La Couronne de Cuivre

Un gigantesque édifice, au milieu de nulle part.
Et sur la route qui y mène, une interminable file de carrosses, calèches, chaises à porteurs, litières, cavaliers, piétons, fourgons à bestiaux, tapis volants, trottinettes....
Tout ce que Dorrandin et Hélonna compte d'habitants semble s'être donné rendez-vous en ce lieu isolé. Mais, en réalité, cela n'a rien d'étonnant. Car ici, en ce Grand Théâtre Inter-plans, Inter-Cités, Inter-marchés, va bientôt se tenir la première cérémonie des RP Awards.
A l'intérieur, dans l'immence salle du théâtre, la foule se presse déjà, se bousculant, s'escaladant, cherchant à s'attribuer les meilleures places dans le parterre de fauteuils capitonnés de velours cramoisis ou dans la multitudes de loges couvrant les parois lattérales et le fond jusqu'aux voûtes majestueuses du plafond.
Pour l'heure, la scène est encore dissimulée aux regards, cachée derrière un lourd rideau rouge à parements dorés.

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Quelques petites règles pour cette cérémonie :

• Ne seront remis que les Awards ayant recueilli au moins trois votes.
• L'événement est ouvert à tous : aventuriers, citoyens des cités, non-rpistes, invités, moteurs de recherche - à l'exception de Yahoo Slurp qui n'a pas encore obtenu son accréditation.
• Les festivités dureront jusqu'à dimanche inclus. N'hésitez donc pas à rejoindre l'aventure en cours de route !
• Ce one-shot est avant tout délire, et vous êtes donc grandement invités à faire les zouaves.
• Seule restriction : ne pas - trop - perturber la remise des prix, afin que la cérémonie puisse arriver à son terme. Evitez-donc de mettre le feu au théâtre ! Enfin, pas avant que ne soit distribuée la dernière statuette !

Elza fit quelques pas sur le bord scène. Elle avait revêtu sa plus belle robe pour l'occasion, et avait même fait l'immense effort d'accepter de se faire coiffer et maquiller par le personnel prévu à cet effet en coulisses. Et elle s'était équipée des plus magnifiques bijoux de son plan d'origine qu'elle avait encore en sa possession, histoire de ne pas détonner au milieux de toutes les stars dont on annonçait la venue. Cependant, il lui semblait encore qu'il manquait quelque chose...
Oui, voilà: il lui fallait une sorte de sceptre de maître de cérémonie. Quelque chose à tenir bien droit devant sa bouche quand elle parlerait. Elle remarqua un objet qui semblait avoir une forme adéquate dans le bric-à-brac entassé sur le côté: une sorte de petit batonnet, peut-être de la taille d'une torche, avec une boule de mousse au bout. Sans trop savoir à quoi l'engin était censé servir à l'origine, elle remarqua qu'étaient gravé sur l'engin quelques signes qui auraient pu se pronnoncer "micro" dans sa langue d'origine. Elle supposa que c'en était le nom.

Avant qu'elle ait pu pousser plus loins ses investigations, cependant, on lui fit signe que ça allait être son tour. Elle souffla un peu pour chasser le stress –c'était la première fois qu'elle allait s'exprimer devant autant de personnes, tout de même– puis fit signe à son tour que c'était bon. Le rideau s'ouvrit pendant qu'elle marchait vers le podium au milieu de la scène. La salle était encore en train de se remplir.

"Mesdammes et messieurs... Tout d'abord, excusez-moi. J'avais préparé un discours d'introduction aussi ennuyeux que de rigueur, mais je crois bien que j'ai égaré mes notes. Elle marqua une courte pause Nous sommes donc réunis ici ce soir, dans ce magnifique endroit –qu'il faudra que je me souvienne de revenir cambrioler un peu plus tard– pour procéder à la première cérémonie de remise des Rôle-Play Awards, pour l'année 2006-2007. Je vous demanderais pour commencer de bien vouloir applaudir nos chers administrateurs, et plus particulièrement Sa Majesté EricDesMontages, ainsi que Messire Taliesin et la Dame Galathée, qui se dépensent sans compter pour que le rôle-play puisse se dérouler dans les meilleures conditions possibles. Une fois le tonnerre d'applaudissement passé, elle reprit Et bien, eùh... Ceci fait... Je crois que le mieux est de déclarer sans plus attendre cette cérémonie de remise des Awards ouverte!"

"Eh bien, je vois que nous avons des personnalités parmi nous ce soir... Je crois que tout le monde n'est pas arrivé, mais tant pis pour les retardataires, nous allons procéder aux premières remises de titre. Bryan, s'il te plait.."

Le gamin apparu sur la scène à son tour, amenant un plateau chargé de statuettes toutes plus hideuses les unes que les autres, et dont certaines n'auraient très certainement pas été dépaysantes auprès d'un gnome unijambiste dansant enroulé dans du jambon. Il posa le plateau sur la partie du podium prévu à cet effet et recula de quelques pas, laissant Elza se saisir d'un paquet d'enveloppes qui accompagnait les récompenses.

"Je vous propose de commencer en beauté par la récompense du Meujeuh le plus Sadique... Le tirage au sort m'indique la main innoc... eùh... la personne qui va remettre le prix: je demande à Mademoiselle Bellatrix de monter me rejoindre sur scène!"

Bellatrix avait bondi sur ses pieds et embrassé Sansa sur le museau. Puis, elle partit en courant, se cognant contre la porte, elle repartit en courant et se jucha sur la scène grâce à la force de ses bras. ElleIl y avait bien sûr un escalier à coté mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué. Elle prit l'enveloppe à Elza, l'embrassa aussi sur le museau avant de lire le contenu que la lettre renfermait. Elle prit alors une moue horrifiée. Puis, elle scruta la salle d'un oeil sévère avant de lancer :


"Il est là, parmi nous. Cet homme là. Il danse le tcha tha tcha sur le crâne des malheureux pnj qui ne lui ont rien fait. Il explose le crâne des esclaves, il fait tuer le grand émissaire, il envoie des petits prêtres dans l'antre des liches ... Ce n'est pas n'importe quel homme. Il a la beauté troglodytique des fosses commutatoires des oublis permanents de la glycémique nomenclature de la fragilité des pousses vectorielles des fontaines analytiques. En d'autres termes, l'award du mj le plus sadique de l'année 2006-2007 est ... Mornagest !!!"

Et elle se mit à taper des mains et courir sur scène comme une possédée en attendant le lauréat.

Il mit quelques instants avant de se rendre compte que c'était bien de lui que l'on parlait. Lui qui avait en horreur les apparitions en public, voilà qu'il était contraint et forcé d'aller chercher cet infâme bibelot aussi excentrique que la femme qui allait lui remettre, et certainement aussi utile qu'un bilboquet en plein désert.

Grommelant, il se leva de mauvaise grâce, puis quitta tant bien que mal sa rangée - en choisissant le plus mauvais chemin, celui qui le forçait à passer devant une troupe d'orcs venus d'on ne savait trop où. Tandis qu'il évitait de toucher leurs armures puantes et rouillées, les yeux du chancelier se portaient sur l'assemblée, et il fit mine de sourire à ces niais qui n'en finissaient de l'applaudir. Pas tous, heureusement. Son regard tomba par hasard sur Duorok Gutrash, qui paraissait aussi intéressé que lui par l'objet de la cérémonie ; visiblement, il attendait plutôt l'apéritif et la soirée consécutive... l'on ne pouvait l'en blâmer, au contraire.

Mornagest parvint enfin à remonter l'allée et monter sur l'estrade. Bellatrix, qui n'en était pas à une excentricité près, lui sauta au cou et lui couvrit les joues de bisous baveux - d'autant que son gloss noir ne tenait pas très bien - qu'il ne parvint guère à esquiver. La remerciant tant bien que mal - et en se demandant s'il ne ferait pas mieux de la maudire - Mornagest prit place derrière le banc, et prit la parole, alors que le silence se refaisait dans la salle.

"Hum... eh bien, je dois dire que je suis assez surpris. Je vois que ma réputation m'a précédé, car j'ignorais que celle-ci était sortie de Melandis... ce qui prouve qu'il nous reste des efforts à faire en terme de contre-espionnage ! Mais soit. Je voudrais dédier ce... cette... hum. Ceci, disons..." il fallait dire que l'objet qu'il tenait en main ressemblait plutôt à un accessoire coquin qu'à un trophée "... le dédier, donc, aux victimes de mes agissements tordus mais néanmoins jouissifs. Savez-vous, faire massacrer un esclave par l'elfe qui était soi-disant venu le sauver, c'est quelque chose d'assez puissant, finalement... d'ailleurs... hum, euh, je vais peut-être m'arrêter là, sans quoi je vais faire fuir tout le monde", termina-t-il plus bas. "Bref ! Merci à toutes et à tous, et j'espère vous revoir avant la fin de la soirée, en particulier les responsables de cette masca... euh, les aimables membres du jury, afin que nous puissions discuter sereinement du déroulement des votes. Merci, merci !"

Il agita niaisement les bras, tandis que les acclamations se faisaient nettement moins bruyantes qu'à son arrivée, excepté parmi les rangs mélandiens. Il avait évidemment amené une escorte conséquente, et ses gardes paraissaient amusés de le voir ainsi embarrassés. Les faquins !

Elza avait rougit comme une pivoine face aux manières de Bellatrix, auxquelles elle ne s'attendait qu'à moitié. Elle était restée en retrait pour laisser le Mélandien savourer son triomphe, mais, celui-ci ayant quitté la scène au bras de l'exubérante femme (et, naturellement, sous un tonnerre d'applaudissement bien mérité), elle reprit sa place.

"Merci Mornagest... On vous souhaite une bonne continuation... en espérant qu'il reste assez de joueurs en état de fonctionnement après vos dernières quêtes."

Elle marqua une pause, pour juger de l'état de la salle, mais ne remarquant rien de plus que des applaudissement, elle continua.

"Je vous propose maintenant de remettre la palme du meilleur PNJ... Bryan, à toi."

L'enfant prit l'enveloppe suivante, qu'il ouvrit en s'avançant vers la scène. Puis il lu au micro qu'Elza lui tendait, nettement plus sobrement que sa prédécesseuse "L'Award du meilleur PNJ de cette année est décerné à... Victor !"

Galathée était mortifiée. En cette seconde, elle aurait pu citer exactement 173 endroits où elle aurait préféré se trouver plutôt que dans cette salle bondée d’individus peu recommandables, engoncée dans une robe trop étroite qu’elle avait empruntée à une voisine, à écouter des gens fiers d’eux-mêmes déblatérer des discours convenus.
Mon royaume pour une écurie, songea-t-elle.
C’était la dernière fois qu’elle se laissait embarquer par Taliesin dans ces soirées mondaines. La dernière ! Il avait déjà fallu se farcir le bal aux lampions de la Duchesse Frédégonde, la soirée de fiançailles du fils de ce marchand de soieries dont elle avait oublié le nom ridicule, un souper chez le prêtre de Lathandre (mauvais), puis toute cette série de concerts à la noix pour l’inauguration d’une galerie d’art (atroce), sans parler des petits dîners (60 invités en moyenne) chez ce couple d’elfes esthètes (débauchés) et frivoles (hystériques) qui s’étaient entichés du barde (comme tant d’autres avant eux).
« Moi ? » fit une voix à côté d’elle, abasourdie.
« Quoi toi ? »
« C’est quoi un PNJ, pourquoi je suis un PNJ ? »
« Qu’est-ce que tu racontes ? »
« Je dois aller parce que je suis un PNJ. Le meilleur PNJ. »
« Voyons Victor, tu n’es pas si différent. »
« Je vais y aller. Ça a l'air chouette. »
« Il n’en est pas question. Taliesin ! Je refuse que ce gosse soit exposé devant tous ces gens ! Un enfant a droit à sa vie privée ! Si après… »
Elle se tourna vers lui pour trouver son siège vide. Apparemment, l’elfe avait décidé de prendre la tangente, sans doute pour aller fumer la pipe dans une zone autorisée, à moins qu'un besoin pressant ne l'ait précipité aux toilettes voire auprès d'une de ses nombreuses admiratrices.
« Vic… »
Mais le gosse avait profité d’une seconde d’inattention pour galoper vers la scène.
Mon royaume pour un poulailler. Une niche, même. Une chat avec un oeil crevé. Un souris enrhumée. Un cancrelat arthritique. Une puce anorexique. N'importe quoi.

Le gamin n'eut aucun mal à s'extraire de la rangée de fauteuils dans laquelle il était installé avec Galathée et Taliesin. Aussi réduit soit l'espace entre les genoux des invités et les dossiers des sièges qui les précédaient, il s'y faufila sans peine et, rapidement, il gagna l'allée centrale.
C'est seulement à ce moment-là qu'il prit conscience de la multitude de regards braqués sur lui. Il rougit bursuement, déglutit avec peine et, toute exaltation envloée, songea sérieusement à battre en retraite jusque dans les bras de la rôdeuse. Mais il s'était trop avancé, inconscient qu'il était ! Plus question de reculer, à présent, sinon, ç'aurait été quolibets, huées, moqueries en tous genres.
Presque paralysé par la peur, priant tous les dieux dont il connaissait le nom - c'est à dire seulement Lathandre, les autres, l'émotion les lui avait fait oublier - que sa vessie ne le trahisse pas comme elle en avait l'habitude en pareils moments d'angoisse, il se dirigea vers l'estrade. Gravir l'escalier lui parut une épreuve insurmontable. Il était certain qu'il allait se casser la figure... Ce qui n'arriva pas, pourtant, et il put gagner le podium sans péripéties particulières.
Arrivé près de Bryan - lequel semblait beaucoup moins ému que lui par l'innombrable assistance - il prit dans ses mains tremblantes la statuette informe que lui tendait l'autre gamin, puis, rassemblant tout son courage, il fit face au public.
-Heu... parvint-il à lâcher, ce qui avait l'avantage de lui prouver que sa voix marchait encore, mais le désavantage de ne pas être très explicite. Je... Je sais pas bien c'est quoi un pnj, moi je croyais que j'étais un garçon, mais puisque c'est une récompense, alors j'imagine que c'est bien, d'être le meilleur pnj; Alors je vous dit merci... Je dis aussi merci à mon papa et à ma maman, j'espère juste qu'ils sont pas morts exprès pour que je puisse venir ici... heu... Je remercie Galathée et Taliesin pour m'amener dans des d'aventures dangereuses où je risque de mourir tout plein de fois, parce qu'ils font ça pour que je revoie mes parents. Pis je remercie mon chat et... heu... Voilà, quoi.
Il s'interrompit, chercha autre chose à ajouter puis, tout à coup, ce fut l'illumination.
-Ah oui ! Par contre, je voulais dire que je disais pas merci à mon créateur. Je le connais pas, mais faudrait qu'il arrête de me faire avoir plein d'embêtements. J'en ai marre de faire pipi au lit, d'avoir des cauchemars, d'avoir envie de me tuer. C'est pas rigolo. Alors, m'sieur le créateur, si vous avez envie de faire du mal à quelqu'un, ben, tapez-vous vous même ! Ou allez voir un spychiatre ! Na !
Il se tut, content de lui, et lorsque le public, qui n'avait sans doute pas comprit grand chose à ce que le môme venait de baragouiner mais qui, beau joueur, l'applaudissait avec ferveur, il eut un sourire radieux. Tout à fait à l'aise à présent, il savoura les ovations. Mais le fait de s'être brusquement détendu eut des effets imprévus sur son organisme. Brusquement cramoisi, le petit garçon bondit de la scène et détala, ventre à terre, jusqu'à son fauteuil, en espérant que personne n'aurait remarqué le petit accident dont il venait d'être victime.
-Me vengerai, vilain mj ! sanglota-t-il amèrement. Me vengerai !
Et d'espérer de tout son coeur que Galathée ou Taliesin, avec leurs esprits prévoyants d'adultes, aient prévu de quoi remplacer ses chausses humides et dégoulinantes.

Elza eût un sourire attendrit en regardant le gamin s'enfuir "Eh bien, merci Victor... Nous sommes de tout cœur avec toi. N'hésite pas à te plaindre de ton meujeuh, on se chargera de lui s'il fait trop de bétises."

Elle se reprit, remercia Bryan qui retourna prestement se cacher derrière les rideaux, et jeta un œil à son pupitre. "L'Award suivant... sera celui du personnage le plus malchanceux. Et pour le remettre, le sieur Kasumi est appelé à monter me rejoindre sur scène." Elle fronça les sourcils "Ah, on me demande de préciser à l'attention de certaines personnes du public que le sieur en question est un rôdeur et pas un paladin. Je transmet comme ça m'arrive." Sitôt tue, elle recula pour laisser place au nouvel arrivant.

Un son mat résonna en coulisses comme le son d’un corps mou s’affalant sur l’estrade en bois. Une vive lumière accompagna le bruit non identifié avant qu’une silhouette de Kasumi à demi transparente ne fasse son apparition sur scène. Le rôdeur ne portait sur lui que sa peau alors qu’il titubait maladroitement vers le centre du plateau. Il ne sembla pas remarquer immédiatement l’attention soudaine du public dirigée vers sa personne ni même se rendre compte de l’endroit où il se trouvait. Balbutiant, il marmonna pour lui-même :

- Tiens, on n’est pas au Palais ? Et où sont mes vêtements ?

Se rendant soudain compte qu’il était loin d’être seul, la rougeur lui monta aux joues alors qu’il s’élança pour prendre place derrière le pupitre. Reprenant difficilement son souffle, il parvint à articuler d’un ton indigné :

- C’est scandaleux : soit un sort de téléportation a foiré, soit personne n’a payé pour un costume funéraire décent. Décidemment, certains MJ sont près de leur bourse ou ont vraiment un sens de l’humour particulier. Mais je pense qu’il y a une personne bien mieux placée que moi pour parler de l’ingratitude des MJs.

Kasumi tenta de se saisir d’une enveloppe placée devant lui pour s’apercevoir que sa main fantomatique passait au travers.

- Décidemment, certains n’ont pas de chance même quand il s’agit pour une fois de recevoir une récompense. Mais bon, le nom inscrit à l’intérieur de cette enveloppe ne fait aucun doute de toute façon : Galathée, tu veux bien nous rejoindre pour chercher ta statuette ? Moi je dois retourner faire le mort, il semblerait.

"Zut c'est aujourd'hui !"

C'est sur ce constat peu original que Draion se précipita hors de la Taverne où il avait passé la journée à ressasser son passé tout pourri et son futur incertain.

"Oh non, pourquoi a-t-il fallu que je picole aujourd'hui ?"

Dans son esprit, cette cérémonie devait se dérouler de façon merveilleuse, du moins c'est comme ça qu'il l'avait imaginée. C'eût été l'occasion rêvée pour rencontrer de nouvelles personnes et de régaler la galerie de ses mélodies de baladin. Au lieu de ça, il allait arriver en retard et sous son plus mauvais jour.
A cette pensée, des larmes coulèrent de plus belle sur ses joues rebondies qu'il essuya d'un revers de manche tout en se mouchant de l'autre main. Le petit-homme remonta, péniblement et d'un pas titubant, la longue rue menant à l'impressionnante bâtisse accueillant la soirée, bousculant avec vigueur tout obstacle sur son chemin (chats, chiens, carrioles, landaus et autres mères porteuses) pour finalement arriver devant la grande porte fermée.

"Tout le monde est déjà rentré... Je suis arrivé trop tard... Tout est fini !"

Draion s'effondra dans un mouvement théâtral et pathétique contre la porte et se mit à pleurer encore plus. La tristesse fit alors place à la colère et il se mit à tambouriner avec ses petits poings contre la porte pour se rendre compte qu'elle n'était pas verrouillée...
Il se faufila maladroitement dans la salle de cérémonie, tout crasseux et débraillé qu'il était et dans l'indifférence générale. Tout le monde portait son attention sur la scène où officiait avec délicatesse une très jolie demoiselle.
Le petit-homme fut surpris de constater qu'une place était encore libre dans les rangs du fond et il sauta dessus comme la vérole sur le bas clergé.
Si seulement il n'avait pas bu tout cet alcool... Il aurait pu mieux profiter de l'ambiance générale et mieux comprendre ce qui se disait au pupitre.

Dedalus était perdu dans ses pensées et une fois de plus, le demi-elfe pensait à la cité béni de Lathandre. La remise des statuettes ne l’intéressait que par intermittence, Dedalus en vient à faire la comparaison entre cette salle et l’amphithéâtre de Lumenis.

Mais un détail ramena petit à petit Dedalus dans la salle accueillant les RP Awards. C’était impardonnable, aucune personne n’avait distribué de programme de la soirée à l’entrée. Le demi-elfe ne savait pas combien de récompense allait être distribué et encore moins, quand il pourrait partir et quitter les lieux.

Si il en avait l’occasion, Dedalus en toucherait quelques mots au régisseur du gala.

"Place, plaaaaaccce!"

C'est en courant comme un dératé que Lefou gagna les marches qui menaient à l'imposante bâtisse où se déroulaient les RP Awards.

"Laissez passer! Mais laissez passer, vous dis-je!"

Parvenu en haut des marches, il arriva que sa paire de chaussons écossais ne trouvait point bonne adhérence sur le marbre et c'est de justesse qu'il se rattrapa, glissant et reglissant sans pouvoir battre des bras, car quelqu'un (de bon sens) lui avait remis sa camisole, mais ça l'histoire ne dit pas qui.

Or donc, Lefou finit par se remettre sur pieds et, bousculant les gardes, il se précipita vers la lourde porte qui barrait l'accès à cette cérémonie qu'il devait ab-so-lu-ment voir. Et quelle chance, mon cochon! A cet instant précis, un petit homme pleurnichard se glissait à travers les battants, et c'est dans un superbe vol plané dont il avait le secret que Lefou fit irruption dans la salle, hurlant un "Tirlipimponnnnn!" à briser les tympans. Son vol plané se termina dans les plantes qui ornaient le fond de la salle tandis que ses chaussons venaient frapper le nez de l'assistance, et c'est avec des feuilles dans la bouche, qu'il commença à mâcher avec délice, et une motte d'herbe sur la tête, que Lefou entreprit d'assister à cette cérémonie, dont il ne comprenait rien sinon qu'il finirait bien par monter sur scène lui aussi pour...pour faire quoi, au juste?

Galathée resta pétrifiée une seconde, puis décida de prendre le taureau par les cornes (elle avait une certaine pratique) et se leva. Elle prit le temps, cependant, de vérifier que sa robe n’était coincée dans aucune aspérité traîtresse avant de quitter les sièges, sans un regard pour Victor trempé qui se dépatouillait de son pantalon avec l’aide (ravie, comme de coutume) de Taliesin. Elle gagna donc la scène en évitant avec dextérité deux jambes tendues dans son passage, une flaque de vomi melandienne, et la chute inopinée d’un projecteur qui vint s’écraser, quel malheur, sur la tête déplumée d’un vieux druide à moitié endormi. Elle négocia les quelques marches de l’escalier sans difficulté, malgré la mérule qui fit s’effondrer celle du milieu et la cire encore fraîche qui maculait l’avant-dernière, et rejoignit le petit pupitre où se trouvait Kasumi nu comme un ver et un rien brouillé. Elle lui sourit amicalement, faussement indifférente, mais curieuse quand même. Elle avait espéré le revoir, mais dans d’autres circonstances. Elle prit donc l’immonde objet (une superbe réplique d’une relique qu’elle avait déjà eu l’opportunité de contempler autrefois, pour les connaisseurs) et sourit à la salle, lorsque subitement, une foule de personnes anonymes, humains, gnomes, nains et aussi quelques kobolds, envahirent la scène en brandissant des banderoles.
« Grève, grève, on fait grève ! Plus de bière ! Plus de pièces d’or ! Grève, grève, c’est la grève ! Moins de morts ! Moins de guerre ! Grève, grève, on fait la grève ! Plus de bière ! Plus de pièces d’or ! » scandèrent-ils à tue-tête en défilant devant Elza, Kasumi et Galathée.
Leur porte-parole, un paysan en vêtements rapiécés, s’adressa à la salle.
« Nous, les intermittents du RP, les faire-valoir, les sous-fifres, la chair à canon, les soldats anonymes, les paysans anonymes, les soiffards anonymes, les esclaves anonymes, les PNJ qui n’ont ni classe, ni nom, qui ne valent pas tripette en points d’expérience, nous protestons ! Grève ! Manifestation ! Occupation ! Nous exigeons de rencontrer ici, maintenant, des MJs compétents pour leur remettre notre cahier de revendications ! »
Il secoua une énorme liasse de parchemins.
Galathée croisa les bras, en retrait, espérant que quelqu’un se dévouerait.
Quelle tuile, songea-t-elle. Fallait que ça tombe sur moi.

Décidemment, la malchance semblait coller à la peau de la pauvre rôdeuse comme un marchand de tapis à son dernier sou de cuivre. Pour compléter son malheur, le petit groupe de grévistes reconnut en Galathée et Kasumi les héros surpayés de la dernière méga production RPistique Luménienne. L’un d’entre eux brandit un gourdin, rapidement imité par quelques-uns de ses congénères et se précipita sur le couple désassorti. Le premier coup passa au travers d’un Kasumi bien en peine d’intervenir tandis que Galathée devait fuir devant l’attroupement en colère scandant ses slogans indignés :

- A bas les riches célébrités ! Finis leurs caprices de star ! Marre de leur apporter des margaritas à 4 heures du mat’ !!

La situation était sur le point de dégénérer rapidement si le service d’ordre n’arrivait pas à point nommé.

Au milieu du public éberlué, Victor se redressa, de même qu'un Taliesin portant ses chausses trempées à la main. La situation était en train de dégénérer. Les grévistes semblaient en vouloir à Galathée et à Kasumi, superstars de la dernière grande aventure rpique. L'ancien barde avait peur : pas pour les deux pj, mais pour les pnj anonymes qui ne savaient pas à qui ils avaient affaire et qui, bientôt, risquaient de trouver une mort sanglante. Au moins celle-ci se ferait-elle en pleine lumière. Ce serait une sorte de gloire posthume, en somme.
Mais Victor, lui, n'avait pas cette réflexion. Il voyait une masse compact d'inconnus armés s'approcher de la jeune femme et, n'écoutant que son courage - et son inconscience, il se mit à courir dans sa direction.
[color=#FFFFF66]-Hey, Victor ! Tu n'as pas de pant...[/color]
Mais le gamin, obnubilé par un atroce sentiment d'urgence, n'entendit rien. Galopant aussi vite que le lui permettaient ses coutes jambes, il gagna le pied de la scène, gravit l'escalier quatre à quatre, et vint se planter, mains sur les hances, entre les manifestants et Galathée.
-Arrêtez ! cria-t-il de sa voix fluette. C'est pas à eux qui faut s'en prendre ! Vous avez vraiment envie d'être à leur place ? Ou à la place des pnj qui ont un nom ? Vraiment ? Vous avez envie qu'on vous fasse faire pipi au lit, qu'on tue vos parents, qu'on vous torture, qu'on se moque de vous et qu'on vous gâche tous vos bons moments, hein ? Ben c'est ce qui nous arrive, à nous ! On souffre tout le temps ! TOUT LE TEMPS ! Alors embêtez pas Galathée ou monsieur Kasumi ! C'est les mj qui faut taper !

La situation dégénérait. Elza se devait de tenter de faire son possible pour ramener l'ordre. Elle s'interposa donc entre les manifestant et les invités.

"Eh bien, il semble qu'il y ait quelques petits incidents, ce soir... Messieurs les figurants, je crois qu'on vous a mal renseigné. En effet, afin de garantir la bonne tenue de cette soirée –qui, rappelons-le, se déroule dans la Couronne de Zinc et non pas en terrain sérieux–, aucun meujeuh compétent n'a été convié ce soir, à l'exception de celui qui vient de recevoir l'Award on ne peut plus mérité du plus sadique qui soit. Et ce dernier n'est présent qu'en tant qu'invité, pour recevoir son prix. Nous pouvons bien entendu lui demander –ainsi qu'à l'élite de la Garde Mélandienne qui l'accompagne bien sûr dans ses déplacements correctement équipés de leurs armes les plus mortelles– de bien vouloir interrompre sa soirée de repos pour venir régler ces quelques soucis avec vous, mais... je suis certaine que vous préférerez remettre vos cahiers de doléance par la voix hierarchique, n'est-ce pas ?"

Les intermittents du RP se perdirent quelques instants en conciliabule avant de décider qu’Elza était une personne charmante et de confiance, à laquelle ils pouvaient confier leur document (ils disposaient d’une demi-douzaine de copies en cas de problème, de toute façon). Ils la chargèrent donc de leur bible puis se retirèrent. Mais certains regards revanchards en disaient long sur leurs intentions pour la soirée.
Elza fit ensuite signe à Galathée de revenir un instant derrière le pupitre, que Sire Kasumi avait étrangement déserté. La jeune femme, un peu défraîchie, mais toujours d’un seul morceau, s’y glissa sans attendre. La salle commençait à ronfler sur la droite, ça jouait aux dés chez certains melandiens, et plusieurs manostiens chantaient déjà des chansons paillardes.
« Ahum. » fit Galathée. « Merci pour cet award pour lequel je n’ai rien fait sinon subir l’imagination morbide de mes MJs. Paradoxalement, donc, je remercie Taliesin et Althéa pour la multitude de tuiles qu’ils ont accumulées sur ma pauvre petite tête ces dernières années, leur sadisme et leur créativité en matière de manque de pot. Mais je suis stoïque. Je pense que la seule chose dont je peux me féliciter, c’est de ne pas avoir expérimenté les bons soins de Mornagest, puisqu’il est pire, semble-t-il. Donc j’ai quand même un peu de chance, mine de rien. »
Elle leva une dernière fois le… truc qu’on lui avait remis, puis fila vers sa place, espérant que rien d’autre ne se produirait. Et pour une fois, la Force fut avec elle. Sans doute ce crottin de wyverne dans lequel elle avait marché en arrivant.

"Fouette, cocher !"

Curieuse invitation que celle que Trichelieu avait reçue il y a peu, et qui l'invitait cordialement à se joindre à une cérémonie fastueuse où serait largement et publiquement récompensé tout le gratin de toutes les terres du Multivers. C'est donc avec une profonde fierté et un immense plaisir qu'il prit soin de s'habiller, de se coiffer et de se parfumer. "Eau de Nymphe", le dernier parfum de Raheuk Lagrok, l'orc apothicaire, donnait à sa toilette une touche des plus mondaines.

Il avait loué un fiacre orné de franges de velours, et payé les services d'un cocher itinérant de Manost. Mais malgré toutes ses précautions, il allait être en retard ! Saisissant les cravaches mises à la disposition des passagers, il s'en servit pour fouetter le conducteur qui lui-même fouetter très sèchement les chevaux qui semblaient perdre haleine. Trichelieu, se souvenant qu'en tant que magicien, il disposait de pouvoirs lui permettant de simplifier sa vie, eut l'excellente idée de jeter un sort de Hâte sur les coursiers. Mais était-ce l'instabilité de la route, les soubresauts du véhicule, ou sa piètre qualité de mage ? Il échoua lorsqu'il récita l'incantation, et le sort de Hâte se mua en sort de mutisme qu'il lança sur sa propre personne.

Il ne s'en rendit pas compte, et alors qu'il hurlait au cocher d'aller plus vite, celui-ci ne pouvait l'entendre. Le fiacre se fraya un chemin parmi une foule d'intermittents du RP mécontents et vociférants. Trichelieu n'écoutait pas les slogans qui fusaient dans l'air, mais eut pour ces pauvres diables une moue compatissante.

"Hélas, je n'ai point apporté de brioche ..."

Puis, c'est une foule de PNJs braillards que le fiacre dut traverser. Quelques-uns eurent les pieds écrasés, ou furent renversés par les chevaux. Mais Trichelieu n'y fit pas attention, car après-tout, les PNJs sont la pour se faire saigner et tuer ...

Le fiacre s'arrêta brusquement. Trichelieu descendit, paya le cocher et se dirigea vers ce qui lui parut être le centre des festivités. Observant autour de lui des centaines de personnes qui hurlaient et applaudissaient, il se dit qu'il serait peut-être judicieux et sage de les imitier. Aussi applaudit-il et hurla-t-il, sans se rendre compte qu'aucun son ne sortait de ce qui lui servait de bouche.