La Couronne de Cuivre

Quête : Tel est pris qui croyait prendre

Ce fut le froid qui les arracha aux limbes. Un froid mordant, omniprésent, qui engourdissait jusqu'à la moindre parcelle de leurs carcasses transies, trempées, tremblantes.
En ouvrant les yeux, l'esprit encore embrumé, Astrée, Kasumi et Zaïu découvrirent qu'ils n'étaient plus sur leur chaloupe. De ce qui s'était produit après leur rencontre avec la vague scélérate,, ils ne conservaient aucun souvenir. La tempête elle-même avait disparue, ou s'était atténuée, du moins, remplacée par un ciel de plomb et un vent aigrelet... Et de ce qu'ils pouvaient en juger, ils avaient été précipités sur des récifs. La barque gisait non loin de là, retournée, brisée. Plus près encore, le mousse et un mage - le dénommé Ridculle, pour autant qu'ils s'en souviennent - émergeaient eux aussi de leur torpeur.
Voilà pour les vivants. Quant aux morts...
Ils n'auraient pu les compter. Des dizaines, des centaines, des milliers, leurs ossements blanchis par le temps éparpillés sur les rochers qui jaillissaient hors de l'eau, empilés au pied de l'imposante falaise qui se dressait au-delà d'un petit bras de mer tumultueux et paraissait courir, inégale, torturée, jusqu'à l'horizon.
Impossible de dire epuis combien de temps ils étaient là... Une seule chose était certaine : ce n'était pas les restes de leurs compagnons d'expédition. De ceux-là, nulle trace : ni corps, ni débris flottant au gré des flots...
Ils étaient seuls.

Quête : Tel est pris qui croyait prendre

Kasumi ne se souvenait que du moment où il s’était agrippé à Astrée lorsque la chaloupe avait entamé sa chute vertigineuse vers l’abîme. Il s’était cru mourir et ne se souvenait en rien des terribles instants qui avaient suivi. Ses pensées tourbillonnaient dans un océan de confusion alors qu’il se redressait à quatre pattes sur le sable rugueux et jonché d’ossements à perte de vue. Comme si cette vision cauchemardesque lui faisait prendre conscience de ce qui aurait pu être son sort à lui et Astrée et aussi les autres occupants de la barque. Astrée… Kasumi se releva en s’appuyant sur ses coudes et se dirigea dans la direction où il devinait la forme allongée de sa compagne. Il fallait qu’il sache qu’elle allait bien, il fallait qu’elle aille bien. Le froid, leur isolement, il pouvait lutter contre, s’en moquerait, sauf si la tempête l’avait privé de son âme.

Plus tard, il pourrait s'occuper du pauvre mousse qui avait certainement perdu son père maintenant, de Zaiu, l'étrange passager de dernière minute que le destin avait mené vers un second naufrage et du mage qu'il avait à peine côtoyé durant la traversée et faisait maintenant partie de ses derniers compagnons. Il était trop sonné pour s'inquiéter du sort réservé aux passagers des autres embarcations. Il espérait simplement qu'eux aussi avaient survécu et s'étaient échoués dans un milieu moins hostile.

Quête : Tel est pris qui croyait prendre.

Astrée fut tirée de sa torpeur par une sensation de froid glacial, due au vent sur ses vêtements trempés. Elle frissonna, se mit à claquer des dents, tandis que les souvenirs du naufrage remontaient à sa mémoire. Ils avaient coulé. Et la vague... Elle les avait engloutis... Paniquée, elle ouvrit les yeux, et aperçut aussitôt une silhouette qui se précipitait vers elle. Kasumi... Il était vivant !
Elle se redressa d'un bond et se jeta dans ses bras, sans un mot. Le soulagement qui l'avait envahie et le bonheur qu'elle ressentait à le voir vivant après cette épreuve se passaient de paroles. Elle referma les yeux un instant. Ils étaient vivants et ensemble, et rien d'autre ne comptait.
- J'ai eu si peur, souffla-t-elle en rouvrant les yeux pour croiser son regard.

Mais ce qui emplit sa vision, immédiatement, ce furent les ossements. Des milliers. A l'infini... Elle écarquilla les yeux, et se détacha de Kasumi, les yeux exorbités.
Ainsi, tout le monde était mort... Il ne restait qu'eux... Il fallut quelques minutes pour qu'elle réalise que non, cela ne pouvait pas être les ossements de leurs compagnons, il y en avait beaucoup trop et ils semblaient anciens. C'était autre chose... Elle se souvint de la carte, du nom des récifs où s'était apparemment écrasée leur barque. Le capitaine avait raison. Il y avait de vrais ossements. Des restes humains.
Soudain, elle fut prise de tremblements incontrôlés. Des restes humains... Un cimetière à ciel ouvert... Des gens étaient morts, ici... Ou ailleurs, peut-être, tout semblait si étrange. Des morts. Elle haissait les cimetières et tout ce qu'ils représentaient pour elle... De toutes ses forces, elle serra la main de Kasumi, cherchant à retrouver son sang-froid. Il ne fallait pas paniquer, pas maintenant, ce n'était que des os....

Incapable de parler, elle ne pouvait détacher les yeux de ce spectacle macabre. Heureusement, un mouvement sur sa gauche, finit par la rappeler à la réalité : il y avait d'autres survivants. Zaïu, Ridculle, et... le mousse ! Ils étaient vivants eux aussi !
Sans lâcher la main de Kasumi, elle se précipita dans leur direction... et trébucha sur un crâne désséché. elle poussa un cri d'horreur et, dinstinct, se serra contre son compagnon.
Non, pas de panique. Ce sont juste... juste des ossements.... N'y pense pas....
S'obligeant au calme, elle s'avança à nouveau vers leurs compagnons qui semblaient reprendre connaissance. En essayant de faire abstraction des craquements qu'elle sentait sous ses chaussures. Sans vraiment y arriver...
- Zaïu, Ridculle, vous allez bien ? Léo ? Léo, relève-toi, on est là, tout va bien aller maintenant..., ajouta-t-elle en s'approchant du jeune mousse.

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Kasumi s’était autorisé une longue minute durant laquelle il avait serré Astrée dans ses bras, ne pensant à rien d’autre que le fait d’être ensemble malgré l’épreuve du naufrage. Il ne fut pas insensible à sa peur panique à la découverte de leur environnement et savait que ses tremblements n’étaient pas seulement provoqués par le froid mordant qui régnait sur leur petit récif. Il ne relâcha son étreinte, à contre cœur, que lorsqu’elle s’approcha de leurs autres compagnons.

Alors qu’elle prenait soin de vérifier qu’ils allaient bien et de rassurer le petit, le regard du demi-elfe se porta vers la chaloupe brisée qui contenait encore leurs sacs. Il s’en approcha pour tenter d’évaluer ce qui était encore utilisable. Nul doute qu’ils manqueraient rapidement de vivres, à moins que les falaises n’abritent quelques crustacés. Encore fallait-il les atteindre, et, pour cela, traverser le bras de mer à la nage. Les vagues se faisaient grosses et s’écrasaient sur des récifs acérés ce qui ne rendrait pas la courte traversée aisée, surtout avec leur équipement. Le rôdeur appréhendait surtout les effets d’une nouvelle exposition à l’eau glacée. Pourtant, il n’y avait pas un instant à perdre, la marée pouvait engloutir leur récif à tout moment ainsi que leurs dernières chances de récupérer de quoi survivre en attendant de retrouver les autres groupes de rescapés. Il se rapprocha à son tour de Zaiu et du mage pendant qu’Astrée tentait de réconforter Léo. De son côté, Première Neige tentait de chasser l'humidité de sa fourrure mai paraissait misérable et toute ébouriffée.

- Nous ne pouvons guère nous attarder ici et il est inutile de chercher à se sécher avant d’avoir atteint le rivage de l’île. Maître Ridculle, auriez-vous les moyens d’allumer un feu si nous ne trouvons pas de combustible sec sur la plage ? Je peux tenter de me débrouiller avec des algues humides mais il me faudra du temps pour les sécher. Il est inutile que nous entamions tous la traversée avant qu’une bonne flambée ne nous attende de l’autre côté…

Le rôdeur avait évoqué à demi-mots la possibilité de partir en éclaireur avec le mage si celui-ci pouvait se rendre utile à accélérer l’embrasement. Mais il savait au fond de lui qu’Astrée n’accepterait jamais de le laisser partir seul.

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Une douce voix féminine vint titiller les tympans de Zaiu. Après l'ouie, le toucher : le vent sur son visage ... Et petit à petit, il s'éveilla. Ses yeux s'ouvrirent apercevant le visage de la rôdeuse inquiète.
Sourcils froncés, regard dans le vague, ses mains tâtèrent le sol rocailleux rencontrant parfois un os qu'il ne pouvait identifier. Ils étaient donc sur le plancher du vaches ... Enfin, sur les planches d'un boucher géant qui n'enlevait pas les os. Il regarda à droite et à gauche pour prendre conscience du paysage.

L'enfer !

Non, non ! Il n'y a pas de gens vertueux en enfer !
Il était donc encore vivant et fini par sourire à la rôdeuse. A sourire, puis à rire à pleine voix ! Même si le lieu était tout sauf avenant, de l'air entrait et sortait de ses poumons, il avait des sensations : il voyait, il sentait, il respirait ! C'était un peu comme une nouvelle naissance !
Malgré tout, Zaiu restait épuisé. Il ne s'était pas ménager contre les pirates et était plutôt fier de lui pour une première.

HEu ... je vais rester encore un peu allongé ...
Ca fait plaisir de te voir en tout cas.

J'ai entendu une autre voix, il y a d'autres rescapés ?

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-Oui oui, il y en a d'autres ! claironna Ridculle en se mettant debout. Outre cette dame et vous, nous sommes au moins trois. Quatre si on compte la louve, cinq si on inclut l'écureuil.
Il se tourna vers Kasumi.
-Ne vous faites pas de souci pour un feu. Le feu, c'est l'une de mes marotte, et même si on ne trouve aucun combustible, je me débrouillerai. Le tout, c'est juste d'arriver à se tirer d'ici...
-D'autant que si vous l'avez pas encore remarqué, c'est marée montante, lâcha Léo.
Après avoir répondu d'un grognement aux appels d'Astrée, le gamin s'était assis et, la mine sombre, avait tourné son regard vers l'horizon. Il était aussi trempé et frigorifié que ses compagnons, mais semblait s'en moquer royalement.

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Léo avait raison. L'eau commençait à monter, et bientôt le récif sur lequel ils étaient échoués serait recouvert. Et rien ne prouvait que les rochers se trouvant juste sous la falaise ne le soient pas également... Dans ces conditions, il était plus qu'urgent de bouger d'ici.

Astrée observa à la dérobée le jeune mousse. Pauvre gosse... Elle ne savait comment le réconforter, elle ne savait que dire... Elle finit par répondre, simplement.
- Oui, tu n'as pas tort. On ferait bien de se dépêcher...

Elle se tourna vers Zaïu et Ridculle, avec un sourire encourageant pour le jeune elfe qui ne semblait guère motivé par l'idée de se lever...
- Avec un peu de chance, on a pied jusqu'à la falaise... Si on se dépêche bien sûr. Je propose donc qu'on se répartisse les sacs et qu'on traverse vite. Enfin... si vous vous y sentez prêts... Elle eut un regard inquiet pour Zaïu, craignant qu'il n'ai été trop gravement blessé lors du combat, avant de poursuivre.
- Mais juste au cas où ce soit plus profond que ça en a l'air... Savez-vous tous nager ? Si ce n'est pas le cas, on peut peut-être utiliser quelques-unes des planches de la chaloupe comme support. Mais si l'un d'entre vous n'est pas à l'aise dans l'eau, ou ne sait pas nager, mieux vaut le savoir tout de suite, le courant a l'air fort. Et dans ce cas je pense que Kasumi peut se charger de l'aider à traverser, il nage mieux que moi, et il a plus de force....
Elle sourit à son compagnon, complice.

Elle jeta à nouveau un coup d'oeil au bras de mer qu'ils devaient franchir, et saisit son sac et ses armes.
- Tout de même, ça n'a pas l'air très profond... Je vais passer la première si vous le voulez bien... Léo, tu me suis ?
Elle se tourna vers le jeune mousse avec un sourire. Il fallait qu'il bouge, elle devait le faire agir, l'occuper le plus possible. Qu'il n'ait pas le temps de trop ressasser son malheur. Cela viendrait en son temps...

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Kasumi fit un effort pour répondre au sourire d’Astrée mais avait blêmi en comprenant que la jeune femme entendait partir en reconnaissance. Il la savait meilleur nageuse que lui et ne voulait pas la désavouer en proposant de prendre sa place même si l’idée de la voir partir aux devants des dangers cachés par les vagues déferlantes ne lui plaisait guère. Il lui passa un bras autour des épaules et lui parla d’un ton inquiet avant de la laisser faire :

- Surtout sois prudente et si tu te sens perdre pied, reviens en arrière. Si le courant est trop fort, nous nous encorderons pour protéger les moins bons nageurs. Je t'interdis de prendre des risques.

Le demi-elfe lui vola un baiser avant de s’écarter pour réunir les bagages sauvés des eaux et les répartir entre les rescapés en espérant que Zaïu et Ridcule puissent se charger des leurs. Il fixa ses épées dans son dos sous son sac pour éviter qu’elles ne le gênent durant la traversée.

Pas une minute de répit. D'un autre côté, si la houle était "montante", c'est qu'elle devait bien monter quelque part, la plage d'en face sans doute. Du coup, même s'ils devraient nager, le courant devrait les y aider. Pour ne pas pas avoir l'air trop ridicule en cas de raisonnement erroné, il se garda bien de réfléchir à voix haute surtout que le jeune Léo aurait pu le contredire... Après réflexion, ca lui aurait peut-être fait du bien...
Zaiu se releva donc et se proposa pour porter un peu d'affaires d'autrui puisqu'il avait laissé ses tricots de rechange sur la nébuleuse. Il ceignit sommairement l'épée courte qui lui restait miraculeusement, et espéra qu'elle ne finisse pas toute oxydée une fois la traversée achevée.

Zaiu est un nageur d'eau douce !
C'est à dire qu'il n'a jamais patauger dans l'eau salé ... hormis notre dernier chavirage.
Il est preneur de conseils.

Au regard craintif d'Astrée, il reconsidéra sa blessure au bras. Grâce aux soins conjugués d'Arya et d'Arthur, celle-ci avait réduite permettant une certaine mobilité... Il pourrait sans doute nager, malgré les picotement dû au sel.

Il finit par saisir Leo par les épaules et le poussa en suivant la rôdeuse :

Allez Loup de mer !
tu vas expliquer à Zaiu comment on survie en mer !
C'est que tout cette eau, ça impressionne quand même.

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Lorsque Zaïu l'avait saisi par les épaules, le gamin s'était brusquement retourné, jetant à l'elfe un regard noir. Sans doute avait-il cru que celui-ci voulait le porter pour la traversée... Mais il se radoucit un tout petit peu en entendant ses paroles.
-On aura pas pied. Au moins au milieu : ça se voit rien qu'à la couleur de l'eau, marmonna-t-il. Et comme c'est un bras de mer, il y aura du courant qui nous déportera sur la gauche. Faut pas lutter contre : la mer monte, donc on sera forcément rapprochés du bord. Suffit de nager en avant, quoi.
Il prit le petit sac de cuir que son père l'avait envoyé quérir dans les profondeurs de la Nébuleuse, l'arrima à son dos puis, sans crier gare, plongea dans l'eau glacée. L'instant d'après, il nageait vers la côte, à bonne allure.
-Suivons l'exemple de la fringante jeunesse ! gloussa Ridculle. Ah, ça va me rappeler mes jeunes années. J'adorais barbotter dans les rivières...
Il vissa son chapeau pointu sur sa tête, vérifia que ses affaires - une sacoche et un paquet oblong entouré de toile - étaient bien arrimés, puis sauta à son tour à la mer.

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Astrée avait déjà avancé de quelques mètres dans l'eau, qui lui arrivait déjà aux épaules, lorsqu'elle entendit la réponse de Zaïu. Il savait nager en eau douce... voulait-il dire qu'il ne savait pas très bien nager en présence de courant ? Elle hésita à faire demi-tour pour proposer son aide. Mais après tout, Kasumi était auprès de lui, il pouvait le faire au moins aussi bien qu'elle. Restait à espérer que le courant leur permette de rester l'un près de l'autre.

Elle sourit en entendant l'explication du jeune mousse. Il avait raison, et elle le savait. Elle aussi avait grandi au bord de la mer... mais elle avait perdu l'habitude de ce genre de repères.
Elle grimaça en le voyant plonger et s'éloigner à vive allure. Elle ne voulait pas le laisser seul...
- Attends-nous, cria-t-elle, bien inutilement dans le fracas des vagues, tout en s'élançant, comme Ridculle, pour nager à sa suite. Le seul avantage à cette traversée forcée, c'est qu'il faisait moins froid dans l'eau que sur les récifs balayés par le vent... Elle n'avait pas le temps de vérifier si Zaïu et Kasumi les suivaient, elle devait rattraper le mousse.

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Alors que tout le monde s’était élancé de bon cœur dans le courant apparemment glacé ? Kasumi préféra se placer en dernière position afin de pouvoir venir en aide si l’un des autres éprouvait des difficultés et notamment Zaïu qui s’était élancé juste avant lui. Il adressa quelques mots à l’elfe pour l’encourager et l’inciter à la prudence.

- Surtout, ne vous éloignez pas, Première Neige et moi allons rester de part et d’autre de vous. Ne perdez pas de vue nos compagnons et tout ira bien.

Première Neige plongea à son tour et se laissa instinctivement porter par le courant. Si l’eau de mer lui était désagréable sur sa fourrure, au moins le froid ne la gênait en rien, habituée qu’elle était des rudes hivers montagnards.
Ce ne fut pas le cas pour le demi-elfe pour lequel les premières secondes d’immersion furent douloureuses avant que les mouvements de ses membres ne parviennent à l’habituer. Il avança sur les premiers mètres en marchant tout en faisant attention à ce que Zaïu ne soit pas en difficulté.

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La traversée se déroula sans anicroche. Comme l'avait prévu Léo, ils n'eurent bientôt plus pied, et un courant assez fort les déporta. Mais la marée montante les aida grandement, les poussant de l'avant, et ils purent tous gagner le rivage sains et saufs.
Le gamin avait jeté plusieurs regards en arrière, pour surveiller la progression de l'elfe, peut-être. Mais celui-ci avait beau n'être pas habitué à la mer, et ressentir des picotements douloureux dans son bras, il fit bonne figure. Pas une fois Kasumi ne se sentit le besoin d'intervenir.
La côte était constituée d'une plage de galets déjà aux trois quarts immergée. Au-delà, des rochers s'amoncelaient en pente douce, marqués en leur milieu par la ligne du varech. La mer n'irait certainement pas plus haut.
C'est d'ailleurs sur cette étroite bande sèche, tout contre les falaises, que s'assit le mousse. Ridcule grimpa non loin de lui, s'ébroua, puis, après avoir déposé ses affaires, se frotta les mains.
-Du feu, maintenant ! s'exclama-t-il.
Et d'incanter sans tarder.

Ridculle --> Convocation d'une flamme élémentaire

Le feu apparut. Ce n'était qu'une flamme unique, semblable à celle d'une grosse torche. Ce n'était pas là un bien grand foyer, mais à voir la manière dont le mage étendait les mains, il devait procurer une chaleur fort bienvenue. Vitale, presque : le temps avait encore fraîchi, aurait-on dit, et les rescapés grelottaient littéralement dans leurs frusques mouillées, leurs membres encore engourdis par la traversée dans l'eau de mer glacée.
-Si vous apportez des algues, elles sécheront et finiront par brûler ! reprit Ridculle à l'intention d'Astrée, de Kasumi et de Zaiu qui se rapprochaient

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Astrée avait eu beau nager de toute la vitesse de ses bras, elle ne put rattraper le jeune Léo. Elle le vit sortir de l'eau et s'installer sur les rochers, juste sous la falaise. Apparemment, il ne semblait guère se préoccuper du froid glacial qui régnait. Quant à elle, elle eut l'impression que ses vêtements se transformaient en glace sitôt qu'elle se redressa hors de l'eau. Il aurait fallu qu'elle accentue ses mouvements, qu'elle bouge davantage, mais elle se sentait trop engourdie, tant par le froid que par la fatigue. Le feu que Ridculle allumait était vraiment bienvenu...
Claquant des dents, elle s'obligea à prendre le temps de ramasser quelques algues qui trainaient sur les rochers, résistant à l'envie de se précipiter vers la flamme. Un coup de vent un peu plus froid faillit l'inciter à ôter aussitôt sa tunique trempée... Mais elle sentait le regard du mage, de Zaïu... Et elle renonça. C'était ridicule, il faudrait bien qu'elle se déshabille si elle ne voulait pas finir gelée...

Elle récolta quelques poignées d'algues qu'elle plaça sur le rocher, tout près de la flamme. La plupart étaient trop humides pour être brûlées, mais elles finiraient bien par sécher. Quelques-unes, plus sèches, purent alimenter le feu, augmentant un peu la chaleur qui s'en dégageait. Mais malgré cela, le vent glacial qui soufflait continuait à la faire claquer des dents. Le jeune mousse semblait s'en ficher royalement, lui... Il se fichait sans doute royalement de tout, d'ailleurs, et c'était bien compréhensible.
- Merci pour ce feu providentiel, je ne sais pas comment on aurait fait sans vous... Mais il faut qu'on fasse sécher nos vêtements, et nos affaires... Il fait vraiment un froid anormal par ici.

Tout en parlant, elle avait commencé étaler sa cape sur l'un des rochers, et fouilla dans son sac pour en tirer les vêtements et objets qui risquaient le plus de souffrir de l'humidité : sa trousse à pharmacie, ses vêtements, sa corde... Tout était trempé, il il faudrait des heures pour les faire sécher.
Puis elle s'accroupit auprès de Léo, toujours aussi maussade.
- Léo... Tu devrais étaler tes vêtements sur les rochers pour qu'ils sèchent. Si tu restes comme cela tu vas tomber malade...

Elle hésita un instant à suivre elle-même ce conseil. Mais il faisait vraiment trop froid, et elle grelotait. Elle s'assit non loin de Léo, tournant le dos aux flammes et à Ridculle, et à Kasumi et Zaïu qui arrivaient. Puis, sans autre forme de cérémonie, ôta ses vêtements trempés, les étalant de son mieux sur les rochers proches du feu. Une abeille s'échappa de sa poche, l'air plutôt furieuse.

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En prenant pied sur les rochers mouillés, Kasumi ne perdit pas un instant pour reprendre son souffle, conscient de l’urgence vitale de se réchauffer. La flamme engendrée par le sort de Ridculle brilla comme un espoir de survivre à la nuit. Celle-ci s’annonçait glaciale sur ce rivage maudit et battu par les vents marins et il se rapprocha du minuscule foyer avec ses affaires.

Il ne put cependant s’empêcher de tiquer en constatant qu’Astrée se dénudait ainsi devant les autres membres du groupe. La vue des courbes délicieuses qu’elle s’efforçait au mieux de dissimuler malgré l’urgence lui provoqua un pincement au cœur. En toute autre occasion, il se serait réjoui de la voir ainsi mais pas alors que d’autres pouvaient aussi l’observer à la dérobée. Bien sûr c’était une réaction stupide et guidée par une jalousie bien mal placée mais il ne sentait pas obligé d’apprécier ce que la situation rendait nécessaire. Comme si cela pouvait atténuer la nudité de la rôdeuse, il se dévêtit à son tour rapidement, posant ses vêtements à sécher sur un rocher après les avoir essorés.

Il ouvrit le sac contenant ses vêtements de rechange, sa couverture et ses quelques effets personnels et tria rapidement les choses qu’il pourrait parvenir à faire sécher à condition d’alimenter le départ de feu de camp. Il dégaina ensuite Etincelle pour en appeler à son pouvoir utile sur la grève sombre et traître. La lumière émanant de la lame était un soutien bienvenu à sa vision nocturne alors que chaque rocher pouvait se dérober sous ses pieds ou abriter un trou qui pouvait le blesser. Elle permettrait aussi à ceux restant près de l’unique autre source de lumière d’observer sa progression. La voix un peu enrouée, il annonça :

- Je me charge de réunir toutes les algues que je pourrai trouver de ce côté. A moins que quelqu’un souhaite se joindre à moi. Je ne pense pas qu’il soit prudent de séparer nos recherches.

L'air étant plus froid que l'eau, en sortir fut une question assez saugrenue dont la réponse était cependant évidente. En s'approchant de la flamme, et de ses compagnons d'infortune, la vision d'Astrée s'imposa d'elle même. Même si la survie guide les actes, les relations au sein du groupe doivent rester intactes, enfin, le plus possible. Zaiu prit donc le pari risqué d'avancer avec une main devant les yeux, ce qui présentait l'avantage certain de pourvoir mirer le sol directement à ses pieds. Alors qu'en marche arrière ... Il fut ensuite bien aise lorsque Kasumi quémanda de l'aide pour la recherche d'algues : il le suivit tout de go, heureux de s'extirper d'une situation qu'il trouvait embarrassante, heureux de prouver que ses hormones étaient tenues par une poigne de fer (

).
Il ne s'était pas dévêtu et, du coup, ses vêtement mouillés offraient une protection toute relative contre le vent. En revanche, si Kasumi se sécha vite, Zaiu resta trempé, uniquement porter par l'espoir d'un brasero digne de ce nom dans peu de temps.

Pour une première ballade nocturne, les sujets de conversation ne manquaient pas ; après un moment de silence, durant lequel la concentration était focalisée sur le déplacement, Zaiu exprima ses pensées sur ceux qui venait de se passer.

Zaiu pense que nous sommes un peu comme des marionnettes. Il sent un piège derrière tout ça :
les pirates qui ont attaqués ont tous étés décimés facilement. Mais, ils se sont battus jusqu'au bout ! Zaiu pense qu'ils n'étaient que le premier fond d'un chapeau à double fond. Puisque "la Vague" nous a tous happée par la suite...

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Grâce à la lumière projetée par Etincelle, Zaiu et Kasumi pensaient pouvoir progresser sans trop de risques. Sans trop, mais pas complètement sans risques : les rochers étaient traitres, glissants par endroits; et de plus en plus comme la marée montante les mouillait de ses embruns salés. De surcroît, le sol était recouvert d'incroyables monceaux d'ossements, ce qui ne facilitait pas la marche... Il fallait ajouter à cela le froid mordant qui les gelait sur pied. La température baissait sans cesse : ils pouvaient le constater à leur souffle qui se condensait désormais en petits nuages de vapeur blanche. Seul point positif : les algues étaient nombreuses, et aisément repérables. Il y aurait de quoi alimenter le feu, le rendre plus imposant.
Près de se dernier, Ridculle s'était débarrassé de sa robe de mage et installé le plus confortablement possible entre les rochers. Installé, aussi, de manière à bien montrer à Astrée qu'il ne pouvait pas la regarder Il faisait preuve de délicatesse et de savoir vivre, c'était le moins que l'on puisse dire... Et, pour l'heure, il était occupé à farfouiller à l'intérieur de son grand chapeau pointu.
Plus loin, presque à la limite du cercle de lumière projeté par la flamme élémentaire, Léo n'avait pas daigné répondre à Astrée. Grelottant, les genoux repliés contre sa poitrine, il n'avait pas détourné son regard de la mer qui s'assombrissait constamment comme la nuit se faisait plus profonde. Le seul son qu'il émit fut un unique éternument. Unique mais retentissant.

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Même si le vent permettait de sécher rapidement sa peau nue, Kasumi se mit rapidement à grelotter et à espérer réunir rapidement suffisamment d’algues pour retourner se chauffer au foyer bien dérisoire dont Zaïu et lui s’éloignaient à chaque pas incertain sur le sol inégal. L’étrange façon de s’exprimer de l’elfe lui arracha cependant un sourire amical. Ses hypothèses étaient intéressantes et même plausibles mais l’esprit engourdi du demi-elfe n’arrivait que difficilement à se fixer sur ces questions alors que chaque minute amenuisait un peu plus la survie du groupe. Il prit cependant le temps de répondre tout en se dirigeant vers la ligne de varech marquant la limite submergée à marée haute. L’amoncellement d’algues leur promettait une récolte abondante même si elle serait aussi plus humides que celles qu’ils avaient pu réunir jusque là.

- Vous avez probablement raison car je ne crois pas aux coïncidences et cette attaque de pirate était bien trop opportune pour être le fait du hasard. La vague pourrait n’être qu’une défense de l’île mais nous devons supposer que l’ennemi a déjà eu vent de notre présence. Mais nous aurons le temps de nous en inquiéter demain matin. Il ne sert à rien de savoir être dans un piège si nous sommes incapables de survivre au froid de cette nuit. Vous devriez vraiment retirer votre tunique...

Quête : tel est pris qui croyait prendre

Astrée n’avait pas réellement prêté attention à Ridculle qui s’était déshabillé lui aussi, et pour cause : elle lui tournait le dos pour se cacher au mieux. Elle avait replié ses jambes, entouré ses genoux de ses bras et observait Léo du coin de l’œil. Inquiète.
Elle n’était pas très loin de lui, mais il lui tournait presque le dos. En un sens, cela évitait à Astrée d’avoir à trop cacher sa nudité. Le gosse était presque un adolescent, cela aurait pu le mettre mal à l’aise.
- Léo… Ecoute….
Elle soupira, et se rapprocha un peu de lui, frissonnant de s’éloigner ainsi du feu.
- Ton père m’a chargé de veiller sur toi… Et de te ramener en un seul morceau. Et donc… Il faut absolument que tu te rapproches du feu, et que tu fasses sécher tes vêtements, parce qu'avec le froid qu’il fait tu vas tomber malade… De quoi aurai-je l’air si je te ramène chez toi avec une pneumonie ? Que me dirait ta mère ?

En espérant qu’il ait une mère… De toute façon, il avait au moins un grand-père.
En un sens, elle comprenait le gosse. Peut-être ressentait-il à peine le froid... ou, plus probablement, il se satisfaisait de ce que sa souffrance psychologique rejoigne une souffrance physique. Elle comprenait. Elle était passé par là.

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HRP : Comme vous êtes divisés en deux groupes, je me permets de vous mjiser séparément pour quelques posts !

Le gamin demeura silencieux. Impossible de dire s'il faisait semblant de ne pas entendre ou s'il n'avait réellement pas perçu les paroles de la rôdeuse, plongé qu'il était dans sa contemplation de la mer qui montait, agitée ; dans l'écoute, peut-être, du fracas des vagues sur les récifs, la grève. Ou simplement perdu dans ses pensées tumultueuses.
Il éternua une deuxième fois. Se recroquevilla davantage. Son souffle s'élevait en filaments blanchâtres, vaporeux...
Et le froid augmentait toujours. C'était à se demander s'il n'allait pas bientôt geler.

Quête : tel est pris qui croyait prendre

Il faisait vraiment trop froid. Un froid... qu'on aurait dit venu d'outre-tombe. Peut-être était-ce le cas, peut-être était-ce à cause de tous ces ossements.... Astrée frissonna, et pas seulement à cause du froid.
Le mousse, lui, semblait ne rien vouloir entendre de ce qu'elle disait et persistait à se laisser geler sur place. Elle ne pouvait pas le laisser ainsi. Il fallait qu'il se réchauffe. Si seulement ils avaient eu une couverture...

Elle finit par secouer la torpeur qui menaçait de l'envahir. Un effet du froid sans aucun doute. Luttant contre la gêne qui l'envahissait à s'exposer ainsi au regards de Ridculle, elle se rapprocha du feu. Et fut rassurée de voir que le mage évitait ostensiblement de la regarder. Elle prit quelques-une des algues qu'elle avait apportées, les plus sèches, les enflamma, et se mit en devoir d'allumer un nouveau feu, tout près du jeune garçon. Et s'assit à côté de lui, les jambes repliées par pudeur.

Puis, elle se demanda mentalement à Première Neige, qui se séchait non loin, de venir s'asseoir contre le jeune mousse. Et pour finir, elle contacta Prince des Frelons, qui bourdonnait non loin, et le pria de bien vouloir reprendre sa forme d'écureuil et de s'installer autour du cou du jeune garçon.
- Je ne vais pas te laisser mourir de froid, fit-elle en guise d'explication. Et mes deux amis vont t'aider à te réchauffer.

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Le gamin, comprenant ce qui allait se passer, bondit sur ses pieds.
-C'est stupide de faire deux feux ! gronda-t-il, contenant à grand peine sa véhémence. On a pas assez d'algues ! Et dites à vos bestioles de pas s'approcher : entre le voleur de biscuits et l'autre fauve qu'attend qu'une occasion pour bouffer quelqu'un...
Il dévisagea crânement la rôdeuse.
-Et en plus, j'ai pas froid ! reprit-il, malgré les frissons qui secouaient sa carcasse et le gel qui commençait à se former sur ses vêtements trempés. J'suis un marin ! On a l'habitude des temps comme ça ! Si on les supporte pas, on est pas un marin, mais une chochotte de terrien ! Alors foutez-moi la paix !
Et de s'éloigner de quelques pas pour s'installer à la limite des vagues.

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Il avait réagi... C'était en soi une bonne chose. Par contre, il s'obstinait à refuser de se réchauffer...
Si le froid n'avait pas été aussi glacial, elle l'aurait laissé faire, quitte à soigner ensuite son refroidissement par quelques décoctions amères. Mais là, le risque était trop grand.

Elle décida de lui répondre sur le même ton, feignant la colère.
- Tu es un marin ? D'accord ! Et tu as l'habitude d'être trempé, d'accord ! Mais sur un bateau, tu fais quoi quand tu es trempé ? Tu restes sans bouger, assis dans un coin ? En attendant de te refroidir encore plus ? Non, bien sûr ! Tu bouges, tu grimpes en haut du mat, tu défaits des cordages, tu largues des amarres, tu ferles les voiles.... Tu bouges, et ça permet à ton corps de se réchauffer !

Puis, oubliant un instant sa pudeur, elle se planta devant lui, obligée pour cela de replonger dans l'eau glacée jusqu'aux mollets.
- Et j'ai une dernière chose à te dire. Tu vois autour de toi ? Tout devient blanc. Il gèle. Ce qui n'arrive jamais en mer. Par contre, en montagne, où j'habite... Tout le monde sait que le gel, c'est la mort. Que si on reste sans bouger quand il gèle trop on peut mourir, en quelques heures à peine. Ici, mon grand, on n'est plus en mer. On est sur terre.

Elle hésita, cherchant un dernier argument, et reprit d'une voix plus calme.
- Que tu ne veuilles pas te déshabiller, ou rester près du feu, pourquoi pas, même si c'est déjà dangereux... Mais que tu restes sans bouger, c'est hors de question. Surtout alors qu'on a besoin de toutes les bonnes volontés pour récolter des algues.... Et si tu nous donnais un coup de main ?

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Le gamin n'avait pipé mot durant le discours d'Astrée. Des émotions contradictoires se peignaient sur son visage, et il n'était pas besoin d'être grand clerc pour comprendre qu'il était sur le point de craquer, que ce soit dans une avalanche de larmes ou dans une explosion de colère.
Ce fût celle-ci qui l'emporta.
-Vos copains sont déjà allés en chercher, des algues, avec la seule lumière qu'on a à part la flamme ! cracha-t-il. Vous savez très bien que c'est trop casse-gueule d'aller crapahuter sur les rochers dans le noir, en plus ! Et si vous croyez que j'ai peur de me déshabiller, vous vous fourrez le doigt dans l'oeil jusqu'au coude ! On fait pas d'chichis de terriens, dans la marine. Le seul truc, c'est que j'ai PAS FROID. C'est si dur à piger ?
Il serra les poings.
-Et le gel c'est la mort, vous dites ? Ben mort, je devrais l'être, comme mon père et les autres marins ! J'suis un marin aussi, et ma place c'était sur le bateau. C'est là que je voudrais être, et que je devrais être si mon père avait pas eu l'idée stupide de me refourguer aux premiers venus comme si j'étais un vulgaire ballot de marchandises !
Il recula d'un pas.
-Mais vous voulez que je fasse de l'exercice, hein ? D'accord, ça marche, vous allez être contente : j'vais aller nager jusqu'au récif. Là-bas, personne viendra m'emmerder !
Et il fit volte face, prêt à plonger dans les flots grondants.

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Astrée réagit au quart de tour. Elle bondit vers lui au moment où il allait plonger, et l'attrappa par derrière, le tirant sans ménagement hors des flots, en lançant d'un ton furieux :
- Et ta mère ? Tu y penses, à ta mère ? Tu crois qu'elle a envie que tu meures ?
Elle n'avait plus besoin de feindre la colère... Même si elle comprenait la frustration du mousse, atteint dans son orgueil, son instinct de mère - et ses souvenirs - reprenaient le dessus.

Luttant contre le jeune Léo qui se débattait de toute ses forces, elle se mit en devoir de le ramener près du feu, bien décidée à l'asseoir de force devant elle. Il était gelé, et le contact de ses vêtements mouillés glaça Astrée, mais le combat qu'il menait pour se libérer les réchauffait tous les deux.

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-Un Longuehune n'abandonne jamais son navire ! Jamais ! Ma mère le sait, comme toutes les femmes de la famille ! avait grondé le gamin en se débattant de toutes ses forces.
Il ne cessa de ruer et de se débattre tandis qu'Astrée le trainait vers le feu, et celle-ci avait toutes les peines du monde à le maîtriser, d'autant qu'elle écopa au passage de quelques coups plutôt douloureux. Pourtant, aussi vigoureux fût Léo, il restait un enfant, et ne faisait pas le poids face à une adulte entraînée. De plus, la fatigue et surtout le froid ravivé par ses quelques pas dans l'eau l'avaient affaibli, et ses mouvements ne tardèrent pas à se faire moins violents...
Bientôt, il ne bougea presque plus. Son corps fut parcouru de spasmes impressionnants, comme il grelottait de la tête aux pieds, et la rôdeuse pouvait entendre le claquement ininterrompu de ses dents serrées.

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Astrée parvint enfin près du feu, et s'assit avec Léo aussi près que possible des flammes, continuant à le maintenir tout contre elle. Il était glacé, et elle espérait que le contact de son corps le réchaufferait un peu. Elle-même se sentait frigorifiée, d'autant plus que le gamin faisait écran entre elle et le feu.
Le gosse n'appréciait certainement pas d'être ainsi maintenu de force sur ses genoux, mais il ne bougeait plus, ne se débattait plus. Trop épuisé, ou trop transi de froid... ou trop découragé peut-être.

Elle lui parla encore, plus calmement.
- Ecoute Léo... Ta mère est femme et mère de marin, et, tu as raison, elle sait certainement que vous ne quittez jamais votre navire, elle connait l'honneur des marins. Mais penses-tu vraiment qu'elle est d'accord avec ça ? Que crois-tu que sera sa réaction lorsqu'elle apprendra que ton père a préféré couler avec son navire plutôt que revenir s'occuper de sa famille ? Et si jamais elle apprend que toi aussi, tu es mort... Tu imagines la peine que ça lui fera ? Tu crois vraiment qu'elle pourra l'accepter ? Léo... Si tu meurs, ta mère ne s'en remettra pas. Elle a besoin de toi. Et je sais de quoi je parle....
Elle relâcha légèrement sa prise sur le corps du jeune mousse, prête à réagir au moindre signe de fuite.

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-Un Longuehune quitte jamais son navire... On l'accetpe ou on les épouse pas... avait-il murmuré,, ses paroles rendues quasiment incompréhensibles à cause des tremblements de sa voix.
Puis il se tut, et ne chercha pas à s'esquiver lorsque la jeune femme relâcha sa prise. Il avait peut-être renoncé, mais le plus probable était qu'il en soit désormais incapable. L'eau dégoutait de ses fripes trempées, coulait en ruisselets glacés sur la peau d'Astrée. A la lueur de la flamme, elle pouvait voir son teint très pâle, presque translucide, ses lèvres et ses longues bleuis. Il ne cessait pas de trembler.
De l'autre côté de leur petit foyer, Ridculle leur tournait le dos. Il avait étalé ses affaires - dont une imposante arbalète - pour les faire sécher, et persistait à fouiller dans son chapeau, en tirant de temps à autre des objets hétéroclites : pipe, tabatière, vieux livres reliés de cuir...

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Astrée était trop préoccupée par l'état de Léo pour prêter attention à Ridculle et à son chapeau, ou même pour se soucier des bleus qui apparaitraient bientôt aux endroits où elle avait reçu des coup de pieds. Le gosse était gelé, il fallait le réchauffer.
Elle renonça à poursuivre le "débat", certaine qu'il refuserait de se laisser convaincre, avec toute la mauvaise foi possible. Le plus urgent était de lui apporter de la chaleur.

- Léo... Il faut que tu te déshabilles pour que tes vêtements sèchent, fit-elle d'une voix douce. Sinon tu vas trop te refroidir... Je vais t'aider.
Et, avec toute la douceur possible, elle commença à lui ôter sa vareuse.

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Sursaut d'orgueil ou volonté de ne pas se montrer coopératif et de continuer à geler sur pied, le gamin se raidit, tenta mollement de se dégager.
-Pas froid... marmonna-t-il.
Pourtant, aussi têtu fut-il, la chaleur de la flamme devait avoir son attrait, car il finit par pousser un profond soupir.
-OH et puis zut, pas de chichis de terriens...
Il essaya de se débarrasser lui-même de sa veste. Mais il tremblait tellement, ses doigts étaient si gourds qu'il n'y parvint pas.
Il soupira de nouveau. Penaud, il leva un regard embué sur la rôdeuse.
-D'accord pour un coup d'main... souffla-t-il. Mais faites gaffe... Pas abîmer l'univorme... Doit être impeccable.

La Couronne de Cuivre

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Quête : Les Squelettes du Placard, Chapitre 6.

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