La Couronne de Cuivre

Petite taverne animée mais propre, les Lueurs de l’Aube reste ouverte toute la nuit et accueille une clientèle composée principalement de fils de bonne famille, d’étudiants de l’université de la magie et de novices lathandrites en goguette. Les descentes de professeurs/parents/clercs de méchante humeur y sont fréquentes mais le bâtiment dispose de nombreuses cachettes et portes de derrière pour leur échapper. Le tenancier, Melchior, prétend n’être jamais au courant de rien et n’avoir vu personne, mais il figure en bonne place dans le cœur de nombreux jeunes luméniens qui, sous son toit accueillant, ont consommé leur premier verre de vin, connu leur première cuite ou perdu leur pucelage.

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 6. Pistes.

Venant d'ici

En fin de journée, alors que le soleil s'était déjà réfugié derrière les murailles et que le ciel gris avait viré au gris encore plus sombre, sans pour autant cesser de pleuvoir, Taliesin et Valaellyn arrivèrent aux Lueurs de l'Aube. Le troquet débordait déjà de conversations animées et lorsqu'ils y pénétrèrent, personne ne prêta réellement attention à leur apparition. Pour l'heure, la plupart des clients étaient attablés devant un verre, bière ou vin, et semblaient tous avoir moins de 25 années humaines. Les discussions étaient soutenues, pour ne pas dire enflammées. Quelques farfelus buvaient seuls tout en lisant ou écrivant. A une table, deux jeunes hommes s'affrontaient aux échecs sous les quolibets d'une demi-douzaine de leurs camarades.
Parmi cette faune juvénile, il ne fallut pas longtemps aux elfes pour repérer la personne qu'on leur avait désignée.
Le dénommé Seskan était attablé dans le fond de l'établissement, son opus de philosophie à la couverture bleue dressé devant lui. Impossible de distinguer le titre à cette distance. Il semblait avoir une trentaine d'années, les cheveux roux ébouriffés et une barbe de quelques jours piquetait son visage jovial. Il paraissait plongé dans sa lecture, concentré, un léger sourire aux lèvres.

En d'autres circonstances, Taliesin n'aurait pas hésité à se joindre à la petite assemblée, à boire quelques bières, à se mêler aux conversations. Mais après avoir passé de longues heures calfeutré dans une taverne, cloitré à cause de la pluie - c'est à peine si Valaellyn et lui avaient pu esquisser une promenade sur les quais -, il était surtout désireux et impatient de voir les choses avancer.
Il se dirigea donc sans tarder vers l'homme, et le salua d'un geste de la main.
-Veuillez m'excuser de vous déranger en pleine lecture... fit-il. Mais j'aurais voulu savoir si la réunion a été productive.
Il aurait pu amener les choses moins frontalement... Pourtant, il préférait la manière directe au risque de noyer le mot de passe au milieu de palabres inutiles.

L'homme lui sourit et leur fit signe de s'installer.
" Jamais assez productive, malheureusement." dit-il en guise de préambule, leur laissant le temps de s'asseoir.
Il fit ensuite signe à la serveuse, dévisagea une seconde Valaellyn et Taliesin, les jaugeant du regard, puis lorsque la jeune femme se fut approchée, commanda pour eux deux verres de vin.
" Nous n'allons probablement pas nous attarder." ajouta-t-il. " Il est d'autres endroits où nous pourrons discuter plus tranquillement. Mais dites-moi en deux mots qui vous êtes, ce qui vous amène, puis je vous parlerai de la réunion."

Le barde hésita une seconde. Fallait-il donner des noms d'emprunt ? Ce serait plus prudent mais, s'ils étaient amenés, comme ils l'espéraient bien, à utiliser les services de l'organisation, mieux valait être franc.
-Je me nomme Taliesin et voici Valaellyn, une amie. Ma compagne a été enlevée il y a environ trois mois, et vendue à des esclavagistes faisant commerce avec Mélandis.
Il n'aurait pas pu faire mieux, en matière de concision... Mais comme l'avait dit l'homme, ils aborderaient les détails plus tard.

Le visage de l'homme se contracta un instant sous l'effet de la colère, mais celle-ci n'était pas dirigée contre eux, bien évidemment. Son expression se fit grave et il hocha la tête.
" Vous n'êtes pas les seuls à avoir subi cette ignominie. Malheureusement, car de nombreux Hélonniens ont perdu la trace d'êtres chers. Mais heureusement car ce fardeau partagé a permis la création de la réunion. Je peux mettre un bateau à votre disposition, avec son équipage. Vous serez reçus à Mélandis dans notre antenne locale. On vous fournira de fausses identités et de bonnes excuses de vous trouver sur place. Il y a cependant une règle à laquelle vous devez vous plier si vous décidez de vous joindre à cette expédition. Le bateau emportera entre deux et quatre autres groupes dans votre situation. Une fois sur place, tous les disparus doivent être recherchés. Le bateau ne repart pas dans l'autre sens tant que le sort de tout le monde n'est pas élucidé. Si vous partez avec nous, vous devez vous engager à aider vos compagnons de galère. Même si vous apprenez que votre compagne est morte. Même si vous la retrouvez le lendemain du débarquement. La réunion fonctionne via cette solidarité entre tous. Si vous êtes prêts à faire de cette philosophie la vôtre, alors nous vous accueillerons à bord avec joie et espérance. Sinon, il faudra que vous vous débrouilliez autrement."

Le barde eut une brève pensée pour Victor, contraint d'attendre chez les Merlus, sans la moindre nouvelle... S'ils retrouvaient Galathée rapidement, et si les autres recherches se prolongeaient des veilles, des mois durant... Ce serait rude pour l'enfant. Très rude.
Mais... Ce que leur offrait la Réunion leur en ferait gagner, des veilles. Beaucoup. Alors, au final, il était probable que l'un compense l'autre.
De toute façon, il ne pouvait laisser passer une telle aubaine.
Et si, dès ton arrivée, tu découvres qu'elle est morte ?
Il chassa la pensée.
-C'est la moindre des choses, et j'accepte bien volontiers. Je connais Mélandis, je sais qu'on peut y passer des mois sans trouver ceux que l'on cherche. Je connais donc le prix de l'entraide, des alliés.
Il se tourna vers Valaellyn : maintenant comme dans le futur, il n'avait nullement l'intention de lui imposer ses choix.

Mais la prêtresse souriait comme si elle n'eut jamais douté de la réponse à apporter à cette question. Seskan sembla satisfait.
" Très bien. Dans ce cas, nous pouvons passer aux aspects pratiques. Comme vous l'imaginez sans doute, la Réunion n'est pas soutenue par les autorités luméniennes. Dans l'état actuel de la cité, toute intervention, même justifiée, dans les affaires mélandiennes serait relativement risquée. Cependant, Luménis ne tolérera pas que l'esclavage soit encore d'actualité sur les terres hélonniennes. Lorsque je vous mènerai à notre comptoir, la première chose que vous devrez faire sera de donner toutes les informations dont vous disposez sur les esclavagistes qui ont emporté votre compagne à l'un de nos membres. Nous nous chargeons de relayer ces informations aux autorités et elles agissent alors sur base de ces témoignages."
La serveuse déposa les verres de vin, sourit au rouquin, repartit.
" Ensuite, je vous présenterai l'équipage. Nous avons un voilier en partance dans les jours à venir, dès que le temps sera un peu plus clément... Mais il faut que vous rencontriez le capitaine, que vous voyiez si les conditions vous conviennent... et vos compagnons de traversée. Ce n'est pas un petit voyage."

Le barde sourit.
-Je suis habitué aux longs voyages, et c'est la sédentarité qui m'est plus étrangère, même si... j'aurais bien aimé pouvoir m'y adonner davantage.
Il soupira.
-Je ne me fais donc pas de souci pour les conditions, ou pour nos compagnons de route. Mais vos précautions sont sages : il vaut mieux s'assurer qu'un minimum de cohésion puisse exister dans un groupe avant de s'engager dans pareil périple.
Il but une gorgée de son vin.
-Quant aux informations concernant les esclavagistes... Je les ai transmises par mes propres moyens au conseiller Longuehune. Mais, bien évidemment, j'en ferai également part à vos collaborateurs.

" Très bien. Dans ce cas, plus rien ne nous retient aux Lueurs. " fit Seskan.
Puis il grimaça.
" Et je ne me suis pas présenté. Je suis Seskan Salvarg, c'est un peu moi... Enfin, je suis la personne de contact, dirons-nous."
Il jeta un oeil sur son livre.
" Et je n'arrive pas à terminer ce satané bouquin."
Il se leva.
" Je vais vous emmener au comptoir. Si vous avez des choses à rassembler avant le départ, je pense que vous en aurez tout le loisir."

Taliesin termina son verre de vin, jeta un regard à Valaellyn puis se leva. Leurs bagages étaient prêts, déjà, et ils auraient pu embarquer pour Mélandis dans l'instant.-Mais, selon le temps qu'il faudrait au navire pour partir, il n'était pas impossible qu'ils essaient d'envoyer une lettre aux Merlus, ne serait-ce que pour leur laisser entendre qu'ils ne seraient pas seuls, qu'ils avaient trouvé de l'aide... Cela pourrait les rassurer. Victor, notamment... Car c'était une chose de s'engager à deux pour un tel périple ; une autre de bénéficier des moyens d'une organisation, aussi petite fût-elle.

Seskan salua la serveuse, c'était manifestement un habitué, puis entraîna ses nouveaux compagnons dans la rue. Il frissonna sous la pluie.
" Le printemps joue à chat." commenta-t-il. " Mais demain est un autre jour."
Puis, sur un sourire, il ouvrit la marche, entraînant Taliesin et Valaellyn vers le quartier du port et plus loin, les entrepôts.

Les étudiants avaient depuis longtemps oublié leur mésaventure à la Taverne de la Bienveillance lorsqu'ils gagnèrent les Lueurs de l'Aube. Autour de Soraes, qui s'était retrouvée juchée sur les épaules d'un grand gaillard en robe pourpre, la physionomie de la cité s'était métamorphosée : des quartiers populaires et grouillants du port, ils étaient arrivés dans des rues plus larges, plus arborées, plus tranquilles, bordées de maisons cossues, de jardins clôturés, dans lesquelles croisaient de temps en temps un cavalier ou un carrosse. Ça et là, les vestiges carbonisés d'une demeure trahissaient le passé récent, troublé, de la ville, mais l'harmonie paisible de ces allées ombragées contrastait férocement avec la frénésie que le troupeau venait de quitter.
De la même manière, les Lueurs de l'Aube, troquet assurément plus petit que la grosse taverne portuaire, semblait un endroit bon enfant, chaleureux, rempli d'une clientèle enthousiaste mais gentillette, comparée à la faune marchande d'autres lieux.
Les étudiants rentrèrent dans la taverne sans rencontrer la moindre opposition et le tenancier en salua plus d'un par son prénom. On leur fit de la place.
" A boire, puis une chanson !" mugit le colosse qui avait porté la jeune fille.

Il était étonnant de voir à quelle vitesse les étudiants avaient oublié l'altercation qui les avaient opposés au tavernier un peu plus tôt. Plus rien ne semblait entacher leur bonne humeur.
En arrivant aux Lueurs de l'Aube, Soraes, cramponnée à la chevelure de l'homme qui l'avait juchée sur ses épaules, se sentit tout petite. Le quartier dans lequel les mages l'avaient conduite était visiblement plus tranquille, plus vaste, et il abritait certainement une plus riche population. Bref, elle ne se sentait pas tellement à sa place. Et des vestiges, témoins d'un récent passé troublé la mettaient fort mal à l'aise. Mais peu importait, elle resterait dans ces quartiers juste le temps de profiter de la compagnie des mages et de l'hospitalité éventuelle de l'Aubergiste.
En pénétrant dans les Lueurs de l'Aube, Soraes baissa vivement la tête pour éviter de se cogner contre le chambranle, se cramponnant un peu plus au mage certainement trop enthousiasmé à la perspective de boire un bon verre. Elle glissa de ses épaules tandis que les mages allaient s'installer et que le tenancier en saluait quelques uns. Elle prit place, et se joignit à eux pour demander à boire. Elle laissa son paquetage glisser de ses épaules et le plaça entre ses jambes. Elle en sortit un objet momifié qu'elle déballa soigneusement. Sa mandoline en main, elle leur adressa à tous un grand sourire et se jucha sur la table avant d'entonner un air guilleret et entraînant de son pays.

La musique de la jeune barde eut un effet immédiat sur l'assemblée. Ils l'écoutèrent, d'abord subjugués, interdits peut-être, découvrant une voix déjà assurée dans un corps si jeune, puis l'allégresse du morceau les saisit et en moins de trois battements de coeur, on avait poussé les tables, et on s'était mis à danser. L'alcool aidait certainement les étudiants, amateurs de parchemins poussiéreux et d'artefacts étranges, à se transformer en noceurs, mais Soraes avait du talent à revendre, et bientôt, elle se retrouva au coeur d'une sarabande endiablée.

Après des semaines à trimer sur le navire marchand qui l'avait conduite jusqu'ici, Soraes se sentit tout simplement renaître, quand ses doigts se promenèrent sur son instrument.
Sa fatigue et ses courbatures s'estompèrent, au moment où sa voix s'éleva dans la taverne.
Le silence qui suivit ses premières notes ne l'inquiéta guère. Elle était consciente qu'ils seraient déconcertés par les chants étrangers qu'elle entonnait. Oui, elle était confiante, car elle se savait talentueuse. Non par manque d'humilité, mais si elle se savait douée pour une seule chose, c'était bien le chant.

La soirée s'écoula rapidement, entre chants, danses et choppes. L'alcool avait rougi les joues de Soraes et avait décuplé son enthousiasme. Infatigable, elle avait accompagné les mages dans leur fête toute la soirée.
Des mèches de cheveux blonds avaient fini par s'esquiver de sa natte de guerrier et elle ne cherchait plus le moins du monde à masquer son identité. Sa prudence avait disparu en même temps que sa sobriété.

Il était maintenant très tard et les mages étaient les derniers clients de la taverne. Le manche de la mandoline dans une main, le bras passé autour des épaules de l'un des mages, Soraes se décida à s'arrêter de chanter et demanda :
MMmmh… Alors ? On fait quoi maintenant ? On continue jusqu'aux lueurs de l'aube ?
D'un autre côté, s'étant arrêtée de danser brusquement, elle sentit le poids de la fatigue sur ses épaules.

HRP : oups, j'avais pas vu... désolée !

En fait, il ne restait que des mages, mais tous n'avaient pas tenu le coup jusque là. Il en restait six d'entre eux, plus la jeune barde, et le tenancier pour qui la petite soirée improvisée paraissait ordinaire.
"Ne pas attendre le lever du soleil serait sacrilège !" s'exclama le rouquin balafré à l'origine de cette petite virée qui, elle le savait désormais, s'appelait Brendan. "Si tu veux que la chance te sourie à Luménis, tu te dois d'assister à la première aube !"
A sa gauche, une jeune magicienne elfe au nom imprononçable somnolait sur l'épaule de son voisin, un demi-elfe qui riait désormais tout seul, un peu trop aviné.
Le colosse qui avait porté Soraes, Caribert, fredonnait à voix basse, en se balançant de droite à gauche tandis qu'à côté de lui, une certaine Méline, humaine, elle aussi, écoutait la conversation avec le regard encore très clair.
" Enfin, ce sont des superstitions. Si notre amie est fatiguée, qu'elle aille se coucher. Il y a mille chambres dans les hauteurs."
" C'est une exagération." ajouta un tout jeune garçon, déjà mage pourtant, que ses condisciples surnommaient "le Génie".

HRP : Y a pas de mal ! Cela-dit, je suis pas rapide pour répondre en ce moment.

Quand Brendan prit la parole, Soraes pouffa de rire. Elle répéta ensuite sur un ton taquin, en acquiesçant, poings sur les hanches :
Oui, ce serait sacrilège.
Elle le singeait sans réelle moquerie car elle avait pris le rouquin en sympathie. Mais bizarrement, quand il ajouta, qu'elle devait assister à la première aube pour que la chance lui sourie à Luménis, elle sentit ses mots résonner en elle. ça lui évoquait quelque chose d'indéfinissable, un lointain souvenir, peut être. Quoiqu'il en soit, cela éveilla en elle le sentiment qu'il ne s'agissait pas là d'une simple superstition.
Elle inclina la tête, pensive, puis sourit à Méline, et enfin au Génie. Elle appuya plus longuement son regard sur lui.
Ce garçon la mettait mal à l'aise, néanmoins, elle tentait de ne pas le laisser transparaître.
Elle croisa ensuite le regard de Caribert, qui ne semblait pas décidé à déposer les armes maintenant. Elle se demanda d'ailleurs s'il était vraiment du genre à s'avouer vaincu.
Un large sourire fatigué se dessina sur le visage de la jeune barde.
Brendan a raison, faisons la fête jusqu'à l'Aube !
Elle s'empara à nouveau de son instrument et commença à jouer une petite musique guillerette et fraîche.

Et la fête reprit, cahin-caha. L'aubergiste les regardait avec un sourire tranquille, comme si l'idée d'aller se coucher ne l'effleurait même pas. Méline avait pris le bras de Caribert, le Génie dansait tout seul, et Brendan semblait se demander s'il viendrait un moment où la jeune barde elle-même aurait les mains libres... ce qui semblait assez difficile, car le dernier instrumentiste potable parmi les magiciens avait quitté leur petite sauterie plus d'une heure auparavant.
Mais Soraes, pinçant les cordes de son instrument, ne pouvait pas complètement ignorer les regards qu'il lui lançait de temps en temps, avant de s'empourprer et de reporter son attention sur la maigre piste de danse.

Elle enchaînait les airs les plus simples qu'elle connaissait pour tenter d'accompagner plus ou moins les mages dans la danse. Elle sautillait en jouant, et regrettait presque de ne pas passer du bras de Caribert, à celui de Brendan en tournoyant gaiement.
Et c'était reparti, la vague de fatigue était passée et Soraes se remettait à chanter avec entrain. Elle ne s'interrompit que pour enjoindre le tavernier de leur remettre une tournée.
A plus d'une reprise, elle avait surpris le regard de Brendan posé sur elle. Une sensation de déjà-vu l'étreignit. ça ne voulait peut être pas dire grand chose, mais elle avait d'abord préféré faire celle qui n'avait rien remarqué. Et puis, au bout d'un moment, elle avait fini par lui adresser un grand sourire amusé.
Elle continua à jouer jusqu'à ce que l'aube arrive, et plus encore.

Mais comme les premiers rayons du soleil pointaient, nimbant la petite salle obscure d'une couleur grise puis plus lumineuse, la fatigue faucha Soraes sans prévenir. Elle était habituée au rythme nocturne des bardes, mais nettement moins à celui qui avait dominé sa vie ces derniers temps, sur le pont d'un navire. L'un plus l'autre eurent ainsi raison de sa résistance et le monde se flouta autour d'elle.
"Ça va ?" lui demanda Brendan. "Tu veux aller dormir ?"

Elle avait épuisé ses dernières ressources, et maintenant la fatigue s'abattait sur elle. Elle sourit à Brendan :
Jt'avoue que je ne dirais pas non à un bon lit !
Comme la soirée touchait à sa fin, elle emballa soigneusement sa mandoline avant de la replacer dans son paquetage.
Puis, hissant le sac sur son épaule, elle dissimula un long bâillement derrière une main molle.
Méline ? Tu disais qu'il y avait des chambres dans les hauteurs ?

Brendan jeta un coup d'oeil à Méline et la prit de vitesse.
"En fait... Tu pourrais peut-être..."
Il baissa la voix.
"...revenir dormir à l'université de la magie avec nous. C'est un haut lieu de Luménis. Et ce n'est pas souvent qu'un invité peut la voir de l'intérieur. En plus, ici, les chambres sont vraiment petites, elles doivent déjà être pleines..."
"Elles ne sentent pas bons." ajouta Caribert.
"J'ai entendu !" s'exclama le tavernier d'un ton jovial.
"Donc... Tu en dis quoi ? C'est pas très loin..."
"Je peux te porter si les pieds ne tiennent plus."
Méline haussa les épaules avec un sourire tranquille.
"Les rideaux sont épais, le soleil ne gênera pas."
"Et ça sent bon."
"Pas tellement chez les garçons. Mais tu peux dormir dans ma chambre." fit Méline, cette fois.

Soraes esquissa un sourire qui s'agrandissait au fur et à mesure de leurs arguments.
Elle finit par rire en entendant Caribert ajouter que ça sentait bon chez eux, à l'inverse des chambres de la taverne.
Elle concéda alors :
C'est bon, je me rends ! Je vous suis !
Merci Méline, je partagerai ta chambre, si ça t'ennuie pas.
Elle lui lança un clin d'œil amical. La perspective de ne pas quitter ses nouvelles connaissances la réjouissait. Soraes menait une vie solitaire depuis très longtemps, et la compagnie de ces mages était pour le moins agréable. Leurs relations étaient simples, superficielles et amicales, et ça lui convenait parfaitement.
Elle ajouta, avec une pointe d'excitation :
Et jvous avoue que j'ai hâte de voir votre fameuse école… même si en arrivant je risque de m'écraser comme une masse !
Elle remonta son sac sur son épaule. Il lui paraissait atrocement lourd, à présent.
La barde regarda piteusement Caribert et lui demanda d'une petite voix :
Jpeux marcher, mais… ça t'ennuierait de porter mon sac, dis ?

Caribert lui sourit et prit son paquetage, plus précautionneusement que ses grosses pattes ne l'auraient laissé supposer. Soraes constata aussi que Brendan tentait de régler leurs consommations, mais le tavernier ne voulut rien entendre. Avant que les fêtards eurent franchi la porte, il s'exclama cependant, à l'intention de la jeune femme :
"Si vous avez besoin de travail, n'hésitez pas à repasser me voir. Je n'ai pas les finances de certains de mes concurrents, mais je suis certain que nous pourrions trouver un arrangement."
Ensuite, les jeunes mages et leur compagne gagnèrent la rue et cheminèrent, dans une aube orangée, naissante. Ils dépassèrent l'imposant Temple de Lathandre où résonnaient les hymnes matinaux, longèrent un instant les grilles du Parc Verdoyant, puis continuèrent leur route vers le nord de la ville et l'Université de la Magie.

Quête : la Disparition de Streen

http://www.baldursgateworld.fr/lacouron ... post322238

Sylveneige tira Martin vers la porte de la petite auberge, qui résonnait de cris joyeux.

- Venez, Martinounet, allons voir ce qu'on peut manger ici.

Martin fut surpris en voyant l’auberge.
-Qu’est ce donc cette taverne ? je ne l’ai jamais vu. Mais si vous l’avez proposé, c’est qu’elle doit être intéressante.
Mais rapidement, Martin fut charmé par la musique, par la convivialité qu’offrait l’auberge et par la gaîté qui régnait en ces lieux.
-Ouah, c’est ravissant. On peut dire que vous avez du goût poupée. Comment avez-vous eu connaissance de cette taverne ?
Il désigna une table entraînant Sylveneige avec lui. Puis il demanda à un serveur :
-Garçon, cette table, conviendrait elle pour un couple d’amoureux ? Ma petite amie et moi souhaitons nous restaurer. Un bon repas nous remettrait d’aplomb.
Puis discrètement à Sylveneige :
-Je vous avais dit que vous finiriez par traîner à mon bras. Ne suis-je pas irrésistible d’ailleurs ?

- Moui, bien sûr, répondit suavement Sylveneige.

Pendant que Martin faisait un numéro de charme très réussi au serveur pour obtenir la meilleure table de l'auberge, l'elfe cogitait à en faire bouillir son cerveau.

Si elle avait accepté les justifications du Faucheur concernant l'opportunité de ne partir à la recherche de Streen que le lendemain, la rôdeuse n'en était pas moins très inquiète pour son ami.

Que deviendrait Streen si on ne parvenait pas à le libérer ? Quelle horreur pourrait lui arriver ? Et il ne saurait même pas qu'elle était partie à sa recherche, à son secours... Il n'aurait pas cet espoir qui pourrait lui donner l'énergie pour tenter de fuir à ses ravisseurs...

Des larmes montèrent à ses yeux. Sylveneige cilla précipitamment pour les chasser. Y parvint. Presque.

Martin parla un bref instant avec le serveur puis revint vers Sylveneige l'air triomphant:
-J'ai réussi à nous avoir la meilleure table de la taverne mon cœur, venez.
Il désigna une petite table d'une jolie couleur pourpre avec deux assiettes vides qui ne demandaient qu'à être remplies ainsi que deux chandeliers. Alors que Martin prenait la main de sa compagne pour la guider, il remarqua les faibles larmes de Sylveneige. L'air légèrement inquiet, il demanda:
-Quelque chose ne va pas? Tout va bien pourtant, nous sommes enfin seuls pour un dîner romantique pourtant.

Sylveneige parvint enfin à se ressaisir tout à fait.

- Mais c'est juste l'émotion d'être avec vous, Martinounet. Quant au dîner romantique, je vous informe qu'il sera sans boisson alcoolique. Histoire de garder la tête froide pour ce soir. Enfin, cela n'a pas d'importance, nous savons où nous finirons la soirée : ni chez vous, ni chez moi.

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