La Couronne de Cuivre

Ce mur, construit tout spécialement en vue des prochaines élections, tire son nom de son architecte dément et des conflits gigantesques (atomiques, diraient certains, dans un autre univers) que pourrait susciter son utilisation.
De son architecte dément, d'abord. Pourquoi dément ? Parce que construire un mur long de plusieurs dizaines de lieues, haut de plusieurs centaines de pieds, c'était peut-être un chouia excessif quant son unique but est d'arborer des affiches électorales.
Des conflits gigantesques que pourrait susciter son utilisation, ensuite, parce que c'est bien connu, le collage d'affiche suscite toujours de vives tensions quand les colleurs recouvrent sciemment celles de leurs opposants ou se battent pour obtenir la meilleure place.
Quoi qu'en la circonstance, de la place, il n'en manque pas. Il y a de quoi coller ici des affiches au format le plus titanesque jamais imaginé par des publicitaires mégalomanes ravagés par les mites à fromage.
Tel devait être la nature profonde de l'être torturé qui a élaboré la seule affiche à occuper, pour l'heure, cet espace sans limites d'expression citoyenne :

Du pain, du vin... Et du scrutin !

A l'occasion des élections airepéennes, n'oubliez pas de glisser votre bulletin dans les urnes prévues à cet effet. Car...

Voter, c'est beau. Voter, c'est bien. Voter, ça se mange sans faim !

Et voter, surtout, c'est votre devoir de citoyen ! Comment pourrez-vous critiquer vos dirigeants si vous n'avez pas contribué à les combattre lors des élections ? Comment pourrez-vous, légitimement, ourdir des complots en vue de les assassiner, de les destituer, de les circonvenir ?

L'abstention, c'est tabou, on en viendra tous à bout !

Ceci est un message de la CROUTE
(Commission pour Rendre Obligatoires les Urnes, les Tracts et les Elections)

Furtivement, la présidente-conseillère-secrétaire-déléguée-trésorière (et colleuse d'affiche, et distributrice de tracts) du Parti de l'Orquesque Union Indépendante du Cookie courait le long du mur, lâchant derrière elle un sillage caractéristique de tracts qui sentaient bon l'encre fraîche et la pâte à cookies. Et ce en plus d'offrir une magnifique vue sur la poitrine polycopiée de la très célèbre figure de l'Orquitude guidant le peuple, qui clamait un slogan vindicatif. Mais voyez vous-même.

La guerre des affiches commençait donc !
Nerveuse !
Virulente !
Déroutante !

C'était à se demandait si le parti des gens qui aiment les fleurs allait s'y plier auxquels cas les autres candidats lui rappelleront sans doute que c'est pas bien de tuer les arbres !
Zaiu vint donc se présenter devant le mur déjà maculé de cookies !!

Il déplia son affiche et la placarda contre le mur !


Ha quelle est belle son affiche !
Ca respire la simplicité populaire !
La lutte du Bien contre le Mal !
Le Bras de la Justice qui cogne la Malice !

Il était tard le soir lorsqu’Astrée arriva devant le mur où se trouvait déjà quelques affiches. Et où elle était sensée mettre la sienne, évidemment.
Une affiche… Une de ces choses immenses en papier imperméabilisé ? En fibres végétales issues d’arbres aux plantations certainement pas gérées selon les lois de l’écologie la plus élémentaire ?… Non mais vous avez idée du nombre d’arbres qu’il fallait couper pour tous les tracts et affiches de ces élections ??? Sans compter l’encre, issue parfois de végétaux ou de minéraux très rares….
Il était hors de question que le Mouvement Oeuvrant pour l’Immersion dans la Nature, dans l’Espérance et l’Amour Universel placarde la moindre affiche. Non, elle avait beaucoup mieux pour son Parti Insurrectionnel des Amis de la Forêt…
Elle recula, contemplant le mur. Recula encore. Il était vraiment immense… Mais parfait.
Par respect pour les autres candidats, elle leur laisserait le tiers inférieur. Quant à elle…. Elle lança son grappin, et escalada le mur jusqu’en haut. Puis sortit de son sac un gros rouleau de peintre, et des pintures, toutes fabriquées artisanalement à partir de terres, de végétaux, de minéraux de la région. Elle avait toute la nuit devant elle….
Au petit matin, son œuvre était achevée. Les deux tiers supérieurs du mur s’ornaient d’une gigantesque fresque - que nous reproduisons ici en plus petit.