bien qu’elle lui fasse confiance, Galathée ne pouvait s’empêcher de ressentir une angoisse diffuse et permanente, qui lui donnait une vague nausée.
Mais en sortant de la ferme, elle découvrit avec désarroi un ciel couvert et menaçant, qui ne manquerait pas de crever dans en fin d’après-midi.
« Ne vous inquiétez pas ma p’tite dame. D’ici à c’qui pleuve, vous serez à Fumeterre. Le Rouge Renard est une bonne adresse, vous pouvez leur dire que vous v’nez de ma part, y vous f’ront un prix. »
« Fumeterre ? » murmura la rôdeuse alors que le tonnerre roulait dans le lointain.
« Un peu moins de trois lieues d’ici. Vous pouvez pas rater le hameau. »
La jeune femme remercia encore les fermiers puis, Victor sur les talons, regagna le chêne.

L’elfe se leva à leur approche et, sans un mot, sans un regard, enfourcha sa jument. Il avait somnolé pendant presque toute leur absence, tentant de récupérer de la nuit agitée et de leurs heures de chevauchée. Il se sentait prêt à poursuivre la route encore un bon moment, indifférent à l’orage qui se préparait, mais lorsque Galathée l’informa qu’ils passeraient la soirée à l’auberge, son humeur devint aussi plombée que le ciel mouvant. La perspective ne le réjouissait pas le moins du monde, mais il n’avait pas son mot à dire et se contenta donc de talonner sa monture pour la mettre au pas. Il irait s’enfermer dans sa chambre à peine arrivé, voilà tout. D’autant qu’il avait cueilli de quoi dormir jusqu’à l’aube.
Du pas, le trio de cavaliers ne tarda guère à passer au trot, puis au galop : contrairement aux prédictions du fermier, le ciel avait crevé bien avant qu'ils n'atteignent le hameau, et une pluie torrentielle s’abattait à présent sur eux, les trempant jusqu’aux os et faisant fumer la terre surchauffée.

Fumeterre était un petit hameau quelconque, niché dans le méandre d’une rivière moyenne. Composé d’une trentaine de maisons de pierre jaune, le village était presque invisible sous la pluie, et les voyageurs ne s’attardèrent pas pour en détailler l’architecture. Ils remontèrent le chemin de boue qui constituait son artère principale au petit galop avant de déboucher sur une petite place abritée d’un grand auvent, sans doute une halle aux bestiaux. Ils se réfugièrent sous le toit de planches, que l’averse secouait avec fracas, et démontèrent. Emmitouflé dans le manteau de laine qu’on lui avait offert plus tôt, Victor traversa l’esplanade en courant et s’engouffra dans l’auberge que l’on devinait à son enseigne ballottée dans la tourmente. Quelques minutes plus tard, il reparut, accompagné d’un garçon d’écurie mal disposé, qui prit néanmoins en charge leurs montures, tandis qu’ils gagnaient enfin la chaleur bienvenue de la salle du Rouge Renard.

Trempés, ils négocièrent rapidement le gîte et montèrent se changer. Tandis que Taliesin s’installait pour la nuit, Victor et Galathée redescendirent se mêler à la populace nombreuse qui profitait de l’âtre flamboyant de l’établissement. Ils se choisirent une table à l’écart, mais qui bénéficiait quand même des flammes, puis commandèrent de quoi boire et manger. La rôdeuse nota rapidement que de nombreux regards s’appesantissaient sur eux, et elle essaya de se composer une attitude bienveillante mais froide, qu’elle espérait efficace à repousser toute initiative belliqueuse ou lubrique. Au bout d’une dizaine de minutes, plus personne ne faisait attention à eux.

Il devait y avoir là une bonne douzaine de villageois, attroupés autour du comptoir, qui devisaient en éclusant de la bière. De temps en temps, Galathée percevait des bribes de leur conversation. Il était question de vaches, de loups, de champs, de la pluie, bénédiction des Dieux. A une grande table, juste devant le foyer, un groupe de quatre jeunes gens discutaient avec animation. Ils avaient tout des aventuriers de passage, et leur mise trahissait leur profession. A vue de nez, Galathée pariait sur deux guerriers, peut-être un magicien, peut-être un clerc. Hilares, ils avaient l’air de ressasser une expérience récente, au détriment du plus fluet d’entre eux, celui qu’elle imaginait adepte des arts profanes. Il arborait en tout cas une mine désabusée, comme s’il avait l’habitude d’être en butte à leurs moqueries. Lorsqu’elle croisa par mégarde son regard, elle détourna les yeux et les posa sur un dernier groupe, deux marchands attablés dans l’ombre, qui conversaient tranquillement. Ils parlaient avec souci de la situation à Luménis.

Galathée sursauta quand l’aubergiste parut, mais il se contenta de leur servir son ragoût et de leur promettre que la pluie s’arrêterait dans la nuit. Les « Sautes d’Eté » qu’ils appelaient ça dans la région. Spectaculaire mais bénéfique pour les plantations.

Victor baillait déjà dans son assiette et Galathée lui proposa de monter dès qu’ils eurent terminé, ce qu'ils firent.

Nul bruit ne montait de la chambre du barde lorsque la rôdeuse et l’enfant en dépassèrent la porte. Galathée s’arrêta un instant pour tendre l’oreille, sans rien percevoir de plus, et elle rejoignit rapidement Victor qui, lui, ne s’était pas le moins du monde attardé aux abords de l'antre du Monstre.
Ils se couchèrent sitôt regagnées leurs pénates, Victor dans le lit situé près de la fenêtre, Galathée dans celui près de la pote, comme ils l’avaient fait chez le seigneur Artwin. Mais le gamin ne tarda guère à regretter son choix : par la vitre dégoulinante d’eau, on ne voyait que de vagues cimes d’arbres tourmentées, et un ciel nébuleux zébré d’éclairs flamboyants. Le tonnerre les suivait de près, retentissant, se mêlant au vacarme de la pluie sur les toits et aux craquement des poutres en train de travailler. Des conversations de la salle commune, l’on n'entendait rien : il n’y avait que l’orage, tout autour d’eux.
-Brrr, heureusement qu’on est pas dehors… dit Victor d’une toute petite voix, les couvertures remontées jusqu’au menton.

Galathée était un peu hypnotisée par l’orage. Ce n’était certes pas le premier qu’elle subissait, mais celui-ci trouvait une étrange résonance en elle, comme s’il eut été porteur d’un pouvoir cathartique. Elle avait une envie dévorante d’aller se planter au milieu de la place pour affronter l’eau torrentielle, d’écarter les bras, de se laisser secouer par la tourmente, de se sentir vivre. C’était puéril, mais elle avait l’impression que le ciel seul pourrait la purger de l’angoisse des derniers jours, la laver de la poussière qui s’était immiscée en elle, grippant ses capacités à réfléchir, ressentir, comprendre.
« En effet, heureusement. » murmura-t-elle avec un petit sourire, tout en retirant ses bottes. « J’ai vu que tu tenais mieux en selle aujourd’hui. J’ai même eu l’impression que tu y prenais goût. »

L’enfant opina.
-La jument est gentille, aussi. Et douce. Alors c’est pas trop dur.
Il se tourna à demi vers la rôdeuse et grimaça.
-Et puis… heu… je m’habitue !reprit-il. Même si j’ai encore es courbatures et....
Il hésita, sourit à demi
-Mais fait, les Soucis, ça… heu... change les idées.

Galathée sourit mais ne posa pas davantage de questions. Un éclair illumina brièvement la petite chambre. Après la canicule des derniers jours, un peu de fraîcheur était bienvenue, et elle devinait les bruissements réjouis de la nature, tout autour d’eux. Dehors, les silhouettes emmitouflées des villageois quittaient l’auberge, galopant sous l’averse. Des lattes de plancher craquèrent dans le couloir, accompagnées du rire tonitruant d’un des aventuriers qu’ils avaient laissé dans la grande salle, suivi d’un « c’est bon, hein, on a compris » grommelé à mi-voix par un autre.
« Victor. Si quelque chose n’allait pas, tu m’en parlerais, n’est-ce pas ? » finit par demander la rôdeuse.
Elle grimaça.
« Hormis, tu sais… »
D’un geste du pouce, elle désigna la chambre voisine.

Victor acquiesça d’un air entendu.
-Ben oui, je te le dirais… fit-il avec n sourire avenant.
Mais celui-ci disparut rapidement comme la mine de l’enfant s’assombrissait.
-Je… Mes parents me manquent beaucoup, murmura-t-il. Et… je suis un peu perdu… C’est la première fois que je voyage comme ça… Quand j’étais petit j’allais chez mon grand père, mais c’était près de Luménis…
Il frissonna.
-Mais au moins, comme on bouge tout le temps, j’ai pas le temps de m’embêter et de trop réfléchir… C'est l'aventure, comme tu avais dit, chez monsieur Artwin, avant que...
Il se tut brutalement et jeta un regard vers la cloison derrière laquelle devait dormir Taliesin
-Enfin bref, c'est l'aventure, quoi... reprit-il, dans un souffle.

Galathée eut un doux sourire et posa une main réconfortante sur l’épaule de l’enfant. Elle n’osa pas aller plus loin : elle n’était pas sa mère, ne pourrait jamais la remplacer. Mais elle pouvait être une amie, une grande sœur, peut-être, elle pouvait essayer de lui rendre un peu de l’affection qu’il avait irrémédiablement perdue.
« Nous nous installerons bientôt quelque part pour nous reposer. Je sais que c’est fatiguant d’être sur les routes, et ne pas savoir où on va… c’est déstabilisant. Mais tout à l’heure, les oiseaux m’ont parlé d’un petit coin qui pourrait nous plaire… Un havre, pour un temps. Cela nous donne déjà une direction… Et puis il y a mille choses à découvrir dans la nature… Et la civilisation ne sera jamais loin, si elle nous manque. »
Elle eut un pauvre sourire, se sentit gauche. Rien ne remplacerait le sergent Desmoulins et sa femme, ses parents. Rien. Elle songea qu’il aurait tôt ou tard envie de parler d’eux, mais c’était sans doute trop tôt pour l’y amener. Cela dit, elle restait impressionnée par son stoïcisme. Impressionnée autant qu’inquiète. Il y avait là une fissure obligatoire, qui ne demandait qu’à se révéler. Mais quand… Comment… Comment tempérer le tremblement de terre…
Peut-être ne le fallait-il pas.
Je serai là, songea la jeune femme.
« Mais l’aventure exige de nous que nous soyons reposés. » finit-elle par dire.

Victor acquiesça. Il tourna son regard vers la fenêtre : a udehors, l’orage se déchaînait toujours, noyant les ruelles du petit bourg sous des flots tumultueux et la clarté spectrale des éclairs. A contempler pareil déchaînement, on avait du mal à imaginer que, tout juste quelques heures plus tôt, la campagne somnolait sous les rayons d’un chaleureux soleil d’été.
Le gamin frissonna à nouveau et reporta son attention sur Galathée. La tempête et les sujets douloureux qu’ils avaient effleurés avaient creusé ses traits. Il parut vouloir dire quelque chose, hésita puis poussa un profond soupir.
-Tu vas peut-être dire que je suis trop grand mais… est-ce que je peux quand même dormir avec toi ? Juste ce soir ?

« Bien sûr. » fit-elle en lui ouvrant son lit.
Le gamin y grimpa et se pelotonna contre elle. Moins de dix minutes plus tard, il dormait. Son sommeil fut d’abord agité, puis il se détendit et sa respiration se calma. La rôdeuse l’observa pendant de longues minutes, puis doucement, elle sortit du lit. Elle retira sa tunique dans les ténèbres, tâtonna pour retrouver ses vêtements mouillés, pétrifiés de froid, et les passa en silence, frissonnante. Dehors, le tonnerre grondait, plus violent que jamais. Victor ne frémit pas lorsqu’elle se faufila hors de la chambre. Elle se fraya un passage sur le palier puis dans les escaliers, sans faire craquer les planches, gagna la salle commune, poussa la porte et gagna le déluge.

La pluie était froide mais pas glacée, le vent soufflait en rafales, ululant dans les corniches, et la structure en bois du marché couvert grinçait, sinistre, dans la tempête. Galathée marcha sous l’averse, le visage tourné vers les nuages noirs, inondé, sentit l’eau s’immiscer dans ses vêtements, jusqu’à sa carcasse. Elle resta immobile de longues minutes, l’esprit vide, emportée par la bourrasque, l’averse, le claquement de la foudre qui tombait aux alentours. Dans ses ténèbres personnelles, elle se livra à la nature. Entière. Confiante.
Et peu à peu la sérénité revint.
Certaines certitudes.
Certains renoncements.
Certaines nécessités.
Une voie, peut-être.
Elle pleura avec le ciel.
Mais la paix s’était nichée en elle.

« Vous êtes complètement folle, ma parole ! » fit alors une voix juste à côté d’elle et elle ouvrit les yeux comme on jetait une couverture sur ses épaules.
L’aubergiste la prit par le bras, à la fois doux et déterminé, et l’arracha à l’orage. Elle ne se défendit pas, accepta les remontrances sans réellement les entendre, sourit et remonta se coucher, à pas de souris. Elle se sécha rapidement, remit sa tunique de nuit et se glissa près de Victor. Il frissonna au contact de ses bras glacés, mais ne s’éveilla pas, et Galathée s’endormit peu après, chérissant ce qu’elle avait trouvé au cœur du déluge.

A l’aube, ils reprirent leur route. Le ciel était bleu, dégagé, et seule l’humidité du sol et les branchages brisés sur le chemin trahissaient la violence de la nuit. Les trois compagnons chevauchèrent toute la journée, toujours vers le Nord, et bivouaquèrent en fin de journée, au creux d’un affleurement rocheux. Alors que Taliesin allait prendre son habituel mélange d’herbes pour affronter la nuit, Galathée s’interposa.
« Pas ce soir… » lui souffla-t-elle.
Puis elle retourna border Victor, qui s’endormit peu après. Elle revint alors vers le barde.
« Te sens-tu la force de marcher ? »

La Couronne de Cuivre

[Quête] Par monts et par vaux

[Quête] Par monts et par vaux

Quête: Tentatives.

[Quête : Tentatives]

Quête: Tentatives.

[Quête : Tentatives]

Quête: Tentatives.

[Quête : Tentatives]

Quête: Tentatives.

[Quête : Tentatives]

Quête: Tentatives.

[Quête : Tentatives]

Quête: Tentatives.

[Quête : Tentatives]

Quête: Tentatives.

[Quête : Tentatives]

Quête: Tentatives.

[Quête : Tentatives]

Quête: Tentatives.

[Quête : Tentatives]

Quête: Tentatives.

[Quête : Tentatives]

Quête: Tentatives.

[Quête : Tentatives]

Quête: Tentatives.

Re : Par monts et par vaux

Quête: Tentatives.

[Quête : Tentatives]

Quête: Tentatives.

[Quête : Tentatives]

Quête: Tentatives.