La Couronne de Cuivre

Dans la situation de crise actuelle, avec sa croissance stable et ses exportations records l'Allemagne fait rêver ses voisins. Pourtant derrière cette façade heureuse, un chiffre nous interpelle: 12.000.000 d'allemands vivent sous le seuil de pauvreté (940 euros pour une personne seule).

Comment expliquer cela, si bien sûr la paupérisation d'une partie de la population s'inscrit dans le cadre général de la mondialisation et de vastes restructurations industrielles, les réformes initiées par le chancelier Gerhard Schröder en 2003 ont fortement accentué le phénomène. Les "lois Hartz" devaient flexibiliser le très rigide marché de l'emploi allemand et rendre "le chômage moins intéressant que le travail". La dernière loi dite "Hartz 4", a fusionné l'allocation chômage longue durée et l'aide sociale. Ainsi depuis 2005, seule l'allocation chômage perçue pendant la première année de chômage reste indexée sur le dernier salaire. Après douze mois, on ne perçoit plus que l'allocation dite "Hartz 4" (850 euros pour une personne seule, aide au logement compris). La nouvelle loi a de plus introduit une subtilité de taille: ne peut toucher cette allocation que celui qui dispose de moins de 9750 euros d'économies. Au-delà de cette somme, il faut vivre sur ses avoirs personnels aussi longtemps que possible.

Ces réformes ont aussi entraîné une explosion des emplois précaires, du temps partiel et de l'intérim. Sans compter qu'il n'existe pas de salaire minimum en Allemagne.

Alors Miracle ou mirage économique chez nos voisins teutons?

C'est pour le moment une illusion qui fonctionne grâce à la situation particulière de l'Allemagne. Cette solution est uniquement envisageable dans le cadre de la démographie négative que connait l'allemagne.
La situation devrait revenir à la normale d'ici 5 à 10 ans et le chômage quasiment disparaître pour cette raison.
Cependant le corollaire est le vieillissement rapide de la population, le non renouvellement des générations (sauf recours massif à l'immigration) entrainera un monstrueux déséquilibre des régimes de retraite ce qui demandera une augmentation des charges sociales, et à moyen terme, un renchérissement du coût du travail, qui est déjà, soit dit en passant, supérieur à la France pour toute la branche dépendant de IG Metal, le très puissant syndicat du secteur métallurgique (incluant tout ce qui touche à l'automobile).
La compétitivité de ce pays devrait en prendre un gros coup avant 20/30 ans.

Je suis d'accord avec ce qui a été dit plus haut.

L'allemagne s'appuie sur des assemblages de PME qui sont notamment spécialisés dans les exportations industrielles. Ce qui fait que jusqu'à récemment, ce pays était le premier exportateur MONDIAL, avec 80 millions d'habitant seulement. Le savoir-faire allemand n'est pas échangeable. Les gens peuvent donc (doivent donc) payer cher pour, peu importe le prix.


L'Euro fort (conséquence du dollar faible, puisque les américains pour augmenter leur compétitivité ont fait baisser leur monnaie artificiellement en injectant des dollars massivement) aide donc l'allemagne, car elle continue à vendre 100 € des produits. Là où en l'an 2000, avec 100€ (l'euro n'existait pas mais il y avait déjà des parités fixes) on avait 80$, aujourd'hui avec 100€ on a 140$. Pour l'allemagne, peu importe la monnaie, elle vendra car on a besoin de ses produits que nul autre ne sait faire. En France, on a besoin d'un euro faible. La preuve, en 2000, lorsque l'euro était au plus faible, (0,8), la croissance en France était bien plus forte que l'allemande. Et grosso modo, la france a une croissance au dessus de l'allemande tant que l'euro est faible, le contraire dans l'autre sens. A l'heure actuelle avec la crise et la dévalorisation du dollar, l'euro est très haut. Un point pour l'allemagne.

Il faut ajouter à ça des blocages de salaires, une explosion de la pauvreté, de la précarisation des contrats et des situations, un vieillissement de la population et la reconstruction de la RDA.
En réalité, jusqu'à récemment il y a plus de pauvreté en allemagne qu'en Grèce. Bien sûr il y a du travail, puisque les salaires sont très bas.
En RDA, la construction d'infrastructures a permis de faire baisser le chômage (mais pas pour les allemands de l'est...) durablement. Un peu comme après une catastrophe naturelle, reconstruire un pays ça génère de la croissance.

Cependant, tout ceci a des limites.

- L'allemagne ne pourra pas SEULE imposer son modèle à toute l'europe. En effet le modèle "je ne paye personne, nous on produit, les autres consomment" ne marche que si peu de pays le font. Sinon, si tout le monde produit, mais personne ne consomme, cela ne mènera à rien. Forcer l'europe à la rigueur entraînera une chute spectaculaire de la consommation, et donc une crise en allemagne. Enfin, politiquement, cela va faire haïr l'allemagne, perçue comme arrogante (il suffit de voir le discours allemand face à la grèce, l'italie, l'espagne, le portugal l'irlande la france ou autres...)
- La démographie allemande est un vrai problème. La place de la femme (très rétrograde) fait que beaucoup de femmes sont obligés de choisir entre travail et famille. Or, et NOTAMMENT en RDA, les femmes ont grandi sous le communisme. Et le communisme avait un régime de faveur pour les femmes. Droit à l'avortement libre et gratuit (ce qui n'est pas le cas en allemagne), crèches y compris sur le lieu de travail, égalité des salaires hommes femmes, parité imposée, etc. Du coup, nombres de ces femmes ont préféré abandonner la famille plutôt que le travail, car elles ont pris goût à ça. Résultat, le taux de fécondité de l'ex RDA est tombé à 0,8 (le renouvellement générationnel = 2,1, la France 2, l'allemagne aujourd'hui est à 1,4 je crois ou 1,5). Dans un très court terme, on va voir une explosion des retraites très précaires, ou alors des comptes sociaux des caisses de retraites.
- L'appel à une immigration massive peut fonctionner, mais pose ses propres problèmes : D'une part l'allemand est une langue peu enseignée dans le monde, avec un capital sympathie relativement faible (l'allemand ça ne fait rêver personne ou pas grand monde. Demandez dans la rue à quoi ils pensent quand on dit "allemand" ou "allemagne" ils ne vont probablement pas répondre Mozart, Nietzsche Wagner ou Beethoven mais bien plutôt nazi ou autre). Bien sûr on apprend aussi une langue pour son utilité, mais le côté psychologique est important.
L'autre problème de l'immigration massive est l'apparition de confrontation culturelle et cultuelle. En effet, l'allemagne est un modèle bien plus homogène culturellement que la France. Il y a déjà 2 millions de turc en allemagne, et il y a déjà des frictions. Pour maintenir sa population il faudrait ajouter plus de 100 000 immigrés aux 200 000 déjà actuels. Soit presque le double de l'immigration française, ne serait ce que pour stabiliser (perte de 9 millions d'habitant d'ici à 50 ans soit 10% de la population) la population. Et avec ça, il y aurait 40% de personne de plus de 60 ans en 2050.

Je vous conseille de lire http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mog ... 7Allemagne qui est très bien fait.


Bref, du coup, le modèle allemand, de mon point de vue est conjoncturellement le meilleur dans l'union européenne et la crise actuelle. Mais sur le long terme, un modèle aussi peu diversifié et spécialisé a ses risques. Et d'ici 5 à 10 ans lorsque la conjoncture aura changé, il faudra changer de cap, ou en subir les conséquences.

A peu près d'accord avec toutes ces réflexions.

A ceci près que vous avez oublié un truc assez important :

L'Allemagne ne produit plus ! Elle assemble !

Elle a sous-traité la production aux ex Pays de l'Est depuis leur intégration dans l'Europe (son fameux et tristement célèbre "Hinterland" qu'elle avait perdu). Résultat : production à bas coûts, assemblage à la maison et tarification du "savoir-faire" allemand.

Ce système ne peut fonctionner qu'un temps : lorsque les ouvriers polonais, tchèques, roumains et compagnie voudront leur part du gâteau, que feront les entreprises allemandes : fabriquer en Chine ? Là, il sera quasi impossible de rapatrier les pièces détachées et de les monter en Germany sans hausse substentielle des coûts et perte de compétitivité.

Bref, seuls les politiciens incompétents et buses en économie peuvent vanter le "modèle allemand". Mais il est vrai qu'on en a eu notre dose ces derniers temps... Du genre je parle de l'entreprise, mais je n'y ai jamais foutu les pieds puisque j'ai fait toute ma carrière à l'Assemblée.

Pour étayer un peu ce qui est dit précédemment, voilà un article intéressant sur la réalité du "miracle" économique allemand : l"allemagne, un pays où les pauvres meurent de plus en plus jeunes

Au moment où les USA semblent réaliser que le "chacun pour soi et Dieu pour tous" est compliqué et, peut être, intenable, la vieille Europe y voit quelques vertus ! No comment ...