La Couronne de Cuivre

En provenance du Calimshan.

Quête: racines

Chap 1 : Voyage... (suite)

La lumière du soleil, éblouissante, blessa leurs yeux, tandis qu'ils découvraient un paysage aussi désolé que celui du désert de Calim, mais nettement moins chaud. Ils se trouvaient tout près du grand désert de l'Anauroch, contrée inhospitalière s'il en est avec des été brûlants et des hivers glacials, mais ce dernier touchait à sa fin.
-J e préfère ne pas m'attarder, je me sens encore un peu faible. Je vous souhaite bonne chance dans votre périple...

Le rôdeur remercia chaleureusement Nilrem pour tous ses services et son accueil. Mais finalement, il n’était pas mécontent de se retrouver en tête à tête avec son demi-frère pour les heures à venir. Quant à l’environnement, il lui était plutôt familier pour avoir passé deux ans dans ce désert, bien que ce ne fût en rien une période joyeuse de son existence de jeune homme. Après que le mage eut disparu, il se tourna vers Tilmandil pour engager la conversation sur un sujet anodin :

- T’ai-je déjà raconté que j’ai passé un certain temps dans ce désert ?

- Non, je ne savais pas... Enfin, Père m'avait dit que tu avais passé du temps dans un désert à la recherche de ceux qui avaient... qui avaient tué ta mère. Je ne savais pas que c'était ici.... Je suis désolé de te rappeler de mauvais souvenirs.
Le jeune barde avait saisi son sac et le chargeait sur ses épaules. Il fut clair aux yeux de Kasumi que ce geste ne lui était pas très habituel.

Everaska se trouvait normalement vers l'ouest, au creux des montagnes qui leur barraient l'horizon. A quelques dizaines de mètres d'eux se trouvait un chemin, nettement marqué au milieu du désert de roches, qui semblait s'y diriger. Il était assez large pour laisser passer un chariot, sans doute servait-il à des caravaniers nomades venus vendre leur marchandise dans la cité elfe. Mais pour l'heure, ils n'y apercevaient personne.

Le demi-elfe répondit par un geste rassurant et un ton apaisé :

- Non non, c’est de l’histoire ancienne : j’ai fait mon deuil. Ceux qui étaient à l’origine de l’attaque ont payé pour leurs crimes et si près d’Everaska, nous aurons peu de chance de croiser des asabis. Et puis c’est moi qui ai abordé le sujet, ne t’en fais pas. Le désert est une contrée hostile et rude d’apparence mais il cache certaines beautés pour ceux qui y survivent et savent où chercher. Mais je ne t’apprends rien : Calimshan a les siennes aussi : j’ai bien vu que cette jeune servante, Deborah t’avait plu. Peut-être un peu trop à mon goût bien que ça ne me regarde en rien bien entendu.

L'elfe leva les bras dans un geste théâtral.
- Ah, Deborah, Deborah... C'est tout un poème ! Elle a un corps magnifique, des yeux envoûtants, des mains douces et expertes... Hmm... Une nuit avec cette fille c'est un délice, une expérience inoubliable ! Mais je gage que Nahlia était tout aussi habile à éveiller tes sens, ajouta-t-il avec un clin d’œil taquin. Ce n'est pas la première nuit que je passe là-bas, et je n'ai jamais été déçu !
Son regard se fit rêveur comme il se replongeait dans ses récents souvenirs.

Le teint de Kasumi vira au rouge, non d’embarras mais davantage de colère. Son approche diplomate ayant lamentablement échouée, il répliqua d’un ton bien plus direct, accusateur :

- J’aurais dû m’en douter bien que j’espérais un comportement un peu plus responsable. As-tu pensé à ce que ressentirait Ombeline si elle savait que tu t’amusais avec la première fille venue alors que tu l’as laissée en arrière et enceinte ? De mon côté, il ne s’est absolument rien passé avec Nahlia : j’ai bien trop de respect pour Astrée pour la tromper au premier carrefour ! Non, franchement, tu me déçois.

Le regard de Tilmandil ne reflétait que surprise et incompréhension.
- Ombeline ? Mais que vient-elle faire là-dedans ? Elle est à Luménis, moi ici, je ne vais pas refuser de passer quelques moments agréables... Je ne sais pas moi, c'est comme si tu me demandais de refuser un festin sous prétexte qu'elle ne peut en profiter.
Il secoua la tête, parut réfléchir.
- Je crois que tu ne peux pas comprendre... c'est une question de durée de vie. Ombeline ce n'est qu'un tout petit épisode de ma vie, je l'apprécie, elle est très belle, mais cela ne durera qu'un temps très court à l'échelle de ma vie. J'ai connu d'autres filles avant, il y en aura d'autres après, et pendant la courte durée où elle fera partie de ma vie je ne vois pas pourquoi je devrais me priver des occasions de tendresse qui se présenteront. Elle n'a pas l'exclusivité de mon amour, de mon coeur, et je ne pense pas avoir l'exclusivité du sien : elle connaîtra d'autres hommes elle aussi, du moins je l'espère pour elle !
Se souvenant d'un petit "détail", il ajouta.
- Certes, il n'était pas prévu qu'elle se retrouve enceinte... Elle m'a un peu piégé, là, j'avoue... Mais je te rassure, je ne suis pas complètement irresponsable : je ferai en sorte que ce gosse ne manque de rien.

Effectivement, leurs points de vue différaient du tout au tout quant à ce sujet. Et Kasumi n’avait pas envie d’approfondir cette conversation : Tilmandil serait bien en peine d’éprouver le moindre remords étant donné qu’il ne voyait même pas le mal dans cette situation. Le rôdeur se contenta de répondre d’un ton sec avant de se mettre en marche d’un pas rapide et décidé :

- Espérons simplement que d’autres ne te « piégeront » pas. Tu as effectivement raison : je ne peux pas comprendre. Mais nous n’avons déjà que trop tarder alors mettons nous en route.

Le barde parut un instant désarçonné par le ton sec de Kasumi. Il accéléra l'allure pour rattraper le rôdeur, et semblait bien décidé à ne pas clore le sujet aussi vite. Kasumi vit bien que malgré ses airs bravache, sa remarque l'avait piqué au vif.
- Tu crois quoi ? Que parce que tu es mon demi-frère tu dois m'apprendre à bien me conduire ? Tu n'es pas mon père. D'ailleurs je n'ai jamais eu de père, ou presque, ajouta-t-il d'un ton amer. Et c'est en partie à cause de ta mère et toi, si tu veux tout savoir. Et comme tu vois, je ne m'en porte pas plus mal, asséna-t-il d'un air de défi.

Le rôdeur ne fit pas mine de ralentir l’allure mais répliqua d’un ton ferme à la déclaration fracassante de son demi-frère, bien décidé à ne pas céder de terrain :

- Ce n’est pas parce que père passait quelques semaines par an en notre compagnie que tu dois nous en faire le reproche à ma mère et à moi. Et non, je n’ai effectivement aucun conseil à te donner quant à la façon de se comporter. Mais les dieux en soient remerciés, ce n’est pas moi qui est un enfant en route et qui devrait bientôt faire en sorte d’être présent pour lui !

Tilmandil ne voulut pas en démordre.
- Toi, au moins, tu le voyais quelques semaines par an. Moi j'ai grandi sans le connaître... Ma mère m'a expliqué, très longtemps après, qu'il trouvait toujours un prétexte pour ne pas revenir. Son boulot, ses missions. Plus tard ta mère et toi. Moi je ne comptais pas. Il ne me voulait pas...

Il se tut un instant, puis repris plus bas, d'une voix altérée.
- Et ce gosse, et bien je ne l'ai pas voulu. C'est un accident. Je me suis laissé séduire... elle était belle et avait désespérément besoin de fuir les exigences oppressantes de sa famille. J'ai été un bon prétexte. Enfin, non, pas juste un prétexte, elle m'aimait sincèrement je pense. Mais pour moi... ce ne devait être qu'une aventure de passage... Bon, j'ai de l'affection pour elle, c'est vrai, et elle est si fragile... Je voulais bien l'aider à quitter ses parents, à devenir barde comme elle le voulait, bref à démarrer une vie indépendante. Mais pas ça... Et je suis coincé maintenant. Elle ne peut pas venir vivre avec moi ici, jamais ils ne l'accepteront. Et moi, ma vie est ici... et même sans ça... je ne veux pas m'attacher trop à quelque chose qui ne sera qu'éphémère.
Il n'y avait plus de colère ou de rancoeur dans son ton. Il exposait juste des faits, tentant d'analyser la situation avec son regard de jeune elfe encore immature. Il était difficile de savoir ce qui dominait en lui : une bouderie égoïste ou l'angoisse devant une situation qui le dépassait.

La détresse de l’elfe paraissait sincère cette fois aussi Kasumi adoucit-il le ton de sa voix, toute colère passagère envolée :

- Excuse-moi : je me suis montré un peu trop véhément. Je crois que tu as commis une erreur. Mais, du peu que j’ai vu jusqu’ici, je crois aussi que tu es assez honorable pour ne pas reproduire le comportement inexcusable de notre père. Et puis, la vie nous réserve parfois des surprises et elles ne s’avèrent pas toujours aussi mauvaises que cela. Il faudra que tu en parles à Ombeline. Et ensemble vous trouverez une solution, j’en suis certain. Allez, reprenons notre route. Je te raconterai comme une série de mauvaises surprises ont fait de moi ce que je suis aujourd’hui. En tous cas si ça t’intéresse. Nous avons juste assez de temps a priori.

- Vas-y, raconte, ca m'intéresse, répondit Tilmandil. Pour une fois que ce n'est pas à moi de raconter des histoires... je veux bien jouer les spectateurs passionnés tenus en haleine, si tu veux !
Et surtout, cela lui éviterait de poursuivre sur un terrain un peu délicat...

Le sentier se faisait plus étroit et plus rocailleux au fur et à mesure qu'ils progressaient. Et il paraissait absolument désert. Du moins sur le premier quart de lieue. ils entendirent ensuite les bruits sourds de pas sur la roche. probablement un groupe assez important, qui venait d'en face et qui ne devrait pas tarder à apparaître au détour du prochain virage.

Kasumi en était à évoquer l’occupation de la capitale luménienne par le tyran Morfea Nwalk qui l’avait amené à s’engager aux côtés des forces manostiennes dépêchées pour soutenir l’insurrection des civils quand son récit fut interrompu par les bruits d’une rencontre prochaine. Il s’interrompit pour vérifier, par réflexe, que son épée glissait convenablement hors de son fourreau.

- Une patrouille, peut être ?

- Peut-être, répondit Tilmandil. Je ne viens jamais de ce côté-là, mais j'imagine qu'ils font des patrouilles régulières...
Ce qui était certain, d'après le bruit des pas, c'est que les personnes venant en face étaient plusieurs. Plus de deux en tout cas. Pour le reste, ils n'allaient pas tarder à être fixé.
Le sentier grimpait doucement à flanc de montagne, et la pente à gauche comme a droite était assez raide. Kasumi nota mentalement, dans un réflexe de combattant aguerri, qu'ils ne pourraient pas se cacher : la végétation était quasiment absente.
A peine s'était-il fait cette réflexion que parut ce qu'il craignait par-dessus tout de rencontrer. Un asabit. Puis un deuxième. Sans doute y en avait-il d'autres qui suivaient. Ils étaient tous deux armés. Mais bien qu'étant en nombre plus important, ils parurent hésiter en apercevant les deux voyageurs. Ils se concertèrent du regard, mais ne brandirent aucune arme. Ils se contentèrent de continuer à avancer, lentement.

Kasumi se hérissa en se rendant compte à qui ils avaient affaire. Mais s’il n’était pas loin d’avoir envie d’en découdre contre ses ennemis naturels, il n’était pas assez inconséquent pour prendre sur lui d’attaquer en premier, surtout sans provocation.

Néanmoins, le rôdeur était quasiment certain que les deux hommes lézards n’étaient pas seuls. Peut-être une avant-garde pour une troupe plus vaste voire, une escorte de caravanes ou d’un quelconque convoi. Nerveux, le rôdeur ne quitta des yeux les deux créatures humanoïdes que pour jeter un regard en avant pour surprendre un éventuel archer mais ne fit pas un geste en direction de ses épées. Il aurait toujours le temps de les dégainer en un éclair au besoin, choisissant déjà sa cible potentielle.

Derrière les deux hommes-lézard en apparurent deux autres, marchant l'un derrière l'autre en portant une sorte de palanquin entre eux. Ou peut-être était-ce un brancard ? A l'intérieur se trouvait une silhouette reptilienne à demi allongée.
Un dernier asabi fermait la marche. Aucun d'entre eux ne paraissait animé d'intention belliqueuse. L'un d'eux les interpella même.
- N'ayez crainte, voyageurs, nous n'avons pas d'intentions hostiles... Avez-vous croisé un convoi sur cette route ? Ils doivent avoir une bonne demi-lieue d'avance sur nous, peut-être davantage...

Contre cinq Asabis, ils auraient eu leur chance. Mais pas sans risque. Et puis ces créatures ne s’étaient pas montrées belliqueuses et rien ne laissait à penser qu’elles avaient de mauvaises intentions. Kasumi se contenta donc de s’écarter, tout en gardant toute la petite troupe dans son champ de vision et en répliquant, peut-être un peu sèchement :

- Nous non plus. Et nous n’avons pas vu de convoi des vôtres, non. Mais cela ne veut pas dire grand-chose : nous venons à peine de sortir du néant.

Qu’ils imaginent donc ce qu’ils veulent à partir de là et qu’ils aillent aux diable vauvert, ces lézards sur patte !

Les hommes-lézards s'entre-regardèrent et ne répondirent pas. Ils prenaient toute la largeur de la voie et semblaient peu désireux de se pousser pour laisser passer les deux voyageurs. Tilmandil, du reste, se rangea tout naturellement sur le bas-côté et entraîna son demi-frère, toujours sur ses gardes, avec lui.
Tandis que le convoi les croisait, ils purent voir, à l'intérieur de la litière, une femme asabi, qui portait une attelle à la jambe et semblait souffrir terriblement à chaque petite secousse que ses porteurs lui infligeaient. Elle ne portait aucune armure, et ses habits étaient dans un tissu étonnamment fin pour une race aussi primitive.

Kasumi avait suivi son frère sans pour autant perdre un seul détail du convoi qui les forçait à quitter ainsi la route. S’il s’était agi de toute autre race que ces maudits assassins reptiliens, il aurait offert son aide à leur blessée. Il en aurait aussi profité pour s’enquérir des éventuelles difficultés auxquelles ils pourraient être confrontés plus loin sur la route et peut-être à l’origine de la blessure dont souffrait la femelle asabi. Mais il ne voulait pas souiller sa magie guérisseuse ou même se fatiguer à écouter les mensonges de ces monstres. Il les laissa donc passer et ne baisserait un peu sa garde que lorsqu’ils auraient regagné leur maudit désert.

Les hommes-lézard ne paraissaient pas plus que lui désireux de converser, et ne tardèrent pas à s'éloigner, sans un regard en arrière.
Les deux voyageurs purent reprendre leur route. Le sentier montait régulièrement, en pente assez douce : il devait être conçu pour que des convois de marchandises puissent y circuler, et le trajet ne présentait guère de difficulté. Mais petit à petit il s'élevait en altitude, et la pente au-dessous d'eux devenait plus escarpée. Plus loin, ils devinaient que le désert cédait peu à peu le pas à des arbustes, des taillis.
- Tu semble te méfier énormément des asabi, fit remarquer Tilmandil. Ta main n'a pas quitté la garde de ta poignée...

Kasumi avait accueilli avec soulagement la pente qui les amenait plus loin du désert et surtout la végétation qui était susceptible de leur prodiguer quelque camouflage en cas de nouvelle rencontre indésirable. Il ne s’était rendu compte qu’en se détendant qu’il avait été prêt de dégainer ses armes en présence des asabis malgré ses bonnes résolutions. Quand les réflexions de son demi-frère firent écho à ses pensées, il ne chercha pas à lui cacher son aversion pour les hommes-lézards :

- Parce que j’ai passé la plus grande partie de ma vie de jeune homme à en combattre les bandes de maraudeurs et de pillards, ou même à les traquer au fond de leur tanière. Ils sont forts et rapides, un peu moins avec une dose appropriée d’acier dans leur cœur froid mais on n'est jamais assez prudent en présence de cette engeance imprévisible.

- Des adversaires redoutables, apparemment... D'ailleurs cela se voit rien qu'en les regardant !
Tilmandil sourit.
- Je ne suis pas un combattant... Je préfère les contes, les légendes, les chants, la magie, ou même la politique. D'ailleurs je n'aime pas vraiment les longues marches en forêt ni en montagne, comme auj...
Une pierre traîtresse sous son talon faillit lui faire perdre l'équilibre. Un caillou se mit à rouler le long de la pente raide, en entraînant un autre, puis un autre, et ce fut comme une minuscule avalanche de pierres qui se déversa au-dessous d'eux. Un rugissement se fit alors entendre : apparemment, il y avait un animal juste en-dessous d'eux...Peut-être un lion...

Kasumi avait un instant craint que son demi-frère se soit blessé. Cela les aurait mis en fâcheuse posture, si loin encore de la cité. Il fut donc soulagé de constater qu’il n’en était rien. Mais sa quiétude fut de courte durée : visiblement la petite avalanche avait dérangé quelque créature qui pourrait bien se mettre en tête de leur vouloir, voire de juger qu’un bon repas à trois quart elfique ferait un lot de consolation acceptable. Il se plaça donc devant Tilmandil, épée dégainée, prêt à faire face à toute attaque même si son premier mouvement serait de tenter d’amadouer la créature, si c’en était bien une.

Un crissement de pattes griffues sur le sol rocailleux, un feulement, un corps qui bondissait : le lion était là, juste au-dessous d'eux, à quelques bonds seulement du sentier.
Kasumi devina sans le voir, concentré sur les mouvements de la bête, que Tilmandil était paralysé par la terreur.
Il faut dire que la bête était imposante : deux fois plus lourde que lui, des crocs impressionnants, des mouvements fluides et rapides. Et une colère visible d'avoir été ainsi dérangé. La vue de l'épée, cependant, le rendit un peu plus circonspect, et il ne fusa pas droit sur eux, amorçant peut-être une manoeuvre de contournement.

Le rôdeur avait déjà eu sur sa route des félins, pas tous aussi fiers que pouvait l’être un lion car il en s’agissait bien d’un. Il savait donc qu’il ne fallait surtout pas feindre la soumission et reculer comme face à un ours mais chercher à s’imposer dans une lutte de volonté tout en affichant clairement ses forces, un peu comme avec un loup. Sans relâcher sa vigilance, le demi-elfe fixa les yeux dorés de l’animal sans cligner ou détourner la tête : le moindre mouvement de fuite donnerait le signal au félin d’attaquer. Ayant fixé son regard, il se mit à parler tout bas, des mots aux sonorités apaisantes puis éleva progressivement la voix, se faisant plus impérieux. Sentant le moment venu, il fit un pas en avant, lent et discret mais qui le mettait en position de dominant face au lion. Au travers de son regard et de ses mots, il tentait de suggérer à l’animal de retourner tranquillement profiter d’un rocher au soleil pour y chauffer sa peau. Il ne les trouverait pas ici, pas sur le chemin emprunté par les créatures à deux pattes.

Le lion parut quelque peu surpris par ce bipède qui ne semblait pas avoir peur de lui, ne bougeait pas d'un pouce, et qui en plus émettait d'étranges sons avec sa bouche. Surpris. Mais guère apaisé.
Le rôdeur devina qu'il avait mal. Une douleur à l'épaule. Sans doute avait-il reçu quelques-unes des pierres que Tilmandil avait fait tomber. Et la douleur le rendait hargneux. Et même très en colère. Il se ramassa sur lui-même, prêt à bondir, mais ses yeux ne quittaient pas l'épée. Il semblait en avoir peur. Peut-être avait-il déjà eu affaire à des hommes.
Le barde, quant à lui, semblait n'avoir qu'une envie, s'enfuir en courant. Kasumi devina, plus qu'il ne vit, qu'il reculait d'un pas, puis d'un autre. Prêt à tourner les talons.

Sans quitter l’animal des yeux, Kasumi interpela son frère pour éviter que sa tentative de se mettre à l’abri ne suscite une réaction de prédation de la part du lion.

- Ne bouge plus Tilmy ! Il ne t’attaquera pas : je sais ce qui le dérange. Je vais tenter d’arranger ça.

Puis, en tentant de projeter des images de soulagement au félin, il s’approcha encore d’un pas, baissant légèrement son épée.

- Du calme. Je peux t’aider. Je veux juste t’aider.

Le rôdeur espérait s’approcher suffisamment pour lancer un sort de soins sur l’animal, espérant ainsi le soulager de sa blessure. Et peut-être le convaincre de s’en retourner. Mais il se sentait maladroit au souvenir d’avec quelle facilité Astrée savait aborder ce genre de situation.

L'animal gronda sourdement. Kasumi sentait sa colère, sa rage. Mais aussi sa peur. Il ne quittait pas l'épée des yeux.
Puis, sans crier gare, il bondit. Mais pas directement sur le rôdeur, dont il craignait l'épée. Il bondit de côté, dans l'intention sans doute d'éviter l'épée en attaquant Kasumi sur son profil, mais le demi-elfe, trop rapide, lui fit à nouveau face.

Il se ramassa encore davantage sur lui-même, grondant plus fortement comme Kasumi s'approchait lentement. Le rôdeur put lancer son sort de soin, mais il sentit immédiatement que cela ne suffirait pas, qu'il ne procurerait qu'un peu d'apaisement. Au même moment, profitant de l'instant où il était concentré sur son sort, le félin bondit. Mais il le contourna pour s'en prendre à Tilmandil, dont il devait sentir la peur. Le barde n'eut que le temps de se jeter en arrière, la mâchoire se refermant sur son bras.

HRP : M.. Mais, t’es horrible !

Surpris par la réaction de l’animal qu’il était pourtant persuadé de parvenir à amadouer, Kasumi ne sut réagir assez vivement pour empêcher la catastrophe. Sentant un instant de culpabilité à l’idée de devoir abattre le lion qu’il avait espéré aider, ces considérations fondirent comme neige au soleil de l’Anauroch en voyant son demi-frère se faire grièvement blesser en frôlant de peu la mort. C’était de sa faute : s’il lui avait permis de se mettre en retrait, jamais ils n’en seraient arrivés là et il aurait pu sauver les deux. Mais il était trop tard à présent, il fallait réagir sans hésiter : il plaça une attaque puissante et guidée par l’urgence puis chercha à s’interposer entre le lion et sa proie.

La Couronne de Cuivre

[Everaska] Quête: Racines